Jeudi matin, Marlène était de retour en cours d'utilisation de la magie avec maître Gourdon. Après s'être occupée des autres élèves, maître Gourdon vint vers Marlène.
- Monsieur Toupin m'a dit que tu avais été brillante hier matin. Tu as su transférer de manière continue juste la bonne quantité de magie dans un objet magique. Bravo !
- Merci, maître.
- Maintenant que tu sais contrôler ton flux d'énergie, si on revenait au maniement de la magie ?
Marlène sourit. Enfin ! Elle allait réellement se servir de la magie, lancer des sorts ! Elle pourrait montrer quelque chose à ses parents. Elle avait tellement hâte ! Il lui tardait de pouvoir leur montrer une preuve réelle des ses pouvoirs.
- Ta gnosie est pleinement opérationnelle, continua maître Gourdon. Tu vas maintenant devoir apprendre à comprendre quand elle te parle.
Marlène perdit son sourire. Elle allait encore devoir perfectionner sa gnosie ? Cela, ses parents ne le comprendraient toujours pas. Elle afficha clairement son mécontentement sur son visage, mais se garda bien de dire quoi que ce soit. Si maître Gourdon le remarqua, elle ne le releva pas.
- Tu vas te mettre en binôme avec Frédéric. Il apprend à utiliser la magie intra. Tu devras simplement dire à voix haute ce qu'il fait. Il dira si c'est bon ou pas.
- Qu'est-ce que c'est, la magie intra ? interrogea Marlène.
Maître Gourdon, qui allait appeler Frédéric, se ravisa. Elle se tourna vers Marlène et la jeune femme vit apparaître un livre devant elle.
- Tu as parfaitement raison, dit maître Gourdon. Un peu de théorie ne te ferait pas de mal. Lis-moi ça.
- Quelles pages ? interrogea Marlène en regardant le livre d'une vingtaine de pages.
- Tout, répondit maître Gourdon avant d'aller aider un autre élève.
Marlène récupéra le livre titré "Magie intra et inter" et l'ouvrit. Il fallut un quart d'heures à Marlène pour terminer le livre. Lorsque maître Gourdon s'en rendit compte, elle se présenta devant Marlène et annonça :
- Maintenant que tu l'as lu, explique-moi toi-même ce que sont la magie intra et inter, que je vérifie que tu as bien compris.
Marlène prit une grande inspiration puis commença :
- La magie est de l'énergie, dont on peut se servir pour faire fonctionner un objet magique. On peut également la transformer sans passer par un objet magique. C'est beaucoup plus difficile.
- Jusque-là, tu as compris, la félicita maître Gourdon qui avait conscience que Marlène découvrait tout ça, alors que les autres jeunes magiciens le savaient depuis leur tendre enfance.
- La première façon de transformer la magie est de tricher. C'est ce que dis le livre ! s'amenda Marlène.
- Je n'ai rien dit, continue, fit remarquer maître Gourdon.
- Il suffit de reproduire l'effet du monde réel dans la gnosie, via la magie et dans ce cas, on parle de magie intra.
- Un exemple, s'il te plaît ? demanda maître Gourdon.
Marlène aimait bien ce jeu, où le professeur et l'élève avaient été inversés. Marlène réfléchit et annonça :
- Le livre dit que c'est plus facile pour les sons. Donc, quand j'entends un son dans la gnosie, en réalité, je perçois une vibration dans la magie que mon esprit interprète comme un son. Pour créer un son, un magicien peut se contenter de reproduire cette vibration et tous les magiciens l'interpréteront comme un son, mais le bruit ne sera pas réel.
- As-tu déjà entendu un son dans la gnosie qui n'était pas réel ? interrogea maître Gourdon.
- Je suppose que depuis le début de l'année, dans votre cours, mes camarades de classe font ça…
- En effet, mais ils ne font pas que cela. Simplement, tu ne t'en rends pas compte. En ce moment, par exemple, que perçois-tu des vibrations envoyées par tes camarades de classe ?
- Un brouhaha général, répondit Marlène. Rien de précis.
