Cette fois-ci, je n'avais pas rêvé. Ma prémonition s’était vérifiée au bord du lac Flathead. Sur mon banc de jeunesse, j’avais vu de mes yeux vu la Terre se mettre en boule, le climat s'enivrer, le ciel hennir, se craqueler. Cette véhémence soudaine m’avait renvoyé à mon temps de garçonnet quand je suffoquais de voir tant de violences au journal télévisé et que je venais ici, au même endroit, pour tenter de bercer mon incompréhension du monde.
Même après toutes ces années passées, je maudissais encore Walter Starzel.
C’est à cause de Walter Starzel que vers l’âge de dix ans j’avais commencé à me sentir étranger à cette terre. Pas à la terre des oueds, des dattiers et des havres bucoliques. À la terre des Zhoms ! C’est à cause de Walter Starzel que la plupart de mes amis s’étaient mis peu à peu à me cataloguer "animal sociable ayant un gros problème avec ses semblables". C’est à cause de Walter Starzel qu’un beau jour je m’étais senti plus seul au cœur des villes que dans le désert du Sonora.
À la maison, peu de lois, peu d’interdits, mais il ne s’agissait jamais de moufter lors des repas. Ces repas avaient lieu exclusivement au salon, devant la télévision, face à la grosse tête hypnotique de Walter Starzel. Pas de dérobade possible pour ma soeur et moi, notre faim devenait notre geôle. Mon père tenant absolument à savoir ce qui se passait dans le monde, à la catastrophe près, nous étions obligés de suivre ses sacro-saintes informations que lui débitait son idole de CBN News.
À force de le voir et surtout de l’entendre, ce journaliste était devenu comme un membre de la famille, une sorte d’oncle sinistre qui ne souriait jamais, penchait toujours sa tête comme un cocker battu pour nous annoncer le pire, ou pire encore.
Lorsque ma mère claironnait « À table », j’en avais déjà la boule au ventre. J’appréhendais de retrouver tous les soirs à heure fixe les cheveux gominés de Walter Starzel, la cravate noire de Walter Starzel, les lunettes de corbeau de Walter Starzel. Sans compter sa voix ténébreuse qui endeuillait la saveur de tous mes plats. Pour mieux appâter les névrosés du scoop et fidéliser son public, le style de Walter Starzel était d’incarner l'information jusqu’au marasme. Pour cela, le chacal employait des mots simples qu'il entrecoupait de soupirs irrespirables ou d'hélas pathétique de mine déconfite, toute sa misère atavique XXXXXXXX
Il faisait monter crescendo son pathos, nous postillonnait
Pour cela, il était passé maître pour gonfler son pathos d’enflure verbale, d’amphigouri pathétique. Dans chaque phrase, il nous ensevelissait sous ses « Hélas ! » y mettant toute sa sensiblerie de bon chrétien atterré, toutes ses tripes, jusqu’au dernier bout de gras.
Derrière Walter Cronkite se trouvait un planisphère mural sur lequel il nous montrait la position exacte du drame en cours. Par exemple, de ces trente-cinq mineurs boliviens de Potosi « la mangeuse d’hommes » qui n’allaient pas tarder à manquer d’air, à étouffer dans le ventre de la terre. Sur son bureau, des téléphones pouvaient sonner à tout instant pour l’avertir de tout autre bon filon de létalité. Entre ouvrir son bulletin sur un raz-de-marée dans le Delta du Gange ou sur la naissance d’un baleineau dans un zoo aquatique de Tokyo, Walter Cronkite n’hésitait jamais : l’uppercut partait direct !
« Bonsoir, mesdames et messieurs. L'eau est bonne à boire, mais l'eau peut aussi dévaster. 367 morts, nous en sommes à 367 morts. Noyés, livides, flottant commes autant de petites barques humaines sur les eaux du Gange. 367 morts, vous avez bien entendu. Et nul ne sait encore jusqu’où cela risque de s’arrêter ».
Walter Cronkite était né rien que pour ça, pour donner du grain à moudre aux adultes, les prévenir de bien s’accrocher au bastingage, que la vie n’était qu’une bulle de savon qui pouvait éclater au moment où on s’y attendait le moins. Mais vu à hauteur de gosses, c’était surtout la trouille, une trouille énorme, que Walter Cronkite insufflait dans leur coeur. Il les renseignait sans détour que le monde était dangereux, vénéneux, maléfique, et qu’il ne leur restait sans doute pas très longtemps à vivre : tu es petit, alors écoute-moi bien petit, c’est encore plus dangereux pour toi, quoi que puissent en dire tes gentils géniteurs qui t'administreront leurs plus gros mensonges pour te rassurer !
Je me souviens encore de ce jour d’anniveraire où, grignotant mes brocolis du bout des lèvres, Walter Cronkite s’était presque réjoui de m’apprendre :
« Bonsoir. New-York a peur. Je crois qu'on peut le dire aussi nettement. New-York panique depuis qu'hier soir, une vingtaine de minutes après ce journal, on a appris l'horreur : un enfant est mort, un doux enfant au regard profond a été assassiné, étranglé ou étouffé, on ne sait pas encore, l'autopsie ne l'a pas complètement révélé, par le monstre qui l'avait enlevé pour de l'argent ».
En peu d’années, grâce Walter Cronkite qui attirait comme un aimant sur lui toutes les saloperies humaines, j’avais déjà vu un nombre incalculable de mutilés, de gens assassinés dans la rue, des éclats de cervelle, des dos criblés de balles, des fous furieux en train de gesticuler, de tout casser, des drogués faméliques s’écrouler dans le caniveau, des bus scolaires écrabouillés, des buildings en proie aux flammes, des tanks éventrés, des mères en pleurs tenant dans leurs bras des nourrissons carbonisés, du sang, et encore du sang, des fleuves de sang. À chaque image, j’avais le cœur serré. À chaque image, la tristesse me traversait de part en part. Souvent la tête me tournait et je n’arrivais pas à finir mon assiette. Je sentais qu’en dehors des parcs Disney et des parcs aquatiques, la pourriture rampait derrière chaque ombre sur les trottoirs. La nuit, j’étais submergé par mes cauchemars. Le jour, ces cauchemars prenaient vie, ce qui me ligotait doublement dans mon cachot infernal. Oui, je commençais à comprendre que quelque chose n’allait vraiment pas bien dans ce monde, mais je ne savais pas si cette chose était en moi, ou là tout près, juste dehors, prête à bondir par dessus notre portail.
Mon père généralement ne faisait pas de commentaires. Il se contentait d’avaler tout cru les fracas, les détonations, les explosions de Walter Cronkite, comme s’il en respirait la fumée. Il n’éteignait jamais la télévision, même quand les images devenaient insoutenables. Il semblait trouver cela tout à fait normal. Normal qu’un bébé africain agonise entouré de mouches. Normal que des policiers déchargent leur barillet sur un noir désarmé levant les bras en l'air. Normal que je mastique ma viande devant toutes ces laideurs.
Je ne pleurais jamais devant mes parents. J’attendais de rejoindre ma chambre pour le faire. Je n’avais pas encore une représentation précise de la mort. Je ne savais pas si on laissait ces corps à même le trottoir ou si des éboueurs venaient les chercher à l’aube pour les jeter dans leur camion poubelle. Mais à voir leurs visages grimaçants, je ressentais au plus profond de moi que ces cadavres souffraient encore. Jusqu’au dessert, leur souffrance me poursuivait. Elle pénétrait dans mon ventre et le vrillait, jusqu’à vouloir en mourir. Je ne comprenais pas pourquoi des hommes se massacraient tous les jours. Surtout, si tuer était mal et dégoutait tout le monde, je ne comprenais pas pourquoi on leur vendait des armes.
