Chapitre 8 - L’ours mal léché

Par vefree
Notes de l’auteur : Bon, bah, j'ai mis un sacré paquet de temps à le finir, celui-là. Fiou ! Non qu'il m'ai donné de réelles difficultés d'écriture comme les deux derniers, mais parce que soudain, j'ai saturé. Plus rien ne venait. Miss Inspicaprice avait décidé de prendre des vacances sans me prévenir. Bon, bah... je me suis dit que c'était des choses qui arrivaient. Et puis, c'est revenu.
Et donc, le voilà.
Tout frais tout chaud sorti de bêta, les pérégrinations de Solenne vers... vers... bah vous verrez bien, hein !
Enjoy !
 

 

 

La croisière atlantique à bord du Syracuse se déroulait sous un soleil radieux. Seulement, Solenne n’en finissait pas de se confronter à l’irascibilité de Léo. L’ours gardait son poil hérissé. L’atelier cuisine s’était déroulé sous les regards agacés et désabusés du chef cuisinier qui rangeait Solenne au banc des ménagères folkloriques. Difficile dans ces conditions pour la jeune femme de faire passer son message. Ils se perturbaient l’un l’autre. La dégustation eut donc un petit goût amer, comme une discussion politique au cours d’un repas de famille. La séance s’était terminée lamentablement, comme un œuf sur le plat dont le jaune serait crevé. Goûteux mais bâclé. Léo s’était retiré avant la fin et Solenne avait dû rebondir comme elle l’avait pu pour expliquer à quel point le plaisir et les convictions d’un cuisinier, qui plus est, la maîtresse de maison, étaient prépondérants pour changer la face d’un repas. D’une certaine manière, l’ours grincheux lui avait rendu service. Les participants à l’atelier, sensibles tout de même à sa démonstration, eurent tôt fait de suppléer à la défection de Léo. Ils se sentirent investis du défi de réaliser une belle création culinaire à sa place. Cela ne les empêcha donc pas d’apprécier la dégustation. Solenne fut soulagée du résultat. Elle avait tout de même convaincu son auditoire. Les grands libraires participants avaient eu un échantillon des allégations de l’auteure. Un bon point pour elle.

Pourtant, il lui restait un poids sur le cœur, ce qui n’était franchement pas agréable. Léo était loin de lui être indifférent et son comportement la troublait plus qu’elle ne l’aurait voulu. Mais, gérer un trouble relationnel de cet ordre n’était pas son point fort. Elle lui laissa donc la liberté de la juger avec ses travers, qu’il se trompe ou non, plutôt que de confronter leurs égos dans une discussion qu’elle savait d’avance stérile en l’état actuel des choses.

Solenne passa donc le reste de l’après-midi à s’offrir un moment de sereine relaxation sur le pont supérieur de poupe, près du jacuzzi, en compagnie de sa famille. Enfin, sereine, était peut-être présomptueux, du moins allait-elle tenter de vider son esprit de ses sentiments troublés. Justine, Clovis et Mathis barbotaient dans le bain bouillonnant en se cherchant gentiment querelle. Ludovic, l’aîné, faisait le grand coquet en slip de bain, allongé sur un transat, déterminé à revenir en Bourgogne bronzé pour faire pâlir les filles. Diane, la mère, s’était étendue au soleil avec un roman sous les yeux, trop heureuse de n’avoir aucune préoccupation d’intendance. Tout à côté, Maxime bronzait debout en regardant l’horizon défiler, accoudé au bastingage. Le Syracuse naviguait, les moteurs en vitesse de croisière, permettant à ses occupants de profiter pleinement du confort de ses aménagements.

Monsieur Sabatini traitait quelques affaires financières avec ses invités, confortablement installés à la table extérieure sur le pont inférieur. Les tenues étaient plutôt décontractées, de sorte que ces studieuses vacances se déroulent dans la détente pour tous. L’équipage de service distribuait des rafraîchissements, circulant avec des plateaux le long des coursives et sur tous les niveaux. Le capitaine Villeneuve vint aussi s’assurer auprès de ses passagers que tout se déroulait pour le mieux. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, débonnaire sous sa casquette de marin, rompu à la rigueur protocolaire dans son costume blanc impeccable. Sa stature et son maintien inspiraient respect et confiance. Son sourire avenant le rendait sympathique et son teint bronzé racontait des années de service en haute mer. Il eut un mot charmant pour chacun et prit congé rapidement pour reprendre les commandes.

Solenne, allongée sur le ventre, sur un transat, songeait au nombre de blocages qui, depuis quelques temps, affectaient sa cuisine. Par exemple, cette effilochade de lapin qui avait failli se terminer en lamentable soupe aigrelette. Peu de jours après, c’était un pot-au-feu dans lequel elle avait oublié de mettre les pommes de terre. Elle avait aussi brisé une quantité de verres étonnamment importante, ainsi que le faitout en terre cuite de feue sa mère. Celui dont le gratin dauphinois était incomparable et qui avait terminé son service pitoyablement, en plusieurs morceaux sur le carrelage. Solenne s’en était terriblement voulu pendant plusieurs jours et se demandait pourquoi elle était devenue aussi maladroite et inconséquente. D’habitude, ses gestes étaient précis et justes. Elle ne sentait pas en elle de modification notable au point de remettre en doute ses compétences. Pourtant, quelque chose allait de travers depuis qu’elle s’était établie au château. Les mémoires de la vieille bâtisse étaient probablement à explorer plus avant… Le vieil Antoine lui avait bien dit que le château avait des tas de choses à lui raconter. Peut-être devrait-elle « lire » d’autres pierres, s’aventurer dans l’immatériel du lieu, retourner dans le passé… Encore. Solenne réprima un frisson. Cette perspective ne l’enchantait vraiment pas. Pourtant, elle ne voyait que cette solution pour éviter de lutter contre une malédiction. Quoi d’autre qu’une force étrangère aurait pu troubler ainsi ce qu’elle aimait le plus faire au monde ? Elle devait demander l’aide du vieil homme même si cela lui coûtait.

Une autre chose la préoccupait aussi. Comment dire à Léo ce qu’elle avait vu en lui ? Curieusement, elle appréciait cet homme bourru et irascible. Elle n’avait pas l’intention de lui faire plus de mal. Elle savait qu’une telle révélation était littéralement bouleversante et elle ne pouvait se permettre de lui assener la nouvelle tout à trac. Et, d’ailleurs, avait-elle le droit ou même le devoir d’en être la messagère ? Elle se faisait horreur de manquer ainsi de discernement et de courage. Pouvait-elle se permettre ? Et comment ? Pourquoi ? C’était une chose tellement intime… Mais, s’il ne voulait pas l’écouter ?… le message se perdrait dans les méandres de son mental pour y tisser une toile inextricable de souffrances inutiles. En voulant l’aider, elle ferait le contraire et elle s’en mordrait les doigts. Peut-être était-il plus sage de tout garder pour elle et de ne rien dire… à moins qu’il ne donne un signe… qu’il ne lui indique un chemin vers une nouvelle prise de conscience. Ce n’était pas demain la veille. Elle préféra, tous comptes faits, ne rien tenter du tout et oublier l’idée même de lui dire quoi que ce soit.

Le Syracuse filait bon train, cap au sud. Il devait terminer sa croisière dans le port de Saint-Raphaël en passant par Gibraltar. Mais peu importait leur destination, Solenne avait décidé de rester philosophe et de ne pas s’en faire. Elle voulait profiter de ces trois jours rares qui ne se représenteraient pas sitôt. Sur son transat en plein soleil, elle soupira en tentant d’effacer ses visions de Léo et essaya de se détendre.

Dans la soirée, le dîner fut servi alors que le yacht avait accosté dans un port du sud de l’Espagne. Ils étaient une grande tablée, installée sur le pont inférieur. Les tenues de soirée étaient de rigueur pour faire honneur au prestige du bâtiment et les sourires de bon aloi. Solenne se présenta la dernière, alors qu’on l’attendait pour servir l’entrée. Elle bredouilla une excuse inaudible et confuse pour son retard et s’assit à côté de son frère avec une raideur inaccoutumée.

-       Tout va bien, petite sœur ? demanda  Maxime à voix basse en se penchant vers elle.

-       Pas super, non, glissa Solenne entre ses dents. J’ai eu un mal fou à trouver une tenue pour ne pas avoir l’air ridicule.

