Chapitre 8 : initiation

Notes de l’auteur : Chapitre qui avait été un peu laborieux à sortir... Mais c'est tout l'intérêt du nanowrimo, continuer coute que coute à écrire, même les jours où on est moins inspiré !

Ethel s'éveilla avec étonnement. Elle avait pourtant eu la nette impression de n'avoir pas fermé l'oeil de la nuit. Un petit maelstrom de questions avait tourné dans les méandres de son cerveau pendant des heures, ne lui laissant aucun interstice d'apaisement. Quand elle se leva, pourtant, la réalité la frappa. Elle savait très bien ce qu'elle voulait faire. Ça lui paraissait même tellement évident qu'elle se demanda pourquoi elle n'y avait pas pensé plus tôt.
Elle ne s'enfuirait pas de ce lieu maudit. De toute façon, si elle s'en allait, les couloirs d'acier et les lames métalliques reviendraient la hanter au plus profond de ses cauchemars toute sa vie durant, elle en était persuadée. En revanche, il était tout aussi hors de question qu'elle livre son existence entière à l'usine qui l'avait déjà façonnée si profondément. Elle allait donc rester. Oh oui, elle allait rester. Elle allait s'incruster ici, infiltrer complètement le système de cette machinerie diabolique. Et elle allait tout faire péter. Un rictus de joie féroce qui jurait terriblement avec ses traits diaphanes vint la défigurer un instant. Curieusement, elle se sentait envahie d'une force immense à cette pensée démesurée. A cet instant, du haut de ses 15 centimètres elle ne doutait absolument pas de sa capacité à réussir cet exploit. Elle se leva avec entrain, heureuse d'avoir finalement résolu son dilemme, et fouilla dans l'armoire à sa disposition pour trouver quelque chose qui lui convienne. Elle opta pour un long gilet verdâtre qui avait certainement été cousu à la main par une fée en pleine expérimentation, et l'assortit à un débardeur et un short noir miraculeusement simples si l'on faisait abstraction de l'inévitable côté pailleté. Elle referma la fermeture éclair du haut du dos qui permettait aux vêtements de laisser passer les ailes. Ce geste incroyable commençait déjà à devenir habituel.
Elle s'approcha du bord, ferma les yeux et se laissa planer vers le bas, savourant le sifflement de l'air contre ses oreilles et le mouvement léger de ses tresses plaquées.
Les autres étaient déjà rassemblées autour du brasero. Il lui semblait qu'il n'était jamais éteint. Sera servait des œufs brouillés à la volée en se vantant qu'ils étaient les meilleurs qu'elle ait jamais cuisiné. Quelque chose lui disait que c'était une rengaine qui devait revenir assez souvent… Masami lui jetait d'ailleurs un regard mi-désabusé, mi-amusé tandis que Sacha engloutissait sa portion en une seconde et demie sous les cris scandalisées de la cuisinière. Mélusine bidouillait un circuit non identifié en attendant son tour, des étincelles -naturelles, cette fois- dans les yeux, et Clo couvait tout ce petit monde du regard avec une affection qui ne pouvait être feinte.
Toutes reportèrent leur attention sur Ethel sitôt qu'elle atterrit à leurs côtés. Elle sentit l'interrogation qu'elles ne formulaient pas à voix haute.
"Je reste", lâcha-t-elle insolemment en attrapant l'assiette que lui tendait Sera. Elle n'eut pas le temps d'achever son mouvement qu'une petite masse de cheveux roux s'était déjà jetée dans ses bras avec une inertie assez impressionnante pour sa mince corpulence. Clo et Ethel finirent en petit tas sur le sol. Il y a peu de temps, cette démonstration d'affection exubérante aurait sans doute heurté Ethel au plus haut point. Elle se sentait désormais capable d'en sourire.
Sera écarta la fée d'autorité pour enfin flanquer son assiette dans les mains d'Ethel, qui s'y attaqua avec appétit.
"Bien, si tu restes, on va pouvoir te lancer sur ta première mission", lâcha Sacha comme si elle s'était doutée de sa réponse depuis le début. "En plus, il semblerait que tu saches te servir de tes ailes à merveille, à présent… J'imagine que Clo ne t'as absolument pas emmené dans une salle bien trop lointaine et dangereuse pour t'y entraîner, n'est-ce pas ?", questionna-t-elle faussement en plissant légèrement les paupières. Les deux fées s'étranglèrent instantanément avec leurs oeufs, perdant du même coup toute crédibilité.
"Mouais, je m'en doutais… Bon, en tout cas, cette première mission fait un peu office d'initiation, chez nous. Ça va nous permettre de voir un peu ce que tu as dans le ventre. Elle aura lieu demain, alors si tu as envie de demander une ou deux petites améliorations à Mélusine d'ici là, c'est le moment d'y réfléchir."
Ethel allait rétorquer qu'elle avait été bien assez bidouillée comme ça et qu'elle n'avait strictement aucune envie de retenter l'expérience lorsqu'une idée lumineuse lui rentra dedans de plein fouet.
"J'ai peut-être ma petite idée sur ce que j'aimerais, ouais", glissa-t-elle dans un sourire malicieux en fixant Mélusine. Les yeux de celle-ci s'illuminèrent aussitôt d'une façon qui fit un petit peu regretter son affirmation à Ethel. Elle eut à peine le temps de finir son petit-déjeuner qu'elle fut diligemment entraînée vers le laboratoire de la brunette qui volait littéralement en zigzag sous l'effet de l'excitation. Elle avait beau aimer planer en solo, Ethel devait bien reconnaître que le vol en escadrille faisait son petit effet. En bonne piétonne, Sacha était chargée de les rejoindre à pied et de préparer la logistique au sol. Masami, que Ethel soupçonnait d'être la plus rigoureuse, tenait la pointe de la formation de vol, et indiquait par des mouvements de main lorsque la petite bande de fées devait infléchir son vol, ralentir ou accélérer. Sous sa houlette, il devenait incroyablement facile de franchir les obstacles ou d'éviter les embuches humanoïdes qui parsemaient leur chemin aérien.
La mission du jour portait, comme sans doute 90% du temps, sur du ravitaillement. Elles devaient se rendre en cuisine, repérer les aller et venues des employés, et trouver des fenêtres de vol qui leur permettrait de récupérer des vivres en toute discrétion. Le tout, en restant le plus possible dans l'angle mort des caméras de sécurité, bien entendu.

