Chapitre 7 : Trahison

Lyra suivit Fynn de royaumes en royaumes, à la découverte de l’Empire, de foires en fêtes, de spectacles en représentations fortuites. Les routes qu'ils empruntaient offraient un paysage en constante évolution. Des forêts denses aux plaines verdoyantes, chaque nouveau décor semblait inspirer Fynn dans sa musique. Un mariage et Fynn se proposait. Les invités ne tarissaient pas d’éloge. Lyra non plus.

Elle le soutenait. Il ne s’occupait plus de ses instruments. Elle le faisait. Tout le soutien lui revenait, permettant au troubadour de s’entraîner, augmentant encore ses compétences.

- Hé bien ! Tu es devenu meilleur que moi !

Lyra se tourna vers celui qui venait de s’adresser à Fynn. Il profitait du buffet proposé par le châtelain, organisateur d’une grande fête pour l’anniversaire de son fils aîné.

- K’Ren ! s’exclama Fynn en enlaçant l’homme aux cheveux poivre et sel. Que fais-tu là ?

- Je tente de gagner ma vie mais tu me voles tous mes contrats.

Son sourire prouvait qu’il n’éprouvait aucune colère.

- Nous ne serons pas trop de deux pour contenter ces gens ! répliqua Fynn. Les gains sont composés de quelques pièces mais surtout, d’une permission de consommer librement. Voilà qui se partage aisément.

- Sans aucun doute, rit K’Ren. Allons amuser la galerie !

Les deux hommes se dirigèrent vers l’estrade. Lyra les y suivit. Fynn et K’Ren échangèrent et après quelques instants, se mirent d’accord sur une suite de danses. Lyra tendit à Fynn les instruments nécessaires.

- Tu t’es trouvé une apprentie ? s’exclama K’Ren.

- Hein ? Oh ! Non ! Pardon. Je ne vous ai pas présentés ! K’Ren, je te présente Lyra, ma petite-amie. Lyra, voici mon mentor.

« Petite-amie », se répéta Lyra. Voilà qui lui convenait à merveille. Elle étudia K’Ren. Le mentor de Fynn. Voilà qui promettait. La jeune femme ne fut pas déçue. Si Fynn était doué, K’Ren ne l’était pas moins mais en duo, le résultat était époustouflant.

Le châtelain accepta volontiers d’offrir de la nourriture aux deux troubadours… mais pas de doubler les gains. Les deux hommes n’en avaient cure. Fynn donna la totalité à son mentor auquel il rajouta la part pour la guilde, que son mentor rapporterait lors de sa prochaine venue dans les locaux fixes des troubadours à Sylvaris.

Les deux hommes se mirent à l’écart tandis que Lyra rangeait et nettoyait. Elle ne douta pas que ces deux-là avaient beaucoup à se dire. Lorsqu’elle eut terminé, elle les rejoignit mais se figea en entendant être le sujet de la discussion.

- Tu sembles très épris d’elle.

- C’est le cas, répondit Fynn.

- Petite-amie, rappela K’Ren. Pourquoi n’officialises-tu pas ? La guilde la protégerait si vous étiez mariés. Elle lui offrirait un refuge s’il t’arrivait quelque chose.

- Je sais, mais…

Fynn baissa les yeux. Lyra sentit son cœur se serrer. Elle ignorait que la guilde offrit des protections aux conjoints de ses membres. Qu’est-ce qui retenait Fynn ? La pensait-elle encore incapable de le suivre dans une vie de nomade ? N’avait-elle pas assez fait ses preuves ?

- Elle ne me fait pas confiance, souffla Fynn.

Lyra en sursauta d’incrédulité. Elle ne lui faisait pas confiance ? Où avait-il bien pu pêcher un truc pareil ? Elle lui confierait sa vie sans sourciller ! Elle l’aimait et le lui disait souvent. Il le lui rendait bien. Alors quoi ?

- Il a dû se passer quelque chose avec ses parents, quand elle était jeune, dit Fynn. Je ne sais pas ce que sait car elle ne m’en a jamais parlé et impossible de la faire se confier.