-       Ah bon ? … pourquoi ça ? Ne me dis pas qu’il t’aurait fallu emporter toute ta garde-robe pour trouver de quoi t’habiller. Elle te va très bien, cette tenue… quoique… un peu couverte pour la chaleur qu’il fait, mais bon.

-       … d’soleil dans l’dos, susurra-t-elle sans bouger les lèvres.

-       Répète ? J’ai pas entendu.

-       Me suis cramé l’dos ! grinça-t-elle tout bas.

Maxime comprit enfin et sourit en coin.

-       J’ai pas réussi à remonter ma fermeture éclair à fond, ajouta-t-elle toujours tout bas en se penchant vers lui. Tu veux bien discrètement finir de la remonter, s’il-te plaît ?

Et elle insistait sur le « discrètement » tout en tentant d’afficher une mine sereine pendant que le personnel passait entre les convives pour servir l’entrée. Malheureusement, sa place d’invitée d’honneur avait le désavantage de bénéficier du premier service et Maxime n’eut pas le temps de procéder au remontage de la fermeture avant que le serveur ne s’approche. La robe de la jeune femme béait jusqu’au milieu du dos dont la peau affichait un rouge carmin particulièrement soutenu. Solenne avait de plus en plus de mal à dissimuler sa gêne pendant que son frère riait sous cape.

Les serveurs s’effacèrent enfin. L’entrée était une nage d’écrevisses armoricaine présentée en assiettes creuses à large bord. Maxime put glisser prestement son bras dans le dos de sa sœur et remonta la fermeture éclair. Le visage de la jeune femme se détendit et elle se saisit de sa cuillère à soupe.

-       Madame de Barjac, demanda un libraire maigrichon à lunettes en faisant mine de n’avoir rien vu alors que la tablée entamait le repas. Monsieur Sabatini m’a dit que votre château était restauré et que vous receviez des hôtes, désormais ?…

-       En effet, monsieur, répondit-elle en plongeant sa cuillère dans la nage. Maxime et moi avons ouvert notre château pour recevoir et c’est désormais un grand plaisir. Il reste pourtant quelques finitions mais rien qui soit gênant pour mon activité. Et puis, comme on dit, dans une grande maison il y a toujours à faire. Ce n’est jamais complètement terminé.

-       Nous avons encore pas mal de travail sur les extérieurs, renchérit Maxime. Le parc a besoin d’une bonne taille et de quelques plantations et nous n’avons pas encore garni l’orangerie non plus.

-       Nous pourrons alors vous rendre visite dès à présent, supposa l’homme sous ses lunettes rondes.

-       Ce sera un plaisir de vous recevoir, affirma la jeune femme sur un ton très commercial.

La conversation se poursuivit tranquillement au son des cuillères au fond des assiettes et les craquements des carapaces des écrevisses qu’on décortiquait. Solenne répondait aimablement aux convives sans pour autant se passionner pour les mondanités. Les échanges polis glissaient d’un sujet à l’autre, lisses, sans vraiment intéresser la jeune femme. Elle préférait fixer son attention sur l’entrée chaude, agréable et goûteuse, quoique peu adaptée à la saison. Elle ressentait à travers le plat toute la qualité des ingrédients et la maîtrise du savoir-faire, l’équilibre en sel et la qualité de la cuisson. Derrière la recette, il y avait une bonne équipe de cuisiniers. Indéniablement, le travail servait le prestige du navire. Elle essayait d’y trouver le reflet de Léo, l’homme et sa qualité.

Les discussions allaient bon train, sautant des anecdotiques voyages de monsieur Sabatini aux préoccupations de rentabilité d’une librairie en passant par les difficultés de tout un chacun en fin de mois, que ce soit ou non une réalité pour certains. Le plat principal fit son apparition après le ballet discret des serveurs qui retirèrent les assiettes vides de l’entrée. Présenté de manière travaillée, un filet mignon de veau dans sa croûte d’épices d’orient, accompagné d’un flan de ratatouille en médaillon et d’une purée de carottes au cumin présentée en quenelle fut déposé à l’assiette devant chaque convive. C’était appétissant. Le silence qui flotta un instant sur la tablée indiqua l’appréciation de chacun. Puis, les conversations et commentaires reprirent sur le même ton sans relief. Solenne, tout en mangeant, sentit l’ennui la gagner. Les saveurs sous son palais ne suffisaient pas à l’amuser. Elle voulait de l’ambiance. Elle héla un serveur blotti dans un recoin du pont :

-       Je voudrais voir le chef, s’il-vous plaît. Allez me le chercher, ordonna-t-elle sur un ton détaché.

Toute la tablée leva les yeux sur elle avec un air interrogatif. Trouvait-elle le repas indigne ? Y avait-il un cheveu dans son assiette ? Le serveur s’exécuta en silence et revint avec Léo peu pressé de subir les énièmes remarques capricieuses de la clientèle. Il s’inclina poliment en s’approchant de la tablée. Tous le regardaient ainsi que Solenne. Le visage du chef était fermé et il marmonna un « vous m’avez fait appeler ? » lourd d’irritation et de contrariété, peu disposé à entendre encore une fois les mêmes sempiternelles exigences. La jeune femme braquait sur lui ses prunelles brunes d’un air espiègle, en déglutissant une bouchée.

-       Monsieur Calavany, quand est-ce qu’est votre anniversaire ? demanda-t-elle d’une voix claire, couteau et fourchette relevés dans ses poings posés sur la table.

Le cuisinier la regarda de ses yeux assombris, interloqué.

-       Pardon ?

-       Oui, je vous demande quand est-ce qu’est votre anniversaire, réitéra Solenne. On a tous une date importante à fêter, non ? Quand êtes-vous né, Léo ?

-       Je ne comprends pas votre question, se défendit le cuisinier. Vous auriez un ennui avec votre plat, j’aurais compris ce que je faisais là, mais…

-       Ne vous braquez pas, monsieur Calavany, le rassura la jeune femme, je ne veux pas être indiscrète avec ma question. Elle n’est qu’un prétexte pour trouver quelque chose à fêter.

-       Et vous n’avez trouvé que moi pour vous servir de prétexte ? s’irrita-t-il.

Solenne le fixait avec un air espiègle qui masquait son regard scrutateur derrière ses paupières à demi fermées l’espace d’un instant. Á peine de quoi voir la silhouette aurique de Léo. Le peu qu’elle perçut dans ses couleurs lui faisait dire qu’il se défendait sombrement contre les incertitudes et la culpabilité.

-       Se mettre au service d’une clientèle ne doit pas enlever l’esprit de convivialité, lui fit remarquer la jeune femme.

Puis, elle s’adressa à tous d’une voix enjouée.

-       Allez, quel est le prochain anniversaire de cette tablée ? … le plus proche d’aujourd’hui.

-       Moi, c’est dans quinze jours, dit Clovis en fixant sa tante d’un regard juvénile, espérant une belle surprise.

-       Moi, c’était il y a une semaine, renchérit un des libraires.

-       Moi, c’est pas la peine, c’est en décembre, regretta Maxime.

-       Oui, mais toi, c’est ta fête, mon cher frère ! s’exclama Solenne en le pointant du doigt.

-       Ah oui, c’est la fête des pères, aujourd’hui ! se rappela soudain monsieur Sabatini.

-       Qui est papa, ici ? demanda Solenne. Monsieur Calavani ?

Léo l’écoutait le questionner, sidéré. Deux libraires revendiquèrent le statut de papa ainsi que Maxime, sous le regard fier de ses enfants.

-       Oui, j’en ai un, maugréa le chef cuisinier.

Il pointait dans le ton de sa voix une rancœur étrange qui troubla Solenne plus qu’elle ne l’aurait voulu. Ainsi, son divertissement espiègle pouvait très bien ne pas être apprécié. Mais, la pesanteur du repas n’était pas à son goût. Au diable les sensibilités intimes ! Il fallait dégeler les humeurs étriquées.

-       Monsieur Calavani, vous serez gentil d’apporter une bouteille de champagne, commanda Solenne avec un sourire désarmant. Nous allons célébrer la fête des pères.

-       Comme ça ? En plein milieu du repas ? questionna le cuisinier qui n’avait visiblement pas prévu que quelqu’un puisse avoir l’idée de bouleverser son service.

-       Y a-t-il un moment calculé pour faire une surprise ? lui retourna la jeune femme. Oui, nous allons fêter les papas, là, comme ça, tout de suite.

