Case 23 : — Génoise-en-Givray —
— Toc-toc !
Alistair ouvrit une demi-paupière, grogna, se retourna sur le ventre et posa son oreiller sur sa tête. Par la fenêtre, l’aube était encore un rêve et il n’était pas dans ses projets d’échapper à l’étreinte de son édredon.
Le tapotement se fit plus insistant et il s’efforça de l’ignorer jusqu’à ce que Abigaïl, installée sur la couchette du haut, lui jette son polochon dessus.
Elle chuchota d’un air féroce :
— C’est pour toi, alors bouge ! Avant que ton pote beau gosse réveille les triplettes !
— Hein ?
Alistair cligna deux fois des yeux, se redressa et écarta d’un doigt les petits rideaux de velours cramoisi qui masquaient la fenêtre.
Holly patientait devant la vitre, engoncé dans un manteau de fourrure touffu, le nez et les joues rougies, vaguement éclairé par la lumière dorée des lampadaires qui transformaient ses boucles rousses en braises.
Cette fois, Alistair sauta du lit et se changea rapidement. Avant de sortir, il borda Momo et Emira qui s’étaient endormies ensemble dans le même lit et recoucha Jaspe qui ronflait en faisant des bulles, les jambes sur le parquet, les fesses dans le vide.
Il avait beau y être préparé, le froid réussit à le cueillir par surprise et il eut immédiatement une désagréable envie de faire pipi. Avant de dire bonjour, Holly lui tendit un manteau assez semblable au sien.
Alistair l’enfila. La veste était beaucoup trop grande et sentait l’odeur de Holly. Une odeur de garçon et d’écorce d’orange amère.
Son compagnon le détailla, contrarié :
— Désolé pour le nouveau manteau. Celui-là est trop petit pour moi, je croyais qu’il t’irait.
— Navré d’être un nain, je vais faire avec, répondit Alistair, un brin vexé. C’est déjà très sympa d’avoir pensé à moi.
En agitant ses manches, trop longues, il avait l’air d’un pingouin.
— Pas trop dur de te lever ?
— Un peu.
Holly décrocha une lanterne de sa taille et dessina un glyphe sur le métal à l’aide d’un charbon ; à l’intérieur, la mèche de la bougie s’alluma. Puis il se retourna et fit de grands signes de bras en direction des habitations.
Au loin, Alistair vit une fenêtre s’éteindre. Les parents de Holly avaient surveillé leur fils jusqu’à ce qu’il l’ait rejoint.
Cela faisait douze jours depuis l’attaque du vampire. Douze jours que l’enquête retombait comme un soufflé aux morilles et aux noix… alors on s’adaptait : Robin avait deux rouges-gorges sur la tête et on sortait toujours sous bonne garde, voilà.
Le troisième jour après l’agression, Holly avait toqué pour la première fois à la fenêtre du corbillard-boucherie des De Globine. Il avait besoin de quelqu’un de disponible pour aller faire le tour des pièges posés dans la forêt, avant que ce ne soit l’heure de rejoindre Mémé pour un cours ou une partie de jeu de rôle.
Alistair ignorait pourquoi Holly lui avait demandé à lui. Il ne parvenait pas non plus à s’expliquer pourquoi il lui avait dit oui. Il aurait fallu faire appel à la clairvoyance de sa mère, pour savoir qu’il était secrètement flatté d’avoir la faveur d’un garçon aussi populaire et que le fait d’avoir surmonté les réticences de celui-ci lui faisait beaucoup trop plaisir. Il avait un nouveau copain : Alistair était content.
Avant l’aurore, son compagnon était moins causant. Cela lui convenait. Ils s’enfoncèrent ensemble dans la sapinaie, tandis que la lueur tremblotante de la lanterne faisant briller les flocons silencieux et attiraient les sphinx des neiges. Un arc et un carquois étaient accrochés sur les épaules larges de Holly. Alistair ne l’avait jamais vu s’en servir, mais c’était toujours utile, au cas où ils auraient rencontré un membre dissident du SGLOURF, le syndicat du gibier libre opposé à l’union des rageux fermiers, qui officiellement avait été dissous il y a des années… mais on était jamais trop prudent.
— Oh jolie prise, regarde là-haut !
Ils levèrent les yeux. Suspendu dans un filet pendu à un sapin, un gros jambon sec attendait patiemment d’être cueilli.
Les règles de la chasse étaient impitoyables. Tout animal tombant dans un piège n’avait d’autre possibilité que de pondre quelque chose à son geôlier pour que les filets enchantés acceptent de lui rendre sa liberté.
— Est-ce que ça n’est pas… une trop belle prise, justement ? Son propriétaire a dû y laisser quelques kilos, sans parler de l’épreuve de la… ponte.
Holly fit une moue indifférente.
— C’est comme ça, ils n’ont pas le choix de ce qu’ils abandonnent, mais avec une telle prise, il y a moins de risque de représailles. L’ancien possesseur doit avoir besoin de récupérer.
Alistair ne répondit pas, mais son visage montrait une certaine désapprobation que Holly finit par remarquer.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Et bien… ça ne me paraît pas vraiment élégant comme façon de faire…
— Est-ce que ce n’est pas la même chose que vous faites avec votre cochon ?
Alistair eut l’air offensé :
— Chutney est notre associé. Il récupère un pourcentage de nos gains. On ne le piège pas dans les arbres en le forçant à nous pondre un jambon en échange de sa liberté. C’est normal que les animaux de la forêt aient fondé un syndicat, non ?
Holly resta silencieux, de sorte qu’Alistair crût l’avoir vexé — ce qui le paniqua plus qu’il ne voulait de l’avouer. Son compagnon décrocha son buttin du filet pour le nouer à sa ceinture.