Après tout, tuer des gens dans la rue, taillader un épicier à la machette, violer des vielles dames chez elles, n’importe où, était peut-être plus ou moins autorisé. Cependant, les voisins, ou témoins de ces crimes paraissaient toujours très affectés. Certains pleuraient même comme s’ils avaient perdu un de leurs proches. D’autres en avaient marre, se disaient à la fois impuissants et révoltés. Parfois, une petite foule organisait une marche blanche, allumait des bougies en silence, quand d'autres un peu plus loin hurlaient : "assez, assez, assez !". Néanmoins, chaque jour le carnage se perpétuait. Le stock de balles, de bombes et d'homologations, semblait inépuisable, et me faisait songer : pourquoi chialer encore puisque c'est gravé dans nos moeurs au fer rouge ? L’un des commandements que je connaissais disait pourtant : tu ne tueras point ! Mais ce commandement ne servait strictement à rien à lui tout seul. Il ne servait à rien, parce qu’il lui manquait quelque chose de logique, d’indispensable. À savoir qu'on ne peut commander sans inspirer la crainte. Sur ses Tables de la Loi, Moïse avait dû effacer les clauses les plus importantes pour soumettre son peuple, histoire de les caresser dans le sens du poil. Un prophète moins pusillanime, plus sérieux que lui, aurait dit : tu ne tueras pas car à la première baffe que tu assèneras sur ton enfant, ta femme, on te coupera une main, et à la deuxième baffe, on enverra ta deuxième main rejoindre ta première main dans un beau tas de merde. Tout autant, par mesure d'anticipation, comme je te sais très con et susceptible, tu ne fabriqueras jamais de char ou de missile, et moins encore de sarbacane ni de couteau. Tes fruits, tu les mangeras avec tes dents, à même l’arbre, comme grapillent les chauves-souris, et ainsi tu en savoureras supérieurement le goût !
C’est encore à cause de Walter Cronkite que je me suis mis à détester la couleur du sang. Ces taches rouge sombre qui s’étalaient devant mes yeux comme de la gouache trop imbibée m’empêchaient aussi de m’endormir, m’empêchaient de rêver, de partir loin de cette Terre envahie par le mal.
Ces soubresauts spasmodiques survenus au bord du lac n'étaient évidemment qu'une esquisse de ce qui nous attendait. Ceux qui allaient mourir prochainement auraient à payer l'insolence de ceux qui étaient déjà morts sans boire le calice jusqu'à la lie.
Imprévisibles, les premières rafales du williwaw avaient sifflé leur chant catabatique. Ce vent gravitationnel nous était descendu du flanc des montagnes comme un mustang épris de liberté. En un rien de temps, les arbustes et les haies, les branches et les rameaux s'étaient lugubrement dégarnis. Le moindre arbre était devenu un archer lançant des paquets d'oiseaux vers les horizons rembrunis.
La consternation m'avait saisi en contemplant ces preux volatiles traîner leurs ailes dans l'air lourd à gravir et lourd à traverser. Fuyant le Fahrenheit schizophrène provoqué par nos démences - qui engendrerait nécessairement pour les insectivores un manque de nourriture - ils migreraient longtemps avant d'atteindre l'hémisphère sud. Mais là-bas, pauvres d'eux, ils ne trouveraient jamais leur destination, pas plus que de bestioles volantes à picorer. À peine passé le Mitad del Mundo, la ligne d'équateur, les capteurs magnétiques logés dans leurs yeux se désorbiteraient et le trône de leur mémoire spaciotemporelle leur deviendrait alors invisible. Dès ce moment-là, puisque le jet-stream polaire se contractait désormais sous toutes les latitudes, ils vagabonderaient dans l'anamabilité du vide effréné, gaspilleraient leurs plumes en rotations éperdues de camisole d'air froid en camisole d'air froid. Aucun échappatoire ne leur serait possible. La température et la pression atmosphérique reliés par la loi des gaz parfaits continueraient de dégringoler jusqu’à éclipser le mercure des baromètres. Privés d’ensoleillement pour réchauffer les vents, les oiseaux déserteraient peu à peu la nue, les flots verts, les brisans. Ils s'accrocheraient là où ils pourraient comme de discrets reclus. Et puis, ils attendraient leur fin, l'oeil rentré sous paupières, tels des rêveurs qui songent à ce qu'ils ne voient plus.
Éternel et éphémère ! Alchimique et chaotique ! Personne n'avait vraiment inventé ce jeu splendide et si cruel du hasard. Glissant de la langue d’un trou noir ou d’un pont d’Einstein-Rosen, j’imaginais que chaque peuplade élue se voyait attribuer au départ plusieurs cartes archétypales et qu’elle devait en adopter une qui se graverait dans son inconscient collectif pour une période donnée. Le tapis de jeu était bien sûr sphérique, entouré d’astres sans mouvement apparent, brillants de leur propre lumière. Pas de discipline précise, aucun dogme contraignant. On devinait vaguement que la règle s'appelait libre-arbitre, et que les dés s'appelaient bon sens. Nous concernant, avions-nous choisi la carte de la noblesse ? Que nenni ! Nous avions choisi celle de l'impertinence. Juste pour voir jusqu’à quel point nos zodiaques, nos atavofigures et nos couleurs de peau pouvaient s’entendre.
Partant, est-ce que la Terre si charnelle avait vraiment besoin de nous pour s'enrhumer et se soigner ? N'était-elle pas elle aussi une enfant perdue parachutée dans l'Univers, parmi des milliards et des milliards d’enfants perdus ? Ne pouvait-on l’envisager comme une fillette délurée aux cheveux gris qui s'ennuyait sûrement et ne trouvait son extase que dans des trépidations sporadiques et sensuelles. Combien d'espèces l’avaient-elles déjà chevauchée ? Pléthore ! Dans ce cas, que lui importait la nôtre ? Elle laisserait passer nos orages, nos sévices, nos crachats. Et puis un jour, elle remettrait sa jupe de chlorophyle et ses bottes volcaniques pour entrer dans l'alcove alchimique 15961-OPXTW de la Vie lactée. Là, dans ce haut-lieu de luxure raffiné, elle batifolerait avec Shiva, Ouranos ou Zébulon, pour féconder un nouveau printemps. En guise d'éveil, ce nouveau printemps lirait alors toutes nos histoires insignifiantes comme si elles étaient inédites, ultramodernes, il les syllabiserait depuis le début et les rajeunirait. Puis, il nous offrirait une millième chance de gagner enfin une partie. Et nous recommencerions à lancer nos dés comme si nous n'avions jamais existé, quêtant l’explication de l’insoluble œuf et la poule, ayant peur de la vie, ayant peur de la mort, inventant des dieux inexistants par-ci par-là, bien forcés au final de convenir que nous ne pouvions rien apprendre, rien retenir, où que tout ce que nous apprenions et retenions n’était que réminiscence à chaque fois.
Quoi qu'il en soit, cette fessée de la nature sous haute solitude m'avait un peu requinqué. Mon esprit était élégiaque, mais la prestesse de mes gestes s'en était ressentie. C'était plutôt bon signe. Mon métabolisme s'acclimatait assez bien à la colère environnementale qui s'annonçait. Sur le chemin du retour, accélérant le pas, j'avais même eu l'impression que mes vingt ans me remontaient dans les cuisses comme de la glace brûlée.
