Chapitre 8 : Douceur matinale

Par Malodcr
Notes de l’auteur : En premier lieu, merci de lire cette histoire, elle a subi mes nombreuses pauses, mon syndrome de la page blanche et les doutes incessants.
Ensuite, ce que l'histoire retranscrit n'est pas scientifique ou médicinal, c'est un propre ressenti, des expériences, un vécu et un besoin d'exprimer tout ceci. Si vous vous sentez mal, parlez-en !

Enfin, n'hésitez pas à commenter cette histoire, je prendrai à cœur de vous répondre :)

Aux abord d’une petite commune, à quelques kilomètres de sa maison natale, leur chambre n’attendait plus qu’eux. Les modalités de leur séjour leur avaient été expliquées dès leur arrivée et ils avaient pu s’installaient à la suite de celles-ci.
Aux alentours de vingt heures, le repas fut servi par les hôtes. Contre toute attente, Emy accepta de tout manger, peut-être pour éviter d’être embêtante en demandant des quantités plus petites ou même d’en laisser ou bien tout simplement car elle avait envie de manger, peu importe car cela rendait Léon heureux, d’un point de vu puisqu’elle se nourrissait.
Leur repas dégusté et des remerciements adressés aux propriétaires, sur les coups de vingt et une heure trente lorsqu’ils se rendaient à leur chambre, Emy retint Léon par le bras.

— Il fait encore jour, ça te dit d’aller voir l’étang du village ? J’adorais y aller.
— Là, maintenant ?
— Complètement.

Léon fit mine de réfléchir puis attrapa la main de la jeune fille et l’entraîna en courant sur la route.

— Aller ! Lui cria-t-il.
— Mais préviens la prochaine fois !

Comme deux enfants, ils couraient sur le bitume encore chaud, le soleil déclinant petit à petit mais qui illuminait les visages rayonnants de pré-adultes complètement perdus.
Une route de campagne déserte, c’est tout ce qu’il leur fallait, parce que ça leur manquait, individuellement, de se sentir libre.
Essoufflés mais souriants, douloureux mais heureux, ils arrivèrent à l’étang. Une légère vapeur s’envolait de celui-ci, transpercée par les rayons lumineux faisant ressortir la beauté des bois qui entourait tout le site. Les mains sur les cuisses et le souffle bruyant le duo observait cette nature.

— J’ai toujours aimé cet endroit, je sais que dans les années quatre-vingt et jusqu’en deux-mille quinze, on pouvait se baigner dans ici, la commune avait même un service de location de pédalo, de snack-bar, des balançoire et une mini-plage. Il y avait même un parcours de santé dans les bois, complètement abandonné. J’ai toujours imaginé cet âge d’or, jalouse de ce que ces gens ont connu.

Un héron s’envola un poisson dans le bec.
— Aujourd’hui il ne reste que ces quelques jeux pour enfants et des bancs ici et là, c’est triste. Son ton parut vide.
— Ne te coince pas dans un passé que tu n’as pas connu, Léon lui décocha un regard en coin, il est trop lointain.
— Est-ce étrange d’être nostalgique d’une époque que je n’ai pas connu ?

Sous ses airs étrange, elle sonnait parfaitement sincère dans la bouche d’Emy.

— Je ne sais pas, ça peut-être un jeu dangereux.

La remarque fit son petit effet, Emy ne répondit pas et tous deux restèrent l’un à côté de l’autre pour observer.

— Faisons le tour tant qu’on est là. Proposa Emy.

Une douce fraîcheur se répandait sur eux tandis qu’ils marchaient. Malgré leur sweats, la brise s’infiltrait les faisant frissonner. À cela s’ajoutait la déclinaison du soleil, les poussant à accélérer le pas pour retourner à leur logement. Ils ne perdaient pas une miette du spectacle de couleur qui se passait sous leurs yeux malgré tout. Et ce dans un silence qu’eux seul connaisse, ce silence où l’on a pas besoin de parler pour savoir que l’autre est là.
Au final, ils rentrèrent dans leur chambre à vingt-trois heures, aussi discrètement que possible même si ils venaient de prendre leur douche qui avait sans doute réveillées toutes les chambrées.
C’est debout aux bords du lit qu’il y eut un temps de réflexion.

