- En parlant d’extra, j’aimerais aller voir mes parents, indiqua Marlène.
- Non, répondit le directeur.
- Je vous paierai. J’aimerais passer la journée avec eux. Pourriez-vous m’y amener par téléportation ?
- Non, insista le directeur. Les élèves ne voient leurs parents que pendant les vacances scolaires et les prochaines sont fin décembre. En attendant, tu te contenteras du téléphone et d'Internet.
- Je vous paye le double, annonça Marlène.
Le directeur sourit avant de préciser :
- C’est pour ton bien, Marlène. D’autant que si j’ai bien compris, tes parents sont plutôt un frein pour toi. Tes conversations avec eux te font plus de mal que de bien.
Marlène le fixa sans le lâcher. Il dut sentir sa résignation car il lâcha :
- 100 kum.
100 000 euros pour une journée en famille. Didier hurlerait s’il le savait.
- D’accord, tant que cela reste entre nous, grinça Marlène.
- Je ne tiens pas particulièrement à ce que ça se sache, précisa le directeur. Tu n’en parleras pas aux autres élèves. Tu as passé la journée ici, à méditer dans une salle vide.
Marlène acquiesça.
- Je viendrai te chercher à 19h précise.
- Oui, maître, répondit Marlène tout sourire.
Le directeur lui tendit la main. Marlène eut un immense vertige. Le monde tourna et elle s’écroula à l’arrivée, de désorientation.
- Marlène ? s’exclama Henriette.
La jeune femme secoua la tête et se releva pour constater que le directeur était déjà parti. Henriette la serra dans ses bras.
- Tu t’es fait renvoyée ? proposa Didier, inquiet.
- Non, papa. J’avais juste envie de vous voir. Vous me manquiez trop.
- Tu as le droit de faire ça ?
- C’est exceptionnel, indiqua Marlène. Mieux vaudrait que ça ne se sache pas.
- Nous garderons le secret, murmura Didier.
- Raconte-nous tout ! Je veux tout savoir ! lança Henriette.
Marlène raconta, heureuse de pouvoir le faire librement. Naturellement, ses parents ne comprirent pas tout mais ils se montrèrent compréhensifs. Le déjeuner fut excellent.
- Tu me manques, indiqua Didier pendant le dessert.
Marlène sourit.
- Jeu de société ? proposa Henriette.
Marlène accepta volontiers. Dans cet environnement calme et silencieux, Marlène activa sa gnosie. Pour la première fois, elle n'eut pas mal au crâne après dix minutes.
- On change de jeu ? proposa Didier, alors que Marlène venait de se faire écraser pour la troisième fois consécutive, le scrabble n’étant décidément pas son fort.
- Que proposes-tu ? interrogea Henriette.
- Marlène, et si tu descendais ta console dans le salon ? Tu as bien trois manettes ? lança Didier.
Marlène sourit, aux anges. Son père venait-il vraiment de lui proposer une partie ? Il n'avait jusque-là jamais accepté de le faire. Marlène courut dans son ancienne chambre, s'arrêta un instant, nostalgique, puis attrapa la console, les câbles, les manettes et les jeux avant de tout descendre au salon. Elle réalisa tous les branchements elle-même, s'y connaissant bien mieux que ses parents. Elle leur proposa un jeu de course de voiture.
- Ça ou autre chose, répliqua Didier. On est nul, de toute façon. Si tu nous montrais comment on se sert de cette chose, annonça Didier en désignant la manette.
Marlène leur expliqua puis lança le jeu. Ses parents se concentrèrent sur l'image. Sur l'écran du salon, beaucoup plus grand que celui de sa chambre, le jeu prenait véritablement vie.
Marlène regarda le décompte et à zéro, elle accéléra. Sa mère ne démarra pas, ne trouvant plus la touche et son père partit mais freina sans le vouloir. Cependant, ses parents se reprirent rapidement et finirent par prendre le départ, mais très en retard.
Au premier virage, l'attention de Marlène fut attirée par l'arrivée inopinée d'un oiseau sur la branche du pommier, dans le jardin. La gnosie toujours active, elle capta sa présence et son bonheur d'avoir trouvé à manger – les miettes du gâteau sec qu'Henriette avait dégusté en dessert.