Sans autre mot, le chef cuisinier s’inclina légèrement en signe d’acceptation et fit demi-tour, direction la cambuse.

-       Et, je vous prie, Léo, de la partager avec nous, ajouta la jeune femme un ton plus haut pour couvrir la distance qu’il avait déjà parcourue. Apportez-vous donc un verre !

Incrédules, les enfants se désolèrent de ne pas avoir prévu de cadeau pour leur père. Maxime les rassura en leur disant qu’il ne voulait rien et qu’il était juste très heureux de les avoir tous les quatre auprès de lui.

Léo revint peu après, le visage fermé, avec un seau glacé, une bouteille dedans et une flûte. Il déposa le tout au bord de la table, près de Solenne et, toujours sans un mot, s’employa à ouvrir le champagne. D’un poing ferme, il retint le bouchon pour qu’il ne saute pas. Il dégagea doucement le goulot qui fit son « pchitt ! » si égayant. Immédiatement, il versa le liquide pétillant dans le verre de la jeune femme qui lui souriait. Chacun fut servi et l’on trinqua à la santé de tous les papas.

Rien n’était plus désagréable au cuisinier que de changer ses plans de service. Pourtant, il en avait vus, des repas se terminer de travers à cause de convives particulièrement originaux, pour ne pas dire déjantés, voire carrément outranciers et irrespectueux. Chaque fois, cela lui mettait le foie de travers et contrariait son besoin de perfection. Il avait horreur de se sentir ainsi fautif d’avoir manqué à sa qualité de maître au service des gens. Il avait beau en avoir subi des plutôt salées, il ne s’y faisait pas. Il trempa ses lèvres dans les bulles, mais son cœur lui disait que ce n’était pas là sa place. Il balbutia quelques mots d’excuse jetés à sa cliente et s’éclipsa sous ses yeux sans lui permettre de répliquer quoi que ce soit. Solenne le regarda partir en se demandant si elle n’avait pas encore mis les pieds dans le pot de miel tant l’ours semblait ne pas apprécier la diversion. Elle avait pourtant tenté quelques rondeurs pour l’apaiser, mais il restait fermé à toute parole aimable. On termina les verres et le service reprit, aussi rigoureux qu’auparavant. Léo ne réapparaîtrait pas du reste du repas.

À vingt-trois heures, les convives quittèrent la table après un dessert un peu lourd ; un Saint-Honoré. Maxime et Diane avaient choisi de faire une promenade digestive en amoureux, à terre, sur le port, laissant les enfants endormis dans leur cabine. Monsieur Sabatini, l’éditeur et trois des invités sortirent aussi prendre la température de la nuit espagnole. La jeune femme sentait le repas lui peser sur l’estomac. Elle préférait rester sur le navire, errer de coursive en coursive, tentant de digérer ce qu’elle n’était pas parvenue à réaliser pour faire glisser ce repas vers quelque chose de vraiment convivial. Comme elle aurait souhaité qu’il soit, en définitive. Morose, elle estimait qu’elle ne méritait pas un tel week-end. C’était trop d’honneur. Ou du moins, ce n’était pas à la mesure de ce qu’elle pouvait donner, ou aurait voulu donner. Elle se maudissait de manquer à ce point d’ingéniosité pour le divertissement. Célébrer la Fête des Pères… ridicule ! Rien de plus idiot et conventionnel, comme idée ! 

Les lumières du port se reflétaient sur la coque des yachts voisins, dessinaient des reflets multicolores sur les ondulations de l’eau entre les bateaux, illuminaient les pontons où de rares promeneurs animaient le paysage. Au loin, on entendait de bruyantes festivités, les boum-boum d’une boîte de nuit à ciel ouvert. L’Espagne vivait la nuit. Les animations endiablées battaient leur plein. D’une coursive à l’autre, Solenne avançait sans but, le nez en l’air, sautant d’une idée à l’autre, perdant petit à petit toute notion de réalité. L’air était doux, sa robe qui couvrait son coup de soleil était un peu trop chaude pour la soirée. Elle n’était pas bien dedans. Elle pourrait retourner à sa cabine pour se mettre à l’aise, trouver un peignoir de soie ou de satin pour faire plus doux au lieu de ce coton bien trop épais qui lui collait à la peau.

Elle se trouvait à la poupe du navire et emprunta la coursive bâbord pour rejoindre la proue et le pont supérieur en passant non loin des cabines de service. Cette portion de trajet n’était pas éclairée, mais elle avança sans peine, se fiant uniquement aux rais de lumière qui s’allongeaient sur le bois du pont, sortant des hublots jusqu’à se perdre dans le noir du port. Puis, à la croisée d’une porte grande ouverte donnant directement sur les cuisines, Solenne buta brusquement sur la haute stature d’un homme qui surgissait là sans prévenir. Brutalement ramenée à la réalité, elle se confondit en excuses avant même de reconnaître Léo qui posait un regard surpris sur elle. Étrangement, il ne fit rien pour montrer du dérangement ou de la mauvaise humeur. Au contraire, il resta silencieux. Il cherchait même à capter son regard avec ses yeux soudains devenus éperdus, verts, flamboyants comme devant un feu de cheminée. Sur le visage de Solenne, les contrastes forts entre ombres et lumières de la coursive dessinaient des contours connus, si bien connus au fond de lui-même qu’il se sentit littéralement fondre de chaleur à l’intérieur. Il ne voulait plus fuir. Elle n’osait plus bouger. Combien de temps restèrent-ils ainsi à plonger leurs regards l’un dans l’autre ? … quelques secondes ou une éternité… plus rien d’autre n’importait que la découverte sidérante dans leur regard d’un sentiment si familier, d’une réminiscence soudain ramenée à la vie. Il avait suffi d’un contact, et…

-       ‘tain, Manuel, non, pas ça ! … j’vais fumer ma clope… je reviens.

Luc, le boucher, venait de faire irruption avec son paquet de cigarettes et son briquet dans l’étroite coursive, là où se tenaient Solenne et Léo qui ne se quittaient plus des yeux.

-       Heu… pardon, chef, j’fais ma pause. Je peux passer ? s’aventura-t-il en rentrant la tête dans les épaules et en essayant de se glisser entre eux.

Le charme fut brisé. Léo attrapa son collègue par l’arrière du col et l’envoya se promener sans ménagement.

-       Va fumer plus loin, bougre d’âne ! Tu ne vois pas que tu déranges ?! lui envoya-t-il sans lâcher Solenne des yeux.

La jeune femme, confuse et troublée, murmura quelques mots d’excuse inaudibles et s’éloigna. Mais, Léo la rattrapa immédiatement par le bras.

-       Attendez !

Quelque chose avait changé. Le contact…

-       Attendez, je…

Il était soudain si présent que Solenne en avait le souffle coupé. Mais avec Luc tout près d’eux, le charme s’était évaporé. Une curiosité restait pourtant. Il l’entraîna silencieusement plus loin, jusqu’à l’avant de l’entrepont où s’étendait l’ère d’appareillage. Dès qu’ils furent de nouveau seuls, Léo plongea encore ses prunelles vert-noisettes dans celles de la jeune femme. Il n’avait pas lâché son bras, comme si le fait de le garder en main lui permettait de ne pas perdre le fil de ses pensées.

-       Pourquoi … ? … qu’est-ce qui se passe soudain pour que je trouve dans vos yeux un air de déjà vu ? demanda-t-il, plus inquiet de son propre étonnement que de la question elle-même.

-       Je n’en sais pas plus que vous, répondit Solenne, embarrassée.

Elle ne partait pas. Elle ne voulait pas partir. Lui non plus. Elle le voyait dans ses yeux. Quelque chose les retenait, comme une merveilleuse émotion déjà partagée. Ils ne se connaissaient pas et pourtant… Une attraction soudaine, venue d’un seul regard, un seul contact. Sous la main de Léo, le bras de Solenne tressaillait. Elle sentait sa paume plus brûlante que son coup de soleil dans le dos. Cette main, cette chaleur étaient indécentes. Elle s’éloigna. Léo retira sa main. L’un en face de l’autre, à peu de distance, sidérés par l’étrange intuition, le cœur battant, incapables d’aligner une phrase cohérente, ils restaient silencieux à se regarder bêtement, comme si un sortilège les avait envoûtés.

-       Je… je ne comprends pas, reprit soudain Solenne en essayant de garder un peu de distance.