La modernité telle que je la concevais évoluait aussi très rapidement. Plus besoin de regarder à droite à gauche pour traverser la route. Plus besoin de dire bonjour à qui que ce soit pour paraître un marsupial aimant. Et surtout, plus besoin de clef, de digicode à la noix pour ouvrir sa porte.
De fait, je suis rentré chez moi aussi furtif qu'un courant d'air et suis allé directement me gober mon fond de mezcal. Pris ensuite d'une idée folâtre, j'ai allumé une fontaine lumineuse pour me souhaiter "Buen Camino", comme s'encourageaient les pèlerins du Chemin de Compostelle pour espérer atteindre sans trop de casse la cathédrale de Santiago.
Quand j'avais vingt trois ans, j'avais effectué ce pélerinage avec ma soeur Janet, en partant de Saint-Jean-Pied-de-Port via Roncevaux pour enchaîner sur le Camino Francés. Au tout début des Pyrénées bien raides, nous sirotions déjà des litres de bière, rotions comme des barbares, progressions presque en titubant, parce qu'on nous avait dit que cela soulageait les courbatures en fin d'étape. Ce qui était complètement hallucinant, nous avait renseigné au bout de cinquante miles un randonneur averti, puisque l'alcool déshydratait, et bloquait l'élimination de l'acide lactique. On n'avait pas tout compris, mais on avait appris assez vite à ne pas écouter n'importe qui et surtout à crapahuter plus en souplesse à l'eau claire. Prenant vite la mesure de ce qui nous attendait, nous avions ri comme jamais de nos moindres pets de travers et de nos chochotteries d'amerloques constipés. Le Mac and cheese, le toast à l'avocat, les pancakes nous manquaient terriblement. Et nous trouvions dégueulasses les sandwiches à la tortilla de patata et chorizo. Environ tous les vingt miles, nous nous percions les ampoules mutellement avec un coupe-ongle ou un cure-dent. Trop feignasses pour laver nos chaussettes, elles puaient épouvantablement le sang caillé. Pourtant le soir, épuisés de fatigue autour d'un feu de camp, nous roucoulions sous des ciels merveilleux à peu près toujours la même ritournelle : putain, c'est dur, mais qu'est-ce que c'est bon, c'est trop bon, en fait je suis bien, j'ai jamais été aussi bien ! Au petit matin, on se massait quand même assez longtemps les épaules et les harpions au baume du Tigre, avant de repartir, en oubliant toujours sur notre campement un tee-shirt, une genouillère, un déodorant.
Malheureusement, j'avais été forcé d'abandonner ma compostela entre Burgos et Leon, victime d'une cruralgie douloureuse sur l'interminable plaine de la Meseta. Ma hanche, mon aine, ma fesse, et ma cuisse droite flageollante, ébouillantées par la fournaise, n'avaient pas tenu le coup. Ma soeur Janet avait continué jusqu'au bout, non sans menace de ma part. Je lui avais intimé l'ordre d'aller toucher le tombeau de Jacques de Zébédée pour moi, ou d'aller se faire cuire un oeuf sur mon cul chauffé à blanc. Bien entendu, elle ne s'était pas fait prier. Elle avait mangé "l'oeuf au cul" et repris aussitôt ses bâtons, pliée d'un rire inextinguible.
Bref, l'expédition post-apocalyptique de Mike Horn 2.0 se rapprochait à grands pas. Depuis que j'avais enfilé mes tatanes neuves, mon flux sanguin s'emballait à nouveau comme un moteur d'Aston Martin. Je n'y tenais plus de quitter cette ville morte, cette télé que j'avais fini par réduire en miettes, toute cette baraque encombrée d'antiquailles où poissaient les commotions de mon enfance. J'étais certain d'avoir fait le bon choix. L'ad patres en pantoufles entre ces murs, à fixer le minuteur, aurait été un blasphème pour mon aubaine de réchappé.
Les répercussions de ma flânerie inconséquente ne m'inquiétaient pas plus que cela. Devant le miroir, je m'étais plusieurs fois observé et j'avais déjà fait le deuil de mon proche avenir. Dissimulant mon visage sous une serviette, j'avais béni mon squelette qui chaloupait, riait encore, manipulé sans doute par quelque ange tutélaire de la forza del destino. J'entendais tinter autour de ses fémurs un grelot de frêle conscience que je souhaitais préserver à tout prix, quitte à devoir la bousculer jusqu'au vertige, l'éparpiller moi-même aux quatre vents. Le dessein qui mûrissait au fond de moi se voulait colossal. Fini de refaire le monde à la sauce gribiche, béchamel ou tartare. Mon temps était venu de piétiner ces mégalomanies douces qui s'épuisent en verbiage pour, au bout du compte, ne jamais concrétiser l'Utopie. Cette chance, j'allais mordre dedans à pleines mâchoires. L'Apocalypse sans le savoir venait de mettre au monde une entité supra naturelle à fort potentiel démiurgique, capable de patiner sur des lacs glacés avec les mains dans le dos, de grignoter des racines vénéneuses sans choper la diarrhée, d'être le dernier croisé embarqué pour immoler les bibles chimériques qui encensaient l'Au-delà sans jamais porter aux nues la Vie d'ici-bas. Même infecte.
Que demandait le peuple ? Je croulais déjà sous le luxe. J'avais trois fois rien, j'avais tout : la tente Quechua 2s vive d'ouverture et de remballage, le tapis de sol, le sac à viande et de couchage, l'oreiller gonflable, la couverture de survie, le poncho de pluie, la popote, ma vieille bite et mon couteau suisse.
Ne me manquait évidemment que le sac à dos !
Il y a plusieurs années, ma mère faisait du Airbnb pour arrondir ses fins de mois. Comme une andouille, elle avait prêté mon Mystery Ranch à un étudiant en médecine endetté. Pour fêter son diplôme, celui-ci avait décidé au débotté de faire sa première rando en montagne avec ses potes, de se taper une cîme et de bivouaquer sous clair de lune pour s'arroser de champagne. Résultat de cet exploit avorté, ce puceau du trek avait balancé mon sac à un ours noir pour faire diversion et pouvoir s'échapper à toutes jambes, joues, torse et bras en sang, complètement lacérés. Ses potes avaient filmé la scène. La vidéo avait fait le buzz. Ma mère m'avait envoyé le lien. Toute cette jeunesse inventive et détraquée semblait avoir bien rigolé. Le plan final se terminait sur mon sac en lambeaux que l'ours avait déchiqueté pour se tortorer un maousse pot de miel.
Voyons voir, de quoi avais-je besoin au juste ? De pas grand chose. Quelques bouts d'étoffe, une craie, des boucles, un dé, du fil, et de l'album "Rumours" de Fleetwood Mac pour me bercer mes esgourdes. Ce serait une formalité. Ma mère avait tout cela dans sa pièce de divertissement.
Sauf que voilà !
Suite à l'humiliation que je venais de m'infliger, j'allais devoir différer mon départ de quelques jours. Satanée guigne dont j'étais seul responsable. Si la frustration de mon ego avait eu des barreaux, je me serais enfermé dedans.