Lorsque Marlène retourna ses pensées vers l'écran, elle était dernière. Dégoûtée, elle reprit la course mais le voisin promenant son chien, la voisine chantant dans la salle de bain, le chat sur la fenêtre guettant le moment où l'oiseau se poserait, l'avion passant dans le ciel, tout la déconcentrait.
- Tu n'es pas censée passer tes journées sur ta console depuis… ta naissance ! s'exclama Didier alors que Marlène terminait la course en dernière position.
- Je n'ai pas dis mon dernier mot ! répliqua Marlène qui comptait bien ne pas perdre la face.
Elle lança une nouvelle partie.
- J'espère que tu ne fais pas exprès de nous laisser gagner ! s'écria Henriette, mécontente.
- Si seulement, soupira Marlène.
Henriette remporta la seconde course. Marlène ne chercha même pas à cacher sa rage. Cela ravit ses parents, qui comprirent que Marlène ne le faisait vraiment pas exprès.
- La magie t'a rendue nulle aux jeux vidéos ? ironisa Didier. Super ! Comme ça, tu ne passeras plus tes journées entières devant ton écran !
- Je vais me reprendre et vous allez voir ! Je vais vous laminer !
Marlène était maintenant en colère, et décidée plus que jamais à ne pas perdre. Cependant, elle ne voulait pas non plus couper sa gnosie. Cela aurait été tricher, même si à aucun moment une telle règle n'avait été édictée. Didier et Henriette, eux, étaient aux anges et commençaient à s'amuser réellement, une manette à la main. Ils se combattaient, cherchant sans cesse à dépasser l'autre, luttant pour la première place.
Marlène prit son inspiration, lança la course suivante et se concentra uniquement sur sa manette. Plus rien d'autre ne comptait. Elle ne voulait pas rater cette occasion d'humilier – virtuellement – ses parents. Elle les écrasa, en toute simplicité.
- Je ne pensais même pas qu'on pouvait faire un tour aussi vite, soupira Didier.
- Bravo, ma chérie, dit Henriette.
Marlène ne répondit pas. Elle n'en revenait pas. Pas d'avoir gagné, évidemment, contre ses parents, ça n'était pas difficile.
- Marlène ? Tu lances la suivante ? lança Didier qui n'avait pas la possibilité de le faire depuis sa manette.
- Marlène ? répéta Henriette en voyant que leur fille était dans la lune.
- J'ai réussi, souffla-t-elle.
- Oui, en même temps, ça me paraît normal, répliqua Didier. J'aurais même cru que ça serait ça dès la première partie. Allez ! On s'y remet sinon, on ne s'améliorera jamais !
- Je l'ai fait, continua Marlène comme si son père n'avait rien dit. Merci ! C'est grâce à vous !
Lorsqu'une larme coula sur la joue de Marlène, Didier comprit qu'il s'agissait de bien plus que d'une simple course de voiture.
- Marlène ? Qu'est-ce qui vient de se passer ? interrogea Didier, bouleversé par l'attitude de sa fille.
Pour toute réponse, Marlène enlaça ses parents et ceux-ci lui rendirent volontiers l'accolade. Après un moment, Marlène s'éloigna, reprit la manette et lança la course suivante, bien décidée à reproduire l'exploit.
- Tu ne comptes pas nous expliquer... comprit Didier.
- Je ne pense pas que vous pourriez comprendre, répondit Marlène. Je ne veux pas passer le peu de temps qu'il me reste avec vous à vous expliquer les détails de ma formation de magicienne. Je veux juste profiter.
Didier hocha la tête et fit contre mauvaise fortune bon cœur. Les parties qui suivirent furent plus intéressantes car les parents de Marlène commençaient à maîtriser le jeu. Ils gagnèrent à plusieurs reprises, Marlène se laissant parfois déconcentrer par un évènement extérieur mais à la fin, elle gagna à chaque fois.
À 19h, l’air s’épaissit au milieu de salon, en tout cas, ce fut la sensation de Marlène.
- Le directeur va apparaître, annonça Marlène afin que ses parents ne meurent pas de peur.
Maître Gilain se montra quelques secondes plus tard. Il observa le salon puis désigna les manettes.
- C'est à ça que tu as passé l'après-midi ? lança maître Gilain. Les jeux vidéos ?
