Chapitre 7 : Une promenade romantique

À ce même moment, dans le salon lourdement décoré de la demeure de Vaufoynard, Joseph Ravigant explosa de colère :

— Comment ? Vous n’avez pas encore réussi à mettre la main au collet de cet imbécile et vous me réclamez une avance ? Foutredieu, mais pour qui me prenez-vous ?

L’énorme poing du négociant tomba sur la table dans un bruit sourd, faisant chuter un porte-plume et tressauter un presse-papier en marbre sculpté. 

Les yeux rouges, il fixait le détective maigrelet qu’il avait embauché pour retrouver Tibère. Ses joues tremblaient au rythme de sa respiration saccadée de fureur.

Louis Fourchet ne silla pas et affronta son commanditaire avec calme. Il avait l’habitude des clients exigeants, riches et colériques. Ce Ravignant, poussif et impatient, ne lui faisait pas peur, aussi menaçant soit-il. 

— Votre garçon s’est montré plus prévoyant que nous l’avions envisagé au départ, Monsieur. J’ai arpenté toutes les routes jusqu’à la capitale et j’ai même fouillé Paris et les quartiers étudiants où il avait ses habitudes. Je me suis renseigné auprès de tous les indicateurs possibles. Ces derniers ne donnent pas leurs précieuses informations gratuitement.

Une grimace déforma la moitié du visage de Ravignant, qui se mit à vociférer :

— Et où sont ces précieuses informations que vous avez récoltées ? Si je ne m’abuse, vous arrivez ici les mains vides !

Amélie, qui se tenait assise dans un canapé derrière eux une tasse de thé à la main, gloussa :

— Prévoyant, ce petit naïf ? Je l’ai déjà vu trébucher après avoir oublié de nouer les lacets de ses chaussures !

Son père reprit place dans son fauteuil et son poids lourd fit craquer le dossier matelassé. 

— Nous devons le retrouver, il est légalement sous ma responsabilité. Il est l’héritier d’une famille ayant une excellente réputation ! Il ne peut s’être évaporé ainsi !

Il darda sur Louis Fourchet un nouveau regard et se retint de lui cracher au visage qu’il avait également embauché des hommes de main, venus de quelques équipages restés à quais, pour retrouver Tibère. Or eux aussi demeuraient bredouilles.

— Justement, Monsieur…, commença Fourchet d’une voix apaisante, c’est ce dernier point qu’il est intéressant de relever. Nous ne le retrouvons pas, alors qu’il est exactement ce que vous avez déclaré : un jeune homme naïf et peu expérimenté. Il n’a, d’après vos dires, jamais quitté Vaufoynard et il ne connait donc pas la région. Or je n’ai trouvé aucun bureau de poste, aucune auberge qui l’aurait vu passer. Le fait que mes indicateurs n’aient rien à me dire est au contraire révélateur d’une chose…

— Laquelle ?

— Soit que ce jeune homme n’a pas quitté la région et qu’il se trouve non loin d’ici… dans un endroit proche, auquel vous ne pensez pas. Soit qu’il est dissimulé quelque part, avec l’aide de complices.

Les ongles de Ravignant grattèrent son menton et ses poils de barbes naissants. Il eut une moue peu convaincue. Ses hommes fouillaient chaque grange, chaque abri de berger depuis des semaines… Ils interrogeaient les villageois et surveillaient les routes. Il savait que Tibère ne connaissait absolument personne, il avait fait en sorte de l’écarter de la société locale depuis des années. 

— Peut-être… Peut-être a-t-il fait une mauvaise rencontre ? interrogea Amélie, qui grignotait à présent un biscuit à la cannelle. Il aurait pu croiser des voleurs au bord des routes, des déserteurs de l’armée française ou pire encore, des Anglais en fuite !

— C’est aussi une issue envisageable, concéda le détective.

— J’aurai reçu une demande de rançon, si cela avait été le cas ! pesta Ravignant.

— J’ai toujours le médaillon avec son portrait que vous m’avez donné. Dès demain, je continuerai mes recherches auprès des habitants de Montbazon. J’irais au quartier des plaisirs, sans aucun doute ces filles ont-elles entendu une rumeur courir ou quelque histoire s’approchant de ce que nous recherchons.

Amélie se remit à glousser à l’évocation du lupanar et de ses habitantes. Son père réfléchit encore.

— Tenez, voici votre argent ! déclara-t-il finalement. Retrouvez-le mort ou vif. Cette idée me pousse à continuer plus ardemment sa recherche. J’ai de nombreux concurrents et ces derniers effectivement, n’hésiteraient pas à le retenir prisonnier s’ils venaient à le croiser, sans escorte et en demande de protection. Il tomberait dans leur piège aussi aisément qu’un papillon de nuit se brûle les ailes à la flamme d’une bougie.

