L'agitation de la ville m'enveloppait petit à petit alors que je déambulais dans les rues. Mon instinct s’éveillait, observant, analysant tout ce qui m’entourait. Je pouvais sentir le pain chaud sortir du four du boulanger, entendre les clapotis des sabots des chevaux tirant les diligences ou bien voir la foule s’animait au grès de la journée. Un sentiment familier montait en moi. Et plus je m'approchais de l’Indra, plus ce sentiment s’intensifiait.
Depuis notre arrivée au château, les seuls contacts que nous avions pu entretenir avec Emie et Pop se faisaient par des lettres échangées régulièrement.
A peine, j’ouvris la porte que des bras chaud et fins m’enveloppèrent me serraient fort contre Emie. Étreinte que je m’empressais de lui rendre. Je lâchai Emie et vint serrer Pop dans mes bras.
- Bienvenue à la maison, ma petite princesse fougueuse, murmura Pop.
Cela faisait longtemps que Pop ne m’avait pas appelé ainsi. Ce surnom, il l’utilisait souvent lorsque j’étais petite, j’étais sa petite princesse fougueuse.
Je n’avais que deux jours à leur accorder et je comptais en profiter. Je montais mes affaires dans ma chambre avant de descendre dîner avec eux. Je leur expliquais notre vie au château, les tâches que je réalisais, les rencontres que j’avais pu faire. Les parents m’écoutaient avec attention comme si je leur racontais une histoire incroyable. C’était bon de rentrer à la maison. Emie ne pouvait s'empêcher de me serrer dans ses bras dès qu’elle le pouvait prétextant qu’elle avait besoin de sa dose de câlins avant que je reparte mais je savais que c’était une excuse car je lui avais manqué autant qu’elle m’avait manqué à moi.
- Op, j’aimerais que l’on parle de cette histoire avec le prince, si tu veux bien, demanda soudainement Pop.
Je restai assez surprise même s’il savait que j’avais rencontré le prince dans le passé, il ignorait que j’avais continué à entretenir une relation. Je ne comprenais pas vraiment la raison de sa question. La seule personne au courant, c’était Baldo mais il ne serait jamais venu en parler aux parents.
- Comment ça ? demandais-je hésitante.
- Op, que se passe-t-il entre toi et le prince ? demanda Emie à son tour.
- Je ne sais pas de quoi vous voulez parler, affirmais-je.
Je n’aimais pas leur mentir mais je savais ce qu’ils voulaient me dire. La relation que j’ai entretenu avec le prince pourrait me coûter la vie et la leurs juste pour m’être rapprocher du prince mais il y a eu bien plus que cela entre nous. J’ignorais ce qu’ils savaient mais il était clair qu’ils ont su ce qu’il s'était passé au château.
- Opale, essaierais-tu de nous mentir ? demanda Pop en haussant la voix.
Je ne répondis pas de suite, je n'aimais pas cette situation.
- Nous sommes au courant que certaines choses se sont passées entre toi et le prince Noah. Nous n’avons pas les détails. Nous souhaitons la vérité à ce sujet.
- Il n’y a pas grand-chose à dire, on s’est vu quelques fois au palais mais c’est fini. Il n’y a plus rien, soupirais-je.
Quand j'eus prononcé cette phrase, un pincement au cœur se fit sentir.
- Tu en es bien sûr, Op ? demanda Emie.
- Oui, si cela vous dérange je vais aller me promener un peu.
Je sortis quelques instants plus tard de la maison, j’avais besoin de prendre l’air. Parler de Noah me faisait plus de mal que ce que je croyais. Son attitude dans la bibliothèque m’avait réellement blessé mais quelque chose en moi ne parvenait pas à se détacher de lui.
Je sortais de la maison et je me laissais guider par l’agitation de la ville. Je déambulais sans but précis durant plusieurs heures. Au bout d’un certain temps, je me retrouvais proche du marché, des souvenirs me revinrent en tête : Naoh nous avait sauvé des gardes ce jour-là mais cela n’avait pas empêché les commerçants de s’en prendre à nous, nous l’avions bien cherché avec Baldo. On volait depuis des années sans assumer les conséquences de nos actes. La roue a fini par tourner en notre défaveur.
