Chapitre 7 - Torture

Prison impériale – Lundi 24 avril 2006

 

Ses pouvoirs indiquaient à Dan que la prisonnière venait de s’éveiller. Tension bonne. Plus de fièvre. Respiration rapide et pouls élevé mais rien d’illogique. Elle venait d’ouvrir les yeux sur le noir absolu dans un silence total. Il se téléporta près d’elle.

- Bonjour, dit-il d’une voix douce et chaleureuse.

Il ne voulait pas la brusquer. Elle comprendrait bien assez vite.

- Qui êtes-vous ? Où suis-je ? demanda-t-elle en tournant la tête en tout sens, complètement perdue.

- Tu es dans les prisons impériales. Je m’appelle Dan Bern. Je suis guide de la lumière.

- Vous m’avez retrouvée ! s’exclama-t-elle.

Son ton indiquait du soulagement. Dan fronça les sourcils. Il ne s’attendait pas à une telle réaction. Habituellement, dans cette situation, ses proies tremblaient de terreur. Qu’elle put être heureuse de sa présence le prit totalement au dépourvu.

- Je ne savais pas comment vous rejoindre ou m’éloigner du seigneur Moriat, continua-t-elle le visage souriant. Est-ce que monsieur Benet sait que je suis là ?

Dan sourit mais dans le noir absolu, sa proie ne pouvait pas le voir. Seule la magie lui permettait, à lui, d’y voir à la perfection. Sous collier de souffrance, sa victime resterait aveugle.

Il se rappela qu’elle n’avait pas essayé d’utiliser ses pouvoirs. Les magiciens dans cette situation tentaient tous d’allumer une lumière magique. Pas elle. Benet l’avait bien dressée. Cela, on ne pouvait le lui reprocher.

- Benet est mort, annonça-t-il froidement.

La jeune femme perdit tout sourire. Cette nouvelle la choquait violemment. Il s’en délecta. Il n’ignorait pas que Benet avait été le seul référent de la jeune femme pendant toute son enfance.

- Quoi ? Quand ça ?

- Je l’ai tué il y a presque quatre ans de cela, indiqua Dan.

- Vous l’avez tué ? répéta la demoiselle, ahurie. Pourquoi ?

- Parce qu’il a posé la mauvaise question, indiqua Dan.

La demoiselle frémit. Elle avait saisi la menace sous-jacente. Tant mieux.

- Pourquoi suis-je dans les prisons impériales ? demanda-t-elle.

- Parce que c’est là que sont amenés tous les mages noirs.

- Je suis une magicienne blanche, répliqua la demoiselle.

Dan ricana.

- Non, répondit-il.

- J’ai passé une partie de ma scolarité au lycée de Fairview, se défendit-elle. Je vous assure que…

- Tes deux parents étant des mages noirs, tu l’es forcément, la coupa Dan.

La prisonnière resta bouche bée à cette réplique. Elle se reprit et répliqua :

- Mes parents étaient des mages blancs. Je les ai accidentellement tués en utilisant mal mes pouvoirs.

- Tu as tué ta mère, en effet. Elle est morte en couche ici-même. À l’époque, je ne monitorais pas mes jouets. Dommage. J’ai probablement raté de merveilleux hurlements. Je l’ai trouvée baignant dans son sang. Tu hurlais sur son ventre, nourrisson gluant et fripé. Je n’avais pas la moindre idée de quoi faire de toi. Le roi…

- Vive le roi, dirent-ils tous les deux en même temps.

Dan sourit. Cette mage noire venait vraiment de prononcer ces mots ? Benet avait fait un travail remarquable.

- a lancé une annonce et Benet s’est jeté sur l’offre. Il avait besoin d’un enfant mage noir pour ses recherches, continua Dan. Il voulait prouver qu’avec un bon dressage, un mage noir pouvait devenir blanc. C’est ridicule. Les mages noirs détruisent la magie. Aucun bâton ni aucune carotte ne peut changer cela.