Louis Fourchet saisit la bourse garnie entre ses longs doigts en retenant un sourire satisfait. Il y avait là largement de quoi manger, dormir et soutirer quelques informations aux gourgandines du coin… en plus de quelques services complémentaires. Il s’inclina en gardant une expression détachée sur le visage et fila à toute vitesse vers la sortie du bureau.

— Qu’allons-nous faire, cher papa ? demanda Amélie en voyant le loquet de la porte se refermer. S’il ne revient pas, que se passera-t-il véritablement ?

— Et bien… Ce ne sera peut-être pas un mal, après tout…

Joseph Ravignant fixa, le regard soudain perdu dans le vague, les routes maritimes tracées sur de grandes cartes qu’empruntaient ses navires. 

— S’il ne revient pas, alors ce sot de Tibère sera au mieux considéré comme un lâche et un pleutre. Au pire, tout le monde le croira mort. 

Un sourire étira ses lèvres épaisses, il sortit d’un tiroir de bureau verni un verre à pied au fond sale et une bouteille de vin. Il versa l’alcool aux reflets d’un étincelant rubis en continuant :

— Qu’il revienne ou non, vivant ou mort… La fortune, le nom et la maison des Petremand de Frosnier sont à nous ! Et ce sera grâce à toi, mon Amélie !

Cette dernière poussa un cri d’extase et se mit à applaudir des deux mains.

 

***

 

Le lendemain, à Couzières, la maison entière s’agitait et les employés étaient à pied d’œuvre. La veille au soir, Honorine de Sérocourt avait joyeusement émis l’idée d’un pique-nique champêtre sur les rives du Cher, afin de bénéficier de la fraîcheur du vent qui bordait ses rivages. Ainsi, tout le monde s’activait pour satisfaire cette demande de dernière minute. Tibère, les yeux gonflés de fatigue, préparait la monture d’Isaure. Il savait pertinemment que cette dernière souhaiterait faire la route à cheval, sans doute suivie par ces godelureaux qui ne rateraient pour rien au mode cette occasion de parader.

Il pensa et harnacha chaque pur-sang avec soin, essayant d’oublier sa fatigue nerveuse. Le souvenir des caresses partagées avec Isaure de la veille le hantait. Il la revoyait, les lèvres entrouvertes au-dessus de lui et un frisson brûlant le secouait des pieds à la tête. Il souffla par le nez, désireux d’oublier ce moment, de chasser le désir de son corps. Comment pouvait-il être aussi stupide ? Cette fille capricieuse pouvait tout compromettre ! Il ne devait ni céder à ses avances ni à ses demandes ! 

— Seigneur Dieu, protège-moi de cette tentatrice ! pria-t-il, les larmes aux yeux.

Il essuya ses paupières d’un revers de manche et s’attela à continuer de penser les chevaux. 

Il se mit à bâiller. Encore cette nuit, il n’avait pu réussir à dormir. Les ronflements de son voisin de chambre et ses angoisses chassaient le sommeil à chaque fois que ce dernier s’invitait à lui. Il n’avait de cesse de compter les jours jusqu’à son anniversaire et ce temps lui semblait s’écouler comme une éternité. Que ferait-il vraiment, une fois ses vingt-cinq and passés ? Avant son évasion, il était majeur et censé pouvoir récupérer le contrôle de ses biens, mais était demeuré pieds et poings liés. Une fois son prochain anniversaire passé et libre d’épouser qui il le souhaite, serait-il véritablement hors d’atteinte ? Il envisageait de se rendre chez un notaire dont il avait vaguement le nom en souvenir, un ancien ami de son père. Il avait imaginé lui partager l’existence des documents compromettants, entreposés dans la bibliothèque de sa maison. Mais pour qu’il soit cru, sans doute aurait-il fallu les avoir en sa possession ! Et puis… pouvait-il faire confiance à ces anciennes amitiés, sans doute perdues dans le passé ? Ce notaire accepterait-il seulement de l’aider ? Il n’en savait rien. Les routes étaient surveillées, jusqu’à chez lui. Que ferait-il, s’il se trouvait capturé par les hommes de son oncle ? Au début de son évasion, il s’était imaginé revenir triomphant à Vaufoynard, sur le dos d’un de ces semblables pur-sang, chassant d’un revers de bras Ravignant et son horrible fille, mais cela n’était qu’une pure fiction.

Par moment, Tibère réalisait à quel point sa situation était terriblement mauvaise… Cela lui serrait le cœur au point de l’étouffer. 

Non, je dois continuer, finissait-il par se dire. Une chose à la fois. D’abord, il me faut tenir jusqu’à mon anniversaire… Ensuite, j’irais requérir les conseils d’un homme de loi… Je ne peux pas être la seule personne ayant des soupçons sur Ravignan !