Lyra fronça les sourcils. Certes son père était un peu bourru mais son départ n’était pas lié à un quelconque mauvais traitement. Elle avait juste envie d’air et la vie de la ferme ne lui convenait pas. Auprès de Fynn, elle avait trouvé son équilibre, sa vie rêvée. Pourquoi pensait-il qu’elle avait vécu quoi que ce soit de mal dans son enfance ?

- Qu’a-t-on pu lui dire sur son corps pour qu’elle refuse de le montrer ? en pleura Fynn.

- Comment ça ? s’enquit K’Ren.

La lueur vacillante du feu projetait des ombres dansantes sur les visages de Fynn et K'Ren, accentuant la gravité de leur conversation. Au loin, les rires de la fête contrastaient avec le drame qui se jouait dans ce coin isolé.

- Elle refuse que je le vois. Tu as vu ses vêtements ? Pas un pouce de peau de visible. Elle ne se montre jamais.

Lyra ne put empêcher des larmes de couler. Les tatouages se dressaient entre elle et son avenir radieux avec Fynn. L’ombre d’Ash l’enveloppa. Elle faisait tout pour l’oublier et voilà qu’il ressurgissait tel un diable de sa boîte. Le cœur de Lyra tambourina dans sa poitrine. Elle se sentit déchirée entre son désir de tout révéler à Fynn et sa peur des conséquences. Le visage menaçant d'Ash flotta dans son esprit, lui rappelant le danger qui planait toujours sur elle.

- Vous ne baisez pas ? s’étonna K’Ren.

- Soit il doit faire nuit noire, soit je dois avoir les yeux bandés.

- Elle a peut-être des brûlures ou des marques de sévices, proposa K’Ren.

- Je suppose… sauf que je ne sens rien, indiqua Fynn. Je connais son corps par cœur. Mes doigts et ma langue l’ont explorée toute entière et je ne m’en lasse pas.

- Tu n’as pas choisi la plus laide, admit K’Ren.

Les deux hommes rirent puis Fynn reprit :

- Je ne sens rien. Pas de cicatrices, pas de zone différente d’une autre. Sa peau est douce et lisse. Au niveau sexuel, elle ne refuse rien et se montre très entreprenante. Pas du tout ce qu’on pourrait attendre d’une personne abusée.

K’Ren haussa les épaules.

- Ce secret me pèse, avoua Fynn. Il dresse un mur entre elle et moi.

Le cœur de Lyra se serra en entendant les doutes de Fynn. Elle réalisa à quel point son secret avait creusé un fossé entre eux, malgré tout l'amour qu'ils partageaient. Elle ne put retenir un sanglot.

- Lyra ? s’étrangla Fynn en se rendant compte de sa présence.

- Je vous laisse, proposa K’Ren. Je crois que vous avez beaucoup de choses à vous dire.

- Tu savais qu’elle était là ! accusa Fynn.

- Oui et vous avez besoin de crever cet abcès. Vous ne pouvez pas continuer ainsi. Je veux ton bonheur, Fynn. Que cela vous rapproche ou vous éloigne, peu m’importe, pourvu que tu quittes cette incertitude qui te ronge. Tu as fait bien trop de fautes durant le spectacle. Tu as besoin de retrouver ton équilibre.

À ces mots, K’Ren quitta le cercle lumineux crée par le feu et disparut dans l’obscurité de la nuit. Lyra s’assit à côté de Fynn. Pendant un long moment, aucun des deux ne parla. Lyra réalisa qu'elle était à un carrefour. Devait-elle risquer de tout perdre en révélant son secret, ou continuer à vivre dans le mensonge au risque de perdre Fynn ? Chaque option semblait aussi terrifiante que l'autre.

Le cœur de Lyra battait la chamade alors qu'elle prenait sa décision. La peur et l'espoir se mêlaient en elle, créant un tourbillon d'émotions presque insupportable. Elle finit par rompre le silence.

- Mes parents ne m’ont jamais fait de mal, annonça Lyra.

Fynn se tourna vers elle et attendit. Lyra n’aimait pas parler de sa vie d’avant. Son enfance n’avait pas été mauvaise mais pas heureuse non plus. Elle détestait tellement les vaches, les moutons, les poules, la boue et l’odeur de bouse !