En vérité, il n’avait jamais considéré la chasse comme une mauvaise chose, peut-être parce qu’il gardait un creux ancien au fond du ventre, vestige d’un passé dont il ne se souvenait plus. Il raconta :
— À l’époque où mes parents étaient jeunes, on avait souvent faim sur la Case 23. Alors, quand on ne sait pas si on peut nourrir ses enfants et si des ainés ne vont pas devoir partir se sacrifier dans les montagnes, ça n’a pas vraiment d’importance de menacer un sanglier pour qu’il vous ponde un rôti.
— Mais ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, je me trompe ?
— Il faut du temps pour remettre les traditions en question. Ça ne fait que quatorze ans qu’on peut se reposer sur nos lauriers. Les choses changeront peut-être. Je vais y réfléchir.
— Qu’est-ce qui s’est passé, il y a quatorze ans ?
Holly lui fit signe de continuer la marche. Ses cils étaient bordés de dentelle blanche et ses lèvres étaient bleues, ce qui accentuait sa rousseur. Quelques pas plus loin, ils trouvèrent une paire de moufles doublée de lapin dans un nouveau piège.
— Tiens, prends-les. Tu nageras moins dedans que dans mes vieux gants. Pour répondre à ta question, c’est arrivé quand j’avais à peu près trois ans. Un jour, Mémé a débarqué au village en tenant par la main un enfant pas plus grand que moi.
— Robin, je suppose.
Holly acquiesça.
— La magie de Mémé a définitivement éloigné les ventres qui gargouillent. Beau temps ou mauvais temps, depuis, les légumes poussent dans nos jardins. C’est le prix qu’elle paye au village depuis leur venue, pour avoir la permission de rester.
Alistair demeura silencieux pendant une poignée de secondes avant de demander :
— Qu’est-il arrivé à ses parents ?
Son compagnon devina qu’il ne parlait pas des parents de Mnémosyne.
— C’est une question que tu devrais lui poser directement.
— Tu crois que Robin me répondrait ?
Holly grimaça.
— Sans doute pas.
— Je n’ai pas envie de toucher à quelque chose qui fait mal.
— Haha, t’as surtout pas envie qu’elle t’envoie chier.
Continuant leur marche, ils arrivèrent près du lac. Il ne neigeait plus et la surface blanche faisait comme un immense fantôme blotti contre la nuit. Ils longèrent le bord jusqu’à parvenir à un endroit où la glace avait été brisée. Holly posa sa lanterne sur le sol et s’allongea à proximité du trou ; Alistair l’imita. De concert, ils se mirent à tirer la nasse de l’eau, où les attendaient six beaux poissons panés, sauce gribiche.
— Je vais te dire ce qu’il me semble raisonnable. Ce que tout le monde sait au village.
Il hésita avant de commencer. Les deux garçons étaient un peu trop proches et la buée de leur souffle se mélangeait à chacune de leurs respirations.
— Nous sommes à six sauts de la Case 29.
— L’étang des étoiles solubles ?
— Exactement. Et pour atteindre la Foire, il faudra soit passer par-dessus… soit la traverser.
— Et alors ?
— Alors les parents de Robin sont morts là-bas.
— Oh…
Alistair assimila l’information ; tout le monde savait ce qui était arrivé sur la Case 29, il y a 14 ans.
— Est-ce que pour Robin, ce serait compliqué d’y retourner ?
Holly se redressa et tendit sa main à son compagnon pour l’aider à se remettre sur ses jambes. Ils reprirent le chemin de la forêt.
— Encore le genre de choses que Robin n’avouerait pas à voix haute, pas vrai ?
— Je suppose que tu as raison.
— Ce qui est sûr : depuis qu'elle a débarqué avec Mémé, elle n’a plus jamais mis les pieds hors de la Case 23.
Holly écarta la branche d’un sapin ; les stalagmites qui la couvraient se brisèrent en tintinnabulant. Au loin, on commençait à voir la maison de Mnémosyne.
La cheminée fumait et une bougie brûlait au bord de la fenêtre ; ils allaient arriver pile à l’heure pour le petit déjeuner et la session de jeu de rôle.
*
La grande mer d’œufs embrouillés se rétrécissait entre les falaises sombres pour se glisser dans un mince canyon où le soleil ne passait pas. Ils avaient navigué longtemps, avant de revenir progressivement vers la terre, en épousant le flanc des rochers, là où il leur était impossible de débarquer, mais aussi d’être facilement repérés.
La rate Agougniasse alluma une torche d’un claquement de griffes ; la lumière fit chatoyer la matière brodée de sa cape violette, les fioles à sa taille, ainsi que la hallebarde du Chevalier Mollet.
L’entrée des gorges était sculptée de deux immenses piliers inquiétants et noirâtres qui représentaient des œufs en armure aux regards vides et aux coquilles brisées. D’immondes protubérances de pierre surgissaient de ces orifices, comme d’étranges tentacules abominables. Le message était clair : on ne vous souhaitait pas la bienvenue et immédiatement les trois compères se sentirent mal à l’aise.
Malgré tout, ils ne pouvaient fuir sur un flan pour toujours, et s’ils avaient un doute, il leur suffisait de se souvenir des multiples rencontres désagréables qu’ils avaient faites sur la mer embrouillée avant d’arriver ici et qui leur avaient couté quelques points de vie, de l’amour propre et un slip.
— Quel est cet endroit ? demanda Mollet, les sourcils froncés.
— C’est le tombeau des grands anciens : les Mines du Staphilogoth doré, murmura Mandrin des bois.
La rate remua son nez et ses moustaches :
— Exact, vous en avez déjà entendu parler ?
— C’est un antique passage qui relie le palais royal à la côte. Il permettait de rejoindre la mer plus rapidement et on y extrayait des fossiles d’une valeur inestimable. On l’a condamné il y a des siècles à cause d’une forte invasion de sauces moutarde très féroces.
— On pense que les sauces sont les pires ennemis qu’on peut y croiser, mais on dit que des créatures plus effroyables encore sommeillent dans ces profondeurs, soupira Mandrin.