Le constat était accablant. Selon une étude menée sur moi même : derrière l'entiché de philosophie grecque se cachait un indécrottable gougnafier en couture. Moi qui rêvais d’une Odyssée de survivant remplie d’aventures singulières, d’effectuer un parcours initiatique sous millisievert pour retrouver mon Ithaque de prédilection, mon projet de confection du dit-sac venait de prendre l’eau de toutes parts. Je me croyais fûté, plutôt habile manuellement. J'avais passé la pire journée d'empoté de ma vie. Pour dire, je crois même qu'un gamin aux mains plâtrées s'en serait mieux sorti.
Pourtant dans ma cervelle, l'élaboration du sac s'était admirablement bien déroulée : simplicité de conception, avec gages de légèreté, de solidité, d'étanchéité. J'étais parti sur une forme de cylindre écrasé d'une capacité d'environ 70L, dos et avant plats avec les côtés arrondis. Pas besoin d'être ingénieur pour savoir qu'une fois le sac rempli, il s'arrondirait naturellement. La fermeture se ferait en haut par un lacet torsadé. Les bretelles et lanières ventrales seraient en mousse extraite de l'assise du canapé. Pas d'armature ni de report de charge, mon matelas, épais de 2cm, roulé à l'intérieur avec toutes mes affaires, permettrait de rigidifier suffisamment l'ensemble pour me passer de baguettes métalliques, que du reste je n'avais pas.
Il n'y a pas de résultats sans travail et pas de travail sans effort. L'art, c'est le travail effacé par le travail, avait dit Socrate. Je pensais donc sortir gagnant de ce petit job d'ouvrier ne cassant pas trois pattes à un canard.
Il en fut autrement.
Au bout de huit heures de besogne soutenue, j’avais juste crayonné un patron ésotérique entortillé de numéros et de flèches. N’ayant pas les ciseaux adéquates, j’avais tailladé comme un salopiaud le manteau en cuir marron de ma mère et le froc de bure de son grand-père, Aelred FitzMaurice, lequel bénédictin avait fondé le monastère "Le Tentateur du désert" à Abiquiu, New Mexico, à deux heures de route de Santa Fe. Avec sa machine à coudre, j’avais cassé trois aiguilles en surjetant de traviole deux poches latérales censées accueillir mes bouteilles d’eau et mes bâtons. Enfin, dans un des bonnets de son soutien-gorge, j'avais créé une poche de ceinture pour stocker ma lampe frontale, qui ressemblait à s’y méprendre à un bonnet de soutien-gorge mâtiné de complexe oedipien. Ajoutons à cela que j’avais passé la première heure à tenter de mettre la main sur son mètre ruban, et que j’avais fini, au pifomètre, par me fier à mon empan, l’unité de mesure ancienne qui part du pouce jusqu'au bout du petit doigt.
La tarte, la quiche, le poireau ! Ce que vous voulez !
Bref, je me suis retrouvé autour de minuit totalement flappi dans le cellier pour inventorier ma réserve de bouffe. Il ne débordait pas, mais il me restait suffisamment de denrées pour m’alimenter avant que mon tube digestif se nécrose, ou qu’un gamin m’achève à coups de crick pour me voler trois sardines. Inutile de me leurrer, je devrais moi aussi mettre mes scrupules et ma probité dans ma poche, apprendre à chaparder en cours de route, si possible en toute dignité, sans effraction, sans violence. Il était plus que probable que la faim tenace n'allait pas tarder à travestir les comportements. L'homme né bon, serviable, généreux, ne le resterait pas très longtemps. Le moindre agneau s’approchant de ma bulle protectrice serait potentiellement un loup-garou ayant les crocs. Chaque bouche m'envoyant un simple "bonjour" contiendrait un lasso tentaculaire. Par ailleurs, si une émouvante mamie cherchait à m’embrasser pour une raison ou une autre, j'allais devoir crâmer ses bigoudis et surtout vérifier si elle ne m'avait pas chiper une dent. Somme toute, je pouvais compter sur mon côté inhospitalier pour soigner mes abords immédiats. Maquiller mon regard d’épines noires, barbeler mes sourires de clous sournois, montrer les dents, jouer les tarés, les zombies épileptiques, était complètement dans mes cordes.
Il était clair que si je ne jouais pas à survivre, les autres joueraient sans retenue à me dézinguer.
C'est à minuit quinze exactement qu'on frappa à ma porte.
Punaise ! C'était qui cette chauve-souris ?
J'avais connu six jours d'état de grâce. Voici que les emmerdes déboulaient.
Comme je restais planqué comme une anguille, l'importun continua à tambouriner sans vergogne. Son poing devait commencer à fatiguer, car il beugla bientôt ce vieux poncif qui en disait long sur la médiocrité de sa spontanéité :
- Y a quelqu'un ?
Boum, boum, boum...
- Eh ohhh !... Ohhh... Ohhh... Y a quelqu'un ? Ohhh...
Il insistait le néandertalien.
Boum, boum, boum...
- Putain... mais y a de la lumière !... Je vois la lumière... Y a forcément quelqu'un !...
Bien vu, l'aveugle ! Le type était loin d'être stupide, mais sa voix était salement chargée. Je subodorais qu'il n'avait pas fait que sucer de la glace. Que faire ? Prendre un long couteau, aller lui ouvrir, le planter, refermer ? Pas super fair-play pour un précurseur du Nouveau-Monde.
Par chance, en un éclair je me suis ravisé, me disant : ce chiatique ne peut être qu'un envoyé des dieux !
Sa venue tardive inopinée était assurément un test pour éprouver ma lâcheté. Le manque de bravoure ne disparaît jamais de lui-même. Il se surmonte. Si je me déballonnais pour ouvrir une porte, mon voyage capoterait, je ne dépasserai jamais le bout de ma rue. Il me suffisait juste de paraître plus débile que ce dingue qui tambourinait chez moi à une heure indue. Alors, sans hésiter, je me suis mis en mode métamorphose. J'ai inspiré un grand coup. Rictus et poings serrés, j'ai quitté le cellier d'un pas ferme et suis allé ouvrir ma lourde d'un coup sec, présentant à l'ostrogoth ce visage bien courroucé : quel foutu trou du cul vient m'emmerder à minuit passé !?!?
Le type m'est aussitôt apparu comme un pastiche de vétéran de la guerre d'Irak. Ni beau ni laid, 1,70m à tout casser, barbe poivre et sel, calvitie frontale, lunettes tactiques au vitrage orangé, chemise de paintball, bedaine bedonnante sur pantalon treillis militaire, rangers impeccables. En main gauche, boutanche de Sortilège Whisky déja bien biberonnée. Pas loin d'être torché. Ayant vocalement beaucoup de mal à les envoyer :
- J’ai... J'ai vu de la lumière... Dérange pas ?...
- C’est à dire que… je suis en pleine couture là.
- Wouah !... Un homme qui coud la nuit… comme c’est... comme c'est attendrissant.
- C'est pas ce que j'aurais dit.
- Aujourd'hui, plus aucune bonne femme sait... sait vraiment s'y prendre lorsqu'il s'agit de faire... un peu de couture. Pas vrai ?
- Si tu le dis.
- Clic, clic, clic, elles achètent, achètent, achètent comme des malades... goinfrent la penderie. Quand elle est pleine, splashhh, elles jettent... Avant... avant au moins elles filaient aux pauvres... Mais comme les pauvres font tous pareil, hein ?...
- Ben oui, quel gâchis !