Ethel avait beau garder en elle une petite partie de la confiance irrationnelle qu'elle avait ressenti plus tôt ce matin, elle devait bien avouer que son cœur battait plus vite qu'à l'ordinaire. Je me demande à combien de battements par seconde se situe le rythme cardiaque d'une fée, tiens, s'interrogea-t-elle distraitement. Elle profita d'un léger ralentissement pour risquer un coup d'oeil sur la peau veloutée de l'intérieur de son avant-bras. Elle sourit, satisfaite. Contre toute attente, Mélusine et elle avaient bien oeuvré de concert. Le tatouage à modularité lui indiquait présentement la carte du trajet jusqu'aux cuisines. Il lui semblait que les circonvolutions fines de l'encre sous sa peau réinscrivaient sur son corps une part d'elle-même qu'elle avait presque perdue de vue. Elle passa rapidement son doigt sur sa peau, et un arbre aux racines noueuses prit la place de la carte pendant une fraction de seconde. Vision fugace d'une identité gravée à fleur de peau. Le rythme accéléra de nouveau, et elle replaça le bras le long de son corps pour profiter d'une meilleure aérodynamique.

Avec une précision forte de plusieurs années d'expérience, la petite équipe se dirigea droit vers une petite lucarne un peu fondue dans la pénombre, au dessus des néons aveuglants de la zone de préparation de la cuisine.

