Chapitre 6 : Un avant gout : sucré, salé….et amer

À pied, elle sentit l’odeur de l’océan, le parfum des environs. Elle revit la beauté des maisons victoriennes, des tramway et des rues. En arrivant chez elle, le silence dominait toutes les pièces, seule la respiration de Joyce arrivait jusqu'à ses oreilles. Elle posa ses valises devant sa chambre et ouvrit doucement la porte de sa voisine. Joyce dormait à poings fermés, n’ayant pas l’habitude des décalages horaires. Le lendemain, May contacta Sakura et celle-ci apparut à l'heure convenue. Autour d’un thé, elles comptèrent de nouveau le nombre d’objets en stock. En revenant de pause, après avoir accompagné Sakura à l’extérieur de Le Paradis, sur son tabouret ancien, May eut un mauvais pressentiment. Encore un autre, mais celui-là était pour San Francisco. Les choses qu’elle ressentait s’avéraient toujours justes, même si parfois il s‘agissait simplement d‘un problème mineur. 

La sensation était plus forte chez sa tante, sachant quels pouvoirs l’habitaient. Même les Terriens avaient ce genre de dons non-magiques et non-surnaturels. La célèbre petite voix, plus connue sous le nom de sixième sens. Chaque heure, chaque jour, l'inquiétude gagnait du terrain dans son esprit. Durant un dîner typiquement anglais, autour de la table de la cuisine et sans Charles, Joyce raconta son séjour à New York ainsi que le soir de la prestation de Tatiana sur la glace. May put enfin avouer à Joyce, après avoir demandé l’accord à Shannon, bien sûr, qu’elle était aussi là-bas. Joyce comprit pourquoi May n’avait rien pu lui dire. Pour la sécurité et l'anonymat de Shannon. Personne à part Shannon, May et les organisateurs du concours ne devaient être au courant. May lui montra les clichés pris à l’extérieur et l’intérieur de chaque lieu visité.

 

— J’ai cru te voir à Bedford Avenue, c’était bien toi ? demanda Joyce.

— C’est vrai que j’y suis allée pendant mon séjour...

— Je t’ai appelée quand je t’ai vue, tu m’as entendue ?

—Non, Joyce, désolée. Il y avait trop de monde qui parlait en même temps, mentit May.

— Oh c’est pas grave ! déclara Joyce. Maintenant dis-moi ! Comment c’était d'être avec Shannon ? Sympa ? Comment était-elle ?

— Sympa... le mot, honnêtement, est faible. Même en évitant les coins les plus populaires pour ne pas être reconnues, Shannon et moi avons passé de bons moments ensemble, ajouta-t-elle, de nouveau souriante devant Joyce.

— Oh la chance ! Tu as passé des vacances avec Shannon ! clama Joyce. 

 

La soirée fut gâchée par l’arrivée de Charles. C’est ce que pensa May, en tout cas, en faisant la vaisselle seule. Elle se retira sans faire de bruit, sans souhaiter bonne nuit à Joyce. May s’enferma dans sa chambre et réfléchit à ses sentiments. Elle devait prendre une décision, même si cela lui faisait mal d'abandonner, de noyer, de détruire son amour pour Joyce. Mais elle devait le faire pour le bonheur de Joyce, pour voir encore son sourire illuminé de joie. Le plus important pour May était de voir Joyce heureuse. Rien que de penser à ça, l’air dans la pièce se réduisait. Sûrement le stress dû à cette éventualité qu’elle ne pouvait pas écarter. May avait besoin de prendre l’air. Ouvrir la fenêtre n‘était pas assez pour elle. 

