Une semaine plus tard, nous voici dans la préfecture de Wakayama au Sud de Tokyo, sur la plage de Shirahama d’après Léa. Je ne sais pas exactement où on est, j’ai dormis durant le trajet, mais on est en dehors de Tokyo. C’est bien la première fois que ça m’arrive. Je suis allongé sur ma serviette de plage, le soleil est chaud, c’est vrai qu’on est en été, j’avais presque oublié. Léa et Tania font du volley au bord de l’eau, on a prit un ballon dans un magasin bordant la plage. Il y a quelques zombies en maillot de bain ou non qui traînent sur le sable, ou sur la route derrière. En quelque sorte c’est animé, de mon point de vue oui, je préfère ça plutôt qu’une plage complètement vide je trouverai ça glauque. Après ma petite bronzette, je décide de rejoindre les filles. J’hésite à prendre pied dans la mer, je supporte mal le froid, alors c’est petit à petit que je m’enfonce jusqu’à mi-genou dans l’eau salée. On enchaîne les échanges de balle. Je percute à un moment Tania, nous faisant tomber tous les deux dans l’eau glaciale, je sors rapidement et vais me couvrir aussitôt de ma serviette, les genoux tremblants et les dents qui claquent. Les filles viennent vers moi, Tania secouant ses cheveux mouillées, elles se moquent de moi :
« -Haha, on m’avait pas dit que t’étais sensible à ce point ! S’esclaffe Tania.
-Ha~ toujours aussi frileux mon pauvre Jim. Pouffe Léa.
-Arrêtez de vous foutre de moi ! Cris-je.
-Dis-moi Jim~ Dis Léa d’une voix sensuelle. La serviette te suffit ?! »
Elle se penche légèrement en avant me donnant une vue plongeante sur sa poitrine. Je ne suis pas gêné par son comportement, quand elle est comme ça je peux difficilement l’arrêter. Néanmoins, Tania est présente, je tourne mon regard vers elle et le sien semble se détourner du spectacle que m’offre Léa vers son propre corps, elle boude et complexe. C’est à cet instant que je ressens une légère gêne, j’ai l’impression de mettre Tania à l’écart et je ne voudrais pas qu’elle se sente à part, juste parce que Léa et moi sommes ensemble. Du coin de l’œil j’aperçois un sourire malicieux se dessiner sur l’expression de Léa, elle enroule son bras autour la taille de Tania et me demande de son air malin :
« -Dis-moi Jim, dans nos maillots de bain, tu préfères qui ?
-Hé ? Hein ?!?!
-Je~ te~ dis~ tu préfères Tania… ou moi ?
-Eh, c’est sale ça, et puis tu sais très bien que je vais te choisir ?!
-Alors objectivement.
-Objectivem- euh… mais ça va pas la-
-Chut ! Me fait soudainement Léa revêtant une expression plus fermée et sérieuse. J’écoute. »
Qu’est-ce qu’elle écoute ? Ce que je vais dire ? Pas besoin d’en faire tout un plat, qu’est-ce qu’y a de si important là-dedans ? Et puis objectivement… elle est marrante elle. Son maillot de bain deux pièces striés en blanc et bleu clair, arrive à mettre en avant sa peau pâle, le blanc se confond presque avec sa peau tandis que le bleu la fait ressortir. J’aime les formes chez les femmes, et Léa en a de très belles. Pour Tania, je me sens mal de porter un jugement, en tant que petit ami… je reste un mec, et après tout qui n’a jamais maté ou fantasmé sur d’autres filles alors qu’il est en couple ?! Personne. Ok, c'est pas un argument valable... bon pour Tania, sa peau est un peu plus mâte que celle de Léa, et malgré sa petite poitrine, son maillot une pièce fait plus ressortir sa silhouette, ses hanches. Objectivement, elles ont des atouts que l’autre n’a pas, du coup…
« -Hum… c’est pas facile de juger. Dis-je dans ma barbe.
-Te fatigue pas Jim c’est pas toi que j’écoute. Me dis finalement Léa.
-Quoi ? Tu te fous de moi là !? Crie-je
-Chut je te dis. J’entends comme un son aigu.
-Un son aigu ?! J’entends rien moi. Tania ?
-Non plus.