- Que fait Julie ? insista maître Gourdon.
Marlène écouta les effets de Julie sur la gnosie mais ne les comprit pas.
- Je ne sais pas. Ça n'a aucun sens pour moi. Je sais qu'elle utilise la magie, c'est tout. Vous voulez dire qu'elle fait quelque chose de compréhensible ?
- Pour le moment, non. Mais à force de persévérance, un jour, avec beaucoup d’efforts, de motivation et de bonne volonté, cela ressemblera à quelque chose, répondit maître Gourdon. Pour le moment, ça n'est ni beau, ni bien.
- Merci, professeur, souffla Julie sans perdre sa concentration.
Maître Gourdon sourit et Marlène rougit.
- Cependant, continua maître Gourdon, les autres élèves comprennent ce qu'elle essaye de faire, toi non. Tu dois apprendre à comprendre les vibrations créées par la magie.
- Pourquoi est-ce que je comprends les sons, alors ?
- Le livre t'a répondu : les sons sont les vibrations les plus simples à comprendre. Tu me disais donc que le plus simple pour un magicien était de se contenter de reproduire la vibration de la magie dans la gnosie.
- Ainsi, continua Marlène, on peut tout faire : des sons, des images et même imiter le toucher. On peut complètement créer un objet dans la gnosie.
- Avantages et inconvénients ? interrogea maître Gourdon.
- L'avantage est qu'on peut faire des choses incroyables à moindre coût, répondit Marlène. L'inconvénient est que ce n'est qu'une illusion. L'objet n'existe pas réellement. Seule sa vibration existe. Du coup, un non magicien ne verra rien, n'entendra rien, et passera à travers l'objet.
- Un magicien peut-il passer à travers ? demanda maître Gourdon.
Marlène réfléchit. Le livre disait que les cinq sens étaient reproduits, qu'un magicien avait vraiment l'impression que l'illusion était vraie.
- Je suppose que non, dit Marlène.
- On ne peut pas passer à travers une illusion ? Un objet qui n'existe pas ? lança maître Gourdon.
Marlène était gênée. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre. Ça la troublait énormément.
- Bien sûr qu'on peut passer à travers une illusion ! continua maître Gourdon. À condition, bien sûr, d'être conscient qu'il s'agit d'une illusion. Lorsque le magicien sait contrôler sa gnosie, il sait faire la différence entre les illusions et la réalité. Ainsi, il peut choisir de subir ou non cette illusion.
- Je vois, souffla Marlène. Je ne suis pas prête d'avoir fini de travailler sur ma gnosie.
- Le chemin est long, en effet. En revanche, être capable de discerner la fiction de la réalité dans la gnosie, les autres élèves ont été obligés de l'apprendre également car cela n'est pas naturel. Donc, à ce niveau-là, tu es comme les autres.
- Je vais apprendre en même temps qu'eux ? s'exclama Marlène, heureuse.
- Non, ils savent déjà le faire. C'est la première leçon de maniement de la magie. C'est l'une des obligations de l'école : permettre aux élèves de ne pas se faire avoir par des charlatans une fois sortis.
- Comment ça ? interrogea Marlène.
- Le livre que tu viens de lire, répondit maître Gourdon, tu l'as trouvé intéressant ?
- Oui, très, répondit Marlène sans comprendre pourquoi le professeur lui demandait cela.
- Si je te propose de l'acheter, tu m'en donnes combien ?
- Je… Je ne sais pas, avoua Marlène. Dix euros ?
- Bien, disons que tu me donnes dix euros et je te donne le livre. Seulement voilà, le livre n'est qu'une illusion, uniquement lisible dans la gnosie. Il n'est pas réel. Tu le mets dans ton sac et tu t'éloignes. Une fois chez toi, tu ouvres ton sac : il est vide. Forcément…
- Le livre n'est pas réel ? s'exclama Marlène, troublée et stupéfaite.
- Douterais-tu de son existence ? dit le professeur en souriant.
Marlène voulait en avoir le cœur net. Elle coupa sa gnosie. Le livre était toujours là.
