Chapitre 8

Par Taranee
Notes de l’auteur : Salut, après un peu plus de temps que prévu, voici le chapitre 8, bonne lecture !

8

 

            Il y eut un troisième massacre. Le jeune commis de la boulangère ainsi que toute sa famille. Ils vivaient en périphérie de khotaô, à mi-chemin entre la bordure du centre-ville et la forêt qui longeait le hameau. À l’opposé du manoir d’Ange où Noah logeait en ce moment. Il devait avouer que c’était un soulagement. Néanmoins, l’étau se resserrait, et les meurtres se multipliaient sans que le jeune homme ne parvienne à avancer dans son enquête. Il était persuadé que la bête était une ombre. Peut-être une ombre qui avait perdu le contrôle, qui ne s’était pas nourrie d’histoires depuis si longtemps qu’elle devait récupérer en en mangeant de grandes quantités : ce qui passait par le meurtre d’humains pour avaler l’entièreté des histoires qu’ils possédaient… C’était plausible… C’était d’ailleurs la piste que Noah privilégiait, jusqu’à ce qu’il trouvât un rescapé.

            La piste avait été dure à remonter, mais le jeune homme avait fini par entendre parler d’un rescapé d’un grand massacre qui vivait non loin de Khotaô. Il lui avait presque aussitôt envoyé une missive en lui proposant une entrevue, qu’il avait acceptée. L’homme était moins âgé que ne le pensait Noah. Il avait survécu à une attaque de la bête dans un cycle qui avait eu lieu il y a un peu moins de quarante ans. Encore avant celui d’il y a vingt ans dont Noah avait entendu parler. Il ne devait alors pas être bien âge, puisqu’il semblait être dans une quarantaine à moitié entamée. Il avait une famille qu’il avait priée de rester à l’écart pendant son entrevue avec Noah. AU début, le jeune homme avait raconté au rescapé son enquête ; comment il avait entendu parler de la bête dans un livre, puis sa rencontre avec le jeune Ange, qui vivait au manoir, les trois massacres qui avaient eu lieu ces derniers jours, et les inquiétudes que cela avait soulevé chez les villageois.

̶ Selon les dires, vous seriez un rescapé d’un ancien cycle de la bête, conclut Noah : alors je suis venu vous voir pour obtenir des informations.

̶ Et la jeune fille qui est avec toi ? La marionnette, ou l’automate.

̶ Elle m’accompagne. Cela vous dérange ?

L’homme eut un petit rire.

̶ Pas du tout, au contraire : je la trouve très sophistiquée, vraiment, on la croirait vivante.

Noah posa son regard sur Clée, puis le reporta vers l’homme.

̶ Et si elle l’était ?

̶ Elle serait un artéfact ?

̶ Non, plutôt comme une entité qui habite le corps d’une marionnette. Vous me croyez ?

̶̶ Pourquoi pas. Mais il est étrange qu’elle ne soit pas encore sous la protection du bureau des vagabonds.

̶ Revenons à notre sujet, si vous le voulez bien : que vous rappelez-vous de votre rencontre avec la bête ?

̶ À vrai dire jeune homme, je crois que je me souviens de la plupart des détails. Impossible d’oublier une fois qu’on a vu ça, vous comprenez.

L’homme commença alors à raconter son histoire.