-Jim… … regarde. »
Léa est estomaquée et pointe du doigt derrière moi, Tania la suit dans sa stupeur, et je ne tarde pas à les rejoindre quand je vois un regroupement en masse de zombies s’emmagasinant sur la route un peu avant la plage à quelque mètres de là, s’étalant sur cent mètres au moins, il n’y a que des morts-vivants, qu’est-ce qu’ils font ? Mieux je regarde et plus j’observe un détail qui m’interpelle. Leurs oreilles saignent, abondamment. Leur râles s’amplifient et le crie de Léa me fait sursauter, elle s’est agenouillée et se tient les oreilles. Si ce son est la cause de leur douleur, alors qu’elle en est la cau- … ma pensée s’arrête lorsque la tête de plusieurs zombies éclatent en même temps, d’autres les suivent dans leur déclin sans que je ne puisse rien faire. Comme si ce malheur qui écrase leur crâne, leurs tympans, les faits exploser. Faites que Léa… ne finisse pas comme ça. Je vais pour la regarder justement, mais un zombie parmi tant d’autre m’attire. Il n’a rien, il ne râle pas, ne se tord pas de douleur, ses oreilles sont en bonnes états. Je suis pris d’un frisson lorsqu’il disparaît au milieu de cette foule se baignant peu à peu dans son propre sang. Prit de cette sueur froide, mon corps bouge tout seul et suit ce zombie particulier. Tania me crie d’attendre, mais je n’arrive pas m’en empêcher… je dois voir ce zombie. Quelqu’un ici fait exploser la tête de mes enfants, et celui-ci sait sûrement quelque chose.
Sans être vraiment conscient de ma course effrénée, je suis mené à un bon kilomètre de mon point de départ, en haut d’une falaise se concluant en pointe. Le zombie que je suivais s’est arrêté au bord, il se tourne vers moi et ouvre la bouche :
« -Salut Père. »
Il peut parler. Je l’observe bien et son apparence, son accoutrement me font penser à quelque chose. Ses cheveux sont noirs et en batailles, je ne peux voir qu’un seul de ses yeux noirs, l’autre est couvert d’un cache-œil noir, tandis que l’autre est parcourue de deux cicatrices. Une vieille écharpe noire effiloché lui couvre le cou et le menton, suivit d’un manteau noir fermé seulement en haut sur un T-shirt rouge rentré dans un pantalon noir tenu par une ceinture or, le tout finissant par des baskets bleus et noirs. Je n’arrive pas à me souvenir qui il me rappelle.
« -Qui es-tu ? Demandé-je
-Chaque chose en son temps Père. J’aurais une question.
-Une question ?
-Qu’as-tu fait pendant deux ans ?
-J’ai vécu avec Léa, à Tokyo au Hankei, pourquoi ça ?
-Tu es sûr ? Vous avez toujours eu de la nourriture saine, de l’eau potable, de l’électricité… tu ne trouves pas ça étrange ?
-Pas vraiment, Léa allait dans les villes voisines pour faire le plein, et les installations n’ont pas trop été endommagées pour nous priver entièrement d’électricité.
-Pendant deux ans ?!
-Je pense… mais qui es-tu ?
-Père, sais-tu que l’année dernière tu as- »
Un bruit sourd parvient depuis l’autre côté de la falaise, et le bout sur lequel se trouve le zombie parlant, explose, le faisant tomber. En bas, la plage est parsemée de nombreux rochers, je regarde sa chute et remarque qu’il maîtrise parfaitement son corps, il s’appuie sur la paroi de la falaise pour se propulser plus loin et se rétablir lourdement sur la sable virevoltant à son arrivée. Il regarde à mon opposé me poussant à faire de même, on y voit Léa haletante.
« -Jim, n’écoute pas ce type !
-Mère, vous me décevez, après ce que j’ai fais pour vous. Lui répond le zombie.
-Dégage de là ! Tu n’as rien à faire dans notre vie !
-Je suis venue dire bonjour à ma famille… enfin au complet.
-Je n’avalerais plus tes conneries !
-Eh ! M’exclamé-je perdu dans ce dialogue. Léa, tu le connais ? Qui est-ce ?
-Père, je n’ai plus d’identité… mais si tu le souhaites, voici mon ancienne appellation : Jack.
-Jack…
-Mère, je ne voudrais pas me mêler de vos affaires qui me regardent tout de même, mais il y a un danger bien plus grand que moi dans cette ville actuellement. Vous le savez non ?!