-       Moi non plus, confia Léo. Je sais seulement que je vous connais… à travers des rêves, peut-être… Non, c’est idiot. Oubliez ce que je viens de dire.

-       Je crois qu’il vaut mieux arrêter là cette mascarade, se contint la jeune femme et battant des paupières, comme pour échapper à une mauvaise vision. Nous n’aurions pas dû nous croiser. Bonsoir, Léo.

Elle reprit la coursive aussi vite que ses jambes en coton le lui permettaient. Elle bouscula presque Luc qui fumait accoudé au bastingage et fila sans se retourner.

Léo resta bêtement là où elle l’avait planté, le regard perdu sur sa disparition, l’esprit encore confus d’une émotion mal contenue, le cœur battant la chamade. Que s’était-il passé ? Aucune idée. Il n’avait jamais ressenti cela de sa vie.

Dans sa cabine, Solenne tentait vainement de penser à autre chose. Elle se changea, alluma la télévision, se démaquilla, mais son cœur ne cessait de battre à tort et à travers. Les images sur l’écran n’étaient pour elle qu’une suite de couleurs et de formes. Zapette en main, elle enchaînait les émissions d’un pouce fébrile, comme un amateur de jeux vidéo acharné sur sa suite de scènes… C’était sans queue ni tête et elle ne s’arrêtait sur rien. Une image sous-marine, un fromage qu’on coupe, une figure tourmentée de soap-opera, un télé-achat, une course-poursuite en voiture, un débat politique, un défilé de mode, un type et sa mitrailleuse, un léopard dans un arbre… plus rien n’avait d’intérêt soudain. Et elle n’avait pas sommeil. Voilà qui n’était pas fait pour arranger son trouble. Fermer les yeux ? Sûrement pas ! Elle était sûre de retrouver immédiatement l’expression des yeux de Léo qui la regardait. Non. Impossible ! Elle ne pouvait pas imaginer qu’une telle chose puisse arriver.

« Je sais seulement que je vous connais »… Cette phrase qu’il lui avait dite lui revenait à l’esprit comme un écho, jusqu’à lui faire mal. Comment était-ce possible ?! Comment ?… Impossible d’oublier ça. Elle était sûre et certaine de ne jamais l’avoir croisé auparavant, ni même vu à la télévision, encore moins dans la rue. Et puis, comment pourrait-elle nier qu’au contact de son corps tout avait changé ? Pourquoi était-ce arrivé à cet instant, et pas la veille, quand on les avait présentés pour préparer l’atelier cuisine ? Et d’abord, qu’était-il arrivé ? Un choc émotionnel ? Oui. Et alors ? Qu’était-ce ? D’où cela venait-il ? Solenne manquait totalement à cet instant de discernement. Tout était embrouillé dans sa tête pleine d’émotions. Inavouables. Elle avait peur. Peur d’elle-même et de ce qui était en train de lui arriver. Son intuition lui disait que ce n’était pas anodin, qu’elle aurait beau essayer de mettre la tête dans le sable, chaque reprise de respiration lui rappellerait la révélation, même si les mots ne voulaient pas se former dans sa cervelle en vrac.

Les heures passèrent. Solenne avait laissé la télévision sur un documentaire animalier. Elle avait éteint tout autre lumière dans la cabine. Seuls les reflets de l’écran LCD illuminaient la pièce. Elle était allongée sur le lit, adossée sur plusieurs oreillers, le regard fixé sur les images qu’elle ne regardait même pas. Mais, cela lui faisait du bien. La sérénité et la beauté du reportage qui défilait commençaient à la calmer. Les inavouables sentiments qui venaient de faire surface faisaient inévitablement leur chemin vers son cœur. Vaincue par le sommeil, elle ne luttait plus. Sans la lutte, l’inavouable se muait en douce torpeur. Son être intérieur lui murmurait les plus belles paroles d’amour. Elle s’endormit.

Comme chaque matin, Léo mettait en route les cuisines, seul. La lumière de l’intense soleil de juin, déjà haut, entrait à flots par les hublots. Il alluma quelques feux du piano pour préparer le petit-déjeuner. Absent dans la routine des rituels matinaux, le chef-cuisinier effectuait les gestes sans conscience, décrochant des casseroles à mettre sur le feu, ouvrant des briques de lait et perdant son regard dans le liquide blanc, mettant en route la cafetière ainsi que la théière sans vérifier les niveaux d’eau, tranchant du pain en oubliant les corbeilles… Son équipier, Manuel, apparut le premier dans la cuisine et il surprit Léo qui trempait son doigt dans un pot de confiture et fermait les yeux en savourant la douceur de l’abricot sur son palais. C’était loin d’être dans les habitudes de son chef de plonger un doigt dans la nourriture. De surcroît, de s’en délecter comme un accro aux douceurs sucrées. Il était plutôt du genre salé, d’ordinaire, et préférait bien souvent une bonne tartine de pâté de porc à un caramel. Manuel s’étonna donc et le salua en plaisantant. D’abord penaud, Léo fut immédiatement sur la défensive et lui intima de s’occuper de ses fesses. Il abandonna le pot de confiture et s’éclipsa vers la cambuse, l’humeur taciturne.

Le navire venait de reprendre la mer. Les manœuvres de sortie du port avaient commencé à l’aube, alors que tous les invités dormaient et que l’équipage de service se mettait en branle. Cap sur Saint-Raphaël. Le petit-déjeuner serait servi à l’extérieur, à la table de poupe du pont inférieur. Tout était prêt pour le brunch. Dans le milieu de la matinée, le Syracuse fendait les eaux de la haute mer quand les premiers invités firent leur apparition à pas lents, encore ensommeillés.

Léo, lui, ne parvenait à rien. Il noyait son inefficacité dans une foule d’activités désordonnées qui ne lui ressemblaient pas. Pour éviter les questions ironiques de ses collègues, il préféra tout bonnement sortir sur le pont pour prendre l’air à l’abri des regards, un mug de café fumant à la main. Solenne et son visage aux yeux sombres ne cessaient de lui envahir l’esprit. Rien n’y faisait pour y échapper. Il avait dormi en pointillés, alternant les rêves les plus fous, d’ agaçantes virées aux toilettes et la contemplation du plafond gris de sa cabine mal éclairée. Quand il s’était débarbouillé devant son miroir après la stridente sonnerie du réveil, il s’était trouvé le visage chiffonné mais étrangement éclairé par une nouvelle étincelle dans son regard. Même la nuit tourmentée ne parvenait pas à effacer cette lueur nouvelle, qu’il considérait d’un œil torve dans son miroir. 

Jamais une femme ne lui avait fait cet effet-là. Même pas son ex. Enfin, la mère de son fils. Il avait depuis lors mis sous le boisseau toute idée sentimentale, estimant qu’il avait assez soupé des situations ridicules et du rôle de l’amoureux transi. Il préférait depuis les histoires sans lendemain dans lesquelles il n’y avait pas à poser sa brosse à dents quelque part ni à conserver la clé de l’appartement de la copine du moment. Ainsi, il trouvait très confortable de ne plus s’encombrer de romantisme, voire, même de sentiments d’attachement, encore moins d’envisager de l’amour. Cette chose humiliante dont les femmes se servent si bien pour vous embobiner… Et d’abord, de quoi était-il question avec Solenne ?… madame de Barjac… Pourquoi ses pensées avaient-elles dévié aussi facilement vers les souvenirs douloureux de son passé ? Une blessure non cicatrisée ? Un besoin inconscient de vrai ? Ou alors tout simplement l’appel de ses hormones ?… Peu importait. Ce qu’il avait vu dans les yeux de cette femme hier soir n’avait rien à voir avec tout ce qu’il avait vécu jusque-là. Ça, il en était certain. Mais, il n’avait aucune idée de ce que c’était. En fait, il n’avait pas envie de jouer aux devinettes avec lui-même. Aussi, il n’essaya même pas d’en savoir plus. Il termina son café d’une dernière grosse gorgée et se leva rapidement pour retourner à son poste de travail.

Ne pas le croiser. C’était tout ce qui comptait pour Solenne. Il ne restait qu’une journée, ça ne devrait pas être bien difficile de ne pas avoir à se retrouver en face de lui. D’abord, elle n’avait pas faim. Inutile de se déplacer pour le petit-déjeuner. Trop risqué. Prendre un bon bain et profiter du luxe de sa cabine. Voilà qui semblait être une bonne solution.  De plus, elle se détendrait un peu et effacerait l’effet de cette mauvaise et courte nuit. Au son de l’eau qui coulait dans la baignoire, elle se déshabilla devant le lavabo et mira son visage dans la glace.