Perdue dans mes pensées, je percutai un homme, celui lâcha de surprise la marchandise qu’il tenait dans les bras. Quand il se retourna son visage était rempli de colère, colère qui s’intensifia quand il reconnut. Il faisait partie des marchands victime de nos nombreux vols. Je commençais à reculer afin de m’enfuir mais alors que je m'apprêtais à partir en courant, une main vint saisir mes cheveux violemment et me jeta à terre. Je tombais sur des planches en bois, je sentais les écorches se plantaient dans mes mains. Une douleur aux côtes vint s’installer pendant que j’essayais de me remettre debout. Quand je fus sur pied et suffisamment stable, j’observais les hommes debout autour de moi, je savais ce qu’il allait arriver, je n’avais pas d’issue possible. L’un des hommes s’approcha et lança son poing sur ma joue, je parvins à l’esquiver de justesse mais je pris celui de son voisin de plein fouet. Cette fois-ci, je m’écroulais à terre, la tête me tournait, je ne parvenais plus à garder l’équilibre. C’est alors que de nombreux s’enchainèrent : dans la tête, le ventre, les côtes… Je ne sais quand mais au bout d’un long moment, les ténèbres vinrent me soulager de la souffrance des coups.
- Op !!! Op !!!
Encore cette voix qui m’appelle.
- -Op, tu dois t’enfuir vite ! Vite avant qu’il ne te trouve.
M’enfuir mais pourquoi ? Que me voulait cette voix ?
- Op, tu dois vivre, nous avons besoin de toi.
Besoin de moi ? Mais pourquoi ?
Tout redevint silencieux. C’est alors que je ressentis une violente douleur dans mon corps, une douleur qui augmentait à chacune de mes respirations, chaque fois que j’essayais de bouger. Mon corps commençait à frissonner à cause du froid. Je peinais à ouvrir les yeux mais je parvins tout de même à les garder ouverts. La nuit était tombée depuis peu, la fraîcheur de la nuit se levait petit à petit. J’ignorais combien de temps, j’étais restée inconsciente à même le sol mais dans la rue personne ne vous relevait par peur de recevoir le même châtiment. Malgré la douleur, je devais rentrer, je parviens difficilement à me lever et me dirigeait vers le lieu le plus sûr et le plus proche : le château. Je ne pouvais pas rentrer chez Pop et Emie dans cet état, ils paniqueraient et la maison se trouvait de l’autre côté de la ville alors que le château se trouvait à deux pâtés de maisons de là où je suis. Avec le peu d’énergie qu’il me restait, je ne pouvais pas me permettre de beaucoup marcher.
Au fur et à mesure que je marchais, je parvenais à voir les portes du château. Il ne me restait que quelques pas à faire mais cela devenait de plus en plus dur d’avancer une jambe après l’autre. C’est alors que d’un coup, plus rien. Le noir complet. Je ne ressentais rien, je ne pensais à rien, le calme plat.
Au bout d’un certain temps des voix me vinrent aux oreilles, je ne parvenais pas à les comprendre. Puis le silence à nouveau. Ce fut ainsi de nombreuses fois mais petit à petit, je parvenais à mieux les comprendre. Et j'ai reconnu la voix de Baldo.
- Que lui est-il arrivé ?
- Nous l’ignorons. C’est les gardes à l’entrée du château qu'ils l’ont trouvé ainsi devant la porte, répondit une voix que je suppose être Noah.
- Op, qu’est-ce que tu as fait ?
Le silence à nouveau.
Plusieurs jours passèrent avant que je réussisse à enfin prendre conscience totalement et à rouvrir les yeux. Ce jour-là, je découvris que je n’étais pas dans ma chambre mais dans la chambre de Noah. Je me redressai légèrement afin de regarder autour de moi, Mia somnolé à mes côtés.
- Mia ? Qu’est-ce que je fais ici ?
- Opale, vous êtes réveillé ! s’exclama Mia. Je vais aller prévenir le prince ainsi que votre ami.
Aussitôt Mia sortit de la chambre. Quelques instants après Baldo déboula dans la chambre à toute vitesse, il se jeta presque sur moi pour serrer fort dans ses bras.
- Tu es une idiote, tu sais. Lança-t-il en sanglotant.
- Baldo…
Il desserra son étreinte pour me regarder.
- Qu’est ce qu’il t’est arrivé ? Les parents étaient morts d’inquiétude.
J’entendis la porte s’ouvrir et se fermer derrière Baldo. Je regardais par-dessus son épaule et découvris Noah qui nous fixait.
Quand mes yeux rencontrèrent les siens, je pus lire toute l'inquiétude et la fatigue qu’il ressentait. Il avait eu réellement peur pour moi.
Baldo capta mon regard et aperçut enfin le prince. Il se redressa aussitôt et salua le prince mais il resta malgré tout à mes côtés et c’est ce dont j'avais besoin. Baldo était ma famille.
- Op, comment te sens-tu ? demanda enfin Noah.
- J’ai mal partout, surtout au niveau des côtes mais je m’en remettrais.
- Le médecin ne devrait pas tarder, il va venir vérifier que tu ailles bien.
Un silence pesant s’installa. Baldo et Noah me fixaient.
- Op, qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Baldo