- Ah putain, les chinetoques ont vraiment trouvé l’attrape-couillons magique, hein !... Le lowcoast des chinetoques ?... Sont malins, les chinetoques !... Mieux vaut vendre un milliard de robes pourries à 5 dollars que... que 5 dollars à... à... à ... Ben merde, j'en étais où déjà ?...
- Attends, rassure-moi, tu n’as pas frappé à ma porte pour dégoiser sur le consumérisme. C'est plus trop d'actualité.
- Ah non !... Ah mais non !... Je suis juste bavard et un peu pété... Je suis comme ma femme, j’ai le contact facile... Mais comme j’ai... j'ai plus grand monde à qui parler.
- À quoi sert de parler ?
- Ah ouais, t'as pas tort. On parle trop... Là, excuse-moi, j'arrive pas à parler moins... J'ai beau essayer, ça sort tout seul... T'as vu ça, j'imagine, ils sont tous barrés, je...
- J'ai vu ça.
- Dis-moi, si c'est pas indiscret, tu reprises quoi, monsieur le couturier ?... Ton slip troué ?... Tes chaussettes sales ?...
- Ca t’intéresse tant que ça ?
- Bah, comme tu vois... Je me démène comme je peux pour de créer un lien amical... Réveiller en douceur... ton affabilité.
- Désolé, je suis pas affable. Je l’ai été, je le suis plus. Et là, j'en ai vraiment marre, tu me gonfles.
Joignant le geste à la parole, j'ai commencé à refermer la porte sur lui. Mais, pris d'un réflexe d'orgueil, il l'a bloquée comme un félin en plaquant sa rangers au coin du seuil.
- Oh, pas cool, mec !... Vraiment pas cool !... Tu ne vas quand même pas me foutre ta porte sur le blair... Je fais pas la mendicité.... Je veux juste te parler d’un truc...
Cette manie de faire ma curieuse. J'ai cédé, rouvert doucement ma porte.
- Ah oui ?... Quel truc ?...
- Un truc qui va t'épater.
- Moi aussi, je peux t'épater.
- Ah ouais ?... Et comment ça ?
- Tu connais le comble de la politesse ?
- Hein, quoi ???... Mais j'en sais foutrement rien...
- S’asseoir sur son cul et lui demander pardon.
Il ne lui en fallait pas plus pour se bidonner subitement, se tordre en deux, en trois, tousser, éructer, cracher, pour finir justement par s'écrouler le cul sur le sol.
- Putain, t'es un génie, mec !... Un génie !... Regarde ça, aussitôt dit aussitôt fait : pardon mon cul, pardon, pardon, pardon !!! Mon cul, je t'adore !
- N'en rajoute pas !
- J'en rajoute vraiment pas, mec !... J'adore mon cul !... Je peux plus en dire autant de ma femme...
- Bref, je peux savoir à qui j’ai affaire ?
Je l'ai aidé à se relever, comme il ne tenait quasiment plus debout.
- Excuse-moi, vieux... Je repicole depuis cette affreuse news à tomber par terre... Ambrose Barthelme !
Il m'a tendu sa main. Je ne lui ai pas tendu la mienne.
- Et donc ?
- Et donc, je gère la maison d’hôtes Stepping Stone, pas loin d’ici.
- Connais pas.
- Tu sais les tipis... pour les descendants vegan de ceux qui massacraient des indiens à la Winchester…
Petit profiteur, mais sagace. Il commençait à m'intéresser.
- Tout pour leur plaire aux vegans... Lit queen size, couvertures en peaux, oreillers en paille, tapis d'herbe, petites lampes solaires... Je t'invite quand tu veux...
- Connais pas. Je ne crèche plus ici depuis longtemps.
- Oh, ça, je le sais.
- Ah oui ? Alcoolo et devin.
- Tu crois peut-être que... que je suis venu t’importuner... par... par le plus membré des hasards...
- Je t'en prie, crache le morceau. Tu m'épuises.
- Oh, comme tu y vas... Un vrai pitbull...
- Bon, je vais faire un effort. En quoi puis-je t’aider mon cher Ambrose Barthelme ?
- Ah non, non, non, non, non, non.... Ah mais non... Tu ne vas pas m’aider en quoi que ce soit.... C’est plutôt moi qui vais t’aider, espèce de vieux schnock mal embouché.
- Accouche ! Par pitié, accouche !
Ambrose Barthelme a alors sorti de sa bedaine avec grande difficulté un bouquin épais qu'il m'a tendu. J'ai tourné doucement la couverture vers moi. Et je n'en ai pas cru mes yeux. C'était "Ulysse" de James Joyce, le livre que ma mère tenait dans ses mains lorsqu'elle s'est éteinte.
- T'as l'air ému, vieux !... Ça te dit quelque chose ?
Je suis resté totalement abruti durant quelques secondes, non loin de vomir un mélange de honte et de déshonneur. D'autant plus penaud que je ne me trouvais pas au chevet de ma mère ce jour-là. Où étais-je ? Je devais être là-bas dans le Sonora, dans ma bicoque d'ermite, fumant mon cigarillo sur mon rocking-chair, en train de cajoler la nuque de Marley, probablement.
Ma mère ? Il avait donc connu ma mère ? Bout de bois ? M'man ? Salope ? P'tite mère ? Laquelle avait-il connu ?
T'es là, m'man ?... C'est Stuart ?... Rappelle-moi quand tu aura ce message... Bisous !
Très peu d'appels entre sainte mère et son fils atypique, mais toujours intenses, sur le fil, obligeant toujours nos paroles et nos voix à marcher sur des oeufs. Elle avait beau être lunatique, erratique au possible, drôle et tragique à la fois, digne d'amour et haïssable, ma mère me semblait éternelle, aussi solide qu'un vieux rocher sur l'océan du temps. Je tenais sûrement d'elle ce besoin irrépréssible de m'accrocher au pollen de la Vie, de toujours m'instruire pour n'être pas totalement recraché du Monde. Pas plus haute que trois pommes à genoux, bancale, une épaule atrophiée, le bras droit inerte en écharpe, il m'avait toujours été impossible de comprendre par quel pouvoir enfoncé aux moelles de ses os se maintenait puissamment son obstination de vivre. C'était peut-être bien grâce à ce mantra tout simple : je fais tout pour ! Qu'elle se répétait sans cesse et répétait à qui voulait bien l'entendre. Tout pour berner, impressionner l'univers, tout pour faire frissonner d'envie son bonzaï, tout pour manger un yaourt de plus, tout pour scroller une heure de plus sur Tik Tok, tout pour lire une ligne de plus, n'importe quel ligne de n'importe quel livre, du moment qu'elle éclairait jusqu'au jour suivant sa solitude. Ce ne sont pas les années de ma mère qui tombaient sur elle en vain, c'est elle qui les faisait vieillir jusqu'à les décomposer. Avec ses tous petits pas, ses toutes petites mains, elle les chassait comme des chiens leur envoyant son bâton de survie au loin, dans le tréfonds des destinées. Beaucoup de blessures de jeunesse en elle qui jamais n'avaient pu guérir, mais qui ne saignaient plus. Elle avait fini par faire un pacte avec son tempérament volcanique de survivante : dire à tous les autres ce qu'elle pensait au moment où elle le pensait, quitte à le regretter plus tard bien au chaud dans son lit. Plus de chat, plus de chien à son côté. Juste un besoin presque maniaque de propreté autour d'elle pour stériliser simplement sa fin de vie. Sa tenue de cercueil était déjà prête depuis longtemps dans sa tête. C'était l'aube de communiante de ma soeur Janet, avec des chaussettes blanches. Je trouvais ça très beau cette idée de se déguiser en colombe pour rejoindre les étoiles, mais je ne lui avais jamais dit.