-       Et comment peut-il me connaître avec la tronche que j’ai ? maugréa-t-elle intérieurement. Normalement, c’est moi, la médium, alors, hein ! Et là, je n’ai rien vu venir. C’est pas du jeu.

Elle se glissa dans l’eau chaude avec délectation.

Les yeux fermés, de l’eau jusqu’au menton, elle inspira et expira profondément. Evacuer les appréhensions, les peurs, les incertitudes…À chaque souffle, elles s’effaçaient. Solenne voulait absolument retrouver calme et sérénité dans son esprit. Ça marchait. Sa respiration longue et profonde l’emmenait loin au fond d’elle-même. Là où les tempêtes du mental n’avaient plus cours. Là où des chemins oubliés s’ouvrent à nouveau et révèlent leurs secrets au détour d’un voyage intérieur. Elle entrait dans son propre royaume. Pas celui des rêves, mais celui dont la clé n’est jamais la même à chaque pérégrination, celui dont les portes dérobées s’imposent étrangement et s’ouvrent sur des souvenirs insoupçonnés, tantôt merveilleux, tantôt effrayants. L’antre des multiples vies. Hors du temps et de l’espace, son univers de souvenirs vécus prenait soudain formes et visages sous ses paupières closes, hors de toutes frontières matérielles.

Quatre mains dans une pâte à pain, se caressant sensuellement… Un baiser sur les lèvres… Un baiser d’un amour infiniment sincère et tendre.

Le feu qui s’était allumé dans son ventre était si fort que, brusquement, le cœur de la jeune femme s’emballa. La réaction de son corps ramena brutalement sa conscience à l’ici et maintenant. Solenne sursauta dans son bain et se surprit à s’agiter violemment, manquant de peu boire la tasse, le souffle soudain court et saccadé, le cœur palpitant.

Que s’était-il passé ? Qu’étaient ces visions ? C’était difficile à accepter. Mais, elle venait de comprendre. Inavouable. C’était clair, désormais. Elle le savait. Au fond de son cœur et dans ses tripes, elle savait que c’était elle… et lui. Lui, c’était Léo. Il était connu, l’inconnu ! Son intime conviction le lui confirmait ; un amour perdu, tronqué, interrompu, non abouti, un amour naissant, fauché trop tôt… Mais, sa raison lui intimait la prudence et voulait même insinuer le doute. Cela pouvait-il être vrai ? Non, c’était confirmé ; elle était folle. Folle à lier d’imaginer que ses visions puissent être vraies. Folle de penser qu’un cuistot croisé au détour d’une coursive puisse être un être aimé dans une autre vie. Non ! C’était impossible.

Mais alors pourquoi son corps tout entier lui criait-il qu’il n’y avait pas plus vrai et qu’il fallait ABSOLUMENT le retrouver ?

On frappa à la porte de sa cabine. Elle reconnut la voix étouffée de Maxime à travers les épaisseurs de cloison.

-       Je prends un bain ! cria-t-elle pour se faire entendre. Ne m’attendez pas, je n’ai pas faim !!

Le bain s’était refroidi. Le temps avait passé sans qu’elle s’en rende compte. Elle sortit de l’eau et s’enveloppa dans un peignoir moelleux. Quoi qu’il arrive, elle devrait se confronter à Léo. Tant pis pour ses peurs. Tant pis pour sa timidité qui refaisait surface. Tant pis pour son orgueil. Elle savait que cette rencontre était inévitable… et surtout inévitablement LA rencontre de sa vie. Alors, autant ne pas trembler et faire face. Elle respira un grand coup pour se donner du courage.

L’équipage de service avait desservi le petit-déjeuner. Dans les cuisines, les conversations légères allaient bon train. On faisait remarquer qu’il y avait rarement eu de croisière aussi tranquille et d’aucun eussent apprécié un peu plus d’animation. L’on se chamaillait et se raillait entre collègues, l’ambiance était à la détente. Léo, lui, ne captait rien de ce qui se disait et tentait vainement de se concentrer sur le programme du menu de midi. Il savait qu’il avait un poulet à désosser, mais ses gestes ne rejoignaient pas ses pensées. Il était comme court-circuité par le choc de la veille au soir. Il dut faire un gros effort de concentration pour parvenir à travailler correctement. Mais, dans les conversations fusa le nom de madame de Barjac et il tendit l’oreille. On disait qu’elle n’était pas encore sortie de sa cabine et qu’on se demandait pourquoi. Il était onze heures du matin et la star du week-end filait un mauvais coton. Chacun y alla de sa plaisanterie plus ou moins grasse et les tripes de Léo se tortillèrent douloureusement.

L’humeur taciturne, le chef cuisinier distribua à chacun les tâches à effectuer pour l’élaboration du prochain repas. Le ton de sa voix ne souffrait aucune contestation, mais ils en avaient l’habitude. Tout le monde s’exécuta avec des « oui, chef ! » très militaires et les cancans cessèrent. Seuls les bruits de casseroles et de couverts se firent alors entendre. Léo put disparaître de la cuisine sans avoir à avertir personne.

Besoin de prendre l’air… besoin de ne pas rester en place… regarder l’horizon et ne penser à rien… surtout à rien… Dans sa blouse noire à col tricolore, Léo était tourmenté, déstabilisé. Il s’était posté à l’avant du navire sur l’ère d’appareillage. Il fixait la mer et les vagues qui défilaient. On devinait très loin les côtes françaises dans la brume de l’horizon.

-       Léo ?

La petite voix féminine intimidée qui avait prononcé son prénom le fit sursauter. Solenne se tenait non loin, entre deux tas de cordages. Ses longs cheveux roux flottant dans le vent, vêtue d’une robe vert amande au décolleté plongeant et ceinturée que le vent collait à ses jambes comme pour mieux les montrer, perchée sur des talons hauts, la jeune femme hésitait à s’approcher.

-       Est-ce que je peux vous parler ? demanda-t-elle.

Le cuisinier lui fit face, ce qu’elle prit pour une invitation. Elle se rapprocha en tentant de maintenir ses cheveux derrière une oreille.

-       Je… je voulais vous parler d’hier soir… poursuivit-elle sans trop savoir comment formuler ce qu’elle avait à dire.

-       C’était un moment d’égarement de ma part, madame, évinça Léo. Oubliez ce qui s’est passé. N’en parlons plus.

-       Appelez-moi Solenne, s’il-vous plaît, dit-elle.

Il acquiesça en silence d’une petite inclination de la tête, en la fixant droit dans les yeux.

-       J’ai bien peur que ce ne soit pas un moment d’égarement, justement, lui dit-elle sans vraiment oser le regarder.

-       Comment ça ? s’inquiéta-t-il.

-       Oui… ce que je veux dire, c’est que… je crois… enfin, j’ai ressenti quelque chose de très fort, hier soir, lorsque nous nous sommes bousculés.

-       Et ? fit-il avec une expression interrogative.

-       Eh bien… voilà, tenta-t-elle encore, le nez sur ses chaussures, puis sur l’horizon à son épaule gauche, je… je pense que nous nous connaissons déjà. Vraiment… Comme vous l’avez dit hier.

-       Non, arrêtez, nia Léo avec un rictus gêné. Ce que je disais était parfaitement insensé. Je n’étais pas dans mon état normal. Nous ne nous connaissons pas. Et d’ailleurs, d’où nous connaîtrions nous ?

-       Non, je suis certaine que vous aviez raison, au contraire, assura la jeune femme. Mais vous avez aussi raison maintenant ; c’est insensé. Pourtant, j’en suis sûre. J’ai très mal dormi cette nuit et je n’ai pas cessé d’y penser. Il m’est venu des visions…

-       Des visions ?

-       Oui, c’est… enfin… j’arrive à voir des choses, parfois, et là, je nous ai vus lorsque nous nous connaissions…

-       Et c’était quand, l’époque où nous nous connaissions ?

-       C’était… il y a très longtemps. C’est tout ce que je sais.

-       Très longtemps, comment ? Lorsque nous étions en couches-culottes, dans un bac à sable ? Nous avions la même nounou ? … Ah non, ne dites rien, nous avons fréquenté la même école ! On devait avoir six ou sept ans, n’est-ce pas ?