Ethel jeta un regard en arrière. Sacha préparait déjà une zone d'atterrissage à l'abri des regards pour leur permettre de faire plusieurs aller retours avec les denrées récoltées. Elles étaient posées depuis maintenant une dizaine de minutes sur un rebord bien dissimulé aux yeux des cuisiniers en blouse blanche. Lorsqu'elle vit une ouverture, les ailes d'Ethel réagirent presque d'elles-mêmes. Elle oublia les fées restées derrières elle, leurs recommandations, le plan… Tout était resté sur le rebord de la lucarne, remplacé par un vieux réflexe ressurgi du fond des rues où elle avait dû se débrouiller seule si souvent. Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle décida d'ignorer la petite voix qui lui reprochait ce qu'elle venait de faire. De toute façon, il était trop tard. Au moins, elle allait peut-être pouvoir leur montrer un peu de quel bois elle était faite, puisque c'est ce que Sacha voulait. Pour le moment, les cuisiniers venaient de s'absenter de la pièce. Pourquoi diable les autres ne l'avaient-elle pas suivie, d'ailleurs ? Elle avisa une pile de pain de mie blafarde mais certainement comestible et fonça droit dessus sans plus réfléchir au pourquoi du comment. Alors que ses doigts effleuraient tout juste la nourriture aux proportions démesurées, elle entendit un bruit terrible. De lourds bruits de pas juste derrière elle. Bien sûr. Il y avait une autre entrée à cette pièce, et elle l'avait complètement oubliée. Elle n'eut pas le temps de se retourner, mais la douleur immédiate la renseigna suffisamment sur ce qui venait de se passer. Elle sentit une main épaisse la frapper de toute sa force pour l'écraser vers le bas et heurta le sol avec violence. Sonnée, diminuée, elle rampa lamentablement dans une direction aléatoire, espérant échapper au géant qui la traquait. Une sensation cotonneuse résonnait dans ses oreilles. Ne pas perdre connaissance. Surtout, ne pas perdre connaissance. Elle roula sur le côté pour esquiver la main qui revenait, heureusement, avec lenteur.

Deux éclairs lumineux fendirent l'air dans sa direction et elle se sentit soulevée. Elle tenta vainement de déployer ses ailes, mais la panique et la douleur les rendaient inaccessibles à son système nerveux, et elle ne put que se laisser balloter dans les airs sans résistance. Un éclat bleu acier de mauvais augure entra et sortit de son champ de vision sans lui laisser le temps d'interpréter ce qui était en train de se passer. Tout se déroulait à une vitesse folle, comme lorsqu'elle devait enchainer une série de sauts sur le toit des immeubles, à la différence près qu'elle n'avait strictement aucune maîtrise de la situation. Des cris fusèrent de tous les côtés, des bruits de pas précipités rejoignirent la lourdeur des premiers, puis s'éloignèrent à toute vitesse pour être remplacés par le sifflement du déplacement du vent qui obstruait ses conduits auditifs. Brusquement, elle fut lâchée sur le sol, avec moins de violence toutefois que lorsque l'homme l'y avait projetée, mais dans un mouvement exempt de douceur.