— Térence ! aboya soudain l’intendant, faites sortir les chevaux dans la cour et changez leur litière ! Puis vous irez vous changer, vous accompagnerez Mademoiselle d’Haubersart aujourd’hui. Elle est déjà levée, sa bonne l’habille actuellement.

— Comment, Monsieur ? trembla Tibère qui ne voulait la croiser pour rien au monde, mais je ne peux pas la suivre à cheval !

— Enfin, Dignard ! Vous, à cheval ? Non, c’est la place des gentilshommes je vous rassure, pas la vôtre ! Vous irez avec nous en voiture pour servir le déjeuner et préparer la table. Pierre est malheureusement trop… épuisé pour accompagner le Maître. 

Tibère grimaça, le valet d’Isidore de Sérocourt était aussi svelte et souple que ce dernier, tout grinçant de rhumatismes. Les deux faisaient bien la paire pour battre la campagne ! 

Il s’exécuta promptement. Les sabots des montures claquèrent sur les pavés de la cour. Il attacha les pur-sang et remarqua un magnifique cheval bai déjà prêt à être monté. Tibère eut des yeux étonnés : il n’avait pas vu celui-ci dans les écuries. À qui appartenait-il ? Un visiteur ?

Il retourna dans sa chambre afin de se changer. À l’intérieur, la maison bruissait d’excitation, tous ceux qu’il croisait étaient enthousiastes pour le pique-nique, même le personnel qui n’allait pouvoir accompagner leurs maîtres. Chacun s’extasiait de la belle et chaude journée à venir et on se félicitait de l’idée qu’avait eue Madame de Sérocourt, même l’intendant daignait sourire sous sa grosse moustache.

Il redescendit, quelques minutes plus tard, revêtu de son uniforme bleu pâle. 

Dans la cour, deux voitures attendaient : celle des propriétaires, magnifique et couverte de boiseries lustrées, et une autre, plus humble et ancienne. Elles étaient tirées chacune par un gros percheron gris pommelé. 

Les quatre pur-sang scellés s’ébrouèrent, excités par l’arrivée des chevaux de trait. 

— Dignard, commanda l’intendant, prenez les paniers garnis.

Au moment où la cuisinière sortit sur le perron pour lui mettre les victuailles dans les bras, les Sérocourt, accompagnés de Louise et Isaure, firent leur arrivée.

Ils étaient suivis de près par Monsieur Darsonval, en bel habit d’équitation. Il ne quittait pas des yeux la nouvelle Comtesse de Bréhémont. Cette dernière portait une redingote verte ainsi qu’une jupe ample en coton brodée de fleurs de muguet. Ses cheveux étaient relevés dans une tresse alambiquée. Elle avait aux pieds des bottes vernies noires dont les talons s’enfonçaient en crissant dans les graviers.

En silence, elle se dirigea vers son cheval et monta en selle sans effort, sous les regards ébaubis de son soupirant.

En voyant ses yeux de merlans frits, Tibère ne put s’empêcher de ricaner. Il semblait soudain réaliser pourquoi la jeune femme possédait une carrure si imposante, en plus de sa constitution naturellement robuste. Elle devait être une excellente cavalière.

Darsonval se racla la gorge et fut le premier à mettre le pied à l’étrier. Son geste, un peu trop vif, provoqua un écart chez sa monture. Il perdit un peu l’équilibre et dut s’y reprendre à deux fois avant de pouvoir poser son postérieur sur la selle. L’intendant le regarda faire d’un air un peu perdu, il s’approcha à son tour et le cheval poussa soudain un tel hennissement en direction des percherons que tout le monde porta ses mains à ses oreilles en riant

Le dernier cheval se mit à piaffer en voyant les autres avec leur cavalier.

Honorine de Sérocourt tourna la tête vers l’entrée et on vit arriver un second homme. Il était fort grand et mince et portait les cheveux un peu longs et ondulés. Son visage était grave et ses yeux sombres ressortaient par le contraste de sa peau claire. Son expression fermée et son visage ténébreux imposèrent soudain le silence.

Sans un mot, le jeune homme salua l’assistance et sauta sur son cheval. Tibère détailla ce dernier inconnu, qui était sans aucun doute un prétendant arrivé à la dernière minute, l’invité surprise de la veille dont il avait entendu parler par les autres domestiques. En voyant cet homme si sérieux et charismatique, il sentit le sang lui monter aux joues. 

Sans qu’il le veuille, son attention se porta sur Isaure. Cette dernière aussi était écarlate, bien plus que ce qu’il avait pu voir jusqu’à présent chez elle… et elle posait sur ce gentilhomme un regard éperdu d’admiration et de sentiments.

— Térence, mon cher ! appela soudain une voix.

Tibère sursauta et constata que Marie-Rose et l’intendant étaient déjà installés dans la seconde voiture. La jeune femme sortit son bras par la portière et le tira par la manche.