-       Non, fit-elle, littéralement figée sur place. Non, ce n’est pas du tout ça.

-       C’est quoi, alors ?

-       C’est…

Comment pouvait-elle dire cela à un parfait inconnu ? Ils s’étaient connus et aimés dans une vie antérieure. Il allait la prendre pour une douce-dingue. Non, elle ne pouvait pas.

-       Je suis désolée, mais c’est si difficile à dire… Vous n’allez pas me croire.

-       Allons bon. Et vous croyez que je crois quoi, là ? Si vous êtes venue me voir juste pour me dire que vous avez eu des visions de nous « avant », permettez moi, mais c’est un peu court !

-       Bon, eh bien, si vous voulez, tant pis, vous allez me prendre pour une dingue, mais… bon… je nous ai vus dans une vie d’avant celle-ci.

-       Une vie d’avant celle-ci !! ricana-t-il faussement incrédule. Voyez-vous ça !

Il avait beau la railler, au fond de lui il était déstabilisé.

-       Vous voyez, vous ne me croyez pas, fit Solenne, déçue. Je n’aurais pas dû vous le dire.

-       Ecoutez, je ne sais pas ce qui vous fait dire ça. Tout ce que je sais, moi, c’est qu’il s’est juste passé quelque chose entre nous et c’est tout. Je n’y vois rien d’autre qu’une attirance qui fait fausse route.

-       Fausse route ?

-       Oui, une simple fausse route, confirma Léo.

-       Ok, s’inclina-t-elle. Vous avez raison. Après tout, ce n’était rien. Nous n’avons rien éprouvé, il ne s’est rien passé. Nous savons tous les deux que c’est faux, mais faisons comme si c’était la réalité. On ne se connaît pas et nous ne nous sommes jamais connus. C’est bien plus simple, ainsi.

Elle se retourna et reprit le chemin inverse sans autre formalité.

-       Non, attendez, je n’ai pas dit ça ! s’exclama-t-il en la suivant.

-       Si, j’ai très bien compris.

-       Ce n’est pas comme ça que je l’entendais. Attendez, insista Léo en la retenant par le bras. Solenne…

Elle se retourna vers lui tout en lui laissant son bras. Elle dut lever la tête pour le regarder.

-       Inutile d’insister, je comprends très bien votre réticence, concéda-t-elle.

-       Ne le prenez pas mal, mais je suis un homme rationnel, dit-il avec un regard plein d’excuses. J’ai du mal avec les idées romantiques de ce genre, c’est tout.

-       Ce n’est pas une idée romantique, comme vous dites, rétorqua, Solenne. Les vies antérieures existent bel et bien. Vous, moi, avons une quantité incalculable de vies à notre actif. J’y crois, moi.

-       Si vous voulez. Mais moi, non.

-       Alors, c’est très bien, conclut-elle. Nous allons donc en rester là. Inutile que nous nous revoyons dans ce cas. Il ne s’est rien passé entre nous. Je vous souhaite une bonne continuation.

Elle s’écarta à regret sans le quitter des yeux. Il ne répliquait rien. Il continuait de la regarder, incapable de la retenir et ses prunelles vertes ne cessaient de lui dire sa curiosité envers elle.

-       Nous nous dirons adieu pour le débarquement, dit Solenne avec un vague salut de la main.

Elle s’en retourna. Il resta là, bêtement. Déçu. De dépit, il mit une main dans la poche de son pantalon et se tourna vers l’horizon, rejoignant le bastingage pour s’y appuyer.

Les yeux perdus dans le paysage, les pensées confuses, il finissait par se demander comment il avait pu en arriver là ?

Les manœuvres d’appontage du Syracuse dans le port de Saint-Raphaël eurent lieu sous les yeux des invités. Les bagages attendaient sagement près du portillon de poupe. Plusieurs hommes d’équipage étaient à l’œuvre pour l’arrimage. Sur le ponton, d’autres réceptionnaient les gros cordages pour les accrocher aux bites. La croisière était terminée. Le navire fut immobilisé et l’on coupa les moteurs. Un taxi van attendait ses passagers plus loin sur le quai.

Deux lignes d’hommes d’équipage s’étaient formées pour saluer le départ des invités. Le capitaine du Syracuse arriva de la cabine de pilotage en vissant sa casquette protocolaire sur sa tête. Avec un grand sourire de remerciement, il serra la main de tous en commençant par Solenne. Puis, ce fut le tour de tous les membres de l’équipage de passer près des invités et de faire de même. On ouvrit le portillon de débarquement et l’on commença par descendre les bagages. Les salutations terminées, tous les membres de l’équipage s’égaillèrent vers leurs tâches respectives. Solenne, son sac à main en bandoulière sur l’épaule, rejoignit le chef cuisinier qui s’éloignait la tête basse.

 

-       Léo ! appela-t-elle. Ne partez pas tout de suite. Je… je voulais vous saluer en particulier.

Elle s’approcha tout près et il pencha son regard vers le sien. Elle lui souriait. Un sourire sincère et lumineux qui le fit fondre de l’intérieur. Et, soudain, elle attrapa son visage à deux mains pour déposer rapidement un baiser sur ses lèvres.

-       Une chose est sûre, Léo, quoi que vous en pensiez, je ne vous oublierai pas, lui affirma-t-elle en s’éloignant sans lui donner la possibilité de répliquer.

Elle rejoignit rapidement le quai non sans lui avoir fait un signe de la main, une expression espiègle sur le visage. Elle était certaine qu’il ne l’oublierait pas non plus. Elle n’avait pas besoin qu’il le lui dise. C’était écrit sur son corps tout entier. Il resta planté là, comme si la foudre lui était tombée dessus.

 

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Mimi
Posté le 12/09/2013
Coucou Vefree !
J’ai vraiment aimé ce chapitre (mais il me semble que je commence tous mes commentaires par cette phrase xD tu vas finir par ne plus trouver ça très original… pourtant c’est vrai :) ), avec la relation de Solenne et Léo qui semble vouée à l’échec jusqu’à cette révélation… Ah, elle est drôlement sympa cette révélation, elle me dit très clairement que l’histoire est loin d’être terminée :D Je l’aime cette brave petite :’) Bref, pardon pour ce moment d’égarement…
Mon passage préféré dans ce chapitre, c’est au moment où tu alternes les points de vue, quand Léo et Solenne se posent toutes ces questions pour expliquer ce moment incroyable où ils restent scotchés l’un à l’autre. Je l’ai trouvé très bien rythmé et le balancement représentait bien le bazar de leurs pensées à ce moment-là, la surchauffe du cerveau qui essaye de trouver le chemin de la raison^^ Et puis, comme je te l’ai déjà dit, mon côté d’incurable romantique est très satisfait de sa lecture, lui aussi :D
J’aime toujours autant l’ambiance que tu installes dans tes scènes, ça sent la mer, les vacances, et toutes les bonnes odeurs qui s’échappent depuis la porte entrouverte de la cuisine :) J’imagine un éternel coucher de soleil sur une mer calme et quelques nuages, les descriptions donnent une image paisible et poétique qui fait que je me sens vraiment très bien, très détendue en compagnie de tes personnages !
Puisque tu me poses la question, j’ai en effet tenté quelques petits plats, et même si ça n’a rien de très élaboré (je deviens une experte de la ratatouille en purée, j’adore la faire mijoter très longtemps^^), c’est vrai que ça change tout, de prendre le temps de faire la cuisine, de sentir les odeurs qui naissent les unes après les autres et qui ouvrent l’appétit… Manipuler les ingrédients et les épices me plaît beaucoup aussi. Et une fois que je mange, j’ai le sentiment de me gâter moi-même, ça me met de très bonne humeur généralement (ce qui est plutôt rare^^). Je te remercie donc d’avoir contribué à ma motivation pour me mettre un peu plus sérieusement à la cuisine !
Je te remercie également pour ce chouette moment que je viens de passer à lire ce huitième chapitre… Je vais essayer de lire et commenter le suivant dans la foulée, mais ma connexion me joue des tours alors il est possible que je les sauvegarde à part et les poste un peu plus tard^^ Enfin, pour toi ça ne change rien, bien sûr xD
vefree
Posté le 12/09/2013
Ce sont de sympathiques compliments, Mimi et ça me fait très plaisir. Certes, c'est redondant, de mon côté aussi, mais quand c'est comme ça, je ne vais certainement pas bouder tes commentaires.
Je vois que ta fibre romantique a été très touchée par la sorte de coup de foudre entre Solenne et Léo. C'était un moment très subtil à écrire et je suis contente que tu y aies été sensible. C'est qu'ils sont difficiles à manipuler, ces deux loupiots, faut pas croire !
Toi aussi tu aimes bien mijoter plusieurs fois la ratatouille. Idem ! C'est comme ça qu'elle est meilleure. C'est vraiment super si tu apprécies de te remettre un peu aux fourneaux.
C'est moi qui te remercie pour tes commentaires. J'apprécie toujours d'avoir de la visite.
Bizous Vef' 
dominosama
Posté le 28/03/2013
« Pourtant, elle ne voyait que cette solution pour éviter de lutter contre une malédiction. »
 