En enfilant un gilet vintage, elle descendit l’escalier menant à la terrasse de jardin. Elle s'assit dans un canapé rond, son dos reposant contre de gros coussins bien moelleux. Le doux vent frais lui fit du bien, elle put retrouver une respiration normale. Elle leva sa tête vers le ciel sombre à moitié éclairé par les clignotements des avions au loin. Elle retourna dans sa chambre, mit sa laine sur un coin de son lit et s’endormit sous ses couvertures. Son réveil rétro résonna dans ses oreilles. May s’assit et se frotta les yeux. Elle se leva et se dirigea vers la cuisine, puis se mit aux fourneaux en écoutant de la musique classique. May mangea sa gaufre express chocolat-banane et but son milkshake à la fraise. Sans personne autour d’elle, ce qui ne la dérangeait pas, même si depuis trois ans elle s’était habituée à déjeuner parfois avec Joyce. May se prépara, descendit d’un étage et franchit la porte de sa maison. Les teintes vives du soleil s'étalaient dans l’atmosphère, qui évaporait la nuit et ses nuances obscures. Les rayons éblouissants touchaient les portes-vitres de Le Paradis, le sol, les rayons et la chevelure de May. Pour une fois, les vêtements vintage eurent plus de succès. Les cabines d'essayage furent pleines à craquer, une file se formant devant. Certains clients n’étaient pas patients et entraient directement. En voyant ça, May pensa vraiment qu’il fallait qu’elle embauche quelqu'un. Elle surveilla les allées et venues en faisant attendre d’autres clients et s'en excusa auprès d’eux. Quelques clients assumèrent qu’elle n’avait pas imaginé qu’il y aurait autant de personnes intéressées par ses articles. Pendant quinze ou vingt minutes, May resta près du Coin Mode Vintage/Rétro. Les vagues fraîches et douces de la mer chatouillèrent les pieds nus de May, qui regarda l’horizon tout en respirant calmement. Elle marcha un peu tout en restant dans l’eau, puis retourna sur le sable chaud. Elle s’installa sur sa chaise vintage 70’s et dégusta son bento végétarien. Quinze minutes plus tôt, elle était à Le Paradis, entourée de clients, d’habitués et d’anciens fans de Joyce, du temps où elle était patineuse. Elle avait décidé de prendre une pause après le départ de la dernière cliente. May se leva, plia son siège et marcha vers le mur en pierre pour remettre ses chaussures. Elle se retourna et sourit lorsqu’un souvenir prit vie devant elle. Cette scène d’elle, qui partait d’un rêve, lui rappelait une chose qu’elle avait déjà vécue. Devant elle, la plage nord de la dimension de lumière remplaça celle de San Francisco. Sa mère, la peau foncée, sur sa serviette, pendant que sa tante et sa cousine jouaient dans l’eau sous le regard amusé de son père et de son oncle. Dalila se tourna vers elle et lui parla en lumia. Elle la remercia d’aller chercher les sacs remplis de casse-croûte qu’elle avait laissés dans leur char à banc personnel sous une couverture à carreaux. Quand May ferma et ouvrit à nouveau ses yeux, le décor de bonheur avait disparu. 

Elle lâcha une petite larme en repensant à sa mère, à son père et à son oncle, qui n’étaient plus de ce monde depuis deux siècles, maintenant. May changea de trottoir et marcha lentement, comme à chaque fois, pour profiter du paysage, des bâtiments et du ciel qu’elle trouvait magnifiques. Au dernier pas, elle arriva devant les portes de Le Paradis et poussa sur le côté son rocking-chair afin de mettre la clef dans la serrure. Elle entra, monta à l’étage, rangea sa chaise et redescendit. May fit le ménage avant la réouverture, surtout dans le Coin Mode Vintage/Rétro. Elle conseilla, aida et informa ses clients. L'ambiance à Le Paradis était redevenue zen, calme et presque silencieuse. La musique détendit tout le monde, même May était sereine. Derrière son bar, elle aperçut dans le coin Mode vintage/Rétro, avec un léger soulagement, une diminution des clients. À présent, ils se ruaient tous dans le Coin Musique, tout au fond, près du Coin Jeux en tout genre. Celui-ci était occupé par des collectionneurs amateurs et des fans de vieilles consoles. Le nombre de clients se réduisit au fur et à mesure. Une heure après, May put s’octroyer son tea time dans son bureau. Dix-sept personnes se trouvaient à Le Paradis. En fin d'après-midi, peu de monde se déplaçait. Sa mère, la peau foncée, sur sa serviette, pendant que sa tante et sa cousine jouaient dans l’eau sous le regard amusé de son père et de son oncle. Dalila se tourna vers elle et lui parla en lumia. 