- Je suis prête, annonça Marlène.
- En même temps, tu n'as pas grand-chose à faire, répliqua maître Gilain en pensant que Marlène parlait de la téléportation.
- Je suis prête à regarder le PBM, précisa Marlène. Vous pourrez compter sur moi dimanche prochain. Je pourrais y assister depuis la tribune d'honneur ?
Maître Gilain la regarda intensément. Marlène comprit qu'il vérifiait que sa gnosie était active. Après un moment, le directeur annonça :
- Il n'est pas question que tu aies droit à une quelconque faveur. Tu y assisteras depuis les gradins, avec tes amies, comme les autres élèves.
- Tu vas voir un match de PBM ? s’écria Henriette. Tu me raconteras, hein !
- Promis, maman, répondit Marlène. Mais tu sais, c’est juste du PBM entre étudiants, pas du professionnel.
- Ça reste du PBM, soupira Henriette, partagée entre l’excitation et la jalousie.
- Allez, on rentre ! gronda le directeur.
Les adieux furent rapides, car Marlène ne voulait pas pleurer devant ses parents.
- Je n'aurais pas cru que les jeux vidéos puissent être une solution, dit maître Gilain une fois arrivé à l'école, mais seul le résultat compte, après tout.
- Je dirai à mes amies que j'ai réussi grâce à vous, annonça Marlène en faisant un clin d'œil au directeur, avant de disparaître dans le couloir pour rejoindre Julie et Amanda au réfectoire.
Les deux adolescentes ne cachèrent pas leur joie face à l'excellente nouvelle.
- Résumons, commença Julie. Tu sais utiliser ta gnosie, tu peux augmenter ton énergie et tu apprends à économiser ton énergie. Je pense que tu es suffisamment douée pour ouvrir un peu ton spectre de matières.
- Hein ? s'exclama Marlène.
- Julie, à sa façon très à elle, te propose de venir avec nous en utilisations d'objets magiques et en étude de la magie le mercredi et le samedi, expliqua Amanda.
- Ah ! s'exclama Marlène. Mais c'est une excellente idée ! Je viendrai avec plaisir. C'est vrai que ça me fera du bien de découvrir de nouvelles choses.
Julie et Amanda ne cachèrent pas leur joie. Leur amie suivrait désormais les mêmes cours qu'elles.
Lundi matin, Marlène n'eut pas besoin d'annoncer à maître Gourdon que sa gnosie était opérationnelle. Maître Gilain lui avait déjà transmis la bonne nouvelle. Le professeur ne félicita cependant pas Marlène. Elle se contenta de lui demander :
- J'imagine que tu n'as jamais essayé d'utiliser la magie, de la transformer ?
- En effet, maître. Jusque là, je l'écoute grâce à ma gnosie, je la ressens et je la crée. Mais la transformer ou la contrôler pour qu'elle fasse ce que je veux, ça non, je ne l'ai jamais fait, annonça Marlène. Au fait, je ne viendrai plus le mercredi et le samedi. Je vais aller en cours d'utilisation d'objets magiques.
Le visage de maître Gourdon se déforma légèrement. Marlène, ne comprenant pas ce changement, ajouta rapidement :
- Sauf si vous pensez que je ne devrais pas…
- Non, non, c'est une bonne idée. Je vais juste changer ce que j'avais prévu pour toi aujourd'hui. Ce n'est pas grave. C'est à nous de nous adapter aux élèves. Ne t'inquiète pas, Marlène. Apprendre à utiliser des objets magiques sera un bon entraînement pour toi. Seulement, tu ne peux pas y aller pour le moment. Tu ne contrôles pas assez ton énergie. À la vitesse où tu t'améliores, je suis sûre que tu seras prête après demain, la rassura maître Gourdon avant de sortir un tube de sa poche.
- C’est du grès, affirma Marlène, fière d’elle.
- Pas seulement, la contra maître Gourdon. Regarde : il y a deux traits sur ce tube, un rouge et un bleu. Le rouge va devenir vert quand tu y mettras de la magie. Ton but : atteindre le bleu le plus précisément possible sans le dépasser. Dès que tu l’auras atteint, il changera de position et tu devras le suivre, le plus vite possible.