J'avais eu vent d'Ulysse par Jenny Guimaraes, l'aide-soigante portoricaine qui s'était occupée d'elle lors des dernières semaines. Elle m'avait dit au téléphone : votre mère a eu la plus belle mort qu'on puisse souhaiter. Un livre à la main !
- Quel livre ? lui avais-je demandé.
- Ulysse !... Elle me parlait souvent de vous. Elle me disait que vous écriviez aussi, mais que vous n'aviez jamais été publié, jamais reconnu. Vous savez peut-être, vous... J'ai déjà entendu ça quelque part.... Est-ce qu'on dit pas : "Heureux qui comme Ulysse va faire un beau voyage ?"...
- Oui, à quelque chose près !
Sortant de mon songe, j'ai alors questionné Ambrose d'une voix atone.
- Je... je peux savoir ?
- Bout de bois était mon amie, mec !
- Ah, elle t'a dit ça ?
- Mais moi... ne te froisse pas, je l'appelais Princesse !... Une femme impériale, drôle, coquette, imprévisible, avec une verve incroyable, comme je n'en ai jamais connu...
- Oui, sans doute !
- Tu es passé à côté d'une mère exceptionnelle, crois-moi... Elle est sûrement passée aussi à côté d'un fils hors-norme... C'est comme ça... Les chats ne font pas des chiens... C'est ce qu'on dit, non ?...
- Oui.
- Alors, tu me serres la pogne maintenant ?
Je lui ai serré la pogne.
- Tu étais présent le jour où... ?
- Non, je suis passé le lendemain pour lui faire la causette... Jenny m'a accueilli, l'air grave... J'ai compris... J'ai beaucoup pleuré... Comme un môme... Pourtant, je ne la connaissais que depuis trois mois...
- Comment ?
- Au SuperMarket... Elle faisaient ses courses avec Jenny... Un poireau par-ci, deux carottes par-là... Elle ne faisait aucune confiance dans les conserves... Nos regards se sont croisés, je lui ai dit que moi aussi je privilégiais à fond les légumes frais... Au sortir du SuperMarket, un de leur sac s'est percé... Je les ai aidé à ramasser et comme la voiture de Jenny ne démarrait pas, je les ai raccompagné chez elles... Ta mère m'a dit : c'est pas mon fils qu'aurait fait ça ! Je lui ai répondu : sans vous décevoir, j'aurais pas fait ça pour ma mère non plus ! Elle a ri comme une enfant de cinq ans et m'a dit : oh ça c'est bien de dire ce qu'on pense, même si parfois ça vous brise le coeur !
- Merci !
- Merci pour quoi ?
- D'être passé pour lui faire la causette.
- Tiens, j'ai aussi ça pour toi...
Avec ma sœur Janet, nous nous étions toujours entendus comme chien et chat depuis notre plus jeune âge. Passant pour de vrais anges auprès d'autrui, nous ne communiquions le plus souvent qu'à travers nos colères. Pour un chapardage, un vilain mot, une grimace, l'un comme l'autre étions capables d'échapper à tout contrôle séance tenante. Dans ces cas-là, au lieu d'appeler au secours, l'agressé réagissait bille en tête comme un cheval qui se rebiffe. En un éclair, des objets pouvaient voler, des coups pouvaient être portés. Parfois même le sang coulait. Ces orages étaient brefs. Une fois que l'autre était en pleurs, nous stoppions net l'escarmouche, et nous pouvions très bien continuer à jouer ensemble l'instant d'après, le visage lacéré de griffures. Rarement repris par notre père et moins encore par notre mère, nous avions fini par croire que ces décharges émotionnelles étaient tout à fait normales entre frère et soeur, qu'elles nourrissaient notre fierté et testaient les limites de nos forces. Vouloir tenir tête à l'autre, ce n'était pas pour le châtier, c'était surtout pour éviter de devenir son souffre-douleur.
Profitant de l'impunité parentale, l'adolescence amplifia nos potentialités perverses. Grimpant progressivement l'échelle de l'agressivité, nous cherchions dorénavant à savoir jusqu'où l'autre pouvait être dur au mal. Ainsi, vers l'âge de treize ans, au milieu d'un repas, Janet se retrouva t-elle avec ma fourchette plantée dans la tête, parce qu'elle avait écrasé ma maison de purée dans mon assiette. Cela choqua nos parents, mais pas plus que cela. Notre père finit même par en rire, ce qui entraîna les rires de tous. Par chance, la tempe de ma soeur cicatrisa à merveille. Pour autant, elle n'en oublia pas de prendre sa revanche six mois plus tard, m'écrabouillant les phalanges en claquant une lourde porte dessus.
Pour trouver la source de ces chamailleries tordues, nous n’avions pas eu besoin d’aller chercher bien loin. Nous les avions héritées bien sûr de nos parents, lesquels étaient passés maîtres dans l’art de créer des bisbilles pour rien, au sujet de rien. Comme eux, nous grimpions dans les tours, mais la querelle épuisée nous retombions dans les bras l'un de l'autre. Tout comme eux, notre affection reprenait vite le dessus, et nous nous trouvions alors ridicules de nous être balancé un tas d'injures, pour rien. Une fois nos nerfs relâchés, arrivait généralement notre émouvante séance de contrition. Nous réparions nos coeurs nous excusant, nous pardonnant, et cela se terminait souvent par un : je t'adore, tu le sais bien !
Devenus adultes, nous pensions que ces "marques d'amour" non maîtrisées finiraient par se pacifier. Il n'en fut rien. Le rituel domestique nous avait collé à la peau, jusqu'à en perdre notre naturel. Nul ne sachant à quel instant pouvaient être déclenchées les hostilités, ni pour quoi, notre routine préventive se résumait invariablement à cela : une fois passée la joie des retouvailles, nos pensées se mettaient d'emblée sur le qui-vive et, de fait, nos conversations profondes s'en trouvaient affectées. Esquivant les sujets qui fâchent suscitant d'ardents débats, nous n'évoquions plus que les petits drames qui nous étaient étrangers. Ainsi, l'endormissement d'un ami sur l'autoroute pouvait nous faire une heure de babillage insignifiant. Le cancer du sein d'une cousine lointaine, un peu plus, si nous commencions à lui composer sa nécrologie.
Nous dansions parfois ensemble aux fêtes familiales, reprenions même en choeur les chansons tonitruantes de Bruce Springsteen. Toutefois, dans la pièce où nous nous trouvions flottait toujours le parfum de Némésis. Certes, nous nous aimions à notre façon, nous respections l'intelligence de l'autre, sa personnalité, mais sans pouvoir nous libérer d'une certaine défiance. Comme deux termites enchaînés à nos actes passés, nous savions que dans cette vie notre karma ne serait jamais purifié. Une chose aurait pu certainement briser notre Pax Romana, c'était la rancune. Malheureusement, nous n'étions pas rancuniers. Nous nous targuions plutôt d'être larges d'idées, progressistes, évolués, quoi !
Par-delà nos divergences politiques - nous n'en parlions jamais - par delà nos désaccords sur le spécisme et le végétalisme - nous n'en parlions jamais - et notre inaptitude à concevoir ensemble un repas équilibré pour Thanksgiving - nous en parlions sans complexe pour faire rire nos invités - il était clair que nous venions de la même chair et du même sang et que cela comptait beaucoup pour nous. Sans être jumeaux, nous nous considérions inséparables de cœur pour la vie, et même au-delà, chacun semblant attendre ce passage délicat où l’un vivrait ses derniers instants et l’autre se trouverait à son chevet pour lui tenir la main.