Il n’avait pas l’air surpris de se trouver ici, contrairement au chevalier Mollet qui frémit de pied en heaume.
— Mais alors… vous comptez revenir au point de départ ? Retourner au château ?
— Et bien… pourquoi pas ? interrogea Mandrin.
Le flan géant s’était engagé entre les deux falaises et bientôt, ils virent apparaitre un mince ponton, noir, vermoulu et couvert de conques.
À cet endroit, les murs étaient gravés de glyphes inquiétants que nul ne savait déchiffrer et la simple vue de leurs caractères hideux avait de quoi donner la nausée. Un unique rayon de lumière, épais comme un pinceau, venait frapper la paroi et fit étinceler une gravure abjecte, ornée d’ailes de chauve-souris et de tentacules et dont le crâne ovale n’aurait pu être qu’un œuf atrocement déformé.
— Non, mais c’est quoi cette caverne ? Il faut vraiment qu’on y aille ?
— Quoi, tu as peur, Alistair ?
— N’importe quoi ?
— Ça suffit vous deux ! On débarque alors ?
— Alistair, tu ne devrais pas faire un petit jet pour Robin, voir si Mollet arrive à descendre du flanc sans tomber dans l’eau ?
— Très drôle, Holly !
Mandrin et la rate sautèrent sur la terre ferme avant d’être rejoints par l’œuf, plus hésitant. Le valet continua :
— Maintenant que nous avons un semblant de sécurité, il serait peut-être temps de nous présenter correctement et de décider ce que nous faisons.
— S’il y a un « nous », répliqua le Chevalier, amer.
Agougniasse croisa ses griffes sur sa poitrine.
— Absolument, cher œuf, mais je pense qu’il est dans notre intérêt de nous aider les uns les autres pour le moment. Je vous rappelle que notre situation est d’une grande précarité.
Mandrin rejeta sa cape derrière son épaule et annonça :
— Dans ce cas, permettez-moi de soutenir ma cause le premier…
C’était un jeune homme souffreteux, avec d'impressionnants cernes et un teint crayeux. Sa tignasse brune, emmêlée, ressemblait à un nid d’oiseaux. Cependant, son pourpoint blanc et rouge impeccable sur lequel étaient brodées les armoiries de la reine de cœur contrastait avec la pauvreté de sa mine.
— Tu veux rôle-player ton personnage, Alistair ?
— Oh j’en serai ravi !
— Un peu moins d’enthousiasme, mon garçon, tu me mets mal à l’aise.
— Je me nomme Mandrin et ayant été recueilli sur cette île depuis mon plus jeune âge, j’ai été pupille de sa majesté avant de devenir ses yeux et ses oreilles.
— Un espion donc ?
— Oui… en quelque que sorte. Sa majesté avait pour moi une grande affection, une grande clémence. Mais il se trouve que depuis quelques mois… sa majesté a changé.
Bien qu’il ne répondit pas, le chevalier Mollet ne pouvait qu’être d’accord. On ne comptait plus les accusations de traitrise et les procès sans jugement à la prison. Le jaune et le blanc coulaient sous la hache du bourreau sans qu’on puisse se rappeler tous leurs propriétaires désormais.
— En effet, j’ai commencé à me méfier de celle qui avait toujours été bonne pour moi. Au point que celle-ci a fini par s’en rendre compte. C’est sans doute pour cette raison que l’on m’a arrêté, sous le motif fallacieux de vol de tartes, que je chipais pourtant depuis des années, ce que tout le monde savait.
Le Chevalier Mollet croisa ses bras devant sa poitrine :
— Et vous attendiez votre sentence dans nos geôles, quand cette rate étrange a débarquée.
— Disons plutôt qu’elle est arrivée un tantinet trop tard…
D’un geste leste, Mandrin des bois saisit sa tête et la souleva au-dessus de son corps, dévoilant son cou décapité et suscitant les cris d’horreur de l’œuf et des palourdes qui tapissaient les rochers.
— Comme vous voyez, cher ami, je ne ferais plus partie de ce monde, si cette chère dame n’avait utilisé ses talents pour me faire subsister un peu plus longtemps sur le Plateau. Mais il me reste à déterminer pourquoi…
La rate Agougnaisse lui répondit d’un regard perçant :
— Je suppose qu’il faut que je joue cartes sur table. Vous vous en êtes rendu compte, je suis nécromancienne. Je suis ici au service de mon roi. Comme l’a dit Mandrin, depuis peu, quelque chose cloche avec votre reine et votre royaume pacifique est en train de retourner sa veste.
— Alors vous êtes là en tant qu’espionne, vous aussi ?
— Pas exactement. Je suis venu récupérer un objet. Un sortilège de protection puissant, qui mettrait ma Case à l’abri dans le cas où la situation tournerait à la crème de vinaigre entre nos deux peuples.
— Mais que me chantez-vous là ? Nous ne sommes en conflit qu’avec les œufs à la coque !
— Qui sont nos alliés naturels depuis longtemps, répliqua Ragougniasse, amère. C’est pour cette raison que j’ai besoin d’un guide dans ce palais. Quoi de mieux qu’un ancien espion rejeté par la couronne ? C’est ainsi que j’ai ressuscité notre jeune ami ici présent.
Digérant les informations, Mollet finit par s’asseoir sur un rocher. Il aurait préféré mourir que d’avouer que la pointe lui chatouillait vicieusement le fondement.
— Et moi, je suis donc un dégât secondaire dans toute cette histoire. Me voilà traitre et renégat. Mayonnaise et quiche à la fois. Que dois-je faire ?
Mandrin mordilla ses ongles :
— Pourquoi ne pas nous accompagner et être témoin des prochains évènements de vos propres yeux ? S’il y a un souci avec votre reine, n’est-ce pas l’occasion de creuser la question et de possiblement y remettre de l’ordre afin de retrouver la confiance de votre peuple ?