            Il y a trente-sept ans, il était alors âgé de sept ans. Son père était médecin et sa mère qui avait eu la chance de pouvoir apprendre à lire, écrire et compter, l’assistait à son cabinet. Ils n’étaient pas particulièrement riches, mais ils gagnaient de quoi faire vivre la famille, avec les quatre enfants. À cette époque, les enfants ne sortaient pas trop dehors pour jouer : la menace de la bête était bien plus présente et bien plus effrayante. Un nouveau cycle avait commencé peu de temps avant et les adultes du village paraissaient soucieux. L’homme n’était alors qu’un enfant, et il ne se rendait pas bien compte de ce qu’impliquait le meurtre d’une personne. Il ne savait pas que sa famille serait la deuxième cible de la bête. Et une nuit, alors que tout le monde dormait dans la maisonnée et que lui se retournait dans son lit dans l’attente du sommeil, il entendit la porte s’ouvrir. Il avait tout de suite compris que quelque chose n’allait pas, aussi s’était-il glissé hors du lit pour ouvrir la porte. La maison comportait un étage, et sa chambre à lui se trouvait juste en face des escaliers. On pouvait voir l’entrée de la maison depuis le pas de sa porte. Et lorsqu’il entrouvrit le battant, ce qu’il vit fut si glaçant qu’il tomba, paralysé, au pied de la porte. Au rez-de-chaussée, bloquant toute issue par sa masse monstrueuse, il y avait une bête. On ne distinguait en soi qu’une silhouette noire, mais elle prenait des proportions énormes , et sa tête arrivait presque au niveau du premier étage de la maison. Pourtant elle se déplaçait à pas de loup, et bien qu’il vît sa poitrine se soulever, elle ne faisait aucun bruit lorsqu’elle respirait. Fébrilement, il s’était remis debout pour aller réveiller son frère qui dormait à poings fermés. Mais alors que la situation urgeait, impossible de lui faire ouvrir les yeux. En tendant l’oreille, il parvenait à déceler les pas de la bête, qui grimpaient les marches, qui arrivaient au premier étage, qui s’arrêtaient devant sa porte. Et son frère ne se réveillait toujours pas. Quand la poignée de la porte commença à tourner, pris de terreur, le garçon se cacha sous le lit, contre le mur, à l’endroit le plus sombre de la chambre. Il vit alors deux pattes se poser sur le parquet, puis avancer vers le lit. Tout se passa dans un silence presque complet. La bête s’avança, il  y eut un sifflement dans l’air, puis un cri avorté avant d’être poussé, et du sang gicla sur le parquet. Le garçon entendit ensuite des bruits étranges, comme si la bête mangeait quelque chose. La petite main de son frère tomba alors su le sol, tranchée avec sauvagerie, et le garçon retint son hurlement. Puis la bête s’en alla comme elle était venue. Mais lui, il resta sous le lit. Et dans les chambres d’à côté, celles de ses sœurs et de ses parents, il entendit le même manège se répéter. Il y eut un cri. Cette fois un vrai : un hurlement de douleur, et le garçon se boucha les oreilles, ferma les yeux. Au bout d’un moment, il n’entendit plus un bruit. Doucement, il sortit de sa cachette, et marcha jusqu’à la porte de sa chambre, les jambes flageolantes. Et par le battant entrouvert il la vit passer par la porte d’entrée pour repartir comme elle était venue.

̶ Et à ce moment-là, termina l’homme, je peux te jurer que c’est une silhouette humaine que j’ai vu sortir de la maison.

            Le silence se fit. L’homme observait Noah, attendant peut-être qu’il parle, mais Noah réfléchissait. Une silhouette humaine… La bête changeait de forme ? Elle n’était donc pas une ombre… Alors peut-être… Oui, ça ne pouvait qu’être ça.

̶ Comment se fait-il que vous seul ayez survécu ? Comment la bête ne vous a-t-elle pas trouvé dans cette si petite chambre ?

̶ Ça, je l’ignore. Peut-être m’a-t-elle vu, peut-être a-t-elle renoncé à me massacrer. Je ne le saurais jamais, je pense. Je me dis juste que j’ai eu beaucoup de chance, ça me suffit.

̶ Bien sûr.

De nouveau le silence. Cléer sauta du canapé, et Noah se leva à son tour. Il serra la main de l’homme en le remerciant pour ses informations précieuses, et s’excusa d’avoir ravivé de mauvais souvenirs.

̶ Je vous en prie, jeune homme. Si vous parvenez à dénicher la bête grâce à ces informations, alors quelques mauvais souvenirs qui refont surface ne seront pas chers payés.

L’homme sourit sous sa moustache. Peu après, ils se quittaient au pas de la porte et Noah avait juste le temps de voir la femme et les enfants rejoindre le père avant que le battant ne se referme.

            Ils rentrèrent au village dans la carriole d’un marchant qui voulut bien les déposer avant de continuer vers le village suivant. Parvenus à l’entrée du village,  ils tombèrent nez à nez avec Michaël, qui fit un bout de chemin avec eux. Noah s’était habitué à sa présence, même s’il ne savait pas vraiment pourquoi le jeune homme le suivait. Il le tolérait, sans toutefois oublier le sort qu’il avait fait subir à plusieurs ombres depuis son arrivée au village. Un silence s’était installé entre eux. Michaël se montrait parfois bavard, et parfois très taciturne. Ce fut Noah qui brisa le silence.

