- Bonjour madame Delbran.
Oriana vit un homme s’asseoir en face d’elle à la terrasse où elle prenait un café et une viennoiserie tous les matins. Elle détestait ces mâles qui pensaient qu’une femme ne pouvait décemment rester seule à leur table et s’incrustaient systématiquement.
Celui-là proposait un corps bien fait, des vêtements bien coupés, une barbe propre, un sourire charmant, une coiffure poivre et sel arrangée, des yeux bruns avenants. Avec un physique comme celui-là, il ne devait pas avoir de difficulté à obtenir gain de cause. Quel besoin de s’imposer de cette façon ?
Qu’il connaisse son nom ne la surprit pas. Après tout, chaque matin, le serveur lançait un « Bonjour madame Delbran. Je vous sers quoi aujourd’hui ? » auquel elle répondait « chausson aux pommes », « croissant », « pain au chocolat » (on disait chocolatine dans le coin mais elle venait du nord) ou « pain aux raisins » selon son envie. L’inconnu avait pris la peine d’enregistrer son nom. Cela lui valait le droit à une minute d’attention.
- Je m’appelle Baptiste et je suis médecin, annonça-t-il.
« Tant mieux pour toi, mon gars », pensa Oriana qui vit dans cette introduction une manière de se vendre. « Je suis un intellectuel et j’ai de l’argent ». Au moins n’avait-il pas dit « chirurgien », auquel cas elle aurait carrément vomi. Elle garda le silence. Elle avait appris que le mépris était la meilleure des réponses. Le mec, lassé de ne recevoir aucun mot, finissait par partir de lui-même.
- Le 12 mai prochain, vous allez mourir, poursuivit le dénommé Baptiste.
Oriana le transperça des yeux. Quoi ? Que venait-il de dire ?
- D’un cancer au cerveau, type 4, très agressif.
- Je n’ai pas de cancer, répliqua Oriana qui ne put s’empêcher de répondre.
- Vous ne savez pas que vous en avez un mais le 12 mai, vous serez morte et aucune chimiothérapie, radiothérapie ou opération du cerveau ne vous sauvera.
Oriana sourit. Drague intéressante. Vu que t’es morte dans trois mois, profites-en, vis ta vie, allons baiser.
- Je possède une clinique un peu spéciale qui propose des méthodes innovantes. Vous êtes une patiente idéale, indiqua-t-il.
« Il possède une clinique », se répéta Oriana. Le gars n’avait peur de rien. Pas besoin de se vanter d’être chirurgien. Il avait monté l’astuce d’un cran. Il possédait sa propre clinique. C’est ça, bien sûr.
Il disait ça d’un ton tellement sérieux. Il avait dû répéter beaucoup pour en arriver à un tel résultat. Combien de femmes avaient succombé ? Oriana leva les yeux au ciel.
- Le fait est que nos pratiques sont totalement illégales, poursuivit-il. Inutile donc de présenter votre carte vitale. De plus, je suis extrêmement riche. Je ne veux donc pas d’argent.
Oriana garda le silence. Elle ne comprenait absolument pas ce qui était en train de se produire. Le gars se vantait d’être riche. C’était forcément pour la draguer, non ? Pourtant, rien dans son attitude n’indiquait la séduction. Il restait à une distance respectable et ne la déshabillait pas des yeux. Oriana prit peur. Le gars pensait-il vraiment ce qu’il disait ? Elle commença à entrevoir la possibilité qu’elle ait réellement un cancer au cerveau.
- Ce dont nous manquons cruellement actuellement, c’est de mère porteuse. Ça tombe bien. Vous allez parfaitement bien de ce côté-là. Voici donc ma proposition : un enfant – l’ovule vous sera implanté à la clinique – contre la guérison totale de votre cancer.
Oriana était muette de stupeur. Ce mec venait vraiment de lui proposer de porter un enfant pour lui comme ça, en pleine rue, à la terrasse d’un café, en l’échange de la guérison d’un cancer imaginaire ? Oriana connaissait les brouteurs d’Afrique qui tentaient de voler votre argent en échange de la libération d’un enfant imaginaire d’une prison inventée. Ça, c’était nouveau !