Furibond, Mollet rétorqua :
— Ai-je vraiment le choix ? Comment pourrais-je quitter ce passage souterrain seul ? Et si j’y arrivais, ai-je encore un lieu pour rentrer chez moi ? Me voilà bien bloqué !
Il jeta un regard méfiant au canyon qui s’enfonçait dans les entrailles de la Terre. Le boyau étroit lui rejeta au visage une bouffée d’air putride et infecte.
— Il vous reste la possibilité de nous accompagner et de nous tromper en temps et en heure, répondit la rate, d’une voix étrangement douce. Mais je vous préviens que je vous ai à l’œil et que si vous l’envisagez, il ne sera pas aisé de nous trahir si facilement.
— Madame, je suis un œuf de parole !
— Une parole que vous ne nous avez pas encore donné et si cela ne vous dérange pas, il faudra pour cela l’associer à un sort de mon invention.
— Soyez plus clair, répliqua Mollet, offensé.
— Et bien, disons que si vous avez l’outrecuidance de me mentir, il pourrait vous arriver quelques petites choses désagréables. Comme une pousse de cheveux incontrôlable, par exemple.
— Depuis le temps que j’attends ça ! se réjouit le chevalier qui avait une belle tonsure sous son casque. Allons-y donc !
*
— Et je pense que nous allons arrêter cette session ici, annonça Mémé en refermant le parchemin où sa plume grattait le déroulement de l’aventure.
— Déjà ? soupira Alistair, déçu, puisqu’il s’agissait de leur dernière réunion avant le grand départ.
— On ne peut pas continuer un peu, mamie ? On a même pas lancé nos dés...
Holly sourit :
— Est-ce totalement une mauvaise chose ?
Alistair lui donna un coup de pied sous la table, avant de se répandre en excuses maladroites.
Robin lui toucha le coude avec le sien.
— Arrête de faire ça, si tu t’excuses alors qu’il l’a bien mérité, il va y prendre goût.
Blasée, Mémé mit fin à la question :
— En tout cas, pour vous répondre : non, nous ne pouvons pas continuer, j’ai une visite importante à faire.
— On pourrait se donner un rendez-vous à la Foire ? proposa Holly. Et reprendre là-bas ?
Il avait dit ça l’air de rien. Ce n’était pas la première fois que lui, Robin et Alistair l’envisageaient, mais jusqu’ici, ils ne l’avaient pas formulé devant ce qu’ils appelaient « les adultes », conscients qu’il s’agissait peut-être là d’une contrainte supplémentaire considérée comme un caprice.
Mnémosyne renifla en nettoyant sa plume :
— Nous verrons.
Il était inutile de tenter de lui en faire dire plus et de fait, personne n’essaya.
La sorcière termina de ranger son matériel, pendant que les joueurs débarrassaient les tasses de tisane et lavaient la vaisselle ; Mémé alla ensuite chercher sa pelisse et son châle pour en envelopper ses épaules maigres.
— Je ne sais pas quel est votre programme, mais je vais avoir besoin de vous pour m’accompagner.
Holly acquiesça en souriant :
— Qui serait assez fou pour essayer de s’en prendre à toi ? Mais ça ne me pose pas de problème d’être ton chaperon.
Il ne remarqua pas le regard appuyé qu’échangèrent Robin et Mémé. Parce qu’il est ainsi en ce monde que s’il peut y avoir une grande sorcière à un endroit, celle-ci a sans doute une némésis quelque part et que ses nombreux adversaires ne font qu’attendre leur heure.
Mais cela n’avait rien à voir avec la choucroute, alors ils s’habillèrent tous chaudement et sortirent sur le perron. T’an mo, la poule de Mémé, hérissa ses plumes quand le courant d’air lui effleura le croupion. Ses yeux jaunes, perçants, ne clignèrent paresseusement qu'une fois le battant refermé et la chaleur caressante du feu retrouvée.
— Où va-t-on ? demanda Robin tandis que leurs bottes s’enfonçaient dans la poudreuse jusqu’aux chevilles.
— Chez les De Globine, répondit la sorcière, nonchalamment.
Consciente de son petit effet, elle ne leur donna à nouveau aucune explication et Holly fit l’erreur d'insister :
— Pour leur dire quoi ?
— Rien qui te regarde, toi ou tes fesses, mon garçon.
Alistair hésita avant d’ajouter :
— Je pourrai y assister ?
Mémé lui lança ce regard bleu qui voulait dire qu’il pouvait toujours rêver. Elle les planta devant la roulotte avec l’instruction express de retourner à leurs betteraves.
Avant qu’elle ne leur échappe, Robin croisa les bras devant sa poitrine :
— Et comment tu comptes rentrer à la maison après, sans chaperon ?
— J'en parlerai à Eloïse et Albertin. Ils seront assez gentils pour raccompagner une pauvre vieille.
Après avoir frappé, la pauvre vieille entra dans la cuisine.
Les trois amis se regardèrent. Un instant, ils se demandèrent pourquoi ils n’avaient pas vu que pendant que leur complicité naissait, Mémé commençait à appeler les parents d’Alistair par leurs prénoms.
*
— Faire le voyage ensemble ?
Les regards d’Eloïse et Albertin se cherchèrent au milieu des arabesques de vapeurs qui se dégageaient du cruchon posé sur la table de la cuisine.
Mémé porta sa tasse jusqu’à ses lèvres et respira les arômes riches du vin d’airelles chaud, mêlés de girofle et de miel.
Le couple avait effectivement l’air pris de court.
— Oui. Je m’excuse que cette proposition arrive maintenant alors que votre départ est si imminent. Il est désagréable de faire des choix précipités.
Eloïse répondit prudemment :
— Et bien… je pense que nous aimerions certainement en savoir un peu plus avant de prendre une telle décision.