̶ La bête, c’est un humain possédé.

̶ Pardon ?

̶ Je dis que la bête est un humain dont le corps est possédé par une ombre. Ce n’est pas un animal, ni une simple ombre : c’est un humain.

̶ Un humain ? Alors le coupable se balade parmi nous en prenant un air inquiet comme tous les autres habitants du village ?

̶ Probablement, oui. Je gagerai qu’il habite ici à Khotaô, ou alors quelque part aux alentours.

̶ Pourquoi tu me l’as dit ? souffla finalement le jeune comédien.

̶ Je ne sais pas. Tu étais là, et il fallait que je dise mes conclusions à voix haute.

̶ Tes conclusions, hein ? Tu es donc officiellement ici en tant qu’enquêteur.

̶ On peut voir ça comme ça, acquiesça Noah. Et si la bête est un humain, alors il y a quelque chose que je peux peut-être faire.

̶ Quoi ?

̶ Ça, tu verras.

Noah s’éloigna d’un pas léger vers la route qui menait au manoir d’Ange. Mais juste avant qu’il ne soit hors de portée, Michaël l’interpela. Noah se retourna.

̶ Si je tue les ombres, fit Michaël, c’est parce que je dois me faire remarquer.

Noah lui lança un regard inexpressif, qui trahissait pourtant certainement sa confusion.

̶ Il faut qu’on me remarque, reprit le comédien plus fermement, comme s’il avait une autre pensée en tête.

Noah aurait voulu lui demander ce qu’il voulait dire par ces phrases, et aussi pourquoi il lui avait fait cette confidence, mais il n’en eut pas le temps, car son comparse s’éloignait déjà dans la direction opposée d’un pas rapide, les mains dans les poches, sans se retourner ne serait-ce qu’une seule seconde.

            Finalement, Noah et Clée arrivèrent au manoir et s’installèrent dans la chambre attribuée au jeune homme. Ange était absent, peut-être à la bibliothèque, ou chez son précepteur, chez qui il allait manger au moins une fois par semaine. C’était tant mieux. Noah avait fait plusieurs cachotteries depuis son arrivée au village. Certains secrets avaient été éventés, comme le fait que Clée était plus qu’un simple automate mais bel et bien un être vivant, d’autres étaient encore enfouis profondément en lui, comme la vérité sur son identité, le fait que ce corps-ci appartenait à quelqu’un d’autre et qu’il n’en était qu’un occupant, un parasite, en quelque sorte. Son autre secret, c’était qu’il possédait un pouvoir : celui d’entrer en quelqu’un. En se concentrant et en plongeant dans le sommeil, il pouvait pénétrer dans la conscience des possédés : les humains qui étaient manipulés par de puissantes ombres. Il pouvait entrer en eux, et forcer l’ombre à se retirer de leur corps. Les ombres capables de prendre possession d’un corps humain étaient peu nombreuses. C’étaient les plus puissantes, mais aussi les plus dangereuses : elles prenaient apparence humaine pour se débarrasser de la contrainte d’avaler des histoires pour survivre. Elles se fondaient dans la masse des humains, devenaient presque indétectables en tant qu’ombres, comme si elles laissaient un léger effluve derrière elles en passant, mais qui s’estompait presque aussitôt. Difficile, donc, de suivre leur trace. Mais Noah le pouvait peut-être, en se servant de son pouvoir. Peut-être parviendrait-il à localiser la bête pour l’extraire du corps de l’humain qu’elle occupait… Rien n’était certain cependant. Si le jeune homme avait déjà pratiqué ces purges qu’il appelait les « soins », il n’avait jamais tenté de localiser une ombre grâce à son pouvoir. Il lui faudrait beaucoup de concentration, du sommeil, et surtout, pendant qu’il dormirait, il serait vulnérable à tout ce qui se passait à l’extérieur. Son corps « amélioré » perdrait en robustesse. Son esprit s’affaiblirait, et peut-être, le véritable occupant, peut-être Noé tenterait-il de reprendre sa place. Mais Noah devait tout de même tenter l’expérience.