- Personne ne m’a jamais fait de mal, poursuivit-elle. Et je n’ai jamais fait de mal à personne, crut-elle utile de préciser.

Fynn hocha la tête. Il la croyait volontiers. En dehors du vol d’une brochette, sa compagne n’avait jamais réalisé le moindre acte répréhensible, ni même jamais élevé la voix. Elle était la gentillesse incarnée, même dans des situations difficiles, quand la pluie venait se mêler d’une nuit sous la tente pourtant bien commencée.

- J’ai juste été au mauvais endroit, au mauvais moment, annonça-t-elle.

- Comment ça ? demanda Fynn.

- Des gens me cherchent à cause de ça. Beaucoup de gens. Des gens puissants.

- Tu as été témoin d’un truc que tu n’aurais pas dû ? supposa Fynn. Quel rapport avec le fait que je ne doive pas voir ton corps ?

Lyra se leva et décida qu’elle pouvait s’offrir à lui, entièrement. Ils s’aimaient. Il méritait de savoir. Elle ne douta pas un seul instant qu’il la protégerait.

- Est-ce que ton mentor est vraiment parti ? demanda-t-elle en scrutant l’obscurité autour de la clairière dans laquelle ils avaient décidé de s’installer.

- Oui, dit Fynn. C’est bien son genre. Il fait ce qu’il a à faire puis il se casse, pour ne revenir qu’une saison plus tard, au moment où je l’attends le moins. Ce type a la faculté d’apparaître et de disparaître, c’est assez fou. Il s’en fiche des êtres humains. Seule la musique lui importe.

- Pourtant, il a pris du temps pour te parler.

- Parce que j’ai fait des fausses notes, rappela Fynn.

- Je n’ai rien entendu.

- Des quarts de ton trop hauts, précisa Fynn. Aucune personne normalement constituée ne l’entend…

Lyra explosa de rire avant de redevenir sérieuse. Le feu dans son dos, elle dégrafa sa robe.

- Lyra…

- Je suis prête à casser le mur pour toi. Je t’aime.

La robe tomba, dévoilant son corps entièrement nu. Fynn observa l’épiderme offert puis sourit avant d’annoncer :

- Comment ai-je pu rater ça ?

Il fondit sur son ventre pour lécher une zone à côté du nombril.

- Un petit grain de beauté. Coquin ! Tu te cachais bien ! s’exclama Fynn.

Lyra gloussa. Un sentiment de soulagement mêlé d'appréhension envahit Lyra. Elle avait franchi un pas irréversible, mais la confiance et l'amour qu'elle lisait dans les yeux de Fynn la rassuraient. Le barde lui fit l’amour avec attention, sans jamais qu’aucun geste ou mot ne désigne les tatouages recouvrant sa peau.

- Ils sont beaux, finit-il par dire alors qu’ils s’apprêtaient à sombrer dans le sommeil dans les bras l’un de l’autre.

- Je ne veux pas qu’on en parle.

- C’est noté, dit-il. Plus un mot à leur sujet.

- Personne ne doit savoir, insista Lyra.

- Je n’en parlerai à personne et je te trouverai des vêtements longs plus légers.

- Merci, murmura Lyra.

Il tint sa promesse. Il ne se moqua plus jamais d’elle, acceptant de lui payer de nouveaux habits couvrants plus confortables. Lyra ne s’était jamais sentie aussi bien de toute sa vie. L’avenir s’annonçait radieux.

Ils parcoururent les royaumes, de fêtes en fêtes. Lyra attendit mais rien ne vint. Fynn ne lui proposait pas de se marier. S’ils faisaient attention à ce que personne ne voit les tatouages, ils se permettaient désormais de s’unir charnellement sans qu’aucun bandeau ne se dresse entre eux. Lyra ne comprenait pas. Il lui semblait que Fynn se montrait plus distant. À moins que ce ne fut une vue de son esprit ?

Le manoir resplendissait. Le jardin, parfaitement entretenu, accueillait les invités. Des dorures, des tableaux, des tapis soyeux, des lustres, des verres en cristal, tout criait la richesse de son propriétaire.