Elle la remercia d’aller chercher les sacs remplis de casse-croûte qu’elle avait laissés dans leur char à banc personnel sous une couverture à carreaux. Quand May ferma et ouvrit à nouveau ses yeux, le décor de bonheur avait disparu. Elle lâcha une petite larme en repensant à sa mère, à son père et à son oncle, qui n’étaient plus de ce monde depuis deux siècles, maintenant. May changea de trottoir et marcha lentement, comme à chaque fois, pour profiter du paysage, des bâtiments et du ciel qu’elle trouvait magnifiques. Au dernier pas, elle arriva devant les portes de Le Paradis et poussa sur le côté son rocking-chair afin de mettre la clef dans la serrure. Elle entra, monta à l’étage, rangea sa chaise et redescendit. May fit le ménage avant la réouverture, surtout dans le Coin Mode Vintage/Rétro. Elle conseilla, aida et informa ses clients. L'ambiance à Le Paradis était redevenue zen, calme et presque silencieuse. La musique détendit tout le monde, même May était sereine. Derrière son bar, elle aperçut dans le coin Mode vintage/Rétro, avec un léger soulagement, une diminution des clients. À présent, ils se ruaient tous dans le Coin Musique, tout au fond, près du Coin Jeux en tout genre. Celui-ci était occupé par des collectionneurs amateurs et des fans de vieilles consoles. Le nombre de clients se réduisit au fur et à mesure. Une heure après, May put s’octroyer son tea time dans son bureau. 

Dix-sept personnes se trouvaient à Le Paradis. En fin d'après-midi, peu de monde se déplaçait. Elle surveillait l’extérieur depuis que deux femmes s’étaient garées derrière un arbre. May le faisait car elle avait un mauvais pressentiment. Elle reconnut la première femme, elle apparaissait sur tous les panneaux publicitaires. Elle était devenue en très peu de temps la meilleure agente immobilière de San Francisco. En neuf ans, l’entreprise de la famille Gordon avait récupéré beaucoup de personnes déçues par d’autres sociétés. L’autre demoiselle était la fille de Shannon, aussi belle que sa mère. May trouvait qu’elle ne faisait pas son âge. Elle baissa sa garde, mais pas totalement. En relâchant la pression, elle se sentit mieux d’un coup. Avec peu de personnes à Le Paradis, elle verrouilla la caisse et quitta le comptoir en fermant la porte derrière elle. May vérifia qu'aucun objet n’avait été cassé par les mains tremblantes des grands-mères et grands-pères, ce qui pouvait arriver. Mais rarement. En général, ils avaient honte de leur bêtise et partaient alors la tête baissée. Lorsqu’ils revenaient, May n’osait pas leur dire qu’elle savait ce qu’ils avaient fait sans le vouloir. Après la longue journée, elle but du thé avant de retourner chez elle. Mais quand elle s'approcha de son domicile, elle hésita et s’arrêta. En voyant la lumière émaner de son salon, les ombres montrèrent un homme et une femme qui s’embrassaient. 

