« Ça va les enfants ? »
« Allez mourir le Vieux. »
« Roooh Gamine... Pourquoi tirer la gueule ? C'est une belle journée pourtant. Et puis, regardez : il y a plein de nouvelles têtes, vous allez pourvoir vous faire des amis. Vous aimez ça vous, vous faire des amis. Non ? »
« Nos nouveaux amis nous dévisagent, je ne leur fais pas confiance. Ils ont le regard apeuré, ils ont quelque chose à se reprocher. Rapproche-toi mon frère, je te garde. »
« Ils ont le regard apeuré parce que le tien les intimide. On a l'impression que tu vas les attaquer s'ils s'approchent trop. »
« Mais c'est bien mon intention ! Personne ne s'approche de mon frère, personne ! »
« Qu'est ce que je t'ai dit par rapport à ça ? »
« Roooh ! Fermez-la le Vieux ! Je suis suffisamment laxiste aujourd'hui. J'ai déjà accepté que l'on vienne en ville de jour !... Qu'est ce qu'il y a toi ? Tu veux ma photo ?! »
« Tiens ! Je sais. Tu vas donner un coquelicot à ce pauvre Martin que tu viens d'agresser. Et tu vas t'excuser. »
« Mais il m'a lancé ce regard ! Il nous en veut ! »
« Pourquoi donc vous en voudrait-il ? »
« Je sais pas moi ! Pour les pièces dans la fontaine, pour avoir mangé et dormi sur vos terres, pour l'avoir regardé. Vous autres les humains, il vous en faut pas beaucoup pour avoir envie de nous chasser. »
« En attendant, ton frère est déjà entrain de parler avec Martin, tu devrais peut-être l'imiter. »
« Quoi !?! »
En effet le Gamin tendait un coquelicot de son panier au vieux pêcheur. Ce dernier, assez grand, avait de longs cheveux gris et une barbichette. Il se pencha très timidement et prit la fleur avec une grand délicatesse, puis il la mit dans une de ses très grandes poches, avec d'autres qu'il avait déjà reçues. Il commença à en sortir quelque chose, quand soudain, une Gamine sauvage apparue !
Elle s'interposa entre lui et son frère en prenant une position défensive. Elle tua Martin d'un seul regard. Ce dernier commença à bégayer : « Ah... Je... Je... Je suppose que vous voulez un bon... Un bonbon aussi... Ma... Mademoiselle... A... Attendez... Voilà... » Et il sortit de sa poche une boite en inox, il l'ouvrit et en sortit deux gélules blanches qu'il tendit aux enfants.
« Vous d'abord ! » cracha la Gamine, soupçonneuse, comme toujours.
« Ah... C'est... C'est... C'est à l'anis. »
« Je m'en fous. J'ai pas confiance en vous. Vous bouffez votre truc, et peut-être qu'on en prendra si vous en mourrez pas. »
« Ah... Ah ah... Ahahahah... Aaaah... Un vieil ami... Comme faisait un vieil ami... » sourit Martin avant de gober un de ses bonbons.
Comme il ne fut pas foudroyé sur place, la Gamine chipa ceux qui étaient restés dans sa main, les renifla, et en donna un à son frère. Puis ils les mangèrent.
« Cha... Cha... Charmants bambins... que vous avez là... Monsieur. » me dit Martin.
« Que voulez-vous, c'est dur l'élevage. Qu'est ce qu'on dit Gamine ? »
« Ça a un goût bizarre et c'est dégueulasse. » Je lui foutus un coup sur le haut du crâne.
« Ah... Je... je suis désolé... C'est à l'anis... J'aurais dû me douter que … ce n'est pas ce que les enfants préfèrent. »
Le Gamin claqua dans ses mains, leva un pouce en l'air et sourit comme un ange. Sa sœur croisa les bras et regarda ailleurs.
« Mon frère aime vos pilules à l'anis. Donnez-en d'autres. » Un deuxièmement coup fondit sur sa tête, plus fort que le premier. « … S'il vous plaît. »
« Oh oh... Qu'ils sont mignons. » Ah bon ? « Tenez Mademoiselle, en voici un autre... »
« Seulement un !?! » Un nouveau coup, celui-ci fit un écho, et la Gamine prit un peu plus de temps pour récupérer. « … Merci Anis-anis. Et le Vieux, si vous me touchez encore une fois ! » Clong ! « Mais sérieusement ! Arrêtez ! » hurla t-elle en se jetant sur moi. Je l'attrapai par le col et la suspendis entre Ciel et Terre, avec assez de distance pour éviter ses coups de pied et ses griffures.
« J'arrêterai lorsque tu cesseras d'être une chieuse. Allez, tu as encore quelque chose à dire à Martin. »
« Quoi ? Vous voulez que je m'excuse en plus ? J'ai rien fait de mal, je me suis même retenu de le foutre par terre, de prendre mon frère et de nous carapater d'ici ! »
« Vous... Vous n'aimez pas cette ville, Mademoiselle ? » s’enquit Martin.
« La ville je m'en moque, ce sont les humains qui me gênent ! »
« Qui vous gênent ou … ou qui vous font peur ? » La Gamine arrêta de gesticuler, et regarda le vieux pêcheur en silence. « On peut avoir peur des inconnus, c'est … c'est normal. On ne connaît pas leurs intentions. Mais si on commence à … à douter de tout le monde … à voir des brigands partout … plus personne n'aura envie d'être … généreux … ouvert … avec qui que ce soit … Et alors on ne vit plus que dans son cauchemar … Un endroit où il n'y a plus que des brigands, ou des égoïstes... Un sombre monde … Un sombre sombre monde... »
La Gamine regarda Martin, et après quelques instants elle lui tendit un de ses coquelicots. « Pardonnez-moi. Vous avez déjà vécu ça, Anis-anis ? »
« Dans... Dans le passé... » dit-il en prenant délicatement la fleur. « J'espère qu'il ne reviendra pas... me hanter... »
Le regard de la Gamine se perdit dans le sol. « … On ne peut pas fuir son passé, il reviendra toujours. »
« Ah... Alors... Alors tachons d'être prêt le moment venu. »