La prisonnière secouait la tête de droite à gauche. Elle regardait autour d’elle, dans cette obscurité sans faille, visiblement totalement perdue. Tout son univers s’écroulait. Vingt ans de mensonge venaient d’exploser en mille morceaux. Il imagina sans peine le tourment atroce qu’elle vivait.

Il attrapa le menton de sa prisonnière. Elle se laissa faire. Benet l’avait dressée pour se soumettre à l’autorité. Même dans cette situation, elle continuait à suivre le dressage du chercheur. Dan devait s’admettre impressionné.

Ses yeux bougeaient beaucoup. Rien d’inhabituel dans ce noir ambiant mais il lui sembla que c’était pire qu’avec les autres prisonniers. Des centaines de milliers de questions devaient lui traverser l’esprit.

- Je sens que je vais bien m’amuser avec toi, murmura-t-il.

Le regard de la prisonnière se fixa devant elle, droit sur Dan. Elle ne le voyait pas, bien sûr. Elle s’était contentée de suivre l’origine du son. Elle se mit à trembler.

- Non, non, répéta-t-elle dans un chuchotement.

Enfin elle montrait la bonne attitude ! Enfin elle saisissait la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle se recula vivement, s’échappant de la main de Dan qui sourit. Il adorait que ses proies le fuient, tentent de lui échapper, se débattent, se défendent avant de constater l’inutilité de leurs actes.

- Je vous en prie, je ne suis pas… Je ne suis pas…

- Tu es une mage noire et tu es mon jouet, dit-il plus heureux que jamais.

- Non, non, sanglota-t-elle.

Il se pencha pour lui attraper l’épaule et la retourner afin de la mettre sur le dos. Elle repoussa physiquement sa main. La réponse de Dan fut immédiate. La gifle l’envoya valser. Les coups de poings et de pieds plurent. Il ne s’embarrassait pas de viser. Peu lui importait de détruire un organe vital. Si un rein se déchirait, il le soignerait d’une once de magie. Cercle 9, cela n’était rien pour lui. Elle hurla soudain alors qu’il ne la touchait pas.

- Pas de magie, ma belle. Les mages noirs détruisent la magie. Vous êtes des saloperies. Il est puissant, hein, mon collier de souffrance ? Ça fait mal !

La belle vomit sur le sol. Il vérifia sa santé et soigna les organes blessés, laissant les hématomes en surface. Il posa une main sur un sein rebondi de son jouet mais elle le repoussa de nouveau. Il répondit par les coups.

Il la soigna puis tenta une nouvelle fois. Il reçut un troisième refus. Peu lui importait. Il avait tout son temps et la battre lui plaisait énormément. Il passait un excellent moment, plein d’ivresse et de joie. Son bas-ventre pulsait. Sa verge dressée n’attendait que la reddition de la belle, qui, inexorablement, vint. Il la viola, la découvrant, avec un bonheur indicible, vierge.

- Tu es largement plus belle que ta mère, murmura-t-il à son oreille.

Elle gémit.

- Je vais revenir. À tout à l’heure.

Il se téléporta dehors.

- Si une mission m’amène à devoir m’absenter pendant plus de quarante-huit heures, vous apporterez de l’eau à la prisonnière, dit Dan à MacTry. Si cela devait se produire, vous ne parlerez ni ne toucherez la prisonnière. C’est clair ?

- Oui, guide de la lumière, répondit le garde.

- De l’eau, seulement de l’eau, rien d’autre. Pas de lumière. Vous savez voir dans le noir ?

- Oui, guide de la lumière.

Il n’était pas totalement incompétent. C’était déjà ça. Dan s’éloigna. Les prochains jours promettaient d’être merveilleux. Il savait exactement l’enfer que vivaient ses prisonniers. Privés de repères temporels et spatiaux, ils sombraient dans la folie. Dan venait les voir de manière aléatoire, parfois au bout de deux minutes, parfois après une vingtaine d’heures. Il les nourrissait par magie si bien que même la sensation de faim ou de soif ne pouvait les guider. Parfois, durant leur sommeil, il s’amusait à les déplacer. Les prisonniers cherchaient un mur rassurant. La pièce dans laquelle ils étaient enfermés était grande : dix mètres sur dix. Gigantesque quand on ne voit pas. Les proies se blottissaient souvent dans un coin. Elles s’éveillaient en plein milieu de leur geôle, loin de tout repère.