- Il est réel, répliqua Marlène, mais c'était bien joué. J'ai douté un instant…
- Évidemment qu'il est réel, Marlène. Tu ne comprends pas encore ce que te dit ta gnosie. Si je faisais apparaître un livre dans la magie intra, tu ne le verrais même pas !
Marlène fit la moue.
- Seulement voilà, continua maître Gourdon. Bientôt, tu sauras le voir. Tu pourras le toucher, tourner les pages et même sentir l'odeur de la couverture en cuir. Il sera comme réel et tu pourrais te faire avoir.
- Il suffit de couper la gnosie, fit remarquer Marlène.
- Tu ne peux décemment pas passer ton temps à allumer et éteindre ta gnosie !
- Uniquement quand j'ai un doute, proposa Marlène.
Maître Gourdon sourit avant de dire :
- Et s'il y a un mur devant toi, mais que quelqu'un crée l'illusion du vide ? Tu ne peux pas t'y attendre et tu vas rentrer dedans !
- S'il y a un mur, répliqua Marlène, je le verrai avec mes yeux !
- Quand tu auras appris à comprendre ta gnosie, tu te fieras davantage à lui qu'à tes anciens sens. Tu devras alors réapprendre à utiliser ta vue, ton ouïe ou ton odorat.
Marlène avait du mal à le croire mais elle hocha la tête.
- C'est comme ça qu'on fait la différence entre la réalité et les illusions, continua maître Gourdon. Il faut utiliser tes six sens, ensemble, en harmonie.
Marlène acquiesça. Elle comprenait qu'elle avait encore beaucoup de chemin à parcourir.
- Je crois que tu as bien saisi la magie intra et le lien avec la gnosie. Le livre n'expliquait pas que cela, dit le professeur.
- Il explique que les magiciens peuvent aussi créer des objets réels, directement avec la magie, sans passer par des objets magiques. C'est la magie inter.
- Avantages et inconvénients ? répéta maître Gourdon.
- L'avantage est que l'objet est réel. Tout le monde peut le toucher et on peut créer n'importe quoi. L'inconvénient est que ça demande non seulement une énorme quantité de magie, mais également une maîtrise de celle-ci hors du commun. Seuls d'excellents magiciens peuvent contrôler la magie inter.
- As-tu déjà vu des magiciens se servir de la magie inter ?
- Vous avez fait apparaître le livre, dit Marlène en désignant l'ouvrage, sur sa table.
- Exactement. Bien évidemment, je ne l'ai pas écrit moi-même. Je me suis contentée de reproduire un livre présent dans la bibliothèque. Dans le cas présent, j'ai détruit l'original et je l'ai recrée ici. C'est de la téléportation.
Marlène en frémit.
- Vous voulez dire que lorsqu’on se téléporte, on crée une copie et on détruit l'original ?
- C'est ça, confirma maître Gourdon. C'est comme ça que ça fonctionne.
Marlène frissonna. Cela ne lui plaisait pas du tout.
- C'est horrible, bredouilla Marlène qui n’était donc qu’une copie d’elle-même samedi dernier.
- Tu sais, les magiciens se téléportent depuis des millénaires, sans que ça ne pose le moindre problème, continua maître Gourdon.
- Et si on ne détruit pas l'original lors d'une téléportation ? proposa Marlène. Il y aura alors deux fois la même personne !
- En fait, lorsqu'on détruit l'objet ou la personne, ses éléments de base et sa magie sont réutilisés pour le recréer. Si on voulait faire un double, ça demanderait énormément plus d'énergie. C'est pourquoi les livres de l'école, par exemple, sont présents en multiples exemplaires dans la bibliothèque. On se contente de les téléporter. Naturellement, ces livres n'ont pas été crées par magie mais dans une imprimante normale, comme tous les livres.
- Vous voulez dire que cette école ne pourrait assurer ses cours sans la technologie, comprit Marlène. Vous n'auriez pas assez de magie pour créer tous les livres. Vous avez besoin d'acheter de "vrais" livres.
- On pourrait se contenter de la magie mais alors le prix de l'école serait multiplié par mille. On ne voit pas l'intérêt alors qu'il est si simple de les avoir en vrais.