Ses cœurs se serrèrent, des larmes coulèrent et son sourire disparut. Elle rentra ses lèvres, les mordit et laissa son corps se reposer contre un mur. May avait pris une décision, mais l'appliquer allait s’avérer très dur pour elle. Elle soupira, serra ses poings, releva la tête, redressa son dos et avança de l’autre côté de la rue. Devant la porte, elle souffla et entra sans faire du bruit. Elle passa devant le salon. Joyce lui fit un signe, Charles aussi. May leur répondit avec un sourire. Elle partit se changer dans sa chambre et y resta toute la soirée jusqu'au départ du couple dans la pièce d’à côté. Elle ouvrit sa porte, regarda celle à sa droite et se dirigea vers la cuisine. Thé à la main, elle observa la lune étincelant de mille feux. Avant de se coucher, May finit de boire et lut deux chapitres de sa lecture du moment. Elle se réveilla avant la sonnerie de son réveil, déjeuna rapidement dans la cuisine, se prépara et partit ouvrir Le Paradis. Dans l'après-midi, la communauté LGBTQIA+ l'invita à participer à une marche, du centre-ville à la plage. Malgré la foule, tous respectèrent le fait que May n’aimait pas être compressée, alors on lui laissa de l’espace. Après avoir fait des milliers de pas avec eux, May alla à une brocante qu'elle avait repérée dans la matinée sur un flyer qu’on lui avait donné. Une des habituées avait déposé le prospectus sur le bord du comptoir en pensant à elle. May l’avait remarqué une fois la cliente partie et l’avait remerciée en pensées. 

Sur chaque stand, le choix était présent, de la France en passant par la Grèce, de l’Argentine à la Suisse. Les objets anciens se retrouvèrent presque tous dans le sac en toile de May à un prix abordable, et certains lots finirent dans ses mains. Quand May se trouvait dans ce genre d’endroit où les perles rares se multipliaient, elle se sentait comme chez elle. Partout, elle retrouvait un peu de la dimension de lumière. Les gens étaient souriants, aimables, gentils, aimant donner des précisions sur les pièces convoitées. May rapporta les nouveaux articles à Le Paradis et les ajouta aux prochains qui seraient mis en rayon. Sur son trône, elle scrutait les quelques personnes se trouvant dans sa boutique. May se leva, récupéra son calendrier papier rétro créé par sa cousine et vérifia son prochain rendez-vous avec elle. C’était sa cousine qui lui fournissait les vêtements, les bijoux, les sacs et les chaussures vintage/rétro revisitées. Une cliente l’interpella. May posa l’agenda pour aller à sa rencontre et s’occupa de la dame jusqu'à la fermeture. En sortant, elle se retourna et vit que la voiture n’était plus là. Vu l’heure, tous les participants étaient encore sur la plage à écouter de la musique. Un souffle de sociabilisation entra en May et elle se dit que cela lui ferait du bien avant de rentrer chez elle. Elle se regarda dans la vitre d’un magasin, elle portait l’une de ses tenues décontractées d’été.

Sur le sable, on la regardait mais personne ne la dévisageait, surtout parce que plusieurs personnes présentes faisaient partie de ses clients. Les organisateurs de la marche appliquaient les mêmes règles que celle des Lumiros. May en fut contente et elle se mêla aux gens jusqu'à une certaine heure. Elle dansa un peu, mangea et but avec eux avant de les remercier pour tout. Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas qu’elle avait dépassé sa maison. May était en pleine réflexion : Le Paradis, elle, Joyce et Charles, son avenir, sa famille et sa dimension. Des bruits la firent sortir de sa bulle et elle constata qu’elle était loin de chez elle. Des lumières de véhicules de patrouille passèrent dans les rues au loin et elle sut que c’était ça, ce qu’elle avait ressenti. Elle figea le temps, se concentra, se transforma en disant dans son esprit “ Cristallisation “ et courut rapidement vers le danger. Les minutes défilèrent de nouveau, des éclairs bleus aux tons clairs et foncés apparurent devant des passants. Un courant d’air assez puissant les surprit, leurs cheveux volant sur son passage. Lady Oz courait à côté des voitures qui, pour elle, avançaient très lentement. Elle pouvait atteindre mac 20, si elle le voulait. Des cris de peur interpellèrent Lady Oz. Elle accéléra pour découvrir ce qui causait les hurlements, arriva enfin et vit une autre supersonique, comme elle, sauf que celle-ci avait des éclairs noirs. 