- Tu as eu un contrat avec le résident de ce manoir ? supposa Lyra qui suivait Fynn dans les couloirs.

- J’espère finaliser un contrat avec lui, indiqua Fynn d’une voix râpeuse qui ne lui ressemblait pas.

Lyra fronça les sourcils. Fynn ne s’entendait-il pas avec cet homme ? Avaient-ils eu de mauvais contacts par le passé ? Cela se produisait parfois. Des mauvais payeurs. Des gens de peu de moralité qui profitait puis jetait. Le bouche à oreilles de la guilde permettait à d’autres de ne pas subir le même sort mais le mal était fait.

L’endroit était loin d’être vide. Ils croisèrent de nombreuses personnes, serviteurs ou résidents, permanents ou invités, impossible de le dire. L’endroit grouillait de gens occupés auxquels Lyra n’accordait qu’une attention limitée. Fynn la préoccupait bien davantage.

Ils finirent par arriver dans une grande salle très lumineuse décorée de drapeaux, statues colossales et tentures doublées d’or. Lyra reconnut la salle de réception principale, voulue pour en mettre plein la vue. C’était réussi, jugea-t-elle en reniflant. Voilà un endroit où elle n’aurait pas aimé vivre. Elle préférait nettement la simplicité d’une tente montée dans une clairière à écouter Fynn s’entraîner à un nouvel instrument.

- Fynn ! s’exclama une voix grave. Encore toi ! Mais comment faut-il te le dire ? Tes babioles ne m’intéressent pas !

Le propriétaire apparut. Yeux bruns en amande, longs cheveux bouclés marron, grand, fin, Lyra le reconnut et sa réaction fut de se figer. Elle aurait dû fuir, courir ou hurler. Mais non. Face à Ash, elle resta interdite. Elle cligna des yeux, incrédule.

- Le pouvoir ne s’obtient qu’en échange d’un cadeau précieux, poursuivit Ash. Précieux ! répéta-t-il en articulant.

- J’ai compris, indiqua Fynn. Je t’amène de quoi réaliser un échange correct pour nous deux.

Ash soupira en secouant la tête tandis que la dizaine de témoins visibles ricanaient.

- Qu’as-tu pour moi ? La bague déterrée d’un roi mort depuis des lustres ?

La blague fit exploser de rire l’assemblée. Fynn attrapa le poignet de Lyra. La jeune femme lui envoya un regard ahuri. Son esprit tourbillonnait. Elle ne parvenait plus à assembler deux pensées cohérentes. Tout venait d’exploser en elle. Son cœur en cendres pulsait de l’acide pur dans ses veines.

Fynn attrapa la manche et la remonta, dévoilant à tous les tatouages.

- Je suis désolé, murmura-t-il avant de la lâcher en reculant d’un pas.

Le silence qui tomba sur la salle était assourdissant, comme si le temps lui-même s'était arrêté. Les regards avides et cruels des spectateurs semblaient peser sur Lyra, l'écrasant presque autant que la trahison de Fynn.

Le monde de Lyra s'effondra. Chaque souvenir heureux avec Fynn se teinta d'amertume, comme un poison se répandant dans son cœur. La douleur de la trahison était si vive qu'elle en avait le souffle coupé. Les jambes de Lyra tremblaient, menaçant de céder. Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il allait exploser dans sa poitrine.

- Le réceptacle ! murmura une voix, puis une autre et bientôt, les ombres chuchotèrent partout autour de Lyra.

Ash s’avança vers sa proie. Lyra voulut reculer mais un homme dans son dos l’en empêcha. Il saisit ses bras, la laissant sans défense face à son adversaire.

- Ne t’ai-je pas déjà vue toi ? siffla Ash en la dévisageant. Serveuse dans une taverne, non ?

Lyra tenta de se libérer de la poigne de l’homme dans son dos, en vain. Elle lança à Fynn un regard éperdu mais celui-ci regardait le sol avec une admiration sans limite.