- Ça coûterait encore moins cher si vous vous déplaciez pour aller chercher le livre dans la bibliothèque, fit remarquer Marlène.
- Naturellement, soupira maître Gourdon. C'est à nous de choisir la limite. Chaque école privée à la sienne. Les moins chères, en effet, demandent à leurs élèves d'apporter leur propre matériel et de porter leurs livres dans des sacs, comme dans n'importe quel collège. Nous avons choisi de vous libérer de cette contrainte. C'est le choix de cette école. Mais tu as parfaitement raison, c'est discutable.
Marlène sourit. Elle commençait à mieux comprendre le fonctionnement de la magie et son interaction avec le reste du monde. Maître Gourdon laissa Marlène dans ses pensées, sans la déranger. Finalement, Marlène annonça :
- Donc, je dois apprendre à comprendre ma gnosie, puis réapprendre à utiliser mes sens pour ne pas confondre illusion et réalité, puis, je devrais apprendre à reproduire les échos sur ma gnosie pour créer des illusions, et seulement alors, j'apprendrai à utiliser la magie inter et mes parents pourront enfin voir quelque chose.
- Marlène, dit maître Gourdon sans baisser le ton et toute la classe put profiter de cette réplique, seuls les grands magiciens peuvent contrôler la magie inter. Il faut avoir d'énormes quantités de magie et un contrôle parfait de celle-ci. En tant que magicienne de fortune, tu ne pourras peut-être jamais en arriver là.
Marlène comprit que le professeur venait d'affirmer sa couverture. En tant que néomage, Marlène pourrait un jour contrôler la magie inter mais en attendant, elle devrait faire croire que cela n'arriverait pas. Marlène se tourna vers Julie.
- Tu pourras la contrôler ?
- La magie inter ? Je vise le DM4, indiqua-t-elle. Mes parents m’ont donné un an. On verra bien. Vu comme je rame en magie intra, ça semble mal parti. Je me contenterai peut-être du DM3 finalement.
- Et toi, Amanda ? interrogea Marlène.
- Je n’ai pas assez de magie pour ça, indiqua-t-elle.
- Je croyais qu’il n’y avait pas de lien entre les réserves et la façon de s’en servir ?
- Oui, mais il faut de la magie pour s’entraîner.
- Tous les maîtres ont donc de grosses réserves, comprit Marlène.
- Non, Marlène, la contra la prof. Certains sont riches. Ils achètent la magie qu’ils sont incapables de produire.
- Et les autres ?
- Ils travaillent ici par exemple, indiqua sans détour maître Gourdon. Cette école est un fantastique lieu d’entraînement. La magie y est offerte sans restriction dans le cadre pédagogique, de quoi s’entraîner à loisir. La plupart des professeurs passent eux-même des diplômes magiques, souvent niveau 7 ou 8.
- Ils peuvent aussi travailler dans des boutiques d’ensorceleurs, indiqua Amanda. Créer un objet magique demande une quantité d’énergie ahurissante. Les ensorceleurs ont besoin de magiciens pour protéger leur boutique et leurs biens. Être embauché là-bas offre la possibilité de s’entraîner.
Amanda semblait y avoir bien réfléchi.
- Amanda est très douée en contrôle de la magie, indiqua maître Gourdon. Dommage qu’elle s’en aille à Noël.
Marlène soupira. Elle avait les moyens, elle, de lui offrir davantage de temps. Elle baissa les yeux. Ça n’était pas à elle de faire ça. Elle ne pouvait pas donner de l’argent à tout le monde et privilégier une personne sur une autre n’était pas juste.
Le cours reprit à ces mots. Marlène parvint sans difficulté à comprendre les sons puis les couleurs, mais pas les formes qui lui échappaient toujours. En méditation, son ver diminua de taille mais sans atteindre le minimum recherché.
Vendredi, Marlène eut beau diminuer le ver de taille, la sphère unité se divisait toujours. Marlène ne comptait plus à quel point elle avait amélioré son rendement et n’en revenait pas de l’énergie qu’elle perdait au départ. Quand elle aurait trouvé, elle pourrait agrandir ses réserves d’un souffle.