— Léon, tu aurais pu me laisser me préparer psychologiquement ! Murmura-t-elle en criant.
— J’avais trois jours pour trouver un logement donc je t’avoue que le critère « lits séparés » est passé outre ! Dit-il en utilisant la même sonorité.
— C’est pas ça le problème. Une pointe de gêne s’immisça sur son visage.
— C’est quoi alors ?
— Il y a de fortes chances que je te frappe cette nuit.

Léon se glissa sous les draps, suivit par Emy.

— Me frapper ?
— Je pense que tu comprendras…

Au petit matin, Léon comprit le message donné par Emy : elle s’était étalée pendant la nuit, forçant Léon à s’éloigner de plus en plus, jusqu’à se retrouver à l’extrême bord du lit où il restait à peine sa propre largeur pour tenir tout en essayant, tant bien que mal, de garder un bout de la couverture dans laquelle Emy s’était littéralement enroulée. Effectivement, Emy avait été légèrement envahissante.
Lors du petit-déjeuner, les yeux pas encore totalement ouverts et le cerveau pas encore totalement fonctionnel, il déclara à l’attention d’Emy que plus jamais il ne pourrait subir – il appuya sur ce mot – ça. La jeune fille paru interloquée mais avait ris aux éclats en réalisant ce qu’il sous-entendait.
À onze heures, ils quittèrent leurs hôtes à grands remerciements et partirent en direction de la ferme familiale. L’ambiance dans la voiture s’était alourdie car Emy faisait ressentir son stress dans tout l’habitacle. La distance qui les séparait de la maison se combla vite, si bien qu’elle hésitait intérieurement à tout annuler et de rentrer en Normandie, le plus vite possible. Elle avait peur de voir ses parents.

— Emy, tu es sûre que ça va ?

La voix de Léon la ramena à la raison immédiatement et tenta de se calmer autant que possible.

— Oui, ça ira. Ce sera la prochaine à gauche.

Il n’insista pas plus dans la crainte de briser la confiance qu’elle tentait se prodiguer.
La petite route au bitume abîmée apparue sur la gauche, le véhicule s’y engagea.
Tout était pareil, rien n’avait bougé depuis son départ.
Le hangar juste en face avec les quatre tracteurs, la cuve à GNR, et tout le bazar agricole, les trois poulaillers en arrière-plan comme pour dessiner les limites de la ferme, une grange à gauche, une longère abîmée par le temps à droite comptant deux garage et la mare où un couple de canards prenait plaisir à nager. Et sur la gauche, en amont de la grange, sa maison. Elle était chez elle, là où elle a grandi.
Elle jeta un rapide coup d’œil sous le hangar, elle constata à son grand soulagement, qu’il manquait un véhicule sur les deux qui passait leur vie dessous. Le soulagement était total : sa mère était au travail avec un voiture sortant du garage et son père était lui absent en prenant une voiture du hangar. Ils seraient tous les deux, enfin eux et …
Deux chiens se mirent enfin à aboyer alors que Léon venait tout juste de se garer proche de l’entrepôt.

— Pas très efficace tes chiens.
— Méfies toi, eux ils aboient et mordent.

Elle claqua sa porte et prit une grande inspiration. Sa campagne, sa maison.
Les deux canidés vinrent la voir sans hésitation. Quelle excellente mémoire ont-ils, quelle belle pureté. Le premier qui la sentit était bicolore virant du noir au blanc, de taille moyenne, le second était tout noir à l’exception du bout de sa patte arrière gauche qui avait une petite tâche blanche.