            Pris dans ses pensées, le jeune homme ne s’était pas rendu compte que Clée avait quitté la pièce, mais il ne s’en soucia pas outre mesure. La jeune fille se débrouillait très bien toute seule, et elle était au courant pour le pouvoir qu’il possédait : peut-être ne voulait-elle pas déranger… Alors Noah se concentra. Il fit le vide dans sa tête, et se coucha sur le lit pour plus d’efficacité. Mais il eut beau se tourner et se retourner, Morphée ne voulait pas l’accueillir dans son royaume pour l’instant. Il fut donc contraint d’attendre, dans le plus grand des calmes et dans une immobilité totale que le sommeille daigne le prendre pour pouvoir entamer sa recherche. Il se passa quelques minutes, ou peut-être une heure. Noah commença enfin à sentir quelques picotements. Peu à peu, sa conscience s’éteignait, son environnement lui paraissait plus lointain ; il sombrait dans l’endormissement. Et en même temps, il voyait son monde se rapprocher. Un monde dans lequel il pouvait percevoir les ombres qui l’entouraient, guérir les possédés. Il essaya de s’y plonger plus profondément, de chercher la bête, mais il fut soudain réveillé par un contact froid sur son poignet.

            Il ouvrit brusquement les yeux et tomba nez à nez avec Clée, qui le regardait, penchée au-dessus de lui.

̶ Quoi ? demanda Noah avec mauvaise humeur car il venait d’être interrompu au moment où il réussissait enfin dans sa tâche.

Clée eut un mouvement de recul, puis lui lança un regard appuyé, qui signifiait sa vexation, avant de sortir de sa poche un morceau de quelque chose. Noah ne reconnut pas tout de suite ce qu’elle tenait dans sa main : c’était sombre, il y avait quelques fils qui dépassaient. Puis soudain, la lumière se fit dans son esprit : lors du meurtre d’Armand, le membre de la troupe du bras-cassé, on avait retrouvé près du corps un morceau de tissus qui ne provenait pas des habits du comédien. Noah l’avait emporté en se disant que cela pourrait lui être utile, avant de l’oublier dans un coin. Mais maintenant, Clée lui montrait le morceau avec insistance, tout en lui montrant le mot « Indice » marqué en lettre capitales dans son carnet.

̶ Mais bien sûr ! s’écria Noah, Clée, tu es un génie !

Il lui prit le morceau des mains avec excitation et la prit elle-même par la main, prêt à sortir. Le morceau de tissu appartenait à un vêtement ! Un tailleur, un couturier,  ou n’importe qui qui travaillait dans le commerce du vêtement pourrait faire comme une expertise du tissu pour en tirer des informations, et ces informations resserreraient l’étau sur le coupable des meurtres ! En ville, ils trouveraient certainement la personne qu’ils cherchaient pour analyser le tissu.

            Il n’y avait pas de temps à perdre. On était encore tôt dans l’après-midi, mais le trajet jusqu’à la ville restait assez long en carriole. Noah attrapa son manteau et celui de Clée, puis ils descendirent rapidement les marches jusqu’au rez-de-chaussée. Ils croisèrent Ange au moment où ils sortaient, mais passèrent si rapidement devant lui que le garçon n’eut que le temps de leur lancer un « Bonjour » circonspect. Ils réussirent à héler un fiacre qui s’apprêtait à repartir en ville.

̶ Bonjour, pourriez-vous nous emmener en ville ? demanda Noah au cocher.

̶ Bien sûr jeune homme, si ça ne vous dérange pas de voyager avec un autre passager…

̶ Aucunement, nous aimerions arriver le plus vite possible.

̶ Hé bien montez, dans ce cas. Vous réglerez le prix de la course à la fin du voyage.

Sur ces mots, les deux voyageurs montèrent dans le véhicule.

̶ Bonjour ! s’exclama Michaël lorsqu’il les vit s’installer.

Le jeune homme était assis sur la banquette qui allait dans le sens de la marche, et leur souriait d’un air malicieux.

̶ Toi ! s’exclama Noah : Pourquoi ?

̶ Je vous ai vus passer dans les rues, vous aviez l’air pressés… Je me doutais bien que vous voudriez aller en ville. Je vous accompagne !