Parfois, certaines essayaient de se tuer. Peine perdue. Dan les suivait tout le temps, s’assurant de leur bien-être. Si elles tentaient quoi que ce soit contre elle-même, le collier de souffrance s’activait. Seul Dan décidait du moment de leur mort. Il était leur unique contact, leur seul lien avec la réalité, n’apportant que souffrance. Il recevait leurs suppliques, leurs cris, leurs larmes, leurs hurlements, leurs sanglots avec un bonheur total.

Lorsque la proie devenait apathique et immobile, lorsqu’elle ne luttait plus, il la tuait. Il n’était pas nécrophile. Il voulait des jouets bien vivants. Sa nouvelle poupée se battait férocement. Il irait souvent la voir, à n’en pas douter. Elle était merveilleuse !

 

Chambre de Paul MacTry et Fabienne Lezé – Mardi 05 décembre 2006

 

Fabienne s’assit sur le lit. Son compagnon venait de se coucher, lui tournant le dos. Elle repoussait cette conversation depuis trop longtemps. Il fallait qu’elle l’est. Cela ne pouvait plus durer !

- Paul ! Tu me trompes, n’est-ce pas ?

Son compagnon se tourna à demi, les yeux grands ouverts, ahuris. Il ne semblait pas du tout comprendre la question. Fabienne en fut encore plus dépitée. S’il n’y avait pas une autre femme, alors c’était elle. C’était pire.

- Non ! s’exclama-t-il le visage horrifié. Bien sûr que non ! Qu’est-ce qui a bien pu te faire penser cela ?

- Tu ne me touches plus ! hurla Fabienne. Nous n’avons pas fait l’amour depuis des semaines. Tu ne m’aimes plus.

- Je t’aime à la folie, répondit-il le regard triste.

- Je n’existe plus pour toi, pleura-t-elle.

Paul la regarda pleurer mais ne bougea pas. Il ne tenta pas de la prendre dans ses bras, ni de la rassurer d’une caresse.

- C’est mon travail, dit-il.

- Ton travail ? répéta-t-elle, incrédule face à cette réponse.

Surveiller des prisonniers qui ne s’échappaient jamais ? En quoi ce travail pouvait-il avoir quoi que ce soit avec leur manque d’intimité ?

- Il la roue de coups. Il la viole plusieurs fois par jour. Elle hurle. Elle supplie. Il n’en retire que davantage de satisfaction.

Fabienne frémit. Paul n’avait pas le droit de lui révéler quoi que ce soit qui se passa dans les prisons. Elle n’appréciait pas du tout qu’il enfreigne ainsi la loi.

- Qui fait ça ? demanda Fabienne qui cherchait à comprendre.

- Le guide Bern.

- Il fait ça à qui ?

- Une prisonnière, une mage noire d’à peine vingt…

- Ils détruisent la magie. Ils doivent être réduits au silence. Le roi…

- Vive le roi, dirent-ils en même temps.

- a raison de les traquer et de les éliminer, termina-t-elle.

- Je n’ai pas dit le contraire ! s’insurgea Paul. Bien sûr qu’il faut les empêcher de détruire la magie. Ils n’en restent pas moins des êtres humains. Je m’attendais à des exécutions dignes, rapides et sans douleur. Là, il s’agit de torture, inutile, vaine.

- Elle le mérite peut-être, répliqua Fabienne.

- Elle est née dans cette prison. Sa mère est morte en la mettant au monde seule dans cet enfer. Elle a été donnée bébé à un chercheur comme cobaye à une de ses expériences. Il s’est avéré que le mec avait tort. L’expérience a capoté alors elle s’est retrouvée au point de départ. Son dossier indique qu’elle est loyale et fidèle au roi.