- Voici ma carte. Si vous acceptez, contactez le numéro présent dessus avant le 1 avril. Ce n’est pas moi que vous aurez en ligne mais un de mes collaborateurs. Il répondra à toutes vos questions et arrangera les détails. Nous ne nous reverrons que pour l’implantation. Si vous laissez passer cette date, le numéro deviendra invalide. Prenez le temps d’y réfléchir. Contactez tous les médecins du monde pour qu’ils corroborent ce que je viens de vous annoncer. À bientôt, je l’espère.
Il se leva et s’éloigna à pied, marchant tranquillement, jusqu’à disparaître dans la foule. Oriana secoua la tête. Quelle étrange rencontre ! Elle se saisit de la carte. Simple cartonnette blanche, elle indiquait « Baptiste » avec un numéro en dessous.
Baptiste, relut-elle. Pas docteur, pas directeur, ni président directeur général, juste Baptiste. Oriana plissa les paupières. Avait-elle vraiment cerné son interlocuteur ? Elle retourna plusieurs fois la carte dans sa main puis la reposa avant de croquer dans son croissant.
Elle termina son petit-déjeuner l’esprit léger puis rejoignit son travail à pied. Sur la table ronde trônait la carte qu’elle n’avait aucune intention d’emmener avec elle.
Sa matinée fut aussi intense que d’habitude si bien qu’elle ne vit pas le temps passer et n’eut aucunement l’occasion de revenir sur cet évènement.
Elle prit son déjeuner sur un banc dans un parc, simple salade composée agrémentée de poulet, de fromage et d’oignons. Un donut termina agréablement le repas, y apportant une note sucrée.
Avisant qu’il lui restait du temps, elle sortit son téléphone et rechercha sur Internet les symptômes d’un cancer au cerveau. Aucun ne correspondit à quoi que ce soit qu’elle ressentit. Par mesure de précaution, elle prit tout de même rendez-vous avec son médecin généraliste.
Elle obtint un rendez-vous trois jours après, temps qu’elle passa à relire les symptômes, sans s’en trouver aucun. Souvent, elle se moquait d’elle-même. Il suffisait qu’un inconnu dans la rue lui dise « Vous êtes malade » pour qu’elle le croit. Elle se moquait souvent des hypocondriaques, ces gens qui s’inventaient des maladies. Elle se portait bien.
En face de son médecin généraliste, elle se trouva un peu bête.
- Que vous arrive-t-il, madame Delbran ?
« Un homme m’a dit que j’ai un cancer alors je voudrais que vous me confirmiez que ce sont bien des pures conneries », pensa Oriana. Elle ne pouvait décemment pas dire ça.
- J’ai souvent des trous de mémoire, plus que d’habitude je veux dire, mentit Oriana. J’ai peur d’avoir un cancer au cerveau. Serait-il possible de réaliser un examen pour vérifier ?
Le médecin écarquilla les yeux puis il fronça les sourcils. Il tenta de convaincre Oriana que la fatigue était seule responsable. Oriana dut insister. En ronchonnant contre ces gens qui parcouraient un peu trop les forums médicaux sur Internet, il imprima une ordonnance pour une IRM.
- Par contre, il y a souvent plus de deux mois d’attente, précisa le médecin avant de la congédier.
Dans le couloir, Oriana grimaça. Deux mois de délai. On dépassait la date limite fixée par ce Baptiste. En croisant les doigts, elle appela le centre le plus proche de chez elle.
- Demain matin 10h ? proposa la standardiste.
- Demain matin ? s’exclama Oriana.
« Ce médecin est vraiment un abruti », pensa-t-elle.
- C’est parfait. Je vous remercie.
Oriana contacta son travail pour les prévenir de son rendez-vous médical du lendemain. Ce soir-là, elle prit une douche beaucoup plus longue que d’habitude, ce qui n’était guère son habitude. Elle était nerveuse. Elle avait beau se répéter que c’était ridicule, le doute subsistait.
Le manipulateur ne lui posa aucune question. L’ordonnance disait IRM du cerveau, il le faisait. La raison lui importait peu. Oriana attendit patiemment pendant tout l’examen puis dans la salle d’attente. Avait-elle peur ? Pas vraiment. Elle voulait faire disparaître ce doute débile que cet inconnu avait réussi à semer en elle. Était-elle si facilement influençable ? Oh et puis, merde ! Ça ne coûtait pas grand-chose de vérifier, de toute façon.
