Chapitre 7 : Un changement de cap radical

May bâilla et prit une gorgée de son thé favori avec Sakura. Ensemble, elles mirent en place de nouveaux articles avant l’ouverture, une heure plus tard. Des échanges de postes se faisaient souvent, alors aujourd'hui, c’était Sakura qui gérait la caisse. May allait descendre pour s’occuper des cabines lorsque quelque chose attira son attention. Une étrange lumière de la taille d’une balle de baseball apparut, celle-ci fit sortir d’elle une lettre avec un sceau impérial dessus et une autre, vierge, avec une plume sculptée dans un métal n'existant pas sur Terre. Puis elle disparut aussitôt. May s’avança vers le courrier et reconnut le blason de la famille impériale de la dimension de lumière. L’impératrice elle-même lui avait écrit. May resta bouche bée devant ce grand honneur et ouvrit délicatement le papier avec un ouvre-lettres. La feuille était ancienne, des petites taches de couleur marron étaient visibles de part et d’autre. May la lut et comprit tout de suite pourquoi elle avait une immense chance de recevoir du courrier de la part de l’impératrice. 

Ses actions l’avaient touchée, mais il lui restait encore beaucoup à apprendre, d’après celle-ci. Elle porta son regard sur l’autre lettre, réfléchit un moment, puis mit le tout dans un placard. May répondrait à l’impératrice, mais quand sa journée serait terminée. Mozart résonnait dans toute la boutique. Les yeux fermés, May imita le chef d’orchestre sous le regard amusé de Sakura, préparant la caisse. Les premiers clients poussèrent la porte, la cloche tinta et les pièces ne restèrent pas longtemps en rayon. Onze heures trente, le premier candidat potentiel au poste arriva à l’heure. May le reconnut tout de suite. Il avança vers elle, souriant, et se présenta. Fabien, l’époux d’Ora. Fabien avait meilleure mine que la dernière fois où elle l’avait vu. May ferma le Coin Mode et invita Fabien dans son bureau. Elle lui posa tout un tas de questions en rapport avec la distribution, le contact avec le client et l’utilité qu’il apporterait à la boutique. Il répondit à toutes les questions d’une voix calme et convainquit May. Mais pour être totalement neutre, elle devait aussi rencontrer les autres. Fabien ressortit du bureau en remerciant May de l’avoir reçu. Elle se leva et le regarda s'éloigner. May était lesbienne, mais ce n’était pas pour autant qu’elle ne savait pas reconnaître un bel homme. Elle avait un bon pressentiment à son sujet, c'était lui qu’elle devait prendre. 

Plus la liste de candidats s’allongeait, plus May envisageait cette idée. Elle n’arrivait pas à trouver les mots pour qualifier l’attitude, les réponses des personnes qui arrivaient dans sa boutique pour obtenir l'emploi. À certains moments, May en était fatiguée, au bord de la migraine. Les tête-à-tête créaient parfois des malaises, May ouvrit en silence la petite fenêtre et se rassit. Quand le déluge s'arrêta enfin, elle prit une décision pour Le Paradis : Fabien était LE candidat parfait. Une fois Sakura partie une bière à la main, elle répondit à l’impératrice, d’une écriture soignée et propre. La lettre vola toute seule en direction du plafond et disparut entourée de lumière. May envoya un message à Joyce, mais n’obtint aucune réponse. Elle soupira et se rappela que cette semaine Tatiana enchaînait les interviews. Évidemment, Joyce était là, mais pas qu’elle, Charles aussi. Joyce le vivait avec Charles, et non avec May. Tatiana raconta son ressenti lors de la compétition, ses doutes, ses incertitudes. La tension qu’il y avait entre les patineuses, l'atmosphère qui changeait dès que l’une d’entre elles dansait sur la glace. Le silence dans les couloirs quand elles se croisaient, les tics que certaines développaient pour rester calmes. Les larmes aux yeux, Tatiana évoqua le soutien de ses parents lors de son enfance, de sa coach, Joyce, toujours là pour elle. Après le décès de ses propres parents, c’était Joyce qui avait donné assez de courage et de force à Tatiana pour continuer à avancer.