- Vive le roi, dirent-ils en même temps.

- Elle est dite obéissante, docile et soumise et je te confirme : elle a essayé de se laisser faire, continua Paul. Le guide Bern déteste ça. Il la frappe même si elle accepte son viol. Elle a essayé de l’amadouer en étant gentille, en le suçant avec application. Elle a quand même fini roué de coups. Ça l’amuse, ce connard.

- Paul ! N’insulte pas un guide de la lumière. As-tu idée des horreurs qu’ils traversent pour nous protéger du mal ? Sans eux, la magie aurait déjà disparu, détruite par les mages noirs. Comment oses-tu ? Paul, reprends-toi ! Tu n’as pas à juger nos plus hauts protecteurs ni à remettre en cause les décisions du roi.

- Vive le roi.

- Retourne au travail et cesse de prendre cette diablesse en pitié. Son engeance doit disparaître. Si le guide Bern veut un peu de plaisir, grand bien lui fasse. Tu n’as pas à juger.

Fabienne se coucha, très en colère contre son compagnon. Son attitude la dépassait totalement.

 

Prison impériale – Jeudi 11 janvier 2007

 

Paul entra dans la cellule. La demoiselle se trouvait en plein milieu, comme si elle avait abandonné depuis longtemps l’idée de trouver le réconfort d’un mur. À genoux, elle tremblait et levait la main devant elle, touchant quelque chose qui n’existait pas. Elle hallucinait, sans aucun doute.

Des mois seule, dans le noir, sans aucun repère spatial ni temporel, avec pour seule certitude son agresseur, ses viols, ses coups. Comment survivait-elle ? Où trouvait-elle la force ? Elle l’impressionnait.

Il l’entendait quand le guide Bern la maltraitait. Elle restait humble, polie, obéissante, malgré la torture. Jamais elle n’avait tenté de s’en prendre à lui, de lui rendre les coups. Tentative certes vaine mais que tous avaient essayé… sauf elle.

Paul s’approcha. Elle faisait peine à voir. Ses vêtements en lambeaux ne cachaient plus rien de son corps ravagé par les hématomes, les écorchures, les griffures mais plus impressionnantes encore étaient les marques de morsure.

Paul frissonna et avala difficilement sa salive. L’entendre le révulsait déjà. Le voir l’insupporta totalement. Comment pouvait-on faire subir cela à quiconque ? Paul fut certain d’en faire des cauchemars pendant des jours.

Ses hurlements nocturnes ne dérangeraient personne. Fabienne avait fini par le quitter, ne supportant plus son silence, ses regards vides, ses sanglots. Elle l’avait engueulé, traité de lopette, menacé de le dénoncer pour finalement partir, le laissant seul avec sa dépression.

Elle entendit ses pas. Elle se tourna vers lui, se recroquevilla et se mit à gémir. Elle le prenait pour son agresseur. Logique. Personne d’autre que lui ne venait jamais.

- Je ne suis pas le guide Bern. Je m’appelle Paul MacTry. Je viens vous apporter de l’eau.

Ce disant, il posa le verre sur le sol, près d’elle.

- À côté de votre main droite, précisa-t-il.

Elle ne broncha pas. Elle levait sur lui des yeux trempés de larmes.

- Tuez-moi, s’il vous plaît, murmura-t-elle.

- Je n’en ai pas le droit, précisa-t-il. S’il vous plaît, buvez le verre. Si vous ne le faites pas, je devrai vous forcer. Par pitié, ne m’obligez pas à faire ça.

La prisonnière pencha la tête. À tâtons, elle trouva le verre et en avala tout le contenu.

- Merci, dit-il en reprenant son bien.

Il quitta la cellule. En parlant à la prisonnière, il s’était opposé aux volontés du guide Bern. En même temps, comment lui donner de l’eau sans la toucher ni lui parler ?

Paul trembla toute la journée et la suivante. Quand le guide Bern reparut, il ne lui adressa même pas la parole. Il ne semblait pas savoir qu’il avait adressé la parole à son jouet ou alors s’en moquait-il.