On lui tira violemment le bras pour la forcer à courir le long d'un corridor obscur. Autour d'elle, les cris continuaient, mais les pas lourds avaient cessé de résonner. "Je vous avait dit quelle était pas prête !" Entendit-elle résonner tout en continuer à courir.  "Toujours à jouer en solo", Fit une autre voix rendue rauque par l'effort de la course. Soudain, tout s'arrêta enfin. Sacha et Clo la fixaient, hébétée, comme si ce qu'elle avait fait se situait dans une sphère située bien au-delà de la bêtise, humaine ou non. Clo saignait abondamment du bras droit. Le liquide bleu épais se répandait au sol comme le nectar malsain d'une plante carnivore transgénique. Elle tremblait de tous ses membres et ses ailes s'agitaient spasmodiquement. Ethel voulut se précipiter vers elle mais un mouvement ferme de la main de Sacha l'en dissuada vivement. "Toi, tu l'approche pas", cracha cette dernière en la lui balançant le plus méprisant des regards. En d'autres circonstances, Ethel aurait encaissé l'affront et aurait riposté par une froide indifférence. Tout était tellement plus simple quand elle ne devait se préoccuper que de sa propre vie. Oui, mais voilà, le temps n'était plus à la normalité depuis un petit moment déjà. Et elle avait indéniablement merdé. Sacha commença à bander la plaie de Clo en arrachant férocement des fragments de ses vêtements puis parut se souvenir qu'elle avait emmené du matériel. Elle coupa du fil de laine à la va vite pour faire un garrot improvisé et contempla son œuvre avec une moue dubitative.

"ça devrait être ok jusqu'à ce qu'on te ramène à Mélusine", déclara-t-elle en tournant obstinément le dos à Ethel.

Clo avait l'air sur le point de tourner de l'œil et elle sentit quelque chose d'extrêmement désagréable lui étreindre l'estomac. On devait appeler ça la culpabilité, très certainement. Le pincement se transforma en poigne étouffante lorsqu'elle réalisa quelque chose de bien trop évident pour être ignoré plus longtemps. La pensée sortit des lèvres de la fée en même temps qu'elle parvenait jusqu'à ses connexions neuronales.

"Où sont Sera et Masami", demanda-t-elle d'une voix blanche. "Sera et Masami. Elles sont où ?" Elle se répétait, comme si formuler la demande différemment pouvait changer quelque chose à l'horreur de la situation qui se dessinait un peu plus précisément de minute en minute.

"Oui, tiens, où est-ce qu'elles sont, sera et Masami ?» persifla Sacha d'un ton faussement curieux. "Je ne sais pas, peut-être qu'elles seraient encore là pour te l'expliquer si on ne s'était pas toutes faites éclater la gueule en allant sauver le petit cul de madame !" Sa voix était allée crescendo à mesure qu'elle perdait tout sang-froid. Ethel n'aurait pas donné cher de sa peau si la petite pogne de Clo ne s'était pas posée sur le bras de Sacha, mobilisant toutes les forces déclinantes de la fée blessée.

"Arrête, ça ne sert à rien de faire ça, Sacha… En plus je vais très bien."

La culpabilité pesa encore un peu plus lourdement sur les épaules d'Ethel à l'écoute de ce mensonge éhonté, mais le ton amoindri de Clo parut calmer temporairement la fureur de la fée brune. Elle redevint brutalement factuelle, lui ânonnant le déroulé des faits à la façon d'un ordinateur parfaitement configuré.

"Sera est tombée. Elle est tombée quand elle et Masami sont venues avec la pour tenter de te récupérer. Elle s'est pris un mauvais coup. Clo a choppé un coup de hachoir mais elle a réussi à te ramener jusqu'à moi." Sacha se rapprocha dangereusement d'Ethel, la fixant au plus profond de ses prunelles. "Personnellement, je t'aurais laissé sur place. Tu as eu trop de chance pour ce que tu mérites. Alors maintenant, Sera et Masami, je ne sais pas si elles vont revenir. Mais je te garantit une chose, et une seule. Si elles ne reviennent pas, je ne suis pas prête de te laisser oublier ça."

Ethel ne parvenait pas à effacer les images terribles qui naissaient sous ses mots. Tout était de sa faute. Sur un réflexe stupide, elle voulut rebrousser chemin et se lancer au secours des deux fées, mais Sacha la plaqua au mur, la coinçant entre ses deux bras bien trop fins pour sa poigne. "Tu as fait assez de conneries comme ça aujourd'hui. Maintenant, on attend." Un instant de silence précieux passa entre les trois fées rescapées de l'équipe de départ. "On attend qu'elle reviennent."