̶̶̶ Mais pourquoi ?

̶ Peu importe ! Vous allez faire quoi ?

Nous allons voir un tailleur pour avoir des informations sur une pièce de tissu. Ecrivit Clée dans son carnet avant que Noah n’ait pu protester.

̶ C’est en rapport avec la bête ?

̶ Oui, peut-être, lâcha Noah avec regret.

Peu après leur conversation, le véhicule se mit en branle. Le trajet fut pauvre en discussion. Michaël chantonnait en regardant le paysage, visiblement tout content du tour qu’il avait joué à son camarade de diligence. Clée s’était endormie, et Noah somnolait lui aussi.

̶ Ce garçon n’est pas digne de confiance.

Noé apparut dans un coin de sa tête.

̶ Ça, je le sais bien. C’est lui qui m’a suivi.

̶ Il cherche à se rapprocher de toi, mais je ne comprends pas pourquoi.

̶ Je ne te demande pas de comprendre.

̶ Très bien, fit Noé avec froideur, je te laisse dans ce cas. Profite bien de mon corps. Et ne viens pas me demander de l’aide le jour où tu auras des ennuis à cause de ce garçon.

Sa présence s’estompa dans son esprit, et Noah se réveilla au moment où le fiacre s’arrêtait devant la gare. Michaël en descendit d’un saut agile et aida Clée à faire de même. Noah descendit en dernier, remercia le cocher, et paya la course pour eux trois.

            Ils trouvèrent une boutique assez rapidement. C’était un tailleur pour femmes mais aussi pour hommes. Le commerce avait belle allure : la façade avait visiblement été repeinte récemment et les pièces exposées dans la vitrine se vendaient cher. Tous trois entrèrent, masquant par le bruit de leurs pas le « diling » de la clochette qui retentissait à l’entrée de chaque visiteur. C’était une femme qui tenait la boutique : pas bien grande, le visage émacié, ses cheveux relevés en un chignon serré, elle avait l’air sévère au premier regard, mais ses yeux regardaient les nouveaux venus avec douceur et sagacité. Lorsqu’elle parla, sa voix était celle, posée, d’une personne qui connait son métier.

̶ Puis-je vous renseigner messieurs dames ? Y a-t-il quelque chose que vous cherchez ?

̶ À vrai dire, répondit Noah, c’est de renseignements dont nous aurions besoin.

Clée sortit le morceau de tissus de la poche de son manteau et le tendit à la femme, qui le prit non sans un mouvement de surprise quand elle effleura les mains de porcelaine de la fillette. Noah lui expliqua qu’ils cherchaient à en apprendre plus sur ce tissu et la tailleuse se montra conciliante en acceptant d’examiner la pièce à conviction. Elle disparut un moment derrière une porte, sûrement dans un atelier, et revint quelques instants plus tard, en leur tendant le bout de tissu.

̶ L’étoffe est épaisse et les mailles sont bien serrées. Vous voyez ces fils qui dépassent ? Ce sont des fils qui retenaient un bouton de manchette. Je dirai que ce morceau provient d’un manteau de bonne qualité. Il a été arraché, mais ce n’est pas si facile de déchirer un tissu aussi épais. Enfin… Sont-ce là les informations que vous cherchez ?

Noah acquiesça et la remercia. Puis, juste avant de partir, il se retourna.

̶ Une dernière question :  ce manteau, n’importe qui ne peut pas le posséder, n’est-ce pas ?

̶ En effet. Je parierai que ce manteau a été fait sur mesure. Par ailleurs, un tissu pareil vaudrait cher. Je pense que le manteau duquel provient ce morceau appartient à une personne aisée.

̶ Bien sûr… Je vous remercie encore de vos renseignements, ils me seront très utiles.

Sur  ces mots, les trois jeunes gens quittèrent la boutique. La pluie commençait à tomber dehors et ils traversèrent le parvis de la gare pour aller s’y abriter. Il n’y avait aucun coche de disponible pour l’instant et ils durent patienter quelques minutes avant d’en voir un arriver et déposer deux voyageurs et leurs bagages devant la gare. Bientôt, ils étaient à l’abri dans le véhicule qui les raccompagnait au village.