— Lui, c’est Opié, elle pointa le bicolore, et donc le second c’est …
— Lord !
— Exact ! Ils sont tous les deux croisés Labrador et Border-collie, un peu lourdeaux mais une bonne condition physique. Ils ont un super tempérament, sportif quand on leur demande et passif quand il ne se passe rien.

Les deux chiens se dirigèrent immédiatement vers Léon, pour enregistrer son odeur.

— Ne les touche pas encore, lui conseilla Emy alors qu’il tendait sa main, ils se méfient de tes gestes, qui plus est tu es un homme.
— Comment ça ? S’enquiert-il.
— Ils ont été battu chiot et abandonné juste après, ils ont peur des hommes, c’est aussi simple que ça. On les trouvé au bord de la route, juste en face, ils étaient ensemble, deux frères.

C’est Lord qui renifla sa main en premier et qui accepta avec avec affection la caresse que lui fit Léon, après avoir eu l’accord visuel d’Emy. Opié l’imita dans la foulée. Léon se retrouva accroupit et caresser deux chiens qui eux, tout contents, lui léchaient le visage.

— C’est un peu dégueulasse. Parvena-t-il à articuler.
— Mieux vaut les léchouilles de chiens sincères que des baisers d’homme ou femme hyprocrites.
— Dix points pour toi. Avoua-t-il.

Il se releva péniblement, les chiens déçus de perdre leur nouvel ami.

— Et on fait quoi ? Demanda Léon.

Les chiens retournèrent voir Emy, les yeux pétillants.

— C’est évident, non ? On part en balade !

C’est comme ça que Léon se retrouva attaché à un chien, complètement tracté tandis que ses baskets blanche virait au marron à cause de la boue du chemin. Opié décidait parfois de se mettre à courir créant un accoup dans le dos de Léon provoqué par la ceinture qui le reliait au harnais du chien. Quant à Lord, il vagabondait tout devant, la queue en panache, reniflant les odeurs par-ci, par-là, sans laisse mais avec la surveillance d’Emy.

— Pourquoi c’est moi qui me tape le chien le plus neuneu ?

Emy le regarda amusée alors que Opié venait de tirer un grand coup forçant Léon à agrandir sa foulée pour ne pas tomber.

— Il a dû mal avec le rappel tu te souviens ?
— Oui, tu me l’avais dit.
— En fait, c’est parce qu’il est mal-entendant, pas sourd. Du coup, il se fait vite surprendre par les véhicules, nous qui arrivons sans prévenir ou autre, et même si il nous entend, si il est trop loin il ne comprend pas l’ordre alors il repart, il y a une différence entre entendre et comprendre l’ordre. Donc on a cette laisse de cinq mètres pour qu’il puisse quand même sentir l’environnement.
— Je comprends mieux en effet.

Tous ces chemins, elles les connaissaient par cœur, ils lui avaient fait tant de bien. La première fois qu’elle était partie en balade, c’était pour permettre à ses chiens de découvrir autre chose et de se défouler. Cela lui avait fait naître une passion et l’avait poussé à créer des itinéraires de randonnées, elle adorait découvrir, se perdre, se reconnaître, s’orienter. Même si elle connaissait les sentiers, elle avait l’impression de les redécouvrir à chaque fois. Ce qui avait rendu ces sorties spéciales, c’était de les partager avec ses chiens et maintenant, il y avait Léon à ses côté, qui faisait mine de râler quand Opié tirait mais qui, au fond, était véritablement heureux d’être là.
Une partie d’elle savait qu’elle ne se soignerait pas en restant ici mais de l’autre, elle avait peur de retourner en Normandie.
Leur balade dura une heure et quart.

— Je ne t’ai montré qu’une minuscule partie de ma campagne, pas déçu ?
— Pas du tout, au contraire, je dois avouer qu’il y a un charme qui s’en dégage. On s’y sent bien. Dans tes longs chemins entourés de champs on se sent loin de tout.

Dans la cour, ils enlevèrent les harnais chiens et rangèrent ceinture et laisse. Les deux animaux s’hydratèrent.