— Pressez, c’est qu’on a pas toute la sainte journée pour bâiller aux corneilles !

Elle se mit à rire, heureuse de quitter pour une journée le château de Couzières. Tibère baissa la tête et acquiesça :

— J’arrive.

 

 

Les yeux d’Isaure ne parvenaient point à se détacher de la nuque d’Edouard Félix Emery. Elle avait encore du mal à croire qu’il puisse se trouver ici, à Couzières. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était à Calais. Elle était allée le voir pour l’informer de son départ imminent. Son père était mort et elle devait à présent assumer le rôle de Comtesse. Il l’avait regardé partir, sans un mot. Pourquoi était-il ici ? Comment diable Honorine avait-elle réussi à lui faire quitter Calais et ses fonctions ?

Rouge comme une pivoine, elle n’osait lui parler. Elle vit de nouveau la scène de leur dialogue, avant qu’elle ne quitte le front. Elle était persuadée de s’être couverte de ridicule, à ce moment. Mais qu’en était-il vraiment ?

La vision du tapis de selle de son cheval, en drap bleu et galon de soie, fit remonter une foule de souvenirs. Elle savait que dans ses deux sacoches superposées avec chaperons de fontes et en peau d’ours, il y avait tous les accessoires nécessaires pour effectuer une opération chirurgicale. Il ne s’en séparait jamais. Combien d’heures l’avait-elle suivi, sur le champ de bataille ? Combien de soldats sauvés, soulagés, ou accompagnés vers leur trépas ? 

Son cœur battit à tout rompre. Peut-être que… peut-être que…, elle osa une seconde espérer. Cependant, la réalité la rattrapa. Edouard Félix était inaccessible et pauvre. Elle ne pouvait l’épouser, même si elle l’aimait.

Isaure pressa ses mains contre l’encolure chaude de sa monture. Sans le vouloir, elle se rappela de la veille, de Térence contre elle. Le moment avait été certes délicieux, mais totalement fou, inapproprié.

Qu’elle sotte elle avait été ! 

Calme toi, Isaure. Tu te laisses embarquer par de sombres pulsions. Tu te sens acculée, piégée par la situation… alors tu paniques et tu fais n’importe quoi ! Ressaisis-toi, bon sang ! Ton futur mari est là, juste à tes côtés !

La voiture des Sérocourt s’avança à la hauteur d’Édouard Félix et la jeune femme put voir la tête d’Honorine dépasser légèrement de la fenêtre. La vieille dame semblait déterminée à lui faire la conversation durant tout le trajet. 

Constatant qu’Isaure ne courait pas rejoindre la compagnie du nouveau venu, Darsonval ne tarda pas à la rejoindre.

Les deux cavaliers étaient positionnés derrière la voiture et Darsonval fit exprès de ralentir l’allure, ce qui poussa l’autre monture à se mettre à son rythme. Isaure, la tête ailleurs, ne prêta point attention à cela.

— Je suis impressionné ! commença-t-il. Je n’imaginais point, en venant en Touraine, rencontrer l’un des éminents chirurgiens de l’armée impériale !

Il fixa à son tour Édouard Félix et continua :

— C’est un homme qui semble avoir une conversation intéressante.

Darsonval y allait fort. La veille, le nouveau venu était resté muet comme une carpe. Il s’était contenté de saluer tout le monde et de s’asseoir, sans un mot. C’est à peine s’il avait ouvert la bouche pendant le repas. Leur hôtesse, Madame de Sérocourt, n’avait cessé de piailler pour combler les blancs.

— Eh bien… Je ne peux que vous recommander la lecture de ses essais sur les différentes espèces de phtisies pulmonaires, répondit Isaure d’un ton timide. Il se passionne pour la recherche. 

— Parlez-moi de votre expérience à l’hôpital du Gros Caillou, demanda Darsonval. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’étudier la médecine et de devenir infirmière ?

Elle redressa les épaules et répondit fièrement. 

— Mon père était un homme de valeur, Monsieur. Il a été personnellement récompensé par l’Empereur pour ses victoires et son service. C’est ainsi que ma famille a pu obtenir le château de l’Islette ainsi que le Comté de Bréhément. C’est un honneur qui ne se refuse point. Lorsque nous avons reçu ce titre, il m’a paru évident qu’il était de mon devoir de suivre l’exemple de mon père et de donner de mon temps pour mon prochain. J’ai écrit à Jean-Joseph Sue, à qui on a confié l’établissement du Gros Caillou après le départ de Percy. Il a eu la bonté d’accepter mon apprentissage. L’hôpital de la Garde est localisé à côté de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, rue Saint Dominique. Il peut accueillir jusqu’à quatre cent cinquante soldats. Il y a vingt-quatre salles aménagées, qui peuvent chacune accueillir dix lits. J’ai voulu devenir infirmière, car j’ai été fortement marquée par l’histoire de Thérèse Rastit ainsi que par celle d’Anne Biget, ou plutôt Sœur Marthe, qui œuvre à Besançon. Charlotte Brown également, dont j’ai lu les mémoires, est l’un de mes modèles. Elle a suivi l’armée d’Edward Braddock.