Les regards des deux femmes se croisèrent et l’autre rit, un rire maléfique. Elle fit craquer ses doigts, puis son cou, et fonça sur Lady Oz. Surprise d’une telle vitesse, celle-ci reprit malgré tout vite le contrôle. Le sourire sournois sur le visage de l’inconnue déplut à Lady Oz, qui la provoqua en duel. Sans rien savoir de son ennemie, erreur de débutant. Mais là, elle n’avait pas le choix et ne pensa pas tout de suite aux conséquences de ses actes. Sur Union Square, la mystérieuse Lumiros l’envoya contre la froideur du sol. Lady Oz se releva, essuya le sang collant de ses lèvres et prit un air des plus sérieux.

 

— Qui es-tu pour faire la loi dans cette ville ?

— Oh, on n’est pas contente. Tu vas te plaindre à ta maman ?

— …

— Vu qu’on va peut-être se revoir, il faut bien que tu saches qui va te tuer. Lady Black, ton ange de la mort !

 

Lady Black fit savoir qu’elle s’amusait bien, que c’était plus distrayant que prévu. Elles recommencèrent à se battre. 

Elles filèrent à toute vitesse sur les immeubles et les gratte-ciel de la ville. Elles passèrent devant Lands End Lookout à plusieurs reprises. Leur affrontement se termina devant Phillip & Sala Burton High School. Quelques passants s'étaient arrêtés pour regarder et filmaient l’action se déroulant devant eux. Lady Oz sauva des innocents des éclairs foudroyants de Lady Black, qui disparut dans une étrange brume brillante. Parmi les innocents qu’elle avait protégés en les écartant de la menace, Pauline, l’enfant unique de Shannon. Elle la regarda discuter avec les gens tout autour, leur poser des questions sur d’éventuelles blessures infligées par Lady Black. Elle resta derrière les adultes à admirer Lady Oz, souffla et se fraya un chemin. Personne n’avait rien. Pauline s’avança vers la supersonique et lança une conversation.

 

— Salut…

— Salut... hum vous... vous n’avez rien ?

— Non, ça va. Un peu secouée, mais ça va.

— Tant mieux… je suis rassurée.

— Excusez-moi, mais quel est votre nom ?

— Mon nom ?

— Oui, qui doit-on remercier ? 

 

Tous les gens présents attendaient avec impatience la réponse de leur sauveuse. Lady Oz se sentait remplie d’un sentiment étrange, jamais encore ressenti jusqu’à présent. Qu’est-ce que ça pouvait être ? Elle n’en savait rien. Mais ce n’était pas une émotion négative, plutôt positive en fait. Une qui lui faisait ressentir de la chaleur.

 

— Lady... Lady Oz.

— Alors, merci. Merci, Lady Oz, d’avoir sauvé nos vies !

 

De retour dans sa chambre, sous apparence humaine, May se laissa tomber sur son dessus-de-lit pour regarder le plafond, main gauche sur sa mâchoire. L’autre imita le mouvement des pizzaiolo italiens. Elle avait peut-être du sang italien. Du sang terrien italien.

 

{Pourquoi j’ai fait ça, pourquoi ? Sans l'autorisation

et une preuve papier signée d’un mentor, en plus}

pensa May, se croyant en mauvaise posture

 

May soupira et se releva quand elle entendit la voix de Charles. Elle joignit ses mains et pria les six déesses créatrices de la dimension de lumière en leur demandant de lui donner force et courage. Elle sortit de son abri et rejoignit Joyce au rez-de-chaussée, devant la porte grande ouverte. Charles avait passé le début de semaine avec Joyce, il devait partir plus tôt que prévu pour régler un problème à son travail. Joyce rattrapa Charles et lui bondit à la nuque pour l'embrasser fougueusement. May se chuchota à elle-même : “ Bonne chance, ma vieille. Ça va pas être facile pour toi “.  Elle rentra, prétendant avoir un peu froid. Du haut de l'étage, devant la fenêtre du salon, May continua à les surveiller. May se disait que Charles était la personne faite pour Joyce, l’homme de ses rêves. Elle avait laissé la jalousie lui faire penser du mal de lui, des horreurs. Elle baissa la tête, de honte. Et si pendant tout ce temps, il rendait Joyce vraiment heureuse ? C’est en buvant son thé qu’elle pensa à tout ça. 