Sur le plateau d’un talk-show très connu, des musiciens réservèrent un accueil incroyable à Tatiana et à Joyce. Elles entrèrent en saluant le public et s’assirent dans un canapé marron très moelleux. Le présentateur posa quelques questions, plaisanta avec Tatiana et joua à quelques jeux amusants. C’était une dure semaine pour Tatiana, aller à l’autre bout de la ville pour être interviewée et le faire plusieurs fois dans une même journée, mais ce qui la rassurait, c’était de savoir que ses parents, et Joyce surtout, étaient là pour la soutenir. Au feu rouge, adultes comme enfants la saluaient depuis leurs fenêtres. Joyce était heureuse pour sa protégée car elle l’avait aussi vécu par le passé. C’était un sentiment familier pour elle. Lors de ses débuts, cela avait été pareil. On la reconnaissait, on lui demandait des autographes et des photos. Charles n’aimait pas être dans la lumière des projecteurs et ne montrait pas ses vraies émotions. Ça, Joyce ne le savait pas. Il n’aimait vraiment pas le faire, ni que les fans hommes s’approchent aussi près de sa petite amie. Son regard méfiant et ses poings fermés mettaient souvent les conducteurs mal à l’aise. Personne n’osait dire quoi que ce soit, trop intimidé par l’aura protectrice de Charles. Des journalistes en herbe et des adolescents voulurent faire le buzz sur l’un des sujets du moment, sur Light. Joyce passa beaucoup de temps avec Tatiana et ses amies, parce qu’elle aimait les enfants. 

Ce n’était pas l’une de ses priorités actuelles, mais c’était un projet comme un autre qu’elle gardait dans un coin de sa tête. Charles, lui, n’abordait jamais le sujet. Pour Joyce, cela voulait dire qu’il n’était pas encore prêt ou qu’il n’en voulait pas. Dans le bureau, alors qu’elle vérifiait les comptes de Le Paradis, May eut un drôle de pressentiment. Elle s'arrêta de taper, s’écarta du clavier avec sa super-vitesse et descendit les escaliers pour prendre l’air. C’était la première fois que cela arrivait, quand un mauvais pressentiment apparaissait. May souffla, sa respiration redevint normal, ses cœurs battirent de nouveau normalement. Elle remonta et reprit ce qu’elle faisait juste avant. May s’étira les bras en croisant ses doigts vers le plafond. Son dos craqua et elle le massa légèrement. Elle ferma son compte et alla étendre le linge. Pendant qu’elle le faisait, elle repensa au mauvais pressentiment d’un air perplexe. Cela concernait Joyce. Pourquoi Joyce ? Pourquoi maintenant, alors qu’elle s’était décidée à presque tout lui avouer ? May soupira et eut de nouveau mal à la tête.

 

{ Ah bah super... elle est de retour, elle }

pensa May en parlant de sa migraine

 

Dans la cuisine, tout en buvant un verre d’eau bien glacée, May repensa à sa tante et à ses dons l’espace d’un instant. Et si elle lui parlait de ses pressentiments des plus étranges ? Sa tante pourrait faire quelque chose, non ? May n’allait pas embêter sa tante avec ça, si ? Bien sûr que non, celle-ci avait d'autres choses à faire, comme trouver le meurtrier de telle ou telle affaire. Pour se changer les idées et arrêter d’y penser avant le retour de Joyce et Charles, May se mit en mode pro du ménage, du rez-de-chaussée à l’étage. Elle nettoya tout, même sa voiture eut droit à un coup de neuf. Un petit jet d’eau, une vérification des pneus pendant qu’elle y était. May s'essuyait les mains pleines de graisse avec un torchon rétro quand Joyce poussa la porte de l’entrée, posa son casque sur sa droite, enleva ses chaussures, mit sa veste dans le placard avec celle de Charles et chercha sa colocataire.

 

— Je suis là, fit May.

— C’était vraiment une semaine de dingue !

— Je vois ça, Joyce.

 

May suivit Joyce à l’étage, tout comme Charles, visiblement mécontent, mais ça, il le cachait très bien. Après une douche rapide dans leur salle de bains respective, les deux colocataires se préparèrent du chocolat chaud et s'installèrent sur le canapé comme de vieilles amies. Charles avait aussi une tasse remplie, qu’il regarda d’un air presque écœuré. Joyce commença le récit de ses jours intensifs d'interviews à la chaîne, des tonnes de questions personnelles pour Tatiana, des interactions avec le public, des talk-show du pays. May écoutait d’une oreille, extrêmement attentive aux paroles de son crush. Voilà, elle y repensait. Son amour pour Joyce, depuis le premier jour, depuis qu’elle avait entendu la première fois sa voix au téléphone à Séoul. Elle ressentait de nouveau des papillons dans le ventre.