Alors c’est ça ! Moi aussi je suis maudite en faite :p (pour comprendre faut lire mon journal d’une maladroite lol)
Bon ton héroïne et moi c’est quand même pas le même niveau quand elle arrivera au mien il faudra vraiment qu’elle s’inquiète :p
« Quatre mains dans une pâte à pain, se caressant sensuellement »--> seule a malaxer de la pâte à pain j’ai toujours trouvé ça hyper agréable, peut-être parce que c’est une pâte chaude.
 
« je voulais vous saluer en particulier. »--> hahaha J’adore Solen, au moins elle agit !
 
Bon ça ne laisse pas une grande place au suspense, on devine qui ils sont mais c’est voulu donc pas un problème, je devrai me préparer pour mon cours de piano mais je m’en vais lire la suite :p
vefree
Posté le 28/03/2013
Ah oui ? C'est intrigant, didon ! Maudite comme Solenne ? Toi aussi, tu as des entités qui te collent aux basques ?
Si c'est pire qu'elle, je m'inquiète vraiment, tu sais...
Tu sais, pétrir une pâte, en général, elle souvent bien tiède, voire chaude alors, oui, c'est super agréable. J'aime bien faire ça de temps en temps.
Solenne est une femme courageuse et quoi qu'il lui en coûte. Là, elle n'a pas vraiment à perdre, au contraire, à retourner voir Léo pour un gros smack bien mémorable. Héhé !
Non, certes, l'intérêt de réside pas dans un suspence insoutenable, mais dans la manière dont leur histoire va se dérouler. Bon, faudrait pas que tu en perdes tes devoirs IRL, quand même. Bon, je vais répondre à ton commentaire suivant. En tous cas, ça me fait très plaisir que tu soit accrochée comme ça.
aranck
Posté le 20/03/2013
Hello Vef'
 
Je ne décroche pas de ton histoire ! Encore un chapitre dense, dans lequel tu nous fais partager plein d'émotions et de rêves
(t'aurais pas un pt'it cuisinier du genre de Léo sous le coude ?)
C'est vrai que ça émoustille tout ça, et puis cette approche amoureuse, intense, presque hypnotique, qui se "déproche" ensuite parce qu'il faut rester raisonnable, pour se rapprocher à nouveau parce que c'est trop bon tout ça... On peut dire que tu sais ménager tes effets et mettre l'eau à la bouche du lecteur (moi en l'occurence).
Léo est profondément attirant, touchant sous son aspect nounours au coeur blessé, et Solène dont l'émoi et l'émotion sont tout aussi intenses et qui se jette à l'eau à la fin de peur de laisser échapper ce bonheur qui se trouve sous son nez est très juste dans ses façons de faire. (Et elle a raison !! Il faut saisir ce qui passe ! Moi quand je suis toute chambardée, je ne saisi rien du tout, je fais gaffe sur gaffe ; je bafouille, rentre dans les meubles, renverse mes tasses, une fois même, alors que devant moi se trouvait un homme particulièrement attirant, j'ai voulu faire celle qui n'en avait que faire, je me suis donc retournée pour m'éloigner en faisant l'indifférente et je me suis pris le mur qui se trouvait juste derrière moi de plein fouet ! Je te dis pas la tronche du type ! Ni la mienne !)
Bon revenons à nos moutons. Ton écriture est toujours aussi fluide, claire, colorée et chaleureuse.
Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde et te redis que je lis ton livre comme un livre, soit avec beaucoup de plaisir et dans l'attente d'aller encore plus loin et de savoir enfin ce qui va se passer entre ces deux là. J'espère que tu penses à l'édition... Parceque ce serait vachement bien que plein de gens le lisent.
A bientôt pour la suite. 
vefree
Posté le 20/03/2013
Aaaah, mon dieu, si j'avais un Léo ou un Guillaume sous le coude, crois moi que je saurais le chouchouter !!! Mais hélas... Va falloir qu'on se débrouille pour en trouver un du même accabis, ma chère Aranck.
Moi, j'aime bien quand ça émoustille, quand ça titille de l'émotion, surtout lors d'une première rencontre. Et si tu as ressenti la même chose, alors missa heureuse. Oui, j'imagine tout à fait la scène que tu me fais part. Ma pauvre ! Tu as dû te sentir un peu bête.
Bah, la question de l'édition, tu sais ce que c'est. Rien n'est simple dans ce domaine, alors, je tente sans trop savoir ce que ça va donner.
A bientôt, ma belle !
Biz Vef' 
Jamreo
Posté le 23/05/2012
Coucou Vef! Ca fait loooooooongtemps que je ne suis pas venue par ici ...
Eh bien donc, oui je suis vachement triste que Mathilde soit finalement morte. On le savait djà au début, qu'il y aurait un massacre dans le couvent, mais il n'empêche que c'est arrivé trop tôt! Je pensais qu'elle et Guillaume auraient un peu plus de temps. Bwarf. A l'époque de chez nous ça n'arrange rien de avoir que Léo est la réincarnation de Guillaume ( je ne le voyais pas venir, ça ... :P), parce que si j'ai bien compris il est condamné lui aussi?
y a deux passages que j'ai particulièrement aimés dans ce chapitre, le premier c'est le coup de la robe pas remontée dans le dos et du coup de soleil (xD) et le deuxième c'est le moment où Solenne prend son bain. Quand elle occulte toute agitation, et tout ... hmmm
Mais ... en fait malgré les touches d'humour elle est triste, tout de même, ton histoire :P
vefree
Posté le 23/05/2012
Tu as lu 7 et 8 à la suite, c'est ça ? Morte trop tôt, trop vite, oui. Mais il le fallait, car sinon, qu'auraient à vivre Solenne et Léo si tout avait été accompli du temps du couvent ? 
Bon, je sais, mon argument ne tient pas tout à fait, j'aurais pu broder et tout et tout. Mais c'était pas facile de trouver quoi dire sans étaler l'histoire vers des futilités. Enfin, je sais pas. ça me donne l'occasion en tous cas, de faire des scènes coupées pour les petits drabbles, des fois... hihi !
Je ne dirai rien de plus quant au lien qui uni Guillaume et Léo. Ah ouais, tu as aimé le coup de la robe et du coup de soleil ? Loool ! Et celle du bain aussi. Bah merci, j'apprécie que tu apprécies.
Tu sais, moi je pense toujours que pour apprécier les moments de bonheur, il faut aussi connaître le malheur. C'est ce qui arrive à mes héros des deux époques. Alors, oui, ça peut être triste... et un peu brodé d'humour pour faire bonne figure.
Merci, Jam', pour ton commentaire.
Biz Vef' 
Keina
Posté le 27/07/2010
Eh bien voilà, j'ai enfin fini ce chapitre après plusieurs interruptions indépendantes de ma volonté !
Que dire ? J'adore ton écriture. Elle est imagée, précise, sans lourdeur. Les personnages sont vivants, parfaitement bien maîtrisés. On ne peut qu'aimer Solenne et sa joie de vivre, et la façon dont elle arrive petit à petit à "dompter" Leo est exquise. Une belle histoire d'amour comme on en lit trop peu.
Pour faire une comparaison, j'ai lu dernièrement un livre du même style, "le Serment de Cassandra" de Céline Guillaume, qui raconte comment deux êtres séparés prématurément par la mort dans une vie antérieure finissent par se retrouver à notre époque. Eh bien, si l'écriture de l'auteur a tout autant de maîtrise et de poésie que la tienne, je trouve son histoire (qui a pourtant été choisie et publiée par une maison d'édition) est beaucoup moins profonde et nuancée que la tienne. Mais bon, si tu as l'occasion un jour de le lire, tu y trouveras peut-être une résonance avec ton récit...
Une dernière chose : le fait de parler de cuisine (un domaine que tu maîtrises) donne vraiment toute son cachet à ton texte, et les passages qui se déroulent à table ou en cuisine sont tout bonnement savoureux. 
Voilà, c'est dit ! :) 
vefree
Posté le 27/07/2010
Alors, je rentre de ces merveilleuses vacances à St-Malo et que vois-je en rentrant ? Plein de commentaires des plumes et pas des moindres !!
Keina, je suis extrêmement flatté de ce que tu me dis ! 
Je ne connais pas ce livre ni cette auteure, mais je suis curieuse de lire un sujet similaire déjà édité. Je vais tâcher de me le trouver, tiens ! ... je veux voir ce qu'elle a fait du sujet.
C'est vrai que ce sacré ours donne du fil à retordre à Solenne. Autant, j'ai eu du mal avec les scènes de repas, autant celle de leur rencontre a été un délice à écrire. Je suis vraiment contente que ça te plaise. Oui, la cuisine c'est mon domaine et on parle toujours mieux de ce qu'on connait, c'est vrai.
Merci, Keina. Je vais de ce pas répondre à tes autres commentaires.
Biz Vef' 
Cricri Administratrice
Posté le 02/03/2010
MOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOH *O*
Tu n'as pas idée de l'effet que ce chapitre m'a fait, vefree. Je suis toute chose, j'ai fondu de bout en bout !
J'ai ADORE ! C'était... superbe, émouvant, confondant de sincérité. Solenne et Léo sont tout simplement MAGIQUES. Je les adore, ils m'ont mis pleeeeein de papillons dans le ventre ! Ils sont si drôles, si touchants *o* Excuse-moi, mais je parle encore sous le coup de l'émotion.
Ben dis donc, ça te réussit quand madame l'Inspicatrice fait des siennes !!! ^^ Quel magnifique résultat !
Un immense merci vefree pour ce chapitre qui va me faire flotter sur un petit nuage toute la nuit. C'était troooooop beau *o*
*soupire d'aise*
vefree
Posté le 02/03/2010
Oooh, Cricri !!!! Que j'aime ta spontaneitéééééé !
Je suis sincèrement émue que Solenne et Léo te plaisent autant. 
C'est vrai qu'il m'a fallu du temps pour accoucher de ce chapitre. Mais, je suis heureuse des retours que j'en ai. C'est vraiment gratifiant pour moi, si tu savais. Je suis récompensée.
Je te souhaite alors une très bonne nuit, ma chère Cricri d'amour !
Biz Vef' 
Sati
Posté le 14/02/2010
OUAIIIIIIS !
Bon, ce chapitre m'a faite passer par toutes sortes d'émotions. Mais le dénouement est pas mal.
J'attend donc la suite pour voir.
 