Le temps s'écoula en silence. Jamais, de sa vie, il n'était passé aussi lentement. Ethel avait fini par s'asseoir sur le sol en tailleur, sa jambe s'agitant nerveusement au rythme de tous les scénarios catastrophe qui défilaient en farandole sous son crâne. Clo était livide. Allongée la tête sur les genoux de Sacha, elle avait les paupières closes, mais le silence de plomb qui régnait en maître laissait entendre une respiration régulière. C'était peut-être le seul élément un peu rassurant au milieu de cette ambiance délétère.

Soudain, un tintement. Presque imperceptible, il Fit frissonner l'air jusqu'à se répercuter à leurs oreilles, petite fréquence, ténue, mais porteuse d'espoir. Ethel se redressa d'un bond, les oreilles aux aguets, avide de recueillir dans leurs pavillons un autre signal qui pourrait lui confirmer l'impensable. On attend qu'elles reviennent. Elle ne savait pas si Sacha avait formulé cette sentence en pur vœu pieu, où si elle exprimait une confiance en les capacités de Sara et Masami. À quelques secondes d'intervalle du premier, un second tintement se fit entendre. Le cœur d'Ethel fit un tout petit bond dans sa poitrine. Etait-ce le son de deux fées atterrissant avec douceur dans la tuyauterie ? Elle ne savait pas s'il était raisonnable de l'espérer, mais c'était déjà trop tard. en ce qui la concernait.

Avant que Sacha ait eu le temps de la retenir, cette fois, elle s'était déjà élancée de toute la vitesse de ses jambes vers le coude que formait le conduit d'aération et qui l'empêchait de voir au-delà du virage. Soudain, elle les vit. Masami soutenait Sera qui avait l'air de tituber un peu sur ses jambes,
mais d'être tout de même parfaitement entière. En fait, elle avait même un sourire qui lui faisait deux fois le tour du visage. Mais ça, c'était presque sûr que c'était à cause du chapelet de saucisses qu'elle trainait victorieusement derrière elle, avec autant de fierté que si elle avait tranché net la tête du pire tyran de cette planète. Si ce réflexe avait été plus présent chez Ethel, elle aurait très probablement eu envie de l'embrasser. Au lieu de ça, elle resta plantée au milieu du chemin, incapable de prononcer un mot. «Bon, tu vas pas rester plantée là toute la journée ma puce. On a des provisions à transporter» lui lança Sera avec un clin d'œil, comme s'il ne s'était absolument rien passé. Le regard de Masami, lui, était comme souvent indéchiffrable. Mais elle n'aimait pas beaucoup la déception qu'elle y projetait elle-même.

Les fées firent leurs aller retour le plus vite possible depuis la zone où elles avaient stocké les vivres en sécurité. Ethel mourait d'envie de savoir comment elles avaient pu à la fois s'en sortir et avoir l'audace de rafler au passage toute cette bouffe, mais elle ne se sentait pas encore de parler. Seule Sera, qui semblait un peu fiévreuse, était intarissable au sujet de la qualité des produits qu'elle avait ramené. Elle faisait mille projets sur les délicieux plats qu'elle allait pouvoir leur cuisiner avec, râlait sur les quelques épices qu'elle n'avait pas réussi à s'approprier, réfléchissait déjà à l'ordre dans lequel les ingrédients devraient être consommés pour rester le plus frais possible…

Au milieu de cette litanie, qu'elle devinait à moitié formulée pour alléger l'atmosphère, elle finit par trouver le courage de formuler le mot qui lui grignotait l'intérieur de l'estomac. "Désolée…" Sacha haussa un sourcil dans sa direction sans plus faire de commentaire, et Sera lui sourit en lui serrant brièvement l'épaule. "Allez, va, on en a vu d'autres tu sais… Enfin la prochaine fois essaie quand même de me ramener de la cardamome, tant qu'à risquer nos peaux ! "

Ensuite, Ethel ne pensa plus qu'à ramener Clo au bercail. Étant donné qu'il était hors de question quelle décède pour cause de ramenage de saucisses, il avait été décidé d'abandonner ces dernières en lieu sûr temporairement, et que les fées viendraient les récupérer plus tard. On pouvait sentir que l'âme de Sera était torturée à cette idée, mais elle se rangea à l'avis général quand elle jeta un œil sur le corps inanimé de la petite fée rousse.