Elle qui rêvait chaque nuit de vivre une histoire d’amour avec sa chère colocataire, sous ses draps, sur la plage. Pour avoir la conscience tranquille, May prévoyait de lui avouer ses sentiments et de lui souhaiter plein de bonnes choses avec Charles. Elle avait déjà passé une étape, celle de décider de laisser partir son amour à sens unique, le reste ne dépendait que d’elle. Vaisselle faite, elle sourit en regardant au loin avant de fermer sa porte. Enfin dans son lit, elle réfléchit à la journée du lendemain en regardant le plafond. Une demi-heure plus tôt, elle avait publié en ligne une recherche d’emploi avec tous les critères qu’il lui fallait. Les demandes d’embauche furent vite envoyées vers son adresse mail, cinq CV attirèrent son attention.

 

{C’est trop rapide, non ?} pensa May

 

May soupira, souffla et se focalisa de nouveau sur son écran. Derrière le mur qu’elle avait regardé, il y avait Joyce et Charles, dans le même lit. Côte à côte, leurs peaux se touchaient peut-être. May lut les mails reçus. À l’étage, au-dessus de Le Paradis, May dépoussiérait les objets entreposés et faisait bien attention. 

Certains étaient fragiles, rares, voire extrêmement rares. Il en restait peu dans le monde, c’était pourquoi sa boutique était très célèbre. Comme prévu, les nouvelles pièces trouvées à New York se vendaient très bien. En fin d'après-midi, vers quinze heures trente, elle ouvrit son ordinateur, assise derrière le comptoir. Elle vérifia les livraisons. Tout se passait bien, toutes étaient en route vers leurs nouveaux propriétaires. Elle qui avait un contrôle sur le temps, les années étaient passées vite. Elle avait réalisé son rêve, mais pourquoi cela ne lui suffisait-il pas ? Elle soupira, se refit du thé et le sirota en lisant le journal posé sur le côté. May faillit s’étouffer : son visage était en première page. Celui de Lady Oz, debout et prête à affronter son ennemie.

 

{Espérons que je ne sois pas sur les réseaux sociaux}

pensa May, au bord de la crise cardiaque

 

D’habitude, May avait raison. Mais là, même les comptes les plus suivis parlaient d’elle. Enfin de Lady Oz, plutôt. Mais pour elle, c’était la même chose. Les chaînes info surfaient sur la vague créée par May sans le vouloir. Elle voulait juste trouver une réponse à une question qui lui brûlait les lèvres. May était perdue, elle ne savait pas ce qu’elle devait ressentir. Elle s’éloigna de son ordinateur brusquement, comme devant une bombe prête à exploser. Mais celle-ci avait déjà fait boom, et May ne savait pas comment réagir. Dans toutes les villes de Californie, dans tout le pays et dans le monde entier, tout le monde connaissait son nom. Lady Oz, la supersonique aux éclairs bleus. Ses clients la regardaient avec un grand sourire, ils savaient tous qu’elle était spéciale, mais ils ne savaient pas à quel point. Cela allait au-delà de leur imagination. May ferma son pc d’un coup, d’un geste stressé ; anxieuse et inquiète. Elle prit l’air quelques minutes. La rue était déserte, enfin presque, quelques chats fouillaient les poubelles à la recherche d’un truc à grignoter. Un chat, elle en avait eu un. Plutôt sa tante. Et il avait bien vécu. Il avait été entouré d’amour, de câlins et de jeux. Ce n’était pas un chat comme les autres. Elle était bien au courant de ça, déjà à l’époque. Il s’agissait d’un gardien qui avait reçu sa forme de particulier grâce à la magie du hasard. Mais c’était devenu un félin, et il était mort comme tel. Elle retourna devant son ordinateur et remarqua qu’il commençait à ralentir malgré les bons logiciels de nettoyage. Il était depuis neuf ans au service de May et avait donc survécu deux années de plus que d’après la garantie. 