Marlène observa l’objet avec une moue dépitée. Ça n’était guère passionnant.
- Cela va te permettre d'apprendre à contrôler la quantité de magie que tu fournis car il n'est pas question qu'on te demande d'allumer un grille-pain si le risque que tu le fasses exploser est grand. Or, tu devras le faire en utilisation d'objets magiques. Le guide et le traducteur sont configurés pour éviter ce problème. Tu peux y mettre autant de magie que tu veux, ils se contentent de refuser le trop plein. Les objets magiques classiques ne fonctionnent pas ainsi. C’est à l’utilisateur de prêter attention.
Marlène hocha la tête mais elle n'était pas franchement ravie. Elle avait espéré passer à des exercices plus amusants. Devoir mettre de la magie dans une pierre ne l'excitait pas franchement. Elle comprenait l'importance de cette leçon, mais cela ne l'empêchait pas d'être déjà soûlée.
- Dès qu'un jeu sera fini, un autre apparaîtra. En fait, la quantité de grès présente à l'intérieur varie, précisa maître Gourdon. Parfois, le tube contiendra seulement un um et parfois mille kum.
Marlène regarda l'objet. Le trait bleu était au milieu. Elle transféra sa magie dans le tube et à peine l'avait-elle fait que la barre verte grimpait au maximum.
- Boum, dit maître Gourdon en la regardant. Le grès ne réagit pas si tu fournis trop d'énergie. Il se contente de refuser le trop plein mais si tu avais utilisé un objet magique classique, il aurait fait boum.
Marlène fit une moue désolée et se concentra pour enlever de l'énergie et la barre verte disparut. L'exercice fut particulièrement difficile car Marlène ignorait à chaque tube combien d'énergie était nécessaire. Cependant, le temps passant, elle finit par sentir à l'avance la contenance maximale de chaque tube.
Midi arriva qu'elle n'avait pas atteint la fin du jeu. Elle n’y parvint que le lendemain. Marlène avait terminé quelques minutes seulement avant l'heure du déjeuner et maître Gourdon lui annonça qu'elle pourrait, sans trop de danger, se rendre le lendemain en cours d'utilisation d'objets magiques, à la plus grande joie de Julie et d'Amanda.
L'après-midi, après deux heures de méditation à tenter d'atteindre – en vain - le plus petit ver énergétique possible, Marlène se rendit à la bibliothèque où elle resta jusqu'au dîner.
Elle dévora "Julien" dont elle s’était découverte fan. Le garçon magicien vivait beaucoup d'aventures et parvenait toujours à résoudre les problèmes même les plus complexes, seul ou avec de l'aide. Ces histoires offraient l'avantage d'expliquer les choses dans un vocabulaire simple que Marlène pouvait comprendre. De plus, Marlène comprit enfin d'où venaient les références systématiques à "Juju", comme les magiciens aimaient appeler le héros de leur enfance.
Ce jour-là, Julien le petit magicien devait traverser un gouffre mais, n'ayant pas assez de magie pour cela, il dut trouver une autre solution, qui fut de faire tomber un arbre en travers et de s'en servir comme d'un pont. C'était mignon et incroyablement facile à deviner mais la BD était normalement réservée aux enfants alors on ne pouvait guère s'attendre à mieux.
Marlène fut ravie de saisir enfin la plupart des blagues prononcées depuis des jours par ses camarades. Elle ne vit pas le temps passer et fut en retard pour le dîner. Quand elle en expliqua la raison à Julie et Amanda, les deux jeunes filles explosèrent de rire mais Marlène ne le prit pas mal. Elle savait que ses amies ne se moquaient pas d'elles. C'était juste très drôle.
Mercredi matin, Marlène suivit Julie et Amanda à son cours d'utilisation d'objets magiques. Elle retrouva monsieur Toupin dans sa salle de classe sans chaise ni table. Une fois les élèves assis dans des fauteuils et des canapés, le professeur posa un objet devant chacun de ses élèves, tous le même.
- Quelqu'un peut-il me dire à quoi sert cet objet ? demanda le professeur.
Curieuse, Marlène tendit la main pour s'en saisir mais voyant que personne ne le faisait, elle se contenta de le regarder, comme les autres.