Ash dégaina une lame de sa ceinture, brillante. De l’argent, sans aucun doute. D’un geste fluide, il déchira le vêtement léger du cou jusqu’en bas, dévoilant le corps de la jeune femme. De la pointe de sa lame, il caressa les courbes. Il était clair que les seins, le ventre ou le sexe de la jeune femme ne l’intéressaient pas. Peut-être ne les voyait-il même pas. Seuls les tatouages méritaient son attention.

- Tu auras le pouvoir demandé, Fynn, annonça Ash. Tu mérites d’être récompensé. Ce cadeau a une valeur inestimable ! Merveilleux !

Alors que la pointe de la lame de Ash appuyait juste en dessous des côtes, Lyra fut éblouie par un flash de lumière elle et alors qu’il armait son bras pour frapper et que Lyra fermait les yeux pour se protéger du rayonnement, la salle fut envahie d’une lueur vive d’une blancheur et d’une puissance incommensurable. Des cris résonnèrent tandis que chacun se protégeait les yeux comme il pouvait.

L’homme derrière Lyra la lâcha. La jeune femme n’attendit pas et bondit, profitant de la diversion offerte. Les yeux bien fermés, elle sortit à tâtons tandis que des ronchonnements mécontents s’élevaient.

- Trouvez le lanceur de sort ! ordonna Ash. Ne laissez pas le réceptacle s’enfuir !

Il y eut des mouvements autour de Lyra et des cris. Les hommes, aveugles, se rentraient les uns dans les autres.

- Mon contre-sort ne fonctionne pas ! annonça quelqu’un. Le lanceur est trop puissant pour moi !

Lyra arriva dehors sans encombre. Dans le jardin, debout, se tenait Omicron Elara dans sa robe rouge, concentrée. Lyra se figea. Entre les sorciers et les magiciens, qui seraient les plus à même de s’en prendre à elle ? La récente trahison de Fynn fit se voiler son regard. Personne. Elle ne devait se fier à personne. Le cœur déchiré, elle s’enfuit dans la direction opposée à celle qui venait pourtant de lui sauver la vie, sans accorder la moindre attention à son corps dénudé que sa robe déchirée dévoilait à chaque pas.

Omicron Elara secoua la tête, comme si elle se réveillait, pour emboîter le pas à Lyra, courant pour tenter de la rattraper. Lyra accéléra. Elle était bien plus jeune que sa poursuivante et vivait une vie animée, pleine de déplacements quotidiens. Les moments de répit étaient rares, lui offrant une excellente santé.

Un haut mur se dressa devant elle. Le domaine d’Ash devait être ceinturé de la sorte jusqu’au portail d’où elle venait. Impossible d’escalader. Revenir sur ses pas signifierait sa mort. Elle entendait les aboiements d’Ash commandant ses sbires. Ils ne tarderaient pas à arriver.

- Lyra ! s’exclama Omicron Elara dans son dos. Je ne te veux pas de mal. Je te croyais morte ! Aucun Alpha ne peut survivre aussi longtemps ! Tu as réussi à transformer ton pouvoir naissant en rune toute seule ! C’est incroyable.

- Que fais-tu là ? demanda Lyra, suspicieuse.

Elle attrapa les pans de sa robe et les resserra mais impossible de masquer les tatouages sur les jambes. Toujours dos à la magicienne, elle grimaça. Comment se sortir de cette situation ?

- L’un de nous surveille en permanence le domaine d’Ash, expliqua Omicron Elara.

- Vous savez où se trouvent les sorciers et vous ne faites rien contre eux ? grogna Lyra.

- Ils sont trop forts et trop nombreux. L’un de nous surveille et transmet. Les informations sont le nerf de la guerre. Nous déjouons souvent leurs plans de cette manière. Maintenant que tu sais pourquoi je suis là, tu peux peut-être m’expliquer ta présence en ce lieu ?

- J’ai fais confiance à la mauvaise personne, gémit Lyra. Plus jamais… Va-t-en, Elara !

- Comment comptes-tu leur échapper ?

- Et toi ? répliqua Lyra.

- Moi, je suis une magicienne confirmée. Je m’en sortirai. Elle fait quoi, finalement, ta rune ? Un peu d’aide ne serait pas de trop.

