J'avais rêvé de feu cette nuit, et de tout ce que cela impliquait. Je me levai alors d'un air maussade pour préparer le petit déjeuner. Les enfants vinrent me rejoindre un peu plus tard et l'on mangea ensemble. Je les laissai débarrasser pendant que je partis à la rivière remplir les seaux d'eau, à mon retour la Gamine vint me voir.
« Billy est passé. Il vous passe le bonjour. »
« Gentil de sa part. Il n'est pas resté ? »
« Non, il devait livrer à d'autres personne. »
Intriguant. « Livrer ? »
« Oui... Il m'a dit que vous nous expliquerez. »
Nous entrâmes dans la cuisine et elle me montra ce que son ami nous avait apporté. Il s'agissait de trois coquelicots en fleur, chacun partait d'une coquille d'escargot remplie de terre. Le Gamin en faisait tourner un sur la table.
Ah... J'avais oublié que c'était aujourd'hui. « Sûrement que vous n'avez aucune idée de quoi il s'agit, n'est ce pas ? »
Les deux enfants secouèrent leur tête. « Baah... Ce sont des fleurs rouges dans des récipients trop petits pour elles. » ajouta la Gamine sans trop de conviction.
« Sachez, vous deux, que notre village a des fêtes propres à lui-même. Nous nous rappelons de certaines dates qui ont une valeur spécifique pour nous. Quoique je n'étais pas là quand c'est arrivé... »
La Gamine me coupa. « Qu'est ce que c'est : une fête ? ». Son frère hocha sa tête et me regarda avec avidité.
« … Ah !... Et bien, une fête c'est un jour où l'on célèbre quelque chose, où l'on se remémore un événement qui est important pour notre histoire. »
« Comme le jour où j'ai attrapé ma première grosse proie ? »
Le Gamin leva la main, excité, et se prit le ventre, douloureusement, et mangea une pêche qui se trouvait sur la table.
Sa sœur hocha la tête. « Ou le jour où nous avions failli mourir de faim ? »
… « Oui, chaque chose qui vous marque mérite que l'on s'en souvienne. Mais une fête, c'est pour quelque chose qui a marqué la communauté, tout un groupe d'hommes et de femmes qui vivent tous ensemble. »
« Quel intérêt ? »
« C'est à dire, Gamine ? »
« Pourquoi se souvenir de quelque chose qui ne nous touche pas directement, mais pour un groupe d'humains qui vivent à proximité. Si quelqu'un du village attrape une grosse proie ou manque de mourir de faim ce n'est pas notre problème, ni à moi ni à mon frère. »
« Sauf si c'est toi qui apporte le gibier et que tu le donnes à celui qui meurt de faim. »
« Mais c'est pas mon problème s'il meurt... Ah ! » Son frère lui avait attrapé la main et se pointait du doigt avec vigueur, puis moi.
« Oui ? » demandai-je avec une voix neutre.
« C'est ce que vous avez fait pour nous... » dit-elle, un peu honteuse.
« Exactement, c'est ça : vivre en communauté, c'est prendre soin les uns des autres. Et ce qui affecte une personne en affecte, du même coup, les autres. Bien sûr, tout ça c'est sur le papier. Théorique. En pratique, on ne le fait pas tout le temps. Et je n'ai pas besoin de vous le rappeler, vous en êtes le parfait exemple... Si tout c'était passé correctement, vous ne seriez pas ici. »
« Vous ne me le faites pas dire, Vieux Gamin » grinça la Gamine en regardant autre part. Son frère lui prit la main, et il la pointa vers les fleurs rouges. La Gamine dirigea son regard dessus. « Et alors, ces fleurs, elles représentent quoi pour vous, votre village et ces gens qui l'habitent ? Vous les mangez ? »
« Pas vraiment, non. Nous nous les offrons. »
« … Et après ? »
J'osais les épaule « C'est tout. »
« … C'est tout ? »
« C'est tout. »
« … Vous vous moquez de nous ! » Elle fixa les fleurs, puis les coquilles d'escargot. « Qui irait s'emmerder à planter une fleur dans un récipient aussi petit, juste pour l'offrir ? » Son frère paraissait indécis lui aussi.
En les fixant, l'ombre d'un sourire se dessina sur mon visage. « Vous voulez connaître la vérité ? »
Les deux enfants se regardèrent entre eux, puis ils hochèrent la tête, les yeux remplis d'attente.
« Tout travail mérite salaire, mais tout salaire mérite travail. Si vous voulez savoir toute l'histoire, il va falloir que vous participiez à cette fête. Bougez pas, je reviens. » Je sortis de la cuisine, et je revins quelques instants plus tard avec toute une caisse de coquelicot en-coquillés tels des escargots.
La fillette fronça les sourcils. « Mais ? D'où vous sortez ça Vieux Gamin ? »
« Tu ne t'es jamais demandé pourquoi le sommet de la cheminée était rouge ? Je les enlève pour l'hiver, mais en été, qui a besoin d'une cheminée ? »
« Et bien, voilà qui résout un mystère. Et on en fait quoi de tout ça ? »
« La même chose que fait Billy en ce moment : on les offre aux villageois. »
Les deux gosses devinrent blancs. Ils se regardèrent, remplis d'effroi. La plus grande se risqua la première. « Vous... Vous voulez dire que... »
« Absolument, oui. Aujourd'hui sera votre premier tour en ville. Et vous demanderez vous-même aux habitants d'où vient la tradition du jour des coquelicots. »