Une fois revenues au village, Ethel pris Clo dans ses bras avec toute la délicatesse dont elle était capable et fila droit vers le laboratoire de Mélusine. Celle-ci ne parut pas particulièrement alarmée par la situation, et pour une fois elle ne fit pas non plus tôt un cinéma. Elle semblait être un peu plus elle-même, aujourd'hui. Son sérieux tranchait avec l'air guilleret un poil flippant qu'elle arborait la plupart du temps. Ethel déposa Clo sur la table et Mélusine commença à défaire le garrot improvisé. Elle émit un léger sifflement. "Eeeeh ben, heureusement qu'on peut pas faire d'infection, moi qui te l'dit", ronchonna-t-elle devant la piètre qualité des soins d'urgence.

Elle entama des préparatifs méthodiques sous l'œil attentif d'Ethel. Cette dernière assista sans broncher à la totalité des opérations, passant un outil à Mélusine de temps à autres. Elle resta quand le sang bleu recommença à couler. Elle resta quand Mélusine injecta un produit non identifié dans la plaie qui se tarit. Elle resta quand elle referma la plaie minutieusement avec une sorte de pâte couleur peau. Elle resta quand elle installa une poche pleine du même liquide bleu qui constituait leur sang. Elle resta, même, quand il n'y eut manifestement plus rien à faire qu'attendre tranquillement qu'elle se réveille. Elle dut cependant s'endormir quelque part au milieu de ce long processus, parce qu'elle ouvrit les yeux dans la salle plongée dans l'obscurité. Elle essuya un filet de bave qui était venu baptiser allègrement la table d'opération désormais définitivement imprimée sur sa joue. Un tissu épais avait été jeté sur ses épaules, mais il n'y avait plus aucune trace de Clo. Hébétée, elle regagna sa niche en volant de façon peu rectiligne et décida de repenser à tout ça uniquement lorsqu'elle aurait dormi, genre, une petite décennie.

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Poppy Bernard
Posté le 16/12/2021
Ouuuuf, j'ai vraiment cru qu'on avait perdu Sera et Masami ! On ressent plutôt bien la culpabilité d'Ethel, et surtout la gentillesse inconditionnelle de Clo.
Je me pose quand même une petite question : si nous sommes dans une usine, pourquoi est-ce qu'il y a des cuisines ? J'ai peut-être manqué l'info dans les chapitres précédents ?
Une petite coquille/ oubli s'est glissée ici => Elle est tombée quand elle et Masami sont venues avec la pour tenter de te récupérer.

Hâte de lire la suite :)
(Ha oui, et bravo pour la description de la tenue d'Ethel ; c'est simple, efficace ! (en plus des mains, j'ai une petite fixette sur la description des fringues..alors merci !) )
Marlène Goos
Posté le 27/12/2021
Ah ah, j'avais davantage remarqué les mains, mais j'y prêterai attention dans mes prochaines lectures :D Ah, alors ça manque peut être un peu de clarté, mais en fait il s'agit des cuisines pour les employés : pour leur pause de midi, en somme !
Et oui, c'est pas passé loin, notre Ethel peut parfois pas mal merder :p Merci pour le ramassage de coquille
Poppy Bernard
Posté le 17/01/2022
Haaaa ok je vois pour les cuisines, en effet c'est plus clair ! (j'espère pour Sera qu'il y a des gros mangeurs de Cardamone dans cette usine ;))
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