- Frédéric, avant que tu ne tentes de répondre à ma question, pourrais-tu expliquer à Marlène pourquoi il ne faut pas prendre l'objet avant de l'avoir étudié ?
- Parce qu'il pourrait être dangereux, répondit Frédéric. Certains objets magiques se déclenchent seuls au contact d'un magicien. Il faut donc être très prudent.
- Ce prof est un sadique, lui murmura Julie à l'oreille. Parfois, il nous donne des objets qui, si on les touche, nous font hyper mal. Juste pour nous apprendre, qu'il dit…
Marlène recula ses mains de l'objet. Elle avait soudain beaucoup moins envie de le manipuler. Frédéric continua, cette fois pour répondre à la question du professeur :
- Cet objet est fait en bois. Donc, il peut faire du feu, de la lumière ou bien…
- Ton seul élément est qu'il est fait en bois ? demanda monsieur Toupin. C'est vague. Ça pourrait encore avoir presque n'importe quel effet. Oui, Marcial ?
- C'est du chêne, donc… commença-t-il mais Amanda le coupa :
- Non, c'est du hêtre.
La classe se changea soudain en véritable lieu de débat. Chacun donnait un nom d'arbre différent. Ceux qui avaient le même avis se mettaient ensemble pour expliquer leur choix. Monsieur Toupin laissa faire un instant puis réclama le silence. Chaque élève ayant un avis dut en expliquer la raison. Couleur du bois, marque, forme, rien ne convainquit réellement le professeur.
- Marlène ? Une idée ? demanda monsieur Toupin à son nouvel élève.
La jeune femme leva les yeux sur le professeur. Il lui demandait à elle de déterminer de quelle essence était ce bois, elle qui n’écoutait jamais en cours de SVT au collège. Elle plissa les paupières puis se souvint de Julien, le petit magicien. Certes, elle n’avait aucune connaissance personnelle mais dans la BD, Julien avait résolu son problème en se servant de son environnement et non d’un savoir propre. Marlène, en souriant, décida de faire comme lui. Elle se concentra quelques instants puis annonça :
- C'est du chêne.
- Qu'est-ce qui te fait dire cela, Marlène ? interrogea le professeur.
Marlène sentit tous les regards sur elle. Elle venait dans ce cours pour la première fois alors comment pouvait-elle être aussi catégorique ?
- Je n'ai jamais suivi de cours d'étude de la nature alors je ne saurais vraiment pas reconnaître un type de bois par sa couleur ou sa densité, commença Marlène, très fière d’elle.
- Dans ce cas, comment peux-tu affirmer que c'est du chêne ? interrogea monsieur Toupin.
- Hé bien, j'ai mis du temps avant de contrôler ma gnosie. Au départ, la présence de la magie me gênait alors je cherchais à m'éloigner des autres. Du coup, j'ai fait tous les parcs du collège, et je peux vous dire qu'il y en a énormément.
La remarque fit rire toute la classe. Marlène continua sans y faire attention :
- Dans un parc au sud, un peu à l'écart, il y a un endroit où chaque essence d'arbre a été plantée. Son nom est indiqué en dessous. Je n'y ai jamais rencontré personne alors je suppose que peu de gens connaissent son existence.
La classe ne s'opposa pas à Marlène.
- Tu as reconnu ce bout de bois après avoir simplement vu les arbres ? lança Amanda qui n'y croyait visiblement pas.
- Non, bien sûr que non. Lorsque monsieur Toupin nous a demandé ce que c'était, j'ai élargi ma gnosie pour aller jusqu'à ce parc, et j'ai comparé les signatures magiques des arbres avec celle de ce bout de bois. Elle coïncide avec celle du chêne, expliqua Marlène. Donc, c'est du chêne. Du chêne blanc, pour être précise.
- Excellent, s'exclama monsieur Toupin. Qui peut me dire pourquoi cette réponse me convient mais ne me satisfait pas totalement ?
Les élèves se regardèrent mais aucun ne semblait avoir une réponse à fournir. Finalement, Marcial leva timidement la main.
- Oui, Marcial, une idée ?
- Elle vous convient parce qu'elle est juste et originale.
Monsieur Toupin hocha la tête.
- Et elle ne vous convient pas parce que…
Marcial ne parvint pas à trouver ce qui pouvait clocher. Amanda, en revanche, sembla recevoir l'illumination. Elle leva franchement la main.