- Madame Delbran ? appela la standardiste.
Oriana se leva pour rejoindre la dame derrière son comptoir.
- Le médecin va vous recevoir. La dernière porte à droite au bout du couloir, précisa-t-elle en accompagnant son discours d’un geste de la main.
- Me recevoir ? répéta Oriana. Vous ne me donnez pas juste le compte-rendu tapé ?
La standardiste garda un sourire figé et son bras tendu dans la direction à prendre. Oriana fronça les sourcils en obtempérant. Elle marcha comme un automate. Si le médecin prenait la peine de lui parler, c’était que…
Un homme en blouse blanche lui proposa d’un geste de s’asseoir. En pleine force de l’âge, il semblait mûr et avoir de l’expérience. Ses lunettes rondes lui donnaient un air savant probablement très étudié.
- Madame Delbran, commença-t-il mais Oriana, toujours debout, le coupa.
- J’ai un cancer agressif de type 4 au cerveau, dit-elle. Je serai morte dans trois mois.
Le médecin fut décontenancé par la réponse.
- Prouvez-le moi ! Montrez-moi les images ! s’écria Oriana.
Le docteur obtempéra. Oriana put tout voir mais elle était incapable de comprendre ce qui défilait sous ses yeux.
- Ça pourrait tout aussi bien ne pas être mes clichés mais ceux de quelqu’un d’autre ! Ou bien il n’y a rien de particulier et vous me mentez ! Vous êtes peut-être de mèche avec lui !
- Avec qui ? demanda le médecin, abasourdi.
- Je veux un second avis ! hurla Oriana.
- Bien sûr. Je comprends, assura le docteur en essayant de calmer la situation.
Oriana sortit son téléphone, trouva un autre centre et composa rageusement le numéro sous le regard inquiet du docteur.
- Madame Delbran, calmez-vous, je vous en prie !
- Centre d’examen Goudrieux j’écoute, dit une voix féminine.
- J’aimerais prendre rendez-vous pour une IRM de la tête, annonça Oriana.
- Passez-la moi sinon, vous n’aurez pas votre rendez-vous avant le mois d’avril, voire de mai, dit le médecin.
- Cet après-midi à 15h vous conviendrait-il ? demanda la standardiste.
- Cet après-midi ? s’étrangla le docteur qui avait entendu la réponse sortie du haut-parleur.
Oriana recula son téléphone de son oreille. C’était inutile. Ce centre-là dirait la même chose. Il avait dit être riche. Il suivait ses appels et achetait ses interlocuteurs, les uns après les autres. Elle raccrocha au nez de la pauvre standardiste qui l’appelait, en vain.
Oriana sortit, l’esprit dévasté. Elle était en colère mais également apeurée. Avait-elle, oui ou non, un cancer au cerveau et comment s’en assurer ? Elle ne pouvait même appeler ce fameux Baptiste pour lui demander des comptes, n’ayant plus son numéro.
Avec un peu de chance, il serait toujours au café. Elle y retourna et observa la table où elle mangeait tous les jours. Personne ne s’y trouvait. En revanche, la carte brillait, bien en évidence au centre. Impossible. Elle petit-déjeunait là tous les matins depuis quatre jours. Le bout de carton ne s’y trouvait pas. Elle était suivie, observée, c’était certain.
Oriana ramassa le bout de carton et s’installa sur un banc non loin. Elle composa rageusement le numéro. Elle voulait qu’il s’explique, qu’il s’excuse de lui avoir menti, qu’il lui dise pourquoi il avait monté un tel numéro et ce qu’il lui voulait. Et surtout, surtout, qu’il la laisse tranquille !
Une seule sonnerie retentit.
- Bonjour madame Delbran, dit une voix masculine. Je suis Philippe, votre interlocuteur privilégié.
Baptiste l’avait prévenue qu’elle ne lui parlerait pas directement mais discuterait avec un collaborateur.
- Arrêtez de soudoyer les médecins pour qu’ils confirment votre mensonge ! gronda Oriana.
