— Et toi Solène, ça va de ton côté ?
— Oui, tonton m’a soignée avec juste un peu d’eau, parce qu’il ne savait pas s’il pouvait mettre du désinfectant.
— La prochaine fois, on donne le résultat de nos recherches à tonton avant d’utiliser les casques.
— Ou mieux encore, il fait les recherches avec nous. En attendant, je suis bien contente qu’il ne m’ait pas badigeonnée de désinfectant pur, ça aurait été un enfer !
— Décidément, nos sorties avec les casques ne sont jamais de tout repos.
— C’est pas faux... on devrait peut-être demander à aller dans des poissons rouges la prochaine fois ? Propose Solène.
— Des poissons rouges en bocal ? Non merci ! On risque de s’ennuyer à mourir… Et en pleine nature, laisse tomber, je suis certain qu’ils ont trop de prédateurs ! Non non, on trouvera autre chose de plus calme, mais tout en restant simple. Enfin… un peu moins « simple » peut-être ? Parce que mon hérisson, maintenant qu’il a traversé la route, il continue à se promener et manger. Il se promène et il mange, il se promène et il mange.
— C’est toujours mieux que de se prendre dans un filet, traverser une route, tomber dans un trou d’eau, et quoi d’autre encore ? Me sermonne gentiment Solène.
— C’est sûr que c’est déjà pas mal ! À la rigueur, manquerait plus que— AH !
— Hélios ? « Ah » quoi ? Manquerait plus que quoi ?
— Que de croiser un prédateur ! Solène ! Au secours !
Mon hérisson hérisse ses piquants pendant que je panique un peu, mais il ne se met pas en boule. Pourtant, c’est bien un renard qui se trouve devant nous, pas de doute possible !
— Solène ? Je croyais que le renard était un prédateur du hérisson ?
— Tu vois un renard ? Trop génial ! Je suis jalouse ! Enfin… ça va Hélios ? Tu es toujours vivant ?
Cette question bête ! Si j’avais été mangé, je ne pourrais pas lui répondre !
— Oui, ça va, je lui réponds tout de même. Mais j’ai un peu peur, plus que mon hérisson, bizarrement.
Car en effet, au lieu de se mettre en boule, une fois le renard passé, mon hérisson se met à courir derrière lui !
— Solène… je crois que mon hérisson a pété un câble…
— On ne trouve pas tout sur internet non plus, tu sais… rien de mieux que les recherches « sur le terrain ! ». Peut-être qu’il connaît ce renard ?
— Mouais…
Je ne suis pas convaincu. En attendant, je trottine tranquillement derrière un renard, et ça, c’est top quand même.
Je suis tellement concentré à essayer d’apercevoir ce que je peux que j’en oublie les autres sens — bien plus intéressants — que possède mon hérisson pour suivre le renard. Je ne réalise qu’une fois le nez dans les croquettes que nous sommes revenus au point de départ : je reconnais la gamelle de tonton !
Je me bâfre[1], mangeant joyeusement et bruyamment… aux côtés du renard, qui mange aussi des croquettes, en prenant bien garde de ne pas toucher à mes piquants.
Tonton nous a expliqué que sa chatte n’hésitait pas à manger avec les hérissons, et souvent leur laissait la place pour ne pas risquer de se prendre un coup de piquant.
Mais un renard, quand même ! Je ne m’y attendais pas.
— Bah, tu sais quoi Solène ? Les renards, ils sont comme les chats en fait… gourmands, mais pas téméraires[2] !
Ce fut seulement lorsque tonton s’approcha de la porte que le renard s’enfuit à toutes pattes. Je crois que tonton ne l’a même pas remarqué.
Quant à mon hérisson, il s’immobilise, puis continue à manger tranquillement lorsqu’il reconnaît l’odeur de tonton.
Et au fait, pourquoi tonton était à l’intérieur et pas dehors en train de surveiller nos corps ?
*** Informations documentaires ***
Pour soigner un hérisson, mieux vaut contacter des spécialistes pour ne pas faire de bêtises. N’importe quel désinfectant ne peut pas être utilisé par exemple, certains doivent être fortement dilués avant utilisation.
Les renards qui habitent près des villes et villages se sont souvent adaptés. Tout comme les chats (qui sont normalement aussi des prédateurs des hérissons), ils vont parfois préférer manger des croquettes plutôt que de se risquer à se frotter aux piquants d’un hérisson !
[1] Se bâfrer = Engloutir, dévorer, se goinfrer.
[2] Téméraire = Casse-cou, à la limite de l’imprudence. Ici, ne pas être téméraire signifie donc que le renard est prudent et préfère manger des croquettes tranquillement que risquer de se piquer en essayer de s’attaquer au hérisson !