Une semaine plus tard environ, Clave s’était à peu près habituée à la vie dans le manoir du duc Arthur, grâce à Catherine qui lui avait expliqué comment les choses fonctionnaient quand on était un servant, ou même un domestique ici. Chaque matin, elle devait se lever à cinq heures, faire la lessive de la veille, préparer le petit-déjeuner pour les nobles invités ici par le duc Arthur, puis les servir en suivant leurs ordres et sans rien dire jusqu’au déjeuner, qu’elle devait aider à préparer également, puis ensuite, elle devait s’occuper du jardin, tandis qu’un autre servant prenait la relève auprès du duc Arthur et de ses nombreux invités. Puis, quand venait le repas du soir, Clave devait bien sûr, à nouveau, aider à le préparer. Et enfin, après ça, elle était libre de retourner à sa chambre, de manger et de faire sa lessive pour ensuite se coucher, car elle était souvent épuisée.
Il y avait, bien entendu, des règles qu’elle devait suivre et des interdits qu’elle ne devait surtout pas transgresser, car sinon, elle était punie et les punitions ici, c’était le fouet et les punitions. Travailler en soi n’était pas si terrible. C’était la manière dont on traitait les servants qui était horrible. À la moindre petite erreur, c’était les coups de fouet assurés. On ne leur parlait pas, ils étaient traités comme des meubles, mais des meubles capables de bouger et d'obéir à des ordres.
Catherine lui avait donc expliqué ce qu’elle devait faire et ne surtout pas faire. Elle devait obéir aux ordres quels qu’ils soient, sans rien dire. Elle devait s’incliner en présence de ses supérieurs. Elle ne devait pas répondre ni parler, sauf si on lui posait une question, à laquelle elle devait répondre oui. Elle ne pouvait discuter avec personne, même pas avec les autres servants. Bien sûr, Clave ne se souvenait pas de tous les règles et interdits, mais elle avait retenu la majorité de ce que Catherine lui avait dit.
La jeune fille vivait maintenant dans une routine où elle finissait chaque jour épuisée. Elle ne parlait à personne, étant donné qu’elle n'en avait pas le droit, et elle voyait rarement Catherine. Sa chambre était poussiéreuse et exiguë, mais ça lui convenait, car elle était seule et tranquille, même pour seulement quelques maigres heures chaque nuit.
Perdue dans ses pensées, des draps propres dans les bras, Clave revenait de la lessive. Elle dormait à moitié debout et sursauta quand elle sentit une présence dans son dos qu'elle identifia comme étant le duc Arthur. Mais quand elle se retourna brusquement, elle ne vit personne dans le couloir sombre.
"J'ai rêvé ou bien…? Pourtant, j'étais sûre que…"
Une seconde plus tard, une main gantée se posa sur son épaule. Cette fois, la jeune fille sursauta et bondit en avant. En tournant la tête, elle vit un jeune homme avec deux magnifiques yeux dorés qui luisaient dans la pénombre. Ses sombres et longs cheveux noirs, qu’il avait attachés en une tresse, lui tombaient sur l’épaule. Quelques mèches coupées au carré revenaient sur son visage.
"Je ne l'ai pas entendu arriver…", songea Clave.
– Désolé si je t'ai fait peur, s'excusa le jeune homme. Tu es une domestique ?
– Oui… Euh, non. Je suis une servante, bredouilla la jeune fille, encore stupéfaite.
– Ah bon, murmura-t-il.
Il se rembrunit.
– C'est mon père, n'est-ce pas…? Comment t'appelles-tu ?
– Clave… Et vous, qui êtes vous ?
– Je m'appelle Noah.
– Et votre père…?
– Je pense que tu le connais bien non ? Le duc Arthur…, soupira-t-il avec un petit sourire triste.
Clave se figea. Elle n’avait aucune idée que le duc avait un fils.
“Si c’est son fils… Pourquoi semble-t-il avoir pitié de moi…?”