— J’y ai beaucoup réfléchi moi-même. Vous n'ignorez pas qu’il s’agit d’un voyage extrêmement dangereux. Je peux me flatter d’être une sorcière compétente et vous avez l’habitude de pérégriner, mais nous sommes accompagnés de jeunes gens inexpérimentés et d’enfants. Avec les risques actuels, il est bon d’avoir avec soi quelqu’un ayant une solide connaissance des vampires. Quant à moi, je peux me rendre utile de bien des façons. Ce serait donnant-donnant.
Il y eut un silence pensif durant lequel Mémé étudia avec un calme feint la cuisine des De Globine. C’était une pièce en longueur qui épousait la forme de la roulotte. Outre le plan de travail et la vieille cuisinière de fonte où l’on enfournait tourtes et mijotait boudins, les murs croulaient sous des étagères tordues qui contournaient la cheminée toussotante. Entre les louches et les écumoires qui pendaient à des crochets, le regard était inévitablement attiré par les dizaines de pots d’épices merveilleuses entreposés pêle-mêle. Il y avait là des graines de rhum, des pousses de chaussettes, des œufs de comètes et des mirabelles effervescentes. Et ce n’était que des exemples parmi tout ce mélange de bouteilles et de bonbonnes, dont la moitié luisait comme de l’or et l'autre frémissait d’une couleur électrique, jurant avec le papier peint noir et élimé.
— J’entends vos arguments, dit Albertin. Mais pourquoi ne pas envisager de voyager avec quelqu’un que vous connaissez depuis plus longtemps, comme Mimosa, par exemple ?
Mémé plissa doucement les paupières et prit une nouvelle gorgée de vin :
— Avec tout le respect que je dois à mon collègue, il ne serait pas d’une grande aide en cas de crise. En vérité, si je pensais avoir la certitude de pouvoir éviter tous les obstacles qui pourraient se dresser sur notre chemin, je lui proposerais sans doute de venir avec nous, rien que pour protéger Mila. Mais comprenez-moi… actuellement, la sécurité de Robin est ce qui compte le plus à mes yeux.
Après une petite pause, elle ajouta :
— Il y a autre chose.
Elle répugnait visiblement à en parler.
— Ce ne sont pas mes affaires, mais… Robin n’est pas d’un naturel sociable et de mon point de vue, Alistair a un effet bénéfique sur elle. Il a réussi à la réconcilier avec Holly et à eux trois, ils ont trouvé un équilibre qui les épanouit. Ensemble, ils ont fait face à un terrible danger qu’ils ont surmonté. C’est à leur âge que l’ont créé des liens qui durent toute la vie. C’est une richesse dont on ne devrait pas les priver.
Albertin s’appuya contre le dossier de sa chaise, enfonça ses mains dans ses poches et jeta un coup d’œil à sa femme :
— C’est vrai qu’Alistair serait fou de joie. Il n’a jamais été non plus le roi de la cour de récré.
Eloïse inclina la tête, pensivement.
— Y a-t-il autre chose ?
Mémé eut un demi-sourire :
— Si vous envisagez que continuer une partie de jeu de rôle est une raison suffisamment valable, alors oui.
Le couple échangea un nouveau regard perplexe et elle ajouta :
— Ne prêtez pas trop attention aux fariboles d’une vieille maitresse du jeu. C’était bien sûr une boutade.
Albertin posa sa main sur celle de sa femme, sous la table. Son pouce caressa sa paume.
— Je pense que c’est une proposition très intéressante, Mnémosyne. Et nous allons sérieusement l’envisager, mais vous comprendrez que nous ne pouvons pas prendre une décision si importante sans en discuter en privé.
Mnémosyne hocha la tête.
Elle ignorait si elle avait raison. Elle se rappela l’homme-peur qui lui avait rendu visite, et à ses empreintes géantes qui tapissaient les bois. Avait-elle le droit de mettre en danger cette famille, même involontairement ?
Mais il y avait Robin. Robin qui ne pouvait pas se dresser toute seule face à ce qui pouvait venir si jamais il lui arrivait quelque chose.
La vieille dame contempla le fond de sa tasse vide. La dernière goutte roula le long de la paroi quand elle la fit tourner entre ses doigts. Elle se leva.
— Je comprends parfaitement. C’est le moment pour moi de vous laisser réfléchir, je crois, si vous avez l’amabilité, juste avant, de me raccompagner jusque chez moi.
*
Quand le soir tomba, Robin raccompagna Alistair et le quitta sur le pas de la roulotte. Celui-ci garda le sourire aux lèvres tandis qu’il tapait ses souliers l’un contre l’autre pour en ôter la neige Ça avait été une bonne journée.
Il essaya d’avoir l’air moins satisfait en pénétrant dans la chambre où se trouvaient déjà Momo, qui crayonnait férocement de fausses larmes et un maquillage coulant sur le visage de l’une de ses poupées, ainsi qu'Abigaïl et une adolescente qu’il identifia comme étant la sœur de Holly.
Si ce n’était par les couleurs — cheveux terre cuite et peau noire pour sa sœur, mèches rousses et épiderme pâle pour sa compagne —, les deux filles se ressemblaient : même âge, mêmes visages pointus aux grands yeux bleus, mêmes cheveux bouclés coupés à la garçonne, mêmes silhouettes petites et anguleuses… Appuyées l’une contre l’autre sur une couette molletonnée, elles dévoraient un magazine des 2be53 en suçotant d’énormes berlingots tourbillonnants qu’Alistair avait vu dans la vitrine de Blini.
Aussitôt qu’elle aperçut son frère, Abigaïl sauta sur ses pieds pour se précipiter derrière la fenêtre. Elle écarta le rideau d’un doigt pour voir s’éloigner la silhouette vêtue de rouge qui rejoignit la place du village où il y avait encore du passage.
— Oh, c’est Robin.
Elle avait l’air déçue.
— Quel est le problème ? interrogea Alistair, perplexe.