 

{Étrange expression terrienne, quand j’y pense…}

pensa May, totalement perdue dans les yeux verts de Joyce

 

C’était comme admirer un champ d’herbes respirant la tranquillité, devant une forêt d'arbres retrouvant des couleurs. May aurait pu faire mille et une comparaisons de ce qu’elle voyait en regardant Joyce. Ensorcelée par la voix mélodieuse de son crush, elle en oublia sa boisson chaude. Celle-ci refroidissait de minute en minute, les marshmallows dedans flottaient comme une boue sur l’eau. Voyant que l’attention de Joyce était portée sur May, un poil jaloux, Charles fit du bruit en buvant son chocolat chaud. May grimaça. Joyce, elle, sourit.

 

{Comment peux-tu trouver ça mignon ? C’est désagréable à entendre}

pensa May, se souvenant qu’elle avait un mug, elle aussi

 

May soupira, finit le contenu de son verre et alla le laver dans l'évier. Derrière, Joyce se rapprocha de Charles, et il retrouva le sourire.

 

{Il est bipolaire ? Si oui, pourquoi n’en a-t-il pas parlé avec Joyce ? Si non, quel est son problème, enfin ? Je suis aussi un peu jalouse, mais lui c’est pire}

pensa May, un poil curieuse et énervée

 

Depuis sa chambre, elle entendit une sonnerie venant de son téléphone portable. May s'excusa et prit congé. C’était un message de Shannon, elle voulait savoir si tout allait bien. May sourit tout en s'asseyant sur le rebord de son lit, à côté de la table de chevet où était posé son appareil. C’était une autre vraie amie, une personne qui s'inquiétait vraiment pour elle, pas juste pour obtenir quelque chose d’elle, contrairement à ses anciennes camarades de classe à Paris. May n’avait qu’Angela, à l’époque, à qui elle pouvait se confier, parler de tout et de rien. Mais pendant son séjour dans la fameuse capitale de l'amour, May avait rencontré Sakura, qui était maintenant devenue sa nouvelle confidente. Elle lui racontait ses coups de cœur en matière de femmes. Et surtout, le sujet qui revenait le plus souvent était le “ Dossier Joyce ”, comme Sakura aimait bien l’appeler. Elle répondit à Shannon, se leva et se mit aux fourneaux. Cette semaine : cuisine asiatique. May fit un mélange de chaque plat de chaque pays d’Asie pour le repas du soir. Et si restes il y aurait, ce qui arrivait parfois - May en faisait toujours trop pour faire plaisir à Joyce et à son estomac – alors elle les mettrait au frigo dans des barquettes de différentes tailles pour les jours à venir. Sur le plan de travail, tous les ingrédients de chaque recette étaient placés devant la fiche explicative. Au début, Charles fut ravi de ne pas cuisiner, ce qu’il fit savoir et dérangea Joyce, visiblement. 

Quand celui-ci remarqua que les sourires, les compliments et les câlins ne lui étaient plus du tout destinés, il se retint de se mettre en colère et à la place fit exprès de faire sortir Joyce tous les soirs où May devait faire la cuisine. Rien de plus simple, avec une colocataire qui notait à chaque fois sur un papier ses prochains voyages culinaires. Joyce ne connaissait pas les vraies intentions de Charles à son égard et pensait tout bêtement qu’il était jaloux. Elle trouvait ça mignon, et lui avait de nouveau l’attention de sa chérie. Quand le crépuscule pointa le bout de son nez, May se trouvait devant la porte de chez elle. Le froid ne lui faisait rien malgré la température de plus en plus insupportable. Elle était inquiète de ne pas voir Joyce revenir. C’était comme ça tous les soirs depuis qu’elle avait cuisiné pour quatre personnes.

 

{D’accord, je veux bien qu’il passe du temps avec Joyce étant donné que c’est sa petite amie. Mais là, c’est quand même exagéré. Il faut qu’il la laisse respirer !} pensa May

 

À deux doigts de demander de l’aide à sa tante, une enquêtrice hors pair. May essaya de calmer ses crises d’angoisse et dut aller à la plage pour se débarrasser de ses blocages respiratoires. Elle eut raison de s’y rendre, le bruit des vagues et la beauté de l’océan l’apaisèrent ; le sable chaud sous ses pieds, doré comme un diamant à la lumière du jour. Ce manège durait depuis trop longtemps pour May, de nature anxieuse. Elle subit ça toute la semaine. Même à Le Paradis, les habitués étaient inquiets pour elle. Quand elle pensa de nouveau à Joyce, main posée sur sa poitrine presque inexistante, les yeux des clients se rivèrent sur elle. May les rassura. Ce n’était rien, cela allait passer. Mais elle n’en était pas certaine. Quand ce jeu allait-il se terminer ? Probablement jamais. Elle allait perdre cette partie, qu’elle avait abandonnée depuis longtemps. Elle soupira en voyant le soleil se coucher à l’horizon. May voulait avoir une discussion avec Charles en privé, savoir pourquoi il se comportait ainsi Mais quand ils se retrouvaient seuls dans la même pièce, Charles jouait un tout autre jeu avec May, la rendant folle. May ne savait pas pourquoi elle devait endurer tout ça. Qu’avait-elle à se reprocher ? Elle avait pourtant souffert en silence quand Joyce et Charles s’étaient mis ensemble. Au cours d’un dimanche ordinaire, May revenait de l’une de ses activités préférées, le surf, ce sport dont elle était tombée amoureuse à son arrivée à San Francisco. 