- Nous avons fait en sorte que vous ayez des rendez-vous rapides, nous ne nions pas. En revanche, il s’agit de notre seule et unique intrusion. Le médecin a-t-il confirmé la présence de votre cancer ?
- Vous le savez puisque vous lui avez demandé de le faire ! Je n’ai pas de cancer au cerveau !
- C’est sûrement pour ça que vous avez cherché le sucre dans le frigo ce matin, dit Philippe.
Oriana se figea, muette de stupéfaction. Elle avait… quoi ?
- Bien sûr, vous n’y avez pas prêté une attention particulière. Après tout, ça arrive, non ? La fatigue, le stress, vous vous dites juste que vous avez besoin de vacances. Ce n’est ni le stress, ni la fatigue et aucune vacance ne vous rendra ce que vous perdez à chaque minute qui passe.
Cela lui revenait maintenant. Oui, ce matin, elle avait voulu sucrer son café et l’avait cherché dans le frigo avant de finalement ouvrir le bon placard. Elle ne s’en était même pas rendue compte.
- Ou quand vous êtes allée chercher une serviette propre dans la salle de bain et qu’en chemin, vous avez oublié ce que vous étiez allé chercher, pour finalement revenir dans la cuisine et n’aller chercher cette fameuse serviette que deux heures plus tard.
- Comment pouvez-vous savoir cela ? lança Oriana, maintenant terrifiée de se savoir observée.
- Madame Delbran, vous avez un cancer au cerveau. Chaque jour, votre état va empirer. Bientôt, vous aurez perdu trop de facultés pour prendre une décision rationnelle.
- Le 1er avril, supposa Oriana.
- Au delà de cette date, nous ne pourrons plus nous assurer de votre consentement car votre état ne permettra plus de discuter avec vous. Or, nous avons beau travailler dans l’illégalité la plus totale, nous ne forçons personne.
Oriana sentit une larme couler sur sa joue. Elle raccrocha sans un mot supplémentaire. Elle n’y croyait pas. Elle voulait que ça soit faux. Elle retourna chez elle et se prépara une tisane pour se détendre. Elle ouvrit un tiroir pour s’y choisir un sachet pour tomber nez à nez avec les couverts. Où se trouvaient les tisanes ? Elle dut y réfléchir intensément pour se souvenir qu’elles étaient sur le meuble près de la fenêtre.
Elle tomba à genoux et sanglota. Cela, ils ne pouvaient pas l’inventer. Elle ne pouvait le nier. Elle perdait la boule. Elle pleura ainsi tout le reste de l’après-midi.
On sonna à la porte. Un livreur lui apporta un repas japonais : sushi, maki et soupe miso.
- Je n’ai rien commandé, répondit Oriana.
Pour toute réponse, le livreur lui tendit une petite carte blanche. « Le corps lutte mieux avec de l’énergie ». Le message n’était pas signé mais ce n’était pas nécessaire. Oriana prit le repas et le livreur partit sans demander de paiement. Oriana dégusta l’excellent menu et s’endormit harassée.
Le lendemain, elle se rendit au travail mais travailla peu. Elle était perdue dans ses pensées. À midi, elle sortit pour s’acheter un sandwich. À peine fut-elle sur le parvis qu’un homme s’avança vers elle. Européen, chauve, il portait des lunettes aux montures presque invisibles et des vêtements de hautes coutures.
- Bonjour, madame Delbran.
Elle reconnut la voix de son interlocuteur au téléphone.
- Un échange en face à face vous plairait-il ? Je vous invite à la brasserie en face.
Discuter dans un lieu bondé de gens, voilà qui la rassurait carrément. Elle hocha la tête. Philippe s’assit sans même passer par un serveur et nul ne lui fit de remarques et ce bien que l’endroit fut bondé.
- Deux plats du jour, indiqua-t-il au premier serveur qui passa sans demander son avis à Oriana qui ne lui en tint pas rigueur.
Après tout, elle se fichait complètement du contenu des assiettes. Elle n’était pas là pour manger.
- Désirez-vous un apéritif ? demanda le serveur.
- Non, juste deux plats du jour et une grande carafe d’eau.
- Bien, monsieur, répondit le serveur avant de s’éloigner.
- J’ai un cancer, murmura Oriana.