— Elle aurait préféré que ce soit mon frère, ricana Poppy Mimosa Oeuf, sans lever ses yeux du magazine.
Sa bouche était toute barbouillée de sucre et de couleurs vives.
— Pardon ?
— C’est lui qui est venu te chercher, non ? grommela Abigaïl.
Alistair cligna des paupières derrière ses lunettes.
— Tu as un béguin pour lui ?
— Abigaïl est amoureuuuuuse, chantonna Momo en tartinant de vert les sourcils de sa victime.
Son ainée la contempla avec mépris :
— Je ne suis pas amoureuse, je le trouve craquant. C’est normal, non ? Il est beaucoup trop beau.
Poppy répondit en accompagnant sa dégustation d’un long « sluuurp » assez peu ragoutant.
— Tu n’es pas la première à t’en rendre compte, mais c’est sans espoir.
— Pourquoi ? se vexa Abigaïl. Je ne suis pas assez bien ? Tu m’as bien dit qu’il n’avait pas de copine.
La rouquine eut un sourire de renard.
— Ça, c'est sûr. Il préfère les zizis.
Alistair s’était assis à son bureau et avait ouvert un roman ; à cette révélation, il tourna la tête en direction des deux filles.
— Hein ?
— Je dis qu’il aime les garçons.
— Oui, j’ai entendu, répliqua-t-il, agacé.
— Alors ne dis pas « Hein ? », avec cette tête d'idiot. Tu peux tenter sa chance, si tu veux...
— Ça suffit vos bêtises.
Néanmoins, cette dernière information le laissa songeur.
Ainsi, Robin était sincère quand elle avait dit près du lac qu’il ne comprenait rien à ce qui s’était passé entre Holly et elle. Si ça se trouve, c’était elle qui s’était déclarée et lui qui l’avait éconduite ?
Non, ça n’aurait pas de sens qu’il soit jaloux de lui.
En fait, si… Il arrivait que certaines personnes détestent que ceux qui les aiment sans réciprocité se détournent d’eux.
Il réalisa qu’il fixait intensément la page de son roman, sans la lire, depuis trop longtemps.
Il fallait juste qu’il arrête de spéculer sur ce qui ne le regardait pas. A priori, ils étaient amis ; tout comme lui et Holly.
Il se remémora alors le visage du garçon, tout près de lui sur le lac gelé, avec ses cils pleins de neige et ses lèvres bleues . Il se demanda s’il aurait trouvé ça naturel si Robin avait été si près de lui que leurs souffles se seraient mélangés.
Au moment où il échouait à se concentrer, pour la troisième fois, on toqua à la porte et Alistair reconnut sa mère dans l’embrasure :
— Tu peux venir, Ali ? Il faut qu’on parle.
C'est étonnant, cette structure, car tu prends vraiment le temps de poser tous tes personnages et tes enjeux, tout en promettant un voyage, puis une foire. Je suis du genre à immédiatement embarquer la troupe et à présenter leurs détails et dynamiques en route, mais toi tu nous fais d'abord exister sur cette case, et ce qui est très chouette c'est qu'on ne s'ennuie pas. Les dynamiques entre les gens marchent bien, et on a accumulé des mystères au fur et à mesure des chapitres, donc plein de questions sont en suspens.
AH ET TROP BIEN le mystère autour de Robin qui s'épaissit : plus on en sait, plus on s'interroge. Le feu.
Au fil de la lecture :
→ "Douze jours que l’enquête retombait comme un soufflé aux morilles et aux noix…" J'adore ces phrases improbables qui font vraiment le côté délicieux du style de ce roman.
→ J'aimerais rejoindre le SGLOURF, histoire de pouvoir enfiler un sweat à capuche sur lequel il y aurait en grosses lettres : SGLOURF.
→ "ce qui le paniqua plus qu’il ne voulait de l’avouer." Je crois que le "de" est en trop.
→ "En vérité, il n’avait jamais considéré la chasse comme une mauvaise chose, peut-être parce qu’il gardait un creux ancien au fond du ventre, vestige d’un passé dont il ne se souvenait plus. Il raconta" Ici, le "il" est Holly, vrai ? Auquel cas, je mettrais peut-être son prénom à la place du pronom, parce que j'ai eu le doute.
→ "Je vais te dire ce qu’il me semble raisonnable." Les deux sont probablement techniquement justes, mais ici ça me semblerait plus naturel que ce soit "ce qui me semble".
→ "L’entrée des gorges était sculptée de deux immenses piliers inquiétants et noirâtres qui représentaient des œufs en armure aux regards vides et aux coquilles brisées." Cette subversion de mon imagerie tolkenienne est magique, j'adore.
→ "Me voilà traitre et renégat. Mayonnaise et quiche à la fois." <3
→ J'ai adoré la description de la cuisine. C'était loufoque et pourtant ça me donne très envie de manger chez eux.
→ Oooooh, ces révélations finales, en plus de la proposition de voyage de groupe, on aime, on aime.
Je profite du bingo pour retrouver cette histoire que j'adore, et comme d'habitude ça m'a mis immédiatement du baume au coeur pour le reste de la journée. Je suis complètement fan de ton univers, franchement cette idée de la chasse et de la pêche avec des proies qui abandonnent un jambon, des moufles ou du poisson pané sauce gribiche en échange de leur liberté, c'est du génie xD
Je ne connais pas la suite de l'intrigue ni la fin prévue pour ce bouquin, mais je peux déjà te dire qu'avec un monde aussi riche, dense, truculent et inventif, ça va surement faire un carton. En tout cas, moi, je suis complètement fan.
C'est très chouette aussi de voir la relation entre Holly, Alistair et Robin se renforcer. La scène du jeu de rôle avec le chevalier oeuf décapité navigant sur une part de flan m'a fait mourir de rire.