 

Elle franchit la porte d’entrée et monta les escaliers avec difficulté en portant sa planche sans savoir où elle mettait les pieds. L’odeur de l’océan était encore collée à sa peau, ses cheveux trempés laissaient tomber des petites gouttes d’eau par terre. Un bruit l’étonna. Elle en atterrit sur le sol. May se releva de sa planche, se mit en tailleur et crut un moment qu’elle s'était emmêlé les pieds. Elle trouva l'atmosphère changé, ajusta son regard et fixa le sourire glacial de Charles.

 

— Eh bien, May, tu es tombée, on dirait, signala Charles.

— C’est toi qui m’as fait tomber, j’en suis sûre, marmonna May.

 

May avait raison, c’était le cas. Charles lui avait fait un croche-pied. Sans retenue, quelques secondes avant. Il avait déplié sa jambe, pile-poil à l’arrivée de May en haut. — Bah… qu’est-ce qui s’est passé, ici ? demanda Joyce, qui venait tout juste d’arriver.

 

— Je lui avais pourtant dit de faire attention, déclara Charles en souriant.

 

{Ne mens pas, Charles, il ne s’est rien passé de cela } pensa May

 

— Tu es tête en l’air, ces temps-ci, May, notifia Joyce.

— Veuillez m'excuser, je dois aller me laver, répondit May, toute embarrassée.

 

Comme dans une pièce de théâtre, chaque scène avait son importance, et la suivante fit encore plus d’effet à May.

 

Le jour d’après, l’avant-dernière séquence se joua. May avait une patience incroyable, mais qu’on la fasse passer pour l’idiote de service était de trop. Elle avait besoin de respirer de l’air non-contaminé par la présence de Charles dans les parages. Elle décida de prendre son après-midi un mercredi avant d’aller voir d’Ora. Elle avait écouté le conseil de l’impératrice. Après l’envoi de sa lettre, Ora lui avait rendu visite. May prit place dans sa Citroën, vérifia que le siège conducteur n’avait pas changé d’un centimètre et se mit en position. Elle passa devant l’université de San Francisco, Alta Plaza, Crissy Field Marsh et le Golden Gate Overlook, puis roula sur le Golden Gate en direction de Marin City. Là, elle se sentit de nouveau libre. 

À cause des embouteillages, elle dut patienter en penchant sa tête vers l’extérieur et contempla le panorama qu'offrait la nature. Il y avait vraiment foule sur le pont à cette heure-ci, une centaine de véhicules s’y trouvait. Elle dépassa enfin Tamalpais-Homestead Valley et Homestead Valley. Dans Muir Woods National Monument, May avança sur les ombres que dessinaient les immenses arbres au-dessus d’elle, comme des géants. Ils étaient imposants. Les troncs abîmés par le temps, ils semblaient très âgés. À sa droite, elle en vit des tordus, des cassés, des penchés, des tombés. Certaines racines au sol étaient visibles, elles s'enlaçaient et fusionnaient avec les autres en formant une sorte de nœud marin géant, un casse-tête sans fin un chemin aux mille possibilités. Plus elle s'engouffrait dans la forêt, plus elle appréciait à sa juste valeur le chant des oiseaux. Leur chant était magnifique pour May, différentes mélodies en un seul et même endroit. Ils étaient tous perchés sur les branches des arbres, là où personne ne pouvait les atteindre. May regarda un moment autour d’elle, puis son sixième sens se mit en marche. Main sur la poitrine, elle n’y croyait pas. Elle avait pourtant fait attention sur la route, elle pensait que personne ne l’avait suivie. May se cacha, des pas derrière elle devenant de plus en plus menaçants. Elle mit un pied de l’autre de côté de la barrière en bois, puis l’autre, et s'allongea en vitesse dans la verdure près des buissons. 