— Pensez-vous qu’infirmière pourrait être un métier d’avenir, pour une femme ? Seuls les religieuses et les hommes supportent habituellement cette tâche et ce dévouement. 

— Charlotte Brown était la femme la mieux payée de toute l’armée ! C’est un métier pratiqué par les Anglaises depuis plusieurs années. 

Le jeune héritier fit la moue.

— J’ignore si nos ennemis jurés doivent être pris en exemple…

— Les Anglais sont des hommes et des femmes aussi vaillants que nous, Monsieur Darsonval ! 

Le ton d’Isaure était soudainement devenu cassant. Darsonval reprit la parole :

— Évidemment, il faut au moins cela, pour tenir tête à nos armées !

 

Ils remontèrent la route et se dirigèrent tranquillement vers les rives du Cher. Il était tôt et les parfums herbacés qui flottaient dans l’air annonçaient déjà les prémices d’une chaude journée. Des mouches virevoltaient autour de la tête des chevaux, qui secouaient leur crinière et leur toupet pour les chasser. Dans peu de temps, ils seraient sous le vent du rivage et ce dernier soufflerait ces oppressantes harceleuses au loin.

Le petit groupe continua de causer de choses et d’autres. Darsonval multipliait les rappels sur sa richesse familiale et sa propension à dépenser des fortunes. 

— Cette ferme me rappelle celle que nous avons achetée il y a peu, en Normandie… J’apprécie beaucoup les percherons de Madame de Sérocourt, mon père possède un élevage de cette race, pour son loisir personnel. Ce ne sont pas des chevaux de monte, certes… Nous pourrions produire des montures pour les cavaleries, mais les chevaux de trait ont également leurs avantages. Ils tirent l’artillerie et sont excellents pour tous types de travaux. Savez-vous que des gisements de cuivre existent au sud de votre région ? Ce n’est pas mon premier séjour en Touraine, figurez-vous… Je me demande à qui ils appartiennent. Je pourrais acheter plusieurs mines, afin de passer le temps !

Isaure gardait le silence, perdue dans ses pensées. Darsonval regardait autour de lui en contemplant le ciel bleu et les muriers en fleurs bordant le chemin d’un air ravi.

Dans la voiture des Sérocourt, Louise observait Honorine qui tentait par tous les moyens d’arracher — sans succès — un sourire au mystérieux Edouard Felix Emery. Isidore faisait mine de somnoler et écoutait lui aussi son épouse s’efforcer à la tâche et il échangeait, entre ses paupières mi-closes, un regard complice avec la jeune Louise, qui sourit d’un air entendu.

Dans la modeste voiture des domestiques, Marie-Rose demeurait accoudée à la fenêtre et ne cessait d’observer la campagne environnante, tout en poussant des petits rires de ravissement. Tibère gardait les yeux fixés sur le bout de ses chaussures, les cahotements lui avaient donné mal au cœur dès le premier kilomètre parcouru… L’intendant, quant à lui, lisait un petit recueil de poésie sans se préoccuper des nids de poule ou des caquètements de la bonne.

 

La petite compagnie arriva rapidement aux abords de la ville de Saint-Avertin, dont les maisons aux toits gris et aux murs clairs brillaient sous le soleil d’été. Elle y croisa plusieurs paysans, qui saluèrent les cochers en soulevant d’un pouce les bords de leurs chapeaux. L’équipée suivit ensuite la direction imposée par Madame de Sérocourt pour encore un ou deux kilomètres et gagna les bords de rives du Cher.

Dès que la voiture de Tibère s’arrêta, le majordome ordonna que l’on s’active à dresser la nappe et le déjeuner. 

— Nous aurions pu vous montrer l’Indre, Couzières est juste à côté, dit Honorine en sortant de voiture à l’adresse de ses invités, mais le Cher à cette époque de l’année est bien plus agréable ! Découvrir la Touraine et ses environs est toujours une chose merveilleuse.

— Qu’en est-il du château de l’Islette ? s’enquit Darsonval en mettant pied à terre. Il me semble que le domaine est également au bord du fleuve.

Isaure hocha la tête à l’affirmative avant de répondre :

— L’Indre traverse effectivement le domaine.

— Mon père m’a dit que c’était une fort jolie propriété, continua-t-il avec curiosité.

— Je ne puis le nier. Le charme qui y règne est enchanteur. 

— Quelles sont les productions remarquables de Bréhémont ?