- Je croyais que tu t’en sortirai très bien, magicienne confirmée, rétorqua Lyra d’un ton sarcastique.

- Lyra… Je ne suis pas ton ennemie !

- Elle est là ! s’écria un sorcier et ses copains rappliquèrent. La magicienne aussi !

Les sorciers encerclèrent les deux femmes, scrutant la magicienne, prêts à réagir en cas d’attaque. Ash apparut à la lisière du cercle.

- Elle est à moi ! gronda Ash en désignant Lyra.

- Viens à moi ! dit Omicron Elara en levant les yeux au ciel.

Une ombre gigantesque obscurcit le ciel, éclipsant le soleil. Lyra leva les yeux et aperçut une forme massive fendre les nuages. Des écailles écarlates scintillaient sous la lumière, reflétant des éclats de feu. Deux ailes immenses se déployèrent, couvrant le ciel d'un voile rouge sang. Une longue queue serpentine fouettait l'air, laissant des traînées de brume dans son sillage.

La créature plongea vers le sol, son corps sinueux ondulant avec une grâce surprenante pour sa taille colossale. Un long cou s'étirait vers l'avant, terminé par une tête aux mâchoires puissantes et aux yeux d'ambre brillants d'une intelligence ancienne.

Alors que la bête s'approchait, Lyra put distinguer chaque détail de sa silhouette légendaire. Son souffle se coupa devant cette vision à la fois terrifiante et majestueuse. Le dragon rouge descendit en piqué vers le sol. Lyra fut saisi d’une frayeur intense. Les sorciers hurlèrent de terreur.

Il ne rugit pas. Ses ailes ne se froissaient pas en battant. Aucun souffle de vent n’accompagnait sa descente. C’est une illusion ! comprit Lyra.

Le dragon se posa, offrant un trou au milieu du cercle de sorciers, interstice pile en direction du portail de sortie. Lyra n’attendit pas. Elle fonça, traversant l’illusion de dragon pour bondir vers la liberté.

- Il n’est pas réel ! s’exclama Ash.

Osant un regard en arrière, Lyra vit les sorciers se jeter sur Omicron Elara. La magicienne avait bluffé et l’action de Lyra venait de dévoiler son jeu. Les sorciers avaient réagi dans l’instant. Omicron Elara avait beau posséder trois runes, aucune ne permettait une action agressive.

- Fynn ! Elle est pour toi ! s’exclama Ash.

Le prénom attisa la curiosité de Lyra, qui, presque arrivée au portail, ne put s’empêcher de se retourner. La vision de Fynn enfonçant la dague dans le cœur d'Omicron Elara se grava dans l'esprit de Lyra comme une brûlure. Cette image semblait symboliser la mort de tous ses espoirs, de toute sa confiance en l'humanité.

Le visage couvert de larmes, Lyra prit ses jambes à son cou. Le paysage défilait autour d’elle comme un flou de couleurs et de formes. Les arbres, les champs, tout se mélangeait dans une course effrénée vers une liberté incertaine. Ne pas s’arrêter. Ne pas laisser l’émotion la submerger.

Chaque pas lui coûtait tant ! Son corps réclamait une pause que sa terreur refusait de lui offrir. Le cœur de Lyra battait si fort qu'il semblait vouloir s'échapper de sa poitrine. Chaque pas était à la fois une victoire et une torture, son corps épuisé luttant contre la terreur qui la poussait en avant.

Alors qu'elle courait, l'esprit de Lyra tourbillonnait. Comment avait-elle pu être si naïve ? Comment pourrait-elle jamais faire confiance à nouveau ? Chaque visage rencontré serait désormais un potentiel ennemi.

Une ferme isolée apparut. Peut-être y trouverait-elle une robe ? Elle ne pouvait espérer retrouver la civilisation dans cette tenue. Et pourtant, disparaître dans la foule restait la meilleure solution. Voler ne lui plaisait pas mais elle ne voyait pas d’autre option. Alors qu’elle observait les environs afin de déterminer si les résidents s’y trouvaient ou étaient partis au champ, une main se posa sur sa bouche et une odeur forte envahit ses naseaux. Elle perdit connaissance.

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