 

Maison abandonnée sur la colline – Mercredi 11 juillet 2007

 

James contemplait le parquet. Il s’agissait de son activité principale. Il y consacrait presque la totalité de ses journées. Il connaissait par cœur chaque circonvolution.

Un écho dans la magie l’informa de l’arrivée de quelqu’un derrière lui. Un guide venait-il le tuer ? Il s’en fichait. Qu’il le fasse. Il n’avait pas peur de mourir. Il désirait la mort salvatrice.

- Seigneur James Moriat ? dit une voix d’homme.

- Lui-même, répondit-il sans se retourner.

- Aidez-la, s’il vous plaît.

Surpris, James se retourna et se figea. Dans les bras de cet homme se trouvait un corps féminin. James sut immédiatement de qui il s’agissait mais son esprit refusa un instant d’y croire. L’œil au beurre noir, certains doigts pas dans le bon angle indiquant des os cassés, le teint blafard, les vêtements déchiquetés, le sang séché un peu partout.

- Isabelle, pleura-t-il.

Il se leva, lui écarta une mèche de cheveux des yeux puis la prit tendrement des bras de cet inconnu. Il la déposa sur le canapé. Lorsqu’il se retourna pour demander le nom du sauveur, il avait déjà disparu.

James lança ses pouvoirs sur sa fille, lui retirant le collier de souffrance, soignant ses blessures et ce faisant, constata la grossesse de sa fille. Le salopard l’ayant violentée l’avait mise enceinte. Il la regarda. Les yeux clos, elle ne s’éveilla pas malgré les soins.

- Billy ? appela-t-il, lançant cet appel à travers la magie jusqu’à la cuisine où le sorcier préparait le dîner.

Il arriva rapidement.

- Qu’y a-t-il ? demanda-t-il.

Lui aussi se figea en découvrant la jeune femme.

- Comment ?

- Un mec vient de me l’amener, dit James. Je ne sais pas qui. Je ne sais pas pourquoi. Ce dont je suis sûr, c’est que je ne la quitte plus. Je la protégerai. Hors de question que je m’éloigne. Pourrais-tu aller chercher des vêtements à sa taille ? La voir comme ça me dégoûte.

Billy hocha la tête. Il s’éloigna. James entendit le bruit du moteur de la voiture. James et lui vivaient comme des sans-pouvoirs. Cela leur avait permis de n’attirer l’attention de personne. De ce fait, aucun policier, ni magicien, ni sorcier, n’était venu leur chercher noise.

Billy revint une heure plus tard avec plusieurs vêtements. Ensemble, ils retirèrent les frusques de la jeune femme et l’habillèrent. Elle sembla retrouver un peu de dignité.

- Que lui ont-ils fait, d’après toi ? demanda Billy qui tenait la main d’Isabelle.

- Ils l’ont violée. Sa grossesse en témoigne, gronda James.

- Grossesse ? Elle est enceinte ?

James hocha la tête.

- Tu crois que je dois tuer cette enfant ? Comment le prendrait-elle ? Accepterait-elle le fruit de cet enfer ? Ne voudra-t-elle au contraire ne pas en entendre parler ?

- Je ne sais pas, indiqua Billy. Et toi ? Cet enfant est ton petit-fils ou ta petit-fille.

- C’est une fille, précisa James. Cette fois, j’ai regardé. Pas deux fois.

Billy acquiesça.

- Honnêtement, je ne sais pas, continua James. Pour l’instant, ce bébé m’indiffère. Seule ma fille importe. J’ai soigné ses blessures.

- Elle en avait beaucoup ? demanda Billy.

Pour toute réponse, James baissa les yeux en secouant la tête. Il ne voulait pas en parler. Il y en avait eu tant ! Il n’avait presque plus d’énergie.

- Elle était sous collier de souffrance, continua James. Je le lui ai retiré. Ils l’ont privée de magie.

- Elle s’était prédit un avenir pourri. Ça s’est avéré exact. C’est une excellente pythie, dit Billy.