̶ Le manteau appartient à une personne riche. Il y a des probabilités pour que la bête fasse partie du beau monde…

̶ Le nombre de suspects diminue… ajouta Michaël.

En effet, les gens aisés ne constituaient certainement pas la majorité de la population, surtout aux alentours d’un village comme Khotaô. Noah ne connaissait rien  des familles aristocrates ou bourgeoises, mais peut-être Ange saurait-il quelque chose… Les familles riches se côtoyaient régulièrement… Le garçon devait bien avoir participé à certaines réceptions, ou du moins, avoir reçu des invitations…

            Ils arrivèrent au village en fin d’après-midi, et à sa sortie du fiacre, Michaêl fut immédiatement accosté par le chef de la troupe.

̶ Toi, grogna-t-il en l’attrapant par le bras, où étais-tu passé ? Tu as raté les répétitions !

̶ J’étais parti faire un tour en ville… répondit laconiquement le jeune homme.

Michaël dut jeter un œil à la carriole en disant ces mots car Fernand y porta son regard et aperçut Noah, qui venait d’en descendre.

̶ C’est toi qui as embarqué mon comédien dans tes foutues histoires ?

̶ Je n’ai rien embarqué du tout, se défendit l’intéressé : il nous a suivis.

Le chef de la troupe eut un claquement de langue agacé. Il reporta son attention sur la véritable cible de son agacement.

̶ À quoi tu joues Michaël ? Tu veux faire foirer le spectacle ? Tu n’es pas concentré depuis qu’on est au village. Je te préviens : une seule erreur de ta part dans la représentation de ce soir, et je te réduis ta paye.

̶ Tout va bien, fit le jeune comédien en se dégageant de la prise : je connais mes répliques, mes déplacements, je sais tout ce qu’il y a à savoir sur le spectacle d’aujourd’hui. Si quelqu’un doit gâcher la représentation, ce ne sera pas moi.

Sur ces derniers mots, il lança un regard appuyé en direction de Fernand qui sembla tout à coup sur le point d’exploser. Mais finalement, il parut se raviser et ordonna à son acteur de filer au camp pour aider aux préparatifs. Lorsque Michaël fut parti, il se tourna vers Noah et Clée.

̶ Toi, je sais pas ce que tu cherches à faire, mais laisse mes acteurs en dehors de ça.

̶ Pas de problème, de toute façon, cette histoire sera bientôt finie.

Avant que Fernand n’ait pu ajouter quoi que ce soit, Noah s’éloigna vers le village, accompagnée de Clée. Décidément, pensa-t-il, il semble y avoir des tensions au sein de la troupe…

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Aoren
Posté le 19/12/2024
Bonjour !
Je ne m'attendais pas à ce que la bête soit un humain, je me figurais plus une sorte de loup-garou, mais l'image colle bien.
Par contre, il y a deux petites coquilles : « À cette époque, les enfants ne sortaient pas trop dehors pour jouer » → « sortir dehors » est un pléonasme, je suggère de déplacer le « dehors » pour avoir « ils ne sortaient pas trop pour jouer dehors ». Et
« n’importe qui qui travaillait dans le commerce du vêtement » → « qui qui » pourrait être remplacé par « n'importe qui travaillant » (oui, je sais, je fais ma maniaque ^^') Après, ce n'est pas si gênant que ça.
Sinon, je trouve ça bien que Michaël les aide un peu dans leur enquête (d'autant plus qu'il s'intéresse beaucoup à Noah depuis le début), j'avais un peu peur qu'il disparaisse du paysage après le déménagement de Noah... mais heureusement il est toujours là, alors je suis contente !
Merci pour ce chapitre !
Taranee
Posté le 19/12/2024
Coucou !

Merci de signaler les coquilles, je ne pense pas toujours à me relire et même si je le fais, je reste assez distrait... ^^
Je les corrigerais si je n'oublie pas !

Honnêtement, quand j'ai commencé à concocter mon histoire, je ne m'attendais pas non plus à ce que la bête soit un humain ! ^^
Pour Michaël, je vois que tu l'aimes vraiment bien, et il ne va pas disparaître de sitôt ! (Moi aussi je l'aime bien, mon petit Micha...)

A bientôt !
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