L’après-midi, Julie et Amanda déclinèrent la sortie au centre spatial guyanais de Kourou en Amérique du sud. Non pas que le prix fut trop élevé – Marlène paya tout de même 2 kum – les adolescentes préféraient simplement aller au centre commercial.
Marlène avait très envie de voyager et ce fut avec entrain qu’elle partit avec une quinzaine d’autres élèves. Ils furent téléportés et même si se savoir de nouveau copiée la dérangea, la fantastique visite lui fit vite oublier ce malaise.
En revenant, il lui tardait de raconter son aventure mais une forte agitation régnait dans la salle de détente où se trouvaient Julie et Amanda. Elles participaient elles aussi aux nombreux chuchotements et mouvements. On aurait dit que tout le monde avait un secret, aujourd'hui. Les regards en biais, les messes basses, tout dénotait une atmosphère très suspicieuse.
- Salut. Il se passe quoi ?
- Jacob a trouvé une piste, murmura Julie.
- Une piste ? répéta Marlène lorsqu’elle constata que ses amies avaient dans leur main le bout de bois prêté par monsieur Toupin.
Ainsi, elles cherchaient à quoi il pouvait servir. Le prochain cours était demain matin. Marlène avait totalement oublié et n’en avait cure. Ça ne l’intéressait pas. Cependant, pour faire comme tout le monde, elle sortit son bout de bois et fit mine de réfléchir. En réalité, elle ne faisait rien, n’ayant de toute façon pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire avec ce machin. Elle observa ses camarades et remarqua qu'ils réalisaient de multiples expériences. Certains le trempaient dans l'eau, d’autres l'entouraient de tissu, certains soufflaient dessus ou se touchaient différentes parties du corps avec.
- Imagine que ce truc ait pour seul effet d'expulser de petites quantités d'air, lui expliqua Julie qui avait mis son objet au fond de l'aquarium de poissons rouges de Martin. On ne verrait rien à l'air libre alors que dans l'eau, on observerait des bulles se former. Tu comprends. On essaye de savoir quel effet a ce truc mais ça peut être n'importe quoi. Comme il ne demande pas beaucoup d'énergie, ça ne doit pas être un effet très spectaculaire. Comme c'est du chêne, on sait que c'est fortement lié à la nature et à la terre.
- Donc, pas vraiment à l'air, en conclut Marlène.
Julie lui envoya un regard noir avant de plonger la main dans l'aquarium pour récupérer son bâton, créant la panique parmi les poissons.
- Je te remercie de m'encourager, dit Julie.
Marlène haussa les épaules et Julie, qui faisait mine de bouder, finit par la rejoindre.
- C'est pour ça que tout le monde surveille Jacob ? Pour tenter de voir quel genre d'expérience il fait, comprit Marlène et Julie hocha la tête.
- Seulement, il est très discret. Personne n'a rien vu. On pense qu'il bluffe. Tu vois, Koumada…
Koumada était une jeune fille togolaise très belle qui attirait l'œil de tous les garçons. Elle les repoussait sans cesse et les garçons la disaient froide et hautaine. Marlène, qui lui parlait souvent, savait que c'était simplement une façon de les éloigner car mignonne comme elle l'était, elle les aurait tout le temps eu sur le dos si elle ne les rejetait pas ainsi.
- Ces derniers temps, je l'ai beaucoup vue avec Jacob, continua Julie. Or, elle n'est pas là. Je pense que Jacob a fait croire qu'il avait trouvé pour qu'on s'intéresse à lui pendant que Koumada teste la théorie. Malin hein !
- Et où est Koumada ? demanda Marlène à voix basse.
- Je n'en sais rien, répondit Julie alors qu'Amanda s'approchait pour participer à leur conversation secrète. J'ai essayé de la suivre mais elle m'a échappé. Elle peut être n'importe où !
Marlène réfléchit. Comment pouvait-on trouver quelqu'un ? Cette école était immense et le bâton pouvait avoir trop d'effets pour limiter les lieux possibles. Soudain, Marlène eut l'illumination.