- Ce n’est pas une sorcière ! s’écria James, loup sortant les crocs pour protéger son petit.

- Et pourtant, continua Billy très calme, elle sait remarquablement bien tirer les cartes. C’est le meilleur devin que j’ai jamais vu. Ceci dit, je ne crois pas en avoir jamais croisé alors…

James parvint à sourire, très rapidement, à cette réplique.

- Pourquoi est-elle là ? demanda Billy.

- Un mec l’aura prise en pitié, supposa James. Je le plains. Il va manger cher.

- Ils vont venir la reprendre, maugréa Billy.

- Qu’ils viennent, je les attends, gronda James.

Billy grimaça. Nul doute qu’il s’inquiétait pour son ami. James s’en fichait. Il avait déjà échoué à protéger sa bien-aimée. L’enfant de leur amour survivrait, il se le promit.

 

Prison impériale – Mercredi 11 juillet 2007

 

Dan ressentit la sortie de sa prisonnière suivi du retrait du collier de souffrance. Il se téléporta à la prison pour trouver la geôle vide. Il constata également l’absence du garde MacTry. Il grimaça en tiquant. Cet abruti pitoyable avait fini par agir. Sombre crétin !

Dan plissa les paupières. Il tenait une occasion en or d’obtenir un nouveau jouet. Même si la belle Isabelle s’était montrée délicieuse, après plus d’un an, il s’en était lassé.

Dans les dossiers, il chercha la signature magique de MacTry et se téléporta près de lui. Cet idiot venait de se transpercer le cœur d’une lame. Dan n’eut aucune difficulté à le soigner.

- Guide Bern ? blêmit MacTry. Laissez-la tranquille. Elle est innocente !

- Contrairement à toi, qui vient, en libérant cette prisonnière, de t’opposer directement aux volontés du roi.

- Vive le roi.

Dan sourit. Il posa une main sur l’épaule de l’ancien garde. Dès son arrivée à la prison, il prévint sa hiérarchie de la trahison du garde et réclama le droit de punir lui-même le coupable. Il l’obtint.

- Tu l’as prise en pitié ? Tu vas la remplacer. Tu sais ce que j’aime, murmura Dan à son oreille.

- Que… quoi ? s’exclama MacTry alors que Dan se téléportait hors de la cellule, non sans l’avoir mis sous collier de souffrance.

L’ancien garde chercha à utiliser ses pouvoirs. Il s’écroula de douleur puis hurla, chant magnifique. Il cria longuement, tapa contre les murs, lutta contre la serrure de la porte.

Lorsque Dan revint, il le supplia de le laisser sortir. Quand le guide de la lumière défit la ceinture de son prisonnier pour lui retirer son pantalon, le garde s’écarta. Il reçut son premier coup. Il se débattit et tenta de rendre les coups. Il était mauvais magicien mais pas mauvais au combat au corps à corps, reconnut Dan. Le défi plut au guide de la lumière.

MacTry hurla à pleins poumons lorsque Dan l’encula, à sec, sans préliminaire. Il sanglotait comme un bébé lorsque Dan en eut fini avec lui.

- T’as eu pitié d’elle ? cracha Dan. Mais dis-moi, qui aura pitié de toi, sac à foutre ?

Dan ricana alors que sa victime gémissait. Le guide de la lumière sourit. Quel bonheur ! Ce nouveau jouet fonctionnait à merveille.

 

Le caveau ancestral – Vendredi 13 juillet 2007

 

Farid entendit les coups sur la porte. Il leva le nez de ses dossiers. Ses collègues firent de même. Katherine proposa au visiteur d’entrer.

- Eldrem, bonjour, salua Farid. Que nous vaut…

Il se tut en constatant que le devin n’était pas seul. Tous ses confrères l’avaient accompagné. La situation devait être grave. Ils se placèrent en demi-cercle devant les six sorciers composant le cercle.

- Seyma a réalisé l’horoscope du roi des magiciens, dit Farid en désignant son collègue portant un jeu de tarot à la ceinture. Il est venu me trouver. Nous avons activé nos dons et toutes nos prédictions se rejoignent.