— La ville est connue pour l’excellente qualité de son chanvre, les exportations se portent bien et pourraient même aller croissantes dans les années à venir.

 

Tibère écoutait d’une oreille distraite leur conversation. Il avait attaché les montures sous un arbre et aidait à présent Marie-Rose à dresser la nappe et les couverts. L’intendant s’activait déjà à servir des rafraîchissements.

Les Sérocourt, Isaure et ses prétendants étaient à présent en train d’observer les eaux calmes du fleuve. Les berges étaient propres, bien entretenues, et de petits chemins serpentaient entre les herbes folles. Le lieu où ils s’étaient arrêtés était connu du coin pour être joli, agréable et bien ombragé. La vue donnait sur de grands arbres et des champs de blés mûrs. Au loin, ils pouvaient voir le sommet de quelques tours et clochers. 

Ils échangèrent encore quelques minutes sur les productions locales et les capacités du Comté. 

— Les châteaux ce n’est point ce qui manque, dans notre jolie région de France, souffla Isidore sous l’effet de la chaleur. Nous en avons quelques-uns de fort anciens...  Hélas, nous ne pouvons pas en dire de même des familles. Certaines vont et viennent, tout va tellement vite depuis que l’empereur est arrivé ! Il y a bien la famille des Petremand de Frosnier qui demeure ici depuis un certain nombre de générations...  mais j’ignore si leur héritier voudra bien demeurer à Vaufoynard.

— Allons, allons, mon ami, marmonna Honorine entre ses dents, vous ne pouvez tenir de telles paroles devant de si jeunes gens, si ambitieux et rempli d’entrain pour ce duché de Rohan ! Et n’oubliez pas que nous venons nous-même d’une région bien différente de la Touraine.

Le sang de Tibère s’était glacé dans ses veines lorsque le nom de sa famille fut évoqué. Il était évident que son patronyme soit connu des habitants de la région. D’ailleurs, les Sérocourt avaient-ils connu ses parents ? Que savaient-ils vraiment de la situation de Vaufoynard ? Étaient-ils en relation avec son oncle ? Il réalisa que sa maison n’était qu’à quelques kilomètres de là.

Marie-Rose lui jeta un regard oblique comme si elle avait compris son trouble.  Discrètement elle lui donna un verre rempli d’eau fraîche. Il la remercia d’un signe de tête et porta l’eau à ses lèvres.

Louise, les mains serrées autour de son étole de dentelle, regardait Édouard Félix Émery avec des prunelles de feu. Elle était silencieuse, depuis leur arrivée sur l’herbe et songeait au médecin :  que diable venait-il faire ici ?  Après la peine qu’il avait causée à Isaure !  Venait-il se repentir ?  Allait-il la demander en mariage ?  Ces questions lui assaillaient l’esprit, mais son instinct lui dit répondait tout l’inverse...  Elle aussi connaissait le chirurgien depuis plusieurs années...  Et il n’avait jamais été du genre à s’excuser ou bien à apporter de l’attention à qui que ce soit.  Elle se jura au fond d’elle-même de l’interroger le soir même sur les réelles raisons de sa venue. Depuis son arrivée, il n’avait d’ailleurs prononcé aucun mot ou presque. Ses yeux ne s’étaient posés qu’une ou deux fois sur Isaure, dont l’apparence était pourtant devenue remarquable en quelques semaines.

Édouard Félix se tenait un peu à l’écart, sa tête était tournée vers le courant paresseux de la rivière, une expression mélancolique se peignait sur son visage.

Peut-être que dans le fond, songea Louise, lui aussi se demande pourquoi il est ici. 

 

Ils conversèrent encore et passèrent enfin au déjeuner. Les dames s’installèrent en premier et les messieurs hésitèrent un instant sur la place qu’ils devaient prendre. Louise manœuvra pour faire en sorte qu’Édouard se retrouve aux côtés d’Isaure.

— Monsieur Darsonval, appela-t-elle, venez ici pour mieux m’expliquer en quoi les fermes investies par votre père en Normandie vous font songer aux nôtres ? Je vous ai entendu en parler, alors que nous étions en voiture.

Ce dernier s’empressa de la retrouver pour tout lui raconter.

Tibère fit de son mieux pour servir les collations empaquetées ainsi que les quelques boissons. L’ouverture du vin pétillant provoqua l’hilarité, les cahots du trajet avaient secoué les bulles d’une telle manière que le bouchon lui sauta presque au visage. Éclaboussé, il rougit jusqu’aux oreilles en s’essuyant le visage avec son mouchoir et sentit les regards moqueurs des gentilshommes peser sur lui.

Les deux prétendants avaient remarqué la beauté de ce jeune valet, qui faisait songer au berger dont tombaient amoureuses les déesses de la Grèce antique. Ils avaient bien vu qu’Isaure, Louise et Honorine ne pouvaient s’empêcher de le regarder parfois avec des sourires, des étincelles dans les prunelles.