Charles apparut, tout sourire. Il ne fit pas attention aux animaux à plumes et les fit fuir en poussant un cri impressionnant. En cette journée, peu de personnes étaient présentes. Les bois étaient presque déserts, hormis la présence des animaux sauvages. Il continua de marcher encore, puis enjamba lui aussi l'obstacle et traça sans regarder derrière lui. May n’entendit plus le bruit des chaussures de Charles près d’elle. Elle se releva à moitié et analysa les environs. Il se rendait à des kilomètres de toute présence vivante, près d’une cabane abandonnée. May se mit à le suivre sans faire attention et réalisa son geste inconscient quand sa main se dirigea vers le bas de sa robe. Elle voulut prendre son téléphone, mais celui-ci était resté dans la boîte à gants, comme le reste de ses affaires. Charles s’avança vers un parterre de magnifiques fleurs où plusieurs sortes cohabitaient en harmonie. Comme dans un jardin, la disposition était époustouflante. Même May s’en trouva impressionnée, mais reprit vite ses esprits. Charles arrosa toute une rangée de roses jaunes, oranges et blanches. Cela étonna May, qui en connaissait la signification. Une rose jaune exprimait : « Votre amour n'est pas réciproque ». Une rose orange signifiait : « Je vous désire ». Et une rose blanche symbolisait : « Je suis digne de vous, et je vous aime en silence ».

 

{Je ne vois pas pourquoi seules ces roses sont plantées,

les autres aussi ont de belles significations} pensa May

 

Grâce à ses yeux de lynx, May remarqua quelque chose d’étrange dans la terre, sous les pétales de roses. Une minuscule chose, posée ou laissée là. Une drôle de forme. C’était bien mort, May pouvait l’affirmer. L’occasion de fouiller se présenta quand Charles s’éloigna et entra dans le vieil abri où il s’enferma. May s’approcha des roses tout en restant au sol. Elle rampa donc vers son seul indice. Sans faire aucun bruit, tel un serpent dans le sable chaud du désert, elle arriva près d’un os, un os humain. Ceux des Lumiros n’étaient pas aussi gros, ceux des élémentalistes non plus. Elle dut mettre ses mains dans la terre, sans gants. Doucement, elle en vit d’autres, des bout de côtes, de mains, de pieds. Elle en déduisit donc qu’il n’y avait pas qu’un seul corps sous ces beaux pétales. Sa super-ouïe entendit Charles revenir et elle fila vite en remettant tout à sa place. Un tantinet curieuse, May revint sur ses pas. Elle n’était ni une professionnelle, ni une apprentie détective, et savait qu’elle faisait une bêtise de débutante. Mais son mauvais pressentiment ne cessait de grandir. Alors raison de plus pour rester surveiller un potentiel tueur en série.

 

{Super bonne idée de surveiller le petit ami 

tueur en série de Joyce} pensa May

 

May se mit à penser comme sa tante pour essayer d’innocenter Charles en quelques secondes dans son esprit. Et si ce n’était pas lui qui avait mis ces gens sous terre ? Et s’il ne savait rien et qu’il venait pour rassurer les roses qu’il aimait tant ? C’était une hypothèse comme une autre. May ne l'aimait pas et n’avait aucune raison de le faire, mais si Joyce l’apprenait, elle serait sans doute dévastée. Alors May tenta vraiment de trouver une autre raison valable pour que Charles vienne ici seul. Malgré ses efforts, elle ne trouva rien de mieux que sa précédente réflexion. Elle voulut soupirer mais le bruit allait attirer l’attention de Charles et elle finirait par rejoindre les squelettes sous terre, si ça continuait. May ne savait pas trop. Elle décida de rentrer avant que Charles ne le fasse aussi. Dans sa chambre, choquée et stressée, elle ne savait comment agir ni même quoi faire pour éviter que Joyce ne soit la prochaine victime. Main sur la poitrine, May respira doucement, assise - plutôt semi-allongée - sur son fauteuil marron vintage situé près de son lit. Posés sur la table de chevet, elle fixa longtemps son téléphone fixe personnel et son portable. 

Les doigts entrelacés, May se doutait bien qu’elle allait sentir le retour de son mal de tête. Elle soupira enfin, sans crainte de se faire attraper par Charles. Ses yeux, d’un bleu foncé hypnotisant, étaient focalisés sur ses appareils électroniques vintage. Elle se massa les tempes pour dissiper la douleur et prit une décision qu’elle n'aurait jamais cru prendre un jour. May téléphona à sa tante, Danny.

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