Bref, que du bon dans ce chapitre, mais j'ai quand même un (très gros) bémol à te soumettre : J'AI ENVIE DE LIRE LA SUITE ET ELLE EST PAS ENCORE DISPOOOOO :(
Bref, tu l'auras compris je pense, j'attends le prochain chapitre avec beaucoup d'impatience !
Au plaisir de te lire,
Ori'
Je me souvenais de la première scène, je ne sais pas si tu as fait des ajustements mais elle me laisse une impression très claire par rapport aux pièges magiques et la viande, c'est super intéressant comme principe. J'ai bien aimé sentir aussi l'évolution des rapports entre Alistair et Holly. Il y a un moment où j'ai été un peu déstabilisée par un passage du point de vue du premier à celui du second. Parfois ça ne me fait pas tiquer et au contraire j'aime bien, mais parfois ça se passe peut-être un peu "vite" ? En tout cas, c'était au moment du paragraphe qui commence par "En vérité, il n'avait jamais considéré la chasse..." (même si ce paragraphe est cool par ailleurs).
Le moment du jeu de rôle m'a aussi beaucoup plu, davantage que la précédente session. Peut-être que c'était plus facile à suivre à mes yeux, et que le fait que les personnages se posent et qu'une histoire commune se dessine m'a aidée. Je me suis aperçue aussi que j'avais bien mémorisé qui jouait qui, grâce au moment où ils se charrient sur les noms choisis, donc c'est cool ! Là-dedans aussi, un seul passage d'incertitude dans le dialogue : "— C’est le tombeau des grands anciens : les Mines du Staphilogoth doré, murmura Mandrin des bois.
La rate remua son nez et ses moustaches :
— Exact, vous en avez déjà entendu parler ?
— ***C’est un antique passage qui relie le palais royal à la côte. Il permettait de rejoindre la mer plus rapidement et on y extrayait des fossiles d’une valeur inestimable. On l’a condamné il y a des siècles à cause d’une forte invasion de sauces moutarde très féroces.***
— On pense que les sauces sont les pires ennemis qu’on peut y croiser, mais on dit que des créatures plus effroyables encore sommeillent dans ces profondeurs, soupira Mandrin."
Vu la façon dont se déroule le dialogue, j'avais cru que la réplique encadrée de *** avait été prononcée par Mandrin, ce serait logique qu'il reprenne la parole après que la rate l'a interrogé, mais du coup non ? Voilà, peut-être à clarifier !
Sur la suite, j'ai vraiment beaucoup aimé les répliques de Mnémosyne, ça me fait bien rire qu'elle mouche un peu tout le monde, on sent la sagesse sous l'humour (un peu à la Dumbledore dans les romans) et aussi un fond d'inquiétude qui la rend très humaine. L'entrevue entre elle et les De Globine était super fluide, tous ces personnages sont vraiment bien campés pour moi en tant que lectrice maintenant, je me dis que ça va être un plaisir de les voir voyager ensemble (parce qu'ils vont voyager ensemble, pas vrai ? hein ???).
Enfin, la dernière scène dans cette chambre qui pue l'adolescence à plein nez ! Ça m'a vraiment fait rire et rendue nostalgique à la fois cette ambiance où tout le monde est un peu avachi partout, absorbé dans des occupations parfois enfantines et parfois moins, tout en tenant des conversations immatures mais en même temps assez "sérieuses" (puisque ça parle quand même de désir en sous-texte !). Ça me rappelle les étés avec mes cousines ! J'ai remarqué qu'on n'a pas la réaction d'Abigaïl à l'annonce des préférences d'Holly. Elle était déjà au courant ? On ne dirait pas. Peut-être que tu as choisi de te focaliser sur les questionnements d'Alistair, ça se justifie, mais je me serais attendue à une réaction minimale de dépit, surprise ou autre.
Je te livre ces petits détails mais je le redis, dans l'ensemble j'ai vraiment beaucoup aimé ce chapitre et j'ai hâte de lire la suite ! J'ai relevé aussi quelques coquilles ou autres observations sur la forme :
- "Holly resta silencieux, de sorte qu’Alistair crût* (crut -> peut-être qu'Antidote propose le subjonctif à cause du "de sorte que" mais ici c'est bien l'indicatif qu'il faut) l’avoir vexé — ce qui le paniqua plus qu’il ne voulait de l’avouer. Son compagnon décrocha son buttin* (butin) du filet pour le nouer à sa ceinture."
- "Bien qu’il ne répondit* (là il faut le subjonctif : répondisse ou répondît) pas, le chevalier Mollet ne pouvait qu’être d’accord."
- "quand cette rate étrange a débarquée* (débarqué)"
- "Je suis venu* (venue) récupérer un objet."
- "C’est à leur âge que l’ont* créé* (que l'on crée) des liens qui durent toute la vie." -> j'ai beaucoup aimé ce passage par ailleurs !
- "Elle se rappela l’homme-peur qui lui avait rendu visite, et à* (?) ses empreintes géantes qui tapissaient les bois."
- "pour en ôter la neige* Ça avait été" (oubli d'un point)
- "— Elle aurait préféré que ce soit mon frère, ricana Poppy Mimosa Oeuf, sans lever ses yeux du magazine." -> petite hésitation de ma part, j'ai peut-être loupé des modifications que tu as faites : Holly est le frère de Mila, et tu as changé le nom de Mila en Poppy ?
- "Tu peux tenter sa* (ta ?) chance, si tu veux..."
- "Il se remémora alors le visage du garçon, tout près de lui sur le lac gelé, avec ses cils pleins de neige et ses lèvres bleues . Il se demanda s’il* aurait trouvé ça naturel si* Robin avait été si* près de lui que leurs souffles se seraient mélangés." Il y a trois "si" dans la même phrase, même s'ils n'ont pas tous le même sens, ça m'a rendu la lecture pas super fluide. Je vois que Nothe te suggère justement de me demander pour cette phrase xD Quelque chose m'a en effet perturbée et je crois que les "si" y sont pour beaucoup !