Bref, nous étions frère et sœur de chicane et de rabibochage.
Jusqu’à ce jour terrible où ni l’indulgence ni le pardon ne purent sauver notre fraternité.
Cette période glaciaire entre Janet et moi dura dix longues années. Elle avait débuté vers cette époque où j’avais commencé à ne plus pouvoir supporter mes semblables. Face à ce rejet de plus en plus maladif, Janet fit preuve de compassion. Elle comprit que je ne sois plus au diapason avec les turpitudes du genre humain. Plus tard, devant mes pulsions d'éloignement, elle accusa étrangement le coup et ne chercha pas à m’en dissuader. Cette attitude ne lui ressemblait pas, d'autant qu'elle avait toujours mis un point d'honneur à préserver les valeurs altruistes - pour ne pas dire notre déification de l'espèce - que nous avions jadis en commun.
Cette pudeur de jugement à mon encontre m'avait troublé, pour ne pas dire agacé. Au lieu de légitimer cette fuite en avant comme si elle n'était qu'une péripétie obligée de mon chemin d'homme, j'aurais souhaité qu'elle me parle, qu'elle me dise que je me trompais. J'aurais souhaité qu'elle me confie que mon renoncement au monde la blessait, qu'en m'éloignant des hommes, je ne faisais pas mieux que de la rejeter elle aussi avec l'eau du bain. En acquiessant à mon projet d'ermitage suspendu au-dessus de quelque précipice inabordable, ne disait-elle pas, au fond, ne plus avoir besoin de moi ?
Comme je l'avais subodoré, ses appels se firent beaucoup plus rares. Nos conversations téléphoniques devinrent plus évasives, plus prosaïques. Je percevais maintenant au son de sa voix comme un petit air de répudiation qui me chagrinait, sans que je n’ose le lui dire ni qu’elle n’ose me l’avouer.
Lors du notre dernier repas familial à Sausalito, nous avions établi au préalable un check-up de tous les sujets à éviter. Celui-ci en faisait évidemment partie. Démocrates et Républicains n’avaient pas non plus été conviés, ni aucuns migrants mexicains, ni aucun extracteur de gaz de schiste. Le hors-d'oeuvre se passa très bien. Nous lui mîmes même en plaisantant la note de dix sur dix. Superbes de simulacre, nous avions mordu dans nos melons prosciutto di Parma comme si la vie était belle et qu’elle méritait vraiment d’être vécue.
Mais le plat de résistance commença à souffrir de légers silences et de paroles dégluties, comme si de minuscules arètes piquaient soudain la langue et coupaient net l'envie de parler. Partant, les sourires se firent bientôt en demi-teinte. C'était des sourires dénués de lumière qui en disaient assez long sur l'inexorable dégradation de notre attachement l'un pour l'autre. D’évidence, le ruban d’argent qui reliait nos deux coeurs depuis notre naissance s’était cassé. Et, à la fin de la dorade, sa froideur avait complètement siphonné la tendresse que je lui avais toujours accordée.
Nous ne fêtions rien de particulier. Mais ce jour-là, nous avions tous bu un peu plus que de raison. Toutes les banalités, les faux-semblants, ayant été consommés, au moment de servir le dessert Janet m’avait soudain lancé : et voilà le travail, une bonne glace maison pour monsieur le misanthrope, ce grand écrivain du désert qui a daigné venir jusqu’à nous !
Sa pique avait aussitôt jeté un froid sur le minima d’ambiance que nous étions parvenus à installer. Faisant comme si je n’avais rien entendu, Janet avait alors poursuivi sa provocation :
"Il ne va pas tarder à rentrer dans sa grotte, hein, parce que je dois encore débarrasser et tailler mes rosiers et parce que je suis fatiguée de voir sa tête d’ermite toute mitée !"
Dépité à l’extrême, une fois de plus je m’étais contenu. Passablement éméchée, c'est alors que ses traits s’étaient emplis crescendo de dégoût. Parvenue à l'extrême tension de son rictus, elle avait hurlé : mais comment as-tu pu, nous n'avons pas été éduqués comme ça ? Jamais. Jamais. Pourquoi me fais-tu ça ?
Puis, ne se maîtrisant plus, elle en était venue directement aux mains, comme au bon vieux temps.
Elle m’envoya d’abord sa chope de bière au visage. Pas le temps de m'éponger qu'elle s'approcha de moi en furie pour m’asséner plusieurs gifles frénétiques, ce qui acheva de me dégriser. Mais, trop suffoqué pour me rebiffer, je l’avais laissée m’agonir, lui renvoyant juste un petit sourire cynique voulant dire "Défoule-toi ! Je pardonne à ta folie".
Au lieu d’atténuer la rixe, ce sourire l’avait suppliciée.
Frustrée de ne pouvoir me faire entendre ses arguments angéliques, sa répugnance à mon égard s’était soudain emballée. D’hystérique, son regard s’était chargé de haine, d’une haine fratricide.
Prenant peur, j’avais alors empoigné ses bras pour la secouer tel un affreux prunier. Et je l’avais giflée pour faire taire sa fureur.
Elle avait reculé de trois pas. Deux ramequins remplis de glace avaient encore volé près de ma joue, avant qu’elle ne revienne à la charge.
De part et d’autre, de nouveaux coups incontrôlés avaient plu. Le drame était au bord de notre animosité fabuleuse et, sans l’intervention musclée d’Elihu, son mari, je crois bien que nous aurions fini à terre dans une écœurante mare de sang.
Enfin, nous nous étions calmés. Mutique, un rien penaude, Janet avait massé ses bras endoloris, pour me donner des regrets. Moi, j’avais pris mon manteau et j’étais venu me planter devant elle pour la regarder une dernière fois dans les yeux. Ces yeux qu’elle avait fini par baisser pour me dire adieu.
Jamais je n'aurais pu imaginer qu’une telle fosse à purin se creuserait un jour entre nous, au nom des forces lunatiques de l’amour.
Il est vrai que je m'étais endurci. Mon âme avait oublié Dieu pour renouer avec la Nature. Je m'étais mis à détester les hommes, mais c’était là mon seul crime. Jamais l’idée de leur faire du mal ou de les voir souffrir ne m’aurait effleurée. Pourtant ma propre sœur, qui les aimait tant jusqu’au dernier, avait porté des coups sur moi. Son amour inconditionnel avait buté sur moi. Ma propre sœur m’avait tenu une rigueur farouche d’avoir trahi nos valeurs humanistes. Crachant sur la parabole, j’étais devenu dans son cœur désaxé la seule brebis égarée qu’elle avait préféré offrir aux loups, pour se masquer l'âpre vilennie des hommes.
Je n’avais pas retrouvé trace de Janet dans la supposée Buckelue Street. Mais avant de quitter la sépulture imaginaire que je lui avais choisie, j’ai dessiné sur le gravier une vaste fleur. En mémoire de nos combats et de nos fous rires d’enfant.
Beau chapitre...
"C'étAIENT des sourires dénués..."