En voyant les rires gras de ces deux mufles et les yeux luisants d’humiliation de Térence, le cœur d’Isaure se pinça. Cependant, un effleurement sur sa gauche la fit sursauter.  Édouard Félix s’était penché sur elle pour attraper une coupe de salade de fruits. Ce simple effleurement provoqua chez elle une vague de sentiments qu’elle eut du mal à refouler.

Le médecin quant à lui, ne sembla absolument pas remarquer l’effet qu’il avait provoqué chez son ancienne infirmière. Il mâcha la fraise qu’il avait portée à sa bouche avec un regard vide puis continua son dessert dans un calme poli.

Isidore ria avec les autres, mais sans doute pas pour les mêmes raisons, il profitait du spectacle qui se déroulait devant lui alors que sa femme demandait à Marie-Rose une nouvelle bouteille.

 

Engoncé dans son uniforme de valet de pied, Tibère transpirait à grosses gouttes. À ses côtés, Marie-Rose était plus légèrement vêtue et rougissait à peine dans la chaleur de l’après-midi. Le soleil était devenu écrasant, et le jeune homme se sentit malgré tout chanceux dans cette situation : il était à l’ombre et le vent soufflait dans la frondaison des arbres.

L’héritier en fuite faisait de son mieux pour garder la tête et le dos droit, les bras le long du corps et pour conserver air impassible sur le visage. Jamais il n’aurait cru que demeurer ainsi à ne rien faire puisse être aussi compliqué. Concentré, il imitait du mieux possible le rigoureux intendant, qui semblait capable de pouvoir dormir debout sans ciller.

Comme tant d’autres domestiques avant lui, il ne pouvait s’empêcher d’entendre la conversation de ses employeurs :

— Isaure est arrivée à Couzières jeune, elle avait une dizaine d’années, dit Honorine avec un sourire. Sa famille maternelle est établie à la Réunion.

— Y êtes vous déjà allée ? questionna Darsonval avec curiosité.

— Oui. Ma mère était originaire de l’île et issue d’une famille possédant quelques terres. Elle a fait une partie de son éducation en France, où elle a rencontré mon père. Lorsque j’ai eu sept ans, elle a pu enfin retourner là-bas en visite et je l’ai accompagnée. Ce fut une époque merveilleuse, pleine de joie et de retrouvailles. Malgré la distance, ma mère n’avait point été oubliée. Elle est malheureusement décédée, peu avant notre retour. Mon père étant sur le front et la guerre s’éternisant en Europe, il décida à ce que je reste en sécurité, entourée par des proches. J’ai donc vécu à La Réunion durant cinq ans, chez mes grands-parents et mes tantes. Une violente épidémie a malheureusement provoqué l’évacuation de l’île et le décès de ma mère. Il a été décidé que je retourne en France.

— Je connaissais son père, car nous avions déjà fait plusieurs fois affaires ensemble, dit Isidore avec un sourire, il a récupéré sa fille du jour au lendemain par bateau, il a bien eu du mal à la reconnaître, ne l’ayant vu qu’en photographie !

— Il aurait sans doute préféré m’avoir en portrait plutôt qu’en nature ! pouffa la jeune femme.

— C’était déjà une véritable aventurière, qui n’avait peur de rien ni de personne ! déclara Louise.

— Hélas, élever des enfants lorsqu’on est un soldat veuf est impossible. Même lorsque l’on vient de recevoir un titre. Nous avions déjà notre douce Louise auprès de nous et comme elles s’entendaient déjà comme larrons en foire, nous n’avons pas hésité à garder tout ce petit monde auprès de nous !

Isaure finit par se racler la gorge, comme si elle craignait que Madame de Sérocourt n’en dise trop.

— Mes origines expliquent sans aucun doute mon manque de manières…

— Hum… cela dévoile surtout d’où vous vient ce joli teint doré !

Tibère ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel en attendant la réflexion hors de propos de Darsonval. Il se recula, ne supportant plus les réflexions idiotes qu’il entendait.

Un brusque craquement de branche lui fit tourner la tête. Il vit derrière lui les chevaux s’agiter, secouant leurs encolures en tout sens et tirant sur leur harnais. Ils piaffèrent sur place en se bousculant les uns les autres, comme si l’espace dans lequel ils avaient été placés leur était devenu trop étroit.

Tibère alla vers eux et remarqua quelques guêpes tournoyer autour des montures. Attirées par les pommes sucrées coupées en morceau à leur intention, elles volaient entre les sabots et cherchaient à se faire une place dans la mangeoire. Les chevaux agacés par les bourdonnements intempestifs secouaient la tête et se percutaient. L’un coucha les oreilles en arrière et mordit son voisin.