Voici la première chose que May écrivit sur sa nouvelle liste de courses, un nouveau pc de la même marque que celui en face d’elle. En fermant Le Paradis, May se dirigea vers la plage. Sur le sable, elle s’assit et observa le pont de loin. Un magnifique monument de la ville, l’un des plus connus. Elle enfonça ses pieds dans le sable devenu froid. Son regard se tourna vers les vagues, belles et silencieuses. Concentrée sur l’absence de bruits, bloquée sur le mystère, May n’entendit pas une voix qui l’appelait depuis dix minutes. Elle soupira, sentit enfin une présence et vit Shannon derrière elle.

 

— Shannon, qu’est-ce que tu fais là ?

— Suis-moi, je vais te présenter quelqu'un.

— Qui ?

 

Près de la rambarde en pierre, toute une équipe de tournage était là. Les acteurs, les doublures, les techniciens et les producteurs de la série. Pendant que Shannon se frayait un chemin vers l’extérieur de la plage, les autres s’y rendaient pour se détendre.

 

— C’est soirée plage. Faut pas être étonnée, May.

— C’est... c’est sympa de faire ça, après une longue semaine de travail.

— Je suis désolée, May. J’ai révélé à ma fille que les éclairs bleus, c’était toi, chuchota honteusement Shannon.

— Ah... euh… ce n’est rien, Shannon. J’ai confiance en toi. Et en ta fille, en vous deux.

— Je ne voulais pas perdre sa confiance…

— Je comprends, Shannon. Je comprends.

 

Pauline s’avança, sauta dans les bras de May et recula, tout sourire. Elle remit en place une mèche de sa chevelure.

 

— Enchantée, May.

— De même, Pauline.

— Et si on les rejoignait ? Ils ont l’air de bien s’amuser.

— Faudrait être fou pour le manquer.

— Vous venez ? Trop bien !

Pauline s'accrocha à May et l’emmena vers la foule. May souffla, sourit et souffla de nouveau. Un peu de sociabilisation ne lui ferait pas de mal, et puis elle avait le droit de s’amuser. Minuit passé, May s’était bien amusée, comme l’avait annoncé Pauline lors de cette longue soirée. En prenant sa douche, elle comprit que c’était le moment de réfléchir à la proposition d’Ora. Le salon étant vide, May prit place sur le canapé, serviette à moitié sèche sur les épaules. Direction : tout droit vers le noyau central de la machine. Un appareil tellement complexe que peu de personnes peuvent en comprendre les rouages qui mènent aux résultats. Son mécanisme de fonctionnement ressemble à une forteresse alien, nul ne peut y entrer facilement. Le temps s’écoule à grande vitesse dès qu’une offre, une recommandation ou tout autre chose demandant réflexion apparaît. Dans les secondes qui suivent, une solution, une réponse est servie sur un plateau d’argent. D’abord, l’esprit pèse le pour et le contre, il imagine les différents scénarios. Et une fois décidé, il agit.

 

{Tout arrive pour une bonne raison} pensa May en regardant par la fenêtre et en voyant la nuit dominer la ville

 

La tête dans les cartons, May n’avait pas entendu le tintement de la cloche de l’entrée. Dans la salle qui servait d'entrepôt, elle sortait des petites pièces fragiles de leur emballage protecteur et les déposait dans d’autres plus vintage. Elle souffla, se redressa, frotta son dos et sourit à Sakura, les bras chargés de boîtes remplies d’objets rénovés par ses soins. Une bière fraîche à peine sortie attendait sa collègue. Sakura adorait ce genre de petites attentions de la part de May, dommage qu’elle ne soit pas son style de femme.

 

(1) Fait référence à la vitesse de Koro sensei dans Assassination Classroom, un manga de Yusei Matsui

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