Le résultat serait plus que fiable. Il était rare que tous les devins soient d’accord.

- Que va-t-il arriver à Philippe Stanson ? demanda Farid.

- Il va cesser d’être roi, indiqua Eldrem.

Farid frémit.

- Il va mourir ? demanda-t-il.

- Non, répondit Eldrem. Il va juste perdre son trône.

- Qui va prendre sa place ? demanda Farid.

- Aucune idée.

Farid se renfrogna. Les devins apportaient une sacrée planche savonneuse. Comment ne pas glisser ? Farid remercia les devins et les congédia poliment. Les sorciers du cercle gardèrent le silence. Tous comprenaient la gravité de la situation.

- Est-ce qu’on lui dit ? demanda Katherine.

- Lui offre-t-on la possibilité d’éviter ça ? compléta Soléa.

- La coopération avec le roi des magiciens se passe plutôt bien, rappela Walid.

- Ça serait peut-être encore mieux avec le suivant, proposa Katherine.

Farid demanda à Seyma de les rejoindre. Le devin se présenta immédiatement. Ils attendaient tous dans le couloir, se doutant qu’ils seraient appelés – à moins qu’ils ne se soient mutuellement lu l’avenir.

- Comment se passera notre coopération avec le nouveau roi ? demanda Farid.

- Vous pensez bien que nous avons déjà cherché à le savoir. Nous n’arrivons à rien du tout, précisa Seyma. Soit c’est encore indéterminé, soit la question n’est pas la bonne.

Farid hocha la tête. Ils allaient devoir y réfléchir. Seyma ressortit. Les six sorciers du cercle votèrent à main levée. Les six choisirent le mensonge par omission. Philippe Stanson ne serait pas mis au courant, pas maintenant en tout cas. Les sorciers attendraient que leur avenir à eux s’éclaircisse avant de prendre une décision finale.

 

Prisons impériales – Samedi 21 juillet 2007

 

Dan observa le corps sans vie étendu devant lui. Cette loque n’avait tenu que dix jours avant de devenir complètement apathique. Il cessait de se défendre, ne luttait plus, ne criait plus. Combien de temps pensait-il avoir passé dans cet enfer ? Le manque de repère temporel pouvait tout aussi bien lui avoir fait croire à une heure comme à un an.

Dan, ayant constaté l’esprit broyé de son jouet, avait activé le collier de souffrance pour ne plus l’arrêter. MacTry avait poussé de très jolis hurlements. Dan en souriait encore de bonheur. Naturellement, son cœur avait fini par lâcher, offrant la vision d’un cadavre au visage épouvanté et crispé de douleur. De quoi ravir le guide de la lumière.

Il soupira. Il n’avait plus de jouet. Il se sentit vide. Il se demanda où se trouvait son jouet précédent. Isabelle était la fille de Moriat. À la place de MacTry, si j’avais voulu aider la jeune femme, la confier à son père aurait été ma première idée.

Tous les guides de la lumière savaient où se trouvait le mage noir. Depuis l’enlèvement de sa fille, il se morfondait dans une vieille bâtisse. Dan s’y téléporta. Il vit son jouet, allongée, les yeux clos, veillée par son père, le visage défait.

Dan observa la scène et sourit.

- Soigne-toi bien, petit jouet.

Il envoya un rapport à ses supérieurs. « Ma torture a brisé l’esprit de la fille de Moriat. Elle est auprès de lui. Il tente de la faire revenir. J’aimerais suivre sa guérison et ne la reprendre qu’une fois guérie, histoire de blesser encore plus Moriat. »

La réponse ne mit que quelques minutes à lui parvenir. Le roi – Vive le roi – avait accepté sa requête. Dan sourit.

- Soigne-toi bien, petit jouet, répéta-t-il. Je reviendrai te chercher dès que tu iras mieux.

Il rentra au temple l’esprit léger. Il avait un jouet. Il se trouvait actuellement en réparation mais bientôt, il le retrouverait. Cela le rendait euphorique.

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