Voilà un chapitre qui m’a donné du fil à retordre et des nœuds au cerveau. J’ai eu le sentiment que ton personnage avait au fond du cœur une profonde amertume et qu’il avait besoin de mettre des mots dessus pour mieux tenter de s’en délivrer. Toute la difficulté est de garder suffisamment de distance avec ton personnage. La nature du conflit n’est pas claire. On comprend que le mode d’éducation a laissé libre cours à toutes les formes d’expression et de débordement de l’enfance, de la meilleure à la pire. Tu évoques les valeurs communes, quelles sont-elles ? Quelles valeurs ont transmis les parents ? Quel chemin personnel a emprunté la sœur du personnage pour s’éloigner autant de lui. Qu’attendait-elle de lui ? Il semble que la religion ait joué un rôle important dans cette discorde, mais ce n’est pas clairement dit. On comprend que l’incapacité à communiquer s’est installé petit à petit dès l’enfance puisque le recours à la violence était la seule conclusion possible aux différents. Il fallait ramener l’autre de force dans son camp, d’une certaine manière. La sœur est très dévouée à l’extérieur de la famille (semble-t-il) mais ne parvient pas à accepter son frère tel qu’il est, ni à composer avec lui, et sans doute la réciproque est-elle vraie aussi.
Je ne sais pas s’il est nécessaire de rentrer autant dans le détail des disputes, tu peux en évoquer la violence mais le lecteur doit comprendre qu’elle en est l’origine : jalousie, besoin de reconnaissance, manque d’amour, besoin d’exister… Tu ne peux t’affranchir d’un peu d’analyse : pourquoi ce besoin maladif de toujours chercher l’autre ? Est-ce pour attirer l’attention des parents ? Pour provoquer une réaction de leur part ? Tu parles beaucoup des rapports frère / sœur, mais « l’absence » des parents n’est-elle pas à l’origine de tout ? Tu le suggères, mais il me semble que tu peux insister car, quelque part, ils portent une grande responsabilité.
Beaucoup de petites suggestions, tu glanes comme tu veux :
- Profitant l'impunité parentale : "de" l'impunité
- parce qu'elle avait écrasé la maison que j'avais construite dans mon assiette avec de la purée : parce qu'elle avait écrasé la maison de purée construite dans mon assiette ?
- Pour autant, elle n'en oublia pas de prendre sa revanche six mois plus tard, m'écrabouillant totalement les phalanges en claquant une lourde porte dessus : je pense que tu peux supprimer le "totalement", écrabouiller est suffisamment explicite.
suggestion : …sa revanche, m'écrabouillant six mois plus tard… ?
- Comme eux, nous pouvions facilement monter dans les tours, mais une fois ces querelles futiles épuisées, nous finissions volontiers par nous serrer dans les bras : comme eux nous grimpions dans les tours, mais la querelle épuisée nous retombions dans les bras l'un de l'autre ?
- Comme eux, notre côté aimant reprenait vite le dessus, et nous nous trouvions alors ridicules de nous être balancé un tas d'injures, pour rien : comme pour eux, notre affection reprenait vite le dessus chassant le ridicule ?
Je me demande si tu ne pourrais pas renforcer encore le propos en ajoutant "tout" : tout comme eux ?
- Nous réparions nos cœurs en nous excusant, en nous pardonnant : peut-être supprimer les "en"
- il nous paraissait évident : il nous parut ? J'ai un doute
- Le rituel domestique nous avait collé à la peau, jusqu'à en perdre notre naturel lors de nos rencontres : le rituel domestique nous collait à la peau jusqu'à en perdre tout naturel ? et je supprimerai "lors de nos rencontres" qui est implicite.
- nos conversations profondes s'en trouvaient forcément affectées : tu peux supprimer « forcément »,
- Esquivant toutes sortes de sujets sociétaux faisait appel à d'ardents débats : esquivant les sujets qui fâchent suscitant d'ardents débats ?
- Lors de nos fêtes familiales, il pouvait arriver que nous dansions ensemble, que nous reprenions en chœur les chansons tonitruantes de Bruce Springsteen : Tu peux alléger, par ex :
Nous dansions parfois ensemble aux fêtes familiales, nous reprenions en chœur les chansons tonitruantes de B S
- dans les pièces où nous nous trouvions : flotter autour de nous ?
- le quotient intellectuel : l’intelligence ?
- mais sourdement nous nous redoutions toujours en silence : mais, s’en pouvoir nous libérer d’une certaine défiance ?
- Une chose aurait pu certainement préserver notre Pax Romana, c'eut été la rancune : cette phrase m’interroge tant ces deux parties sont antinomiques. Peut-être briser au lieu de préserver ? Dans tous les cas « la rancune » tout court est plus fort que « c’eut été la rancune ».
- comme chacun semblait attendre : chacun semblant attendre ? il me semble que c’est plus clair et plus logique.
- Cette période glaciaire entre Janet et moi avait duré dix longues années : dura ? ou aura duré ?
- Elle s’était déclenchée : elle avait débuté ? C’est la période qui avait débuté
- Face à ce rejet qui devenait pour moi de plus en plus maladif : face à ce rejet, de plus en plus maladif ?
- Janet avait fait preuve de compassion. Sans le valider, elle avait compris que je ne sois plus au diapason avec les turpitudes du genre humain : de mes semblables plutôt que du genre humain ? J’ai remarqué que tu t’exprimais beaucoup au plus que parfait, mais tu peux alterner avec le passé simple. « Janet fit preuve de compassion… elle comprit… »
- devant mes pulsions irrésistibles à vouloir m’en éloigner ; devant mes pulsions d’éloignement ?
- d'autant que je savais qu'elle avait toujours mis un point d'honneur : plus simplement « elle avait toujours mis… »
- suspendu sur quelque précipice : au-dessus de ?
- elle ne me disait rien d'autre au fond, qu'elle n'avait pas besoin de moi pour être heureuse : pourquoi pas une forme interrogative ? « ne disait-elle pas, au fond, ne plus avoir besoin de moi ? »
- ses appels se firent beaucoup plus rares durant les mois qui suivirent : tu peux supprimer « durant les mois qui suivirent », c’est sous-entendu en début de phrase.
- sans que je n’ose lui dire : le lui dire
- Lors de notre dernier repas familial : lors du…
- comme si de petites arêtes étaient perçues soudain sur la langue qui coupaient net l'envie de mastiquer : comme si de minuscules arêtes piquaient soudain la langue et coupaient net l’envie de parler ?
- et voilà le travail : guillemets ?
- elle m’avait hurlé : Elle avait hurlé
- Et, ce disant, ne se maîtrisant plus : puis, ne se maîtrisant plus ?
- Imbibé moi-même, j’en avais été sur le coup dégrisé : ce qui acheva de me dégriser ?
- D’hystérique, son regard s’était chargé : pas de « D’ »
- j’avais dû alors empoigner : j’avais empoigné
- Et je l’avais à mon tour giflée pour faire taire sa fureur : je l’avais giflée pour faire taire…
- Puis, la délivrant de mon emprise : tu peux supprimer
- Comme pour mieux me faire regretter la violence que j’avais exercée sur elle : pour me donner des regrets
- Il était vrai que je m'étais endurci : il est vrai, je m’étais endurci. Je mettrais un point après endurci
- que mon âme peu à peu avait versé dans l'athéisme pour adorer les bienfaits de la Nature : Mon âme avait oublié Dieu pour renouer avec la nature ?
- Certes, au beau milieu de cette vie, je m'étais mis : je supprimerais le début de la phrase pour commencer par « je m’étais mis… »
À bientôt
Bien à toi !