— Mon père devrait bientôt rentrer manger, on doit y aller.

Elle parut abattue de confier cette vérité.

— D’accord.

Ensemble, ils prirent quelques instants pour caresser Lord et Opié avant de partir, ceux-ci semblaient avoir compris ce qui se passait et faisait la moue.

— À bientôt mes gros loulous. Leur dit doucement Emy.

Léon n’osait rien lui dire. En fait, il pensait qu’ils avaient encore pas mal de temps avant le retour du père d’Emy mais qu’elle souffrait trop de rester près d’eux si longtemps pour partir juste après, elle ne voulait pas se créer trop de souvenirs.
Athos, Lord et Opié étaient des piliers trop importants et elle se sentait malheureuse d’être impuissante face à elle-même. Elle ressentait le besoin de partir avant d’avoir trop mal. Peut-être même que le mal était fait.
Assis dans la voiture, Léon eut des difficultés à prendre la décision de démarrer et de partir. Les chiens avaient compris.
Emy étaient fermée, douloureuse et abattue.
Rester plus longtemps aurai fait tellement mal mais partir apportait un sentiment d’échec.
Maintenant elle devait guérir avant de revenir.
Mais pouvait-elle guérir au moins ?
Une larme puis deux, quittèrent ses yeux pour glisser doucement.
La ferme s’éloignait de plus en plus et un poids lourd s’installait en elle.
Elle n’était finalement pas heureuse. Encore une fois, tout ça n’a été qu’éphémère. Bien sûr, elle ne pouvait pas aller mieux si vite, il y a encore peu elle a tenté de se tuer. Mais c’est tellement, tellement frustrant
L’eau avait séché sur ses joues et elle regarda Léon, concentré sur la route et elle repensa à ce qu’il lui avait dit.
Enfant battu.
Pourquoi il semblait aller si bien ? Il ne peut pas réellement être passé au-dessus de tout ça, il doit avoir des cicatrices, externes et internes. Et pourtant, il n’avait pas hésité à l’aider, quitte à s’ajouter des cicatrices. Si leur place aurai-été inversée, l’aurait-elle aidé ?

— Léon, je suis égoïste.
— Quoi ? Interloqué, il ralentit.
— Je ne suis pas capable de te prendre en considération. J’ai beau te demander comment tu vas, comprendre ta réponse mais je suis incapable d’agir en fonction de celle-ci. J’ai même la sensation que, sa voix se brisa, quand je vais mal tu as mal aussi. Je suis horrible.
— Tu as toujours été seule, Emy, je peux…
— Arrête ! Arrête de dire que c’est normal ! Non ça ne l’est pas ! Je ne devrai pas être aussi...aussi...Monstrueuse ! Surtout envers toi.

Emy sentit ses mains se crisper sur ses genoux.

— Que veux-tu entendre alors ? Dis-moi ? Dois-je te haïr ? Partir alors que tu me demandes de rester ? Dis-moi Emy, tout de suite.

Le ton dur employé fit frémir Emy. Avait-elle simplement un don pour tout foirer ?

— Léon…
— Pas maintenant, dors ou je-ne-sais-quoi mais pas maintenant, ne finissons pas ce séjour comme ça.

Cette fois, c’était un silence inconnu qui s’installa, et l’un des pires : celui lourd de sens.
Parce que Léon avait craqué, elle le savait. Elle espérait qu’il lui reparle, là, maintenant, qu’il s’excuse de son ton mais au fond d’elle, Emy savait qu’il n’en avait pas la force. Même Léon se retenait de lui dire un mot mais pas cette fois. Pas maintenant. Il n’arriverait pas à la rassurer alors qu’elle ne ferait que le démentir.
Il s’en voulait de la laisser comme ça mais peut-elle pouvait elle comprendre la raison de son silence.
Elle s’endormit et Léon rumina ses pensées, le cœur lourd.
Allait-elle changer ?

À suivre

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