Chapitre 80 : Quelque chose à porter pour un cœur gelé

Par Kieren

« Vieux Gamin, pourquoi faites vous tout cela ? »

« Faire quoi Gamine ? »

« Pourquoi élever des moutons ? Vous ne les mangez même pas ! »

Nous étions tous les deux assis dans l'herbe à regarder le Gamin dessiner des fleurs sur le tableau noir de la porte d'entrée. Il y faisait des moutons dans le ciel et des nuages dans l'herbe, ou alors l'inverse, je ne suis pas un grand spécialiste en dessin.

« Pour récupérer leur laine et en faire des vêtements Gamine. »

« Les vêtements sont faits en laine ? » demanda t-elle interloquée.

« Pas tous. Ceux que tu portes en ce moment sont faits en coton, une plante qui fait pousser une petite boule de poil blanche sur sa tête. Ton pantalon est fait en coton, ton T-shirt est fait en coton. Mais en hiver, tu porteras un pull qui sera fait en laine, en laine de mes moutons. »

« Et pourquoi est ce que je n'ai pas de pull en ce moment ? Un pull en laine de vos moutons ? »

« Parce que nous sommes en été, tu aurais un peu chaud. »

« Bien sûr que j'aurais chaud ! Je ne veux pas le porter tout de suite, j'en ferai autre chose avant les grands froids. Mais en attendant, moi et mon frère, nous vivons chez vous, et nous n'avons même pas de vêtements faits en laine de vos moutons. »

« Tu y tiens tant que ça ? »

Elle ne dit rien pendant un moment, et puis elle détourna la tête et marmonna tout bas. «  C'est un peu vous cette laine, c'est un peu vous ces vêtements. Si on les porte c'est un peu comme si vous étiez avec nous. »


 

Mon cœur tressaillit l'espace d'un instant, et puis il se réchauffa doucement. La Gamine ne me regardait pas, alors elle ne vit pas la larme qui coulait le long de ma joue. Je voulus la serrer dans mes bras mais quelques chose me retenait.

Allez vieille bête ! Fais un sacré bon Dieu d'effort. Elle te montre son cœur là. Ne lui brise pas en jouant la carte de l'indifférence. Ça te fait plaisir ce qu'elle t'a dit. Montre lui. Montre lui que tu l'aimes, même si ce n'est pas ton enfant.

Je la pris dans mes bras, doucement, et comme elle se tendit, je lui dis tout doucement : « Merci de réchauffer ce vieux cœur grincheux Gamine. Il en avait bien besoin … de vous. »

Elle était toujours tétanisée, et puis elle se mit à trembler un peu. Elle ferma les yeux et me serra à son tour, maladroitement. Elle ne savait pas faire, elle ne savait pas si elle avait le droit de le faire. Mais elle avait envie de le faire.

Nous restâmes quelques instants sans rien dire, et puis je sentis quelqu'un d'autre rejoindre le câlin. C'était le Gamin, et il souriait, tout content. Alors nous le prîmes dans nos bras, moi et la Gamine.

Ce n'était pas mes enfants. De toutes façons je n'aurai jamais d'enfants. Mais mon cœur me disait le contraire. Malgré moi.

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