-Je t’ai à l’œil Jack ! Je ne te laisserai plus faire ce que tu veux ! Je n’ai plus confiance en toi. Jim on y va, Tania nous attends. »
J’hésite, j’ai encore plein de questions à poser à Jack, ma surprise n’est pas énorme, je suis plus émerveillé, je tombe des nues et en même temps mes sueurs froides se transforme en une palpable curiosité, une envie irrépressible de savoir, de connaître une vérité qui me semble… oubliée. Jack me dit de suivre Léa et disparaît entre deux rochers plus loin. Je n’y peux rien, je suis perdu, autant retourner voir Léa. Quelque chose me dis que je ne vais pas tarder à revoir Jack.
Cinq minutes plus tard nous sommes de retour auprès de Tania. Nos affaires sont toujours là, les multiples cadavres de mes enfants à la tête explosé gisent sur la route plus loin, je détourne le regard, dégoûté de mon impuissance. Tania est agenouillée sur le sable, les mains sur le visage ses gémissements que j’entends en m’approchant ne laisse aucun doute sur son état, elle pleure. Une grosse caisse en bois se trouve à quelques pas derrière elle. Léa s’y dirige alors que j’essaie de comprendre ce qui ne va pas avec Tania. J’essaie d’avoir une réponse, mais elle ne me répond pas. Je ne vois pas son expression, mais il doit être figé dans une forme que je n’aimerais pas voir sur elle. Je lève la tête vers ma femme qui au même moment tape pied en criant à s’en arracher la voix :
« -Merde ! Tous plus pourris les uns que les autres ! Allez en Enfer ! Je vais vous vider de vos tripes ! »
Alors que je ne pensais pas la voir plus énervée que l’autre fois avec Cyril, elle s’est crispée dans une colère indescriptible. Son corps en tremble. Je commence à en avoir marre de ne rien savoir. Je me redresse et empresse mon pas vers le contenue de la caisse.
J’y crois pas… j’y crois pas. Je suis bouche-bée, mon cœur s’emballe, mes yeux s’ouvrent à leur grand maximum, un cri est sur le point de sortir alors que Tania hurle dans son désespoir :
« -C’est… c’est Maria ! »
C’est… c’était l’amie de Tania. Cette Maria. Je ne suis pas du genre à m’emporter facilement par mes émotions, mais cette fois-ci, la raison n’est plus nécessaire. Ma colère m’emporte et pousse mon corps à courir vers la ville aux petites maisons.
Je ne sais où je vais, ni où je suis. Je traverse les rues désorganisés, certains zombies grognent encore à cause d’un son apparemment mortel, la lumière du soleil disparaît à travers des nuages noirs, l’air se rafraîchit empoignant mon corps d’un frisson lançant chez moi un hurlement suivit de parole évidente, mais raison de ma rage :
« -Je ne laisserai plus personne se faire empaler de la sorte ! »
C’est ce qu’on avait trouvé dans la caisse. La tête de Maria empalé sur un pic d’acier.
J’arrive près d’un hôpital de deux étages. Je m’arrête devant l’épave d’une voiture et frappe du pied et des poings sur la ferraille rouillée. Je ne me calme pas. Puis une voix très grave m’est entendue :
« -Eh ! C’est toi le Roi non ?! »
Je me tourne vers le bâtiment des soins et vois quelqu’un sauter du toit, faisant voler en éclat le bitume à son atterrissage. Je lui fais face, me doutant de ce qui se dresse une fois de plus devant moi, et lui réponds dans ma colère :
« -C’est moi et alors ?!
-Je te cherchais ça tombe bien. Je suis ici pour te parler de Tania, pour la sauver.
-La sauver ?! Tu dérailles mon grand. »
Grand, c’est le mot. Cet homme à la peau foncé mesure au moins deux mètres, il est extrêmement musclé, à la fois grand et large. Sur son crâne rasé est posé un casque de musique blanc, il me regarde de ses petits yeux bleus et contracte ses muscles, torse nu le bas vêtu d’un short beige et de tong. D’ailleurs l’un de ses bras se trouve dans son dos, comme pour cacher quelque chose. Lentement, il le sort tenant par ses gros doigts quelqu’un par la tête et l’identité de cette personne me relance de plus belle dans mon précédent excès de rage.
« -Je suis Milt Zik, ma partenaire Maria Sool me rejoindra très bientôt. Tania est déjà à nous.
-Tu vas lâcher Tania immédiatement ! Hurlé-je de rage. »
''Un temps imperturbable est un temps heureux''