- Dans un stade avancé et métastasé. Vous pourriez vous faire opérer. Vous gagneriez… trois… peut-être quatre mois de vie, si le chirurgien est bon. Vous pourriez aussi rester sur la table.
- Et vous dites pouvoir me guérir ?
- Moi non. Baptiste, oui. Il est le meilleur médecin au monde. De toute façon, il est obligé de vous soigner.
- Pourquoi ? demanda Oriana, interloquée.
- Parce qu’une grossesse ne prend pas trois mois, répondit simplement Philippe.
- Vous pourriez tout aussi bien me mentir sur le temps qu’il me reste à vivre, répliqua Oriana.
- De la même manière que nous vous avons menti sur l’existence même du cancer, vous voulez dire ? ironisa-t-il.
Oriana se renfrogna. Elle n’avait aucun moyen de vérifier leurs dires. Le serveur apporta les plats et la carafe d’eau avant de disparaître.
- Mangez ! dit Philippe. Baptiste a horreur des patients qui ne prennent pas soin d’eux.
- Je ne suis pas sa patiente, grogna Oriana qui piqua tout de même un morceau de viande avant de le porter à sa bouche. Et donc, vous allez… Baptiste va permettre à mon cancer généralisé de se retrouver en rémission ?
- En rémission ? répéta Philippe interloqué. Non. Il n’y aura plus de cancer… du tout.
- C’est impossible, répliqua Oriana.
- Pour des médecins classiques, peut-être. Pas pour Baptiste.
- Si c’était possible, le monde entier… commença Oriana mais Philippe la coupa.
- Nos méthodes sont illégales, rappela-t-il. La communauté scientifique mondiale refusera d’entendre parler des résultats de Baptiste. Ils le jetteront en prison voir le condamneront à mort selon les pays et brûleront les résultats de ses recherches.
- À ce point-là ? s’exclama Oriana tout en avalant un haricot vert.
- Nous jouons avec le génome humain, indiqua Philippe. C’est vraiment très mal vu.
Oriana se figea un instant, toussa puis souffla :
- Le bébé que je vais porter aura vu son ADN modifié ?
- Exactement, confirma Philippe. Faire cela est totalement interdit.
- Et vous m’en parlez librement en plein milieu d’une brasserie pleine de monde !
- Personne n’écoute. Tout le monde s’en fout, répliqua Philippe. Savez-vous de quoi parlent les gens à la table à côté ?
Oriana tourna légèrement la tête pour découvrir le visage de clients pourtant à moins d’un mètre d’elle. Elle secoua la tête. Elle n’en avait de fait pas la moindre idée.
- Vous le savez depuis longtemps… que j’ai un cancer, comprit Oriana. Vous avez attendu que ma guérison soit nécessaire à Baptiste. Vous l’avez fait pour me rassurer, pour me donner l’assurance que je serai soignée.
Les lèvres de Philippe s’étirèrent. Il ne nia ni ne confirma.
- Votre cancer ne vous empêche nullement de porter la vie. Vous n’avez pas encore eu d’enfant, nous en sommes conscients. Baptiste est très méticuleux et a horreur qu’un grain de sable vienne troubler ses expériences. Le suivi psychologique sera important durant la grossesse et vous le poursuivrez après.
Oriana hocha la tête. Cela la rassura.
- L’enfant que je vais porter pour Baptiste…
Oriana n’osa terminer sa question. Elle avait peur d’avoir la réponse.
- Cet enfant que vous porterez appartiendra à Baptiste. Il sera ce qu’il veut et il en fera ce qu’il veut.
Oriana se mit à trembler. Ces gens n’hésitaient pas à se prendre pour Dieu au nom de la science. Voulait-elle vraiment participer à ça ? En même temps, l’autre choix était de mourir après avoir perdu la boule.
- Je vous souhaite une bonne journée, madame Delbran, annonça Philippe.
Elle le regarda se lever sans comprendre.
- C’est l’heure d’aller travailler. Demain, même lieu même heure ? proposa-t-il.
- Oui, s’il vous plaît, répondit Oriana, choquée que son temps de pause se termine déjà.
Elle rejoignit son bureau mais ses pensées se fixaient difficilement sur son écran. Sa nuit fut courte. Une migraine l’avait forcée à prendre un anti-douleur.