- Amanda, interrogea monsieur Toupin.
- Parce qu'elle ne pourra pas refaire ça en dehors de l'école.
- Très bien, Amanda ! félicita monsieur Toupin. Marlène a eu une excellente initiative. Ne sachant pas, elle a utilisé un moyen détourné pour trouver la réponse. Elle a utilisé les possibilités offertes par l'endroit où elle se trouve et c'est excellent. N'oubliez jamais de regarder autour de vous. Cependant, on ne peut pas toujours se reposer sur l'environnement. Il n'est parfois pas accueillant. Donc, n'omettez pas vos connaissances propres.
Les élèves hochèrent la tête. La classe continua. Les élèves, sachant désormais que c'était du chêne blanc, en déduisirent nombres de propriétés possibles de l'objet. Marlène était perdue. Finalement, ils décidèrent qu'il servait à éclairer. C'était, d'après les élèves, une lampe. Le professeur ne leur dit pas s'ils avaient raison ou tort mais se contenta de leur demander d'utiliser l'objet.
Marlène constata que les cours avec maître Gourdon avaient porté leurs fruits. Elle savait exactement quelle quantité de magie était nécessaire pour activer cet objet. Ce qui surprit Marlène fut qu’il ne se passa rien. Tous les élèves étaient abasourdis. Ils retournaient l'objet en tout sens, tentant de déterminer l'action de l'objet mais personne n'eut l'illumination.
- Le cours est bientôt terminé, annonça monsieur Toupin. Le premier qui, avant le prochain cours, vient me voir en m’annonçant l’action de cet objet repartira avec.
Après un long moment de silence, le professeur annonça la fin du cours et les élèves sortirent.
- C'est comme ça que vous obtenez des objets magiques ? comprit Marlène. En répondant correctement aux questions des professeurs ?
Julie et Amanda sourirent et hochèrent la tête.
- Ce prof est trop génial ! soupira Julie.
Marlène se renfrogna. Elle s’en fichait de gagner des objets magiques. C’était bon pour les faibles magiciens. Cela leur permettait de réaliser des sorts avec le peu d’énergie qu’ils avaient. Mais elle, de la magie, elle en débordait. À quoi bon apprendre à utiliser des objets magiques ? Elle aurait préféré apprendre à manipuler la magie.
Elle se désintéressa totalement du bout de bois dans sa poche. Elle ne comptait absolument pas tenter de déterminer son utilité. Elle attendrait la réponse du professeur, cela serait moins fatigant.
Marlène suivit ses camarades jusqu'à la prochaine salle de classe. Celle-là était classique : des tables et des chaises alignées. Une fois installée, Amanda précisa :
- C'est parti pour deux heures de torture !
- Pourquoi ? demanda Marlène alors que le professeur entrait.
- Étude de la nature et de ses propriétés magiques. Ce cours est chiant à souhait mais essentiel si on veut se servir d'objets magiques.
- C'est ici qu'on peut apprendre, par exemple, les propriétés magiques du chêne blanc, expliqua Julie.
Marlène soupira d’avance. Pourquoi avait-elle accepté de suivre les filles dans ce cours ? Madame Rose déroula les propriétés de l’hématite, une pierre assez répandue et pas très difficile à extraire. Le professeur alternait la lecture d'un livre théorique, les expériences et la recherche personnelle mais cela ne suffisait pas vraiment à rendre le thème intéressant.
Marlène s’ennuyait à mourir. Elle bavarda beaucoup avec Julie tandis qu’Amanda essayait d’écouter mais se laissait souvent entraîner par ses copines. En sortant, Marlène connaissait beaucoup de ragots colportés par Julie mais absolument rien sur l’hématite.
L'après midi, elle entraîna ses amies sur le terrain de tennis et elles s'amusèrent tout l'après midi, alternant les postes, parfois joueuses, parfois spectatrices, afin de pouvoir se reposer. Marlène passa la soirée seule car Amanda était avec Antoine et Julie avec Paul.
La néomage se rendit à la bibliothèque afin de continuer à lire les aventures de Julien, le petit magicien, façon bien plus amusante et distrayante d’apprendre la magie que les cours de madame Rose.