Enjoy !
 
Spilou ^^
vefree
Posté le 14/02/2010
toutes sortes d'émotions... bah vi, quoi, un coup de foudre, ça vous met les émotions sans dessus dessous !
Non ? c'est pas ça ? ... 
Bon, ça y est, j'ai la pression pour la suite, c'est malin ... lol !
Biz, Vef' 
Seja Administratrice
Posté le 13/02/2010
*o*
*se lèche les babines*
C'est marrant, mais à chaque coup, je ressors de la lecture de cette fiction à l'état de fondant au chocolat. Tiens, d'ailleurs, ça m'a donné fichtrement envie d'en faire un, va savoir pourquoi.
Ton ours mal léché m'a fait forte impression dans ce chapitre, bien plus que dans celui où le découvre. Peut-être parce qu'on part plus dans son esprit, peut-être à cause de ce lien avec Solenne qui arrive si brusquement. Oui, brusquement, c'est le mot juste.
Même si je me doutais qu'il était la réincarnation de notre mousquetaire, je ne m'attendais pas à une révélation de la sorte pour tes deux persos. Mmm, ça a été délicieux à suivre. Par contre, un gros gros reproche... que Léo n'ait pas retenu Solenne à la fin... Méchante auteur... Très très méchante...
*se mouche*
Mais... bah, tu peux pas les laisser comme ça, pas vrai ? Hein qu'ils vont se recroiser et tomber dans les bras l'un de l'autre ?
*tente sa dernière tactique de persuasion sur Vef'*
Sinon, bah... ma cave à auteurs a de la place libre.
*rire diabolique*
Je sais que je me répète, mais c'est toujours un régal de te lire, Vefounette ! 
vefree
Posté le 13/02/2010
Niiiiiaaaaaaaaaaahahahahaah ! *rire diabolique*
Je fais ce que je veux avec eux, na ! Si tu savais comme ça bouillonne dans ma casserole à leur sujet ! Oui, je sais, tu me verrais bien dans ta cave en compagnie d'Hadana, la reine du sadisme. Pitié, non ! Promis, je serais moins méchante avec eux. Et puis quoi, faut savoir faire durer le plaisir, non ? Tu viens à peine de faire connaissance avec Léo, il ne va quand même pas sauter sur Solenne comme un affamé... huhu !
Bon, je ne promet pas que la suite sera aisée, hein... C'est un ours, tout de même, il faut s'en souvenir. Par contre, je te promet quelques délicieux morceaux fondants, parsemés de ... non, rien ...
Merci pour ta lecture, ta visite et ton enthousiasme, Sej. J'apprécie énormément.
Biz Vef' 
La Ptite Clo
Posté le 10/02/2010
Deux choses Vefree !
- Tu es sadique (J'ARRIVE PAS À CROIRE QUE TU N'AIS PAS ACTIONNE LES JAMBES DE LEO POUR RATTRAPER SOLENNE ET LUI FAIRE TOUT PLEIN DE CHOSES QUI NE SONT PAS DE L'ÂGE DE XAY !).
- Tu m'as donné envie de manger du pain perdu (va savoir le rapport XD).
En tout cas, ça m'a requinqué de te lire ! Je trouve vraiment Solenne et Léo mignons, c'est vraiment dommage qu'un cancer guette ce dernier... T_T
Et tu sais quoi ? J'ai lu un livre de Lévy, très récemment, qui traite aussi du "déjà-vu" (ça s'appelle "La Prochaine fois", si ça intéresse). Sur le coup, je n'ai pas fait le rapprochement, mais c'est vrai que vous avez des similitudes. Mais quand même je te le recommande, tu verras à quel point vous avez eu des idées troublantes, tous les deux.
Tout ça pour te dire que j'ai découvert ce genre de scénario très récemment, grâce à toi, et que j'y ai pris goût (parce que même si j'ai un regard assez dur sur l'écriture de Lévy (toutes ces descriptions inutiles...), j'ai quand même été aussi marquée par l'histoire, tout comme par la tienne).
Bref, j'attends la suite avec impatience, parce que je meurs d'envie de connaître la suite, et ce qu'il va se passer pour Léo et Solenne.
Bien des bisous !
vefree
Posté le 10/02/2010
Sadique, moi ?!!!! ... Allons, allons... je laisse volontiers ce trône-là à Hadana, la bien nommée. Lol !
Non, je sais très bien que c'est frustrant quand c'est un amour naissant laissé ainsi en suspend, mais je ne les imaginais pas encore se sauter dessus comme des affamés. C'est trop tôt. Non ? Tu ne crois pas ? Bon, mais si ça t'a donné envie de manger du pain perdu, c'est très bien, mais fais une chose pour moi ; utilise de la cassonnade pour caraméliser et quand c'est prêt, tu parsèmes tes pains perdu de pistaches concassées. Miam !
Marc Lévy ? ... oui, je crois que j'ai lu un de ses bouquins y'a longtemps, je ne sais plus le titre, et j'avais vu "PS, I love you" tiré d'un de ses bouquins. Mouiiii, ça pourrait ressembler à son genre. Mais, j'espère bien en tirer quelque chose de bien plus profond que lui. Je ne suis pas spécialement tendre avec cet écrivain non plus. Donc, on doit se comprend dans ce domaine, semble-t-il.
Je suis vraiment très heureuse et flattée que tu apprécies autant mon histoire. Missa toute chose, mainant !
La suite est en train de s'écrire. Oui oui. 
Bisous, bisous ! Vef' 
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