- Je sais ! dit-elle à voix haute avant de se remettre à chuchoter. Le premier jour de mon arrivée, tu m'as trouvée grâce au guide. On a qu'à l'utiliser !
- Non, Marlène, répondit Julie, c'est plus compliqué que ça. Le guide est protégé. On ne peut pas s'en servir pour trouver une camarade sans raison. Regarde.
Julie sortit son guide, l'activa en transférant sa magie dedans puis annonça :
- Je veux savoir où est Koumada.
Nom de famille requis, s'écrivit sur le papier.
- C'est quoi son nom de famille ? demanda Julie.
- Je ne savais pas qu'il y avait plusieurs Koumada à l'école, souffla Amanda.
- MNada, non ? Un truc du genre, proposa Marlène.
- Koumada MNada, répéta Julie, mais le guide répondit :
Personne inconnue.
- Zut, elle ne s'appelle pas comme ça. Où peut-on trouver la liste des élèves ? lança Julie.
Marlène sortit son propre guide, l'activa aisément – l’activation d’objets magiques ne lui posait plus le moindre problème - puis annonça fièrement :
- Je voudrais voir la liste des élèves de l'école.
La page se couvrit de noms et une flèche en bas permettait, si on la touchait, de descendre pour qu'une nouvelle page se forme.
- Je voudrais voir les listes des élèves de l'école dont le prénom est Koumada, précisa Marlène.
- Il y en a cinq, dit Julie en regardant les noms. Il faudrait avoir leur âge pour savoir laquelle est celle que nous cherchons car je sais que Koumada a quinze ans.
- Je voudrais les dates de naissance de ces élèves, demanda Marlène.
L'information demandée s'ajouta et seuls trois élèves eurent l'âge requis.
- Koumada NSola, c'est ça ! dit Marlène en reconnaissant l'un des trois noms. Je n'étais pas loin !
- Oui, tu as raison, MNada et NSola, ça se ressemble vachement, s'amusa Amanda.
Marlène lui lança un regard noir auquel Amanda répondit par un grand sourire. Pendant que les deux jeunes femmes se toisaient, Julie demandait à son propre guide.
- Je veux savoir où se trouve Koumada NSola.
Information confidentielle.
- Ça veut dire quoi ? interrogea Marlène. Elle est un genre d'agent secret ?
Julie et Amanda ne purent s'empêcher de rire et entre deux hoquets, Julie parvint à dire :
- Mais non, Marlène, ça veut juste dire que Koumada n'est pas née de la dernière pluie. Elle sait qu'on peut la retrouver grâce au guide alors elle a pensé à demander au guide de ne pas dévoiler sa position. En fait, tu peux demander au guide de rendre confidentielle n'importe quelle information te concernant. Si tu ne veux pas qu'on sache ton âge, il te suffit de lui demander de ne pas le transmette.
Marlène hocha la tête. Il était logique que l'école permette aux élèves qui le souhaitent de cacher des informations les concernant.
- Bien évidemment, les professeurs et le directeur ont toujours accès à ces données, même si tu les rends confidentielles, précisa Julie.
Marlène n'en doutait pas. Toutefois, cela ne les aidait pas à trouver Koumada. Soumia, une des surveillantes, fit son apparition et annonça qu'il était l'heure d'aller se coucher et que tous les élèves étaient priés de rejoindre leur chambre.
- Soumia ! dit Marlène. Koumada n'est pas là et nous sommes inquiètes.
- Ah ? dit Soumia avant de sortir son propre guide et d'y demander la position de Koumada et d'annoncer : elle est dans sa chambre et vous devriez être dans la vôtre alors vite !
Les filles hochèrent la tête et montèrent, Amanda se rendant dans la chambre de Julie et Marlène.
- Tout ce temps, elle était simplement dans sa chambre, maugréa Marlène. On est trop bête ! C'est le premier endroit où nous aurions dû aller.
- Maintenant, c'est trop tard.
Les filles s'endormirent ce soir-là avec une désagréable sensation d'échec.