— Doucement…, fit Tibère en détachant l’un d’entre eux pour l’éloigner des autres.

Si le premier se laissa déplacer sans broncher, le second pur-sang se montra plus colérique et recula, provoquant une frustration générale parmi les bêtes. Un coup de dent fut donné dans un bout de croupe et un sabot mal placé partit en guise de réponse.

Tibère s’écroula au sol, sonné, entre les jambes agitées des montures.

— Mon Dieu, Térence ! s’écria Marie-Rose.

À l’appel de la bonne, tout le monde releva la tête. Ils virent la jeune fille courir dans les herbes et aller vers les chevaux, qui étaient devenus tout à coup nerveux et turbulents.

Le cœur d’Isaure se serra dans sa poitrine, elle vit allonger par terre le pauvre Térence, inconscient. Elle se leva d’un bon et appela :

— Docteur Émery !

Ce dernier se releva d’un geste vif et fit sursauter dans son élan Tourelet. Tous virent le médecin, d’habitude si flegmatique et inexpressif, se déplacer prestement vers le blessé. D’un revers de bras, il écarta les chevaux et s’accroupit auprès de Térence.

Isaure s’élança à sa suite. Naturellement, sa posture d’infirmière refit surface et s’accorda en rythme avec les gestes de Félix. Ils auscultèrent le blessé et firent place autour d’eux dans une manière si ordonnée et expérimentée que les autres en restèrent silencieux. En quelques secondes, les habitudes qu’ils avaient conçues sur les champs de bataille avaient ressurgi : par des mouvements de mains ou des hochements de tête, ils communiquaient sur ce qu’ils avaient à faire et où en était l’état du malheureux Térence.

Cet instant fit ressurgir dans la tête d’Isaure une foule de souvenirs et le rouge lui monta aux joues. Elle avait toujours admiré le sang-froid à toute épreuve d’Émery et elle ne put s’empêcher de l’observer à la dérobée. Les pupilles du médecin luisaient d’une manière particulière sous ses cheveux sombres, et comme à chaque fois qu’il s’occupait d’un blessé, le monde autour de lui n’existait plus.

Avec honte, elle se remémora la déclaration qu’elle lui avait faite, peu après avoir reçu l’annonce du décès de son père. Elle avait livré son chagrin et son amour en même temps, dans une satyre digne d’un dramaturge antique. Il n’avait pas réagi à ses sentiments ni même bougé un cil. Elle était partie spontanément, réagissant avec violence à ce manque de réaction et avait laissé une bonne partie de la France les séparer. Au fond d’elle-même, elle avait espéré un mot, une action de sa part... Sa présence aujourd’hui était-elle la démonstration de ses sentiments envers elle ? L’avait-elle finalement touché, pour qu’il veuille bien la rejoindre ici, en Touraine ?

Félix ouvrit la veste de Térence et constata que le jeune homme transpirait abondamment.

— Il a reçu un choc trop rude à la tête, nous devons le déplacer très prudemment et le ramener dès que possible en lieu sûr. Aménagez l’une des voitures en conséquence, le fait qu’il ait perdu connaissance n’est pas un bon signe.

— Térence ! appela la bonne en se tordant les doigts.

Isaure remarqua Marie Rose comme pour la première fois. En voyant l’air si inquiet qui animait sur son visage, elle regarda à son tour le valet de pied et retint son souffle.

Le pauvre garçon avait les yeux clos et était devenu blanc comme un linge. Les lèvres entrouvertes, il se tenait malgré lui dans une posture des plus lascives, ce qui rappela à Isaure le moment qu’ils avaient furtivement passé ensemble dans sa chambre.

Marie Rose sortit un mouchoir et essuya la sueur qui couvrait le torse humide de Térence. En voyant l’attention qu’elle lui portait, Isaure sentit la jalousie la piquer.

Elle réalisa que si elles avaient été seules, elle aurait arraché ce carré de tissus des mains de cette bonniche pour tamponner elle-même la peau délicate de ce…

— Rentrons à Couzières dès maintenant ! fit la voix d’Honorine, la tirant de ses pensées.

— Quelle guigne ! râla Darsonval en finissant son verre. Nous passions un si bon moment, ce valet est d’une telle incompétence !

La petite équipée leva le camp avec promptitude et reprit la route vers le domaine, sans manquer d’installer confortablement Térence sur les épais coussins de soie. Marie-Rose prit place aux côtés du jeune garçon et veilla sur lui.

Isaure monta à son tour à cheval et ouvrit la marche, ses mains tremblaient de frustration sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Était-ce la présence troublante de Félix, ou bien le charme envoutant de Térence ? Les conversations insupportables de Darsonval, peut-être ?

Sans doute tout à la fois..., pensa-t-elle en serrant les dents. 

 

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