- D'ailleurs après lecture de son commentaire, je suis d'accord avec sa remarque sur les chiffres (en lettres tout le temps sauf pour le numéro des cases).
Et après lecture du commentaire de Nothe justement, j'ajoute que moi j'ai l'impression de percevoir chez Alistair une attirance très claire pour Robin, mais aussi une attirance un peu moins nette pour Holly, et ça me plaît bien. Que le projet soit de le présenter comme bi ou non, je trouve que ça reflète bien ces relations adolescentes où on ne sait pas très bien où s'arrête l'admiration et où commence le désir.
Voilà, on sera patient·es pour la suite évidemment, mais sache que je serai super heureuse de la lire <3 À bientôt Louloup !
Je connaissais déjà la scène d'ouverture puisque tu nous l'avais lue, mais je trouve qu'elle marche toujours aussi bien. Le mélange de poésie (comme la description de l'aube tout au début par exemple, que j'ai trouvée vraiment très très bonne) et des petites piques d'humour est à son top, et tu slalomes parfaitement entre les moments de légèreté et de sérieux. Le rapprochement à la fin était tellement bien écrit, j'ai vraiment beaucoup aimé la tension qu'il y a eu dans l'air, le moment est vraiment en suspens ! Les détails sur l'apparence d'Holly sont bien disséminés aussi, ça se sent qu'Alistair l'observe de plus près. Ce sont de petits détails, mais ils me sautent bien aux yeux, c'est quelque chose que tu sais vraiment bien écrire :)
Ca se voit que tu as lu Lovecraft pour décrire la session de roleplay ahah ! C'est bien immonde et putride tout ça............
Plus sérieusement, ce bout de l'histoire est chouette et il rend très clair le rapprochement entre les Vrais Persos, mais j'ai l'impression qu'elle était un peu plus brouillonne que la dernière session ? J'ai eu un peu de mal à suivre le dialogue des personnages. Par exemple, dans les premières lignes de dialogue, Mollet dit "c'est quoi cet endroit ?", Mandrin répond "c'est les Mines", Agougniasse dit "oui, c'est vrai, vous le connaissez ?" et là quelqu'un répond... Mais ce n'est pas Mandrin, puisqu'il reparle juste après. Est-ce que c'est Mollet qui fait tout ce petit exposé sur les Mines, alors qu'il semblait ne pas reconnaître l'endroit ? Ou est-ce que c'est Mémé qui intervient ?
Après, j'admets aussi que ce n'est pas le moment d'une session le plus facile à écrire - même en RP c'est souvent un peu guindé, ce genre de présentations, donc quelque part ça colle à la vraie vie. Mais comme c'est dans un livre, ça donne juste envie de lire la prochaine scène de RP, pas de s'intéresser à ce morceau-là, ce qui est dommage. Cette scène pourrait peut-être gagner à être un peu moins explicative ou un peu plus vivante, peut-être avec plus d'apartés de la "vraie vie" ? A voir !
J'ai beaucoup aimé ce passage du point de vue de Mnémosyne chez les De Globine ! Tu fais bien de rappeler que la vie autour du trio de base évolue, elle aussi, et que tout ne tourne pas autour d'eux tout le temps. Ca solidifie le statut de Mémé en tant qu'autre personnage principal (ce que même moi j'ai tendance à oublier) et ça donne une vraie force aux adultes, une autre profondeur de texte que j'aime beaucoup. Et c'est très chouette que cette décision de voyager ensemble soit prise par eux et pas par leurs enfants : après tout, c'est à eux de les protéger, même s'ils sont bientôt grands !
(Rien à voir mais Alistair bout de chou n'a jamais été le roi de la cour de récré... J'ai trouvé ça très mims comme formulation, j'ai beaucoup aimé x))
Intéressant aussi la manière dont tu as tourné la "révélation" ou en tous cas la réaction d'Alistair ! Je m'attendais à ce qu'il "panique" plus, mais j'aime bien la manière raisonnable dont il prend la chose. Enfin, je ne sais pas si raisonnable est vraiment le mot que je cherche puisqu'il est clairement troublé - disons aveugle :p Mais c'est agréable, quelque part, que ça ne tourne pas en esclandre. Je ne sais pas si tu as fait exprès mais c'est cool !
Petits détails :
- SGLOURF, le syndicat du gibier libre opposé à l’union des rageux fermiers : vu que c'est un sigle, il faudrait une majuscule à tous les mots du nom qui suit !
- Son compagnon décrocha son buttin : butin
- Quand les personnages disent des nombres à voix haute, tu écris souvent les chiffres au lieu des mots. Je pense que pour les noms de case, ça passe (on écrit bien la Zone 51), mais quand c'est un numéro au pif, genre "c'était il y a quatorze ans", je crois bien qu'il faut l'écrire en toutes lettres, et pas "il y a 14 ans".
- Mais cela n’avait rien à voir avec la choucroute : je n'ai pas compris cette phrase :( Est-ce que c'était une blague que j'ai juste loupée ?
- si Robin avait été si près de lui que leurs souffles se seraient mélangés : je crois que grammaticalement, la phrase n'est pas fausse, mais j'ai beaucoup tiqué dessus et j'ai même dû aller regarder sur Internet pour être sûr de la conjugaison. Je crois que le si+que m'a vraiment pris de court. Est-ce que ce ne serait pas plutôt "s'étaient mélangés" s'il y a un que au milieu ? (il faudra demander à Ery !)
Bref !! Très hâte de vraiment commencer le voyage maintenant que tout le monde est installé, il y a vraiment un sentiment d'anticipation qui s'installe, j'ai hâte de continuer à lire !! A bientôt j'espère :D
Nothe
Toujours aussi plaisant a lire, les persos sont adorables, le monde est fascinant (que s'est-il passé sur la case 29?), j'ai hate du voyage !