Durant les grandes vacances, Albane décida d’aller chez les grands-parents Donnelli avec son fils. Richy l’en avait suppliée de lui-même. Elle avait accepté à la condition qu’il accepte de s’inscrire à l’Université de Sciences. Richy avait fini par abandonner les négociations sur son orientation. Pour le moment, il préférait mettre des cartouches de son côté pour pouvoir passer toutes ses vacances en Italie : il avait le cœur et l’esprit à son amour pour Valentina.
C’était la dernière fois que Richy se rendaient chez ses deux grands-parents réunis. Le divorce allait être acté en septembre, d’un commun accord. Lorenzo repartirait dans son village natale, situé à 20 kilomètres de Trieste. Anna reviendrait en France, à Villeneuve-d’Ascq, d’où était originaire sa propre mère. Elle se rapprocherait ainsi d’Albane et de Richy. Malgré la tristesse qui planait sur sa famille, Richy n’avait qu’une hâte : retrouver son amoureuse. Durant les mois précédents leurs adieux, ils n’avaient cessé d’échanger. Valentina s’intéressait beaucoup aux autres. Elle lui posait beaucoup de questions. Sur son père, aussi. Elle savait le rassurer. La jeune fille passait en deuxième année d’études de journalisme, à la faculté de Trieste, la « Università degli studi di Trieste ». Elle était déjà en stage chez Mediaset, premier média digital du pays. Elle avait eu la place grâce à un oncle. Elle était parfois un peu inquisitrice, mais c’était souvent le défaut des gens de son futur métier. « Ses études et ses fréquentations la conforme », l’excusait Richy intérieurement. Il l’aimait inconditionnellement. Il n’avait jamais vu une fille aussi extraordinaire. Elle écrivait beaucoup, sur un petit carnet vert aux bordures dorées. Richy ne lisait toujours pas l’italien mais il l’admirait pour sa persévérance.
Albane, qui n’était toujours pas au courant des amours de son fils, découvrit sa véritable motivation une fois arrivée sur place. Le premier soir, alors qu'elle lisait dans l’ex-chambre de Riccardo, elle entendit le parquet craquer. Richy sortait en douce, elle en était persuadée. Curieuse, elle posa rapidement son livre sur sa table de chevet et le suivit dans l’escalier, non pas pour l’espionner, oh non ! Mais… s’il lui arrivait malheur dehors la nuit ? Elle s’en sentirait trop coupable. Elle restait à cinq mètres derrière lui. Il ouvrit la porte de la cuisine qui donnait sur la cour et sortit. Les grillons sifflaient à tue-tête. Elle le suivait pieds nus sur les pavés de la rue : elle n’avait pas eu le temps de préparer cette escapade. « Pourvu qu’il n’aille pas trop loin ». Elle était avide de savoir où il se rendait, jusqu’à ce qu’elle voie son fils rejoindre une fille aux longs cheveux devant le cirque romain. Albane savait que Richy ne lui pardonnerait jamais de s’interposer entre eux, pourtant c’est ce qu’elle fit. Elle sortit soudain de sa cachette, entre deux voitures garées, pour crier, à bout de souffle :
— Richy, ça ne va pas de sortir comme ça en pleine nuit ? Et s'il t'arrivait quelque chose ? Tu rentres, maintenant !
Elle l’avait interpellé comme un enfant de cinq ans. Valentina, subitement livide, fut la plus surprise par cette intervention. Richy lâcha seulement quelques jurons en entrainant sa petite-amie à travers les rues adjacentes. Albane les suivit dans un premier temps, mais courir sans chaussures était trop difficile. Aussi, elle abandonna bien vite son idée et rentra bredouille chez les Donnelli seniors.
Maintenant que sa mère savait, Richy ne prit plus la peine de lui cacher sa relation avec la petite italienne. Il ne lui reprocha même pas de l’avoir espionné, il était tellement habitué. Toutefois, il ne se gêna aucunement pour faire tout ce qu’il voulait, et se montrait naturellement insolent. Valentina venait donc souvent à la maison des Donnelli seniors et les deux tourtereaux disparaissaient dans la chambre d’ami en gloussant. À chaque message reçu sur son téléphone portable, Richy cessait d’écouter ce qu’on lui disait, même à table, et un sourire béat s’affichait sur son visage. Son visage qui était autrefois celui de Riccardo. C’était très douloureux. La femme sentait une jalousie noire envahir son cœur à chaque fois que Richy prononçait le prénom de sa douce. Même si elle n’avait pas d’arguments objectifs, la mère protectrice se méfiait de cette fille apparue dans la vie de Richy un peu trop rapidement à son goût. Elle faisait des cauchemars dans lesquels elle voyait Riccardo s’enfuir avec une jeune fille méditerranéenne. Lorsqu'il était adolescent, Riccardo aussi avait eu un amour de jeunesse en Italie, une certaine Camilla. Ce souvenir douloureux la hantait maintenant. Au-delà de ça, quelque chose clochait chez Valentina. Albane trouvait la petite semblait étrange, un peu trop fouineuse. Mais comment l’expliquer à Richy alors qu’il pensait qu’elle voulait à tout prix l’e, éloigner et ce, sans raison objective ? Un midi où les Donnelli l’avait conviée au repas, Albane retrouva Valentina dans l’ex chambre de son mari après qu’elle ait prétexté se rendre aux sanitaires. En voyant la mère de Richy, Valentina fui la pièce en s’excusant. Albane ne connaissait pas la raison de sa présence ici mais il ne faisait aucun doute qu’elle ne s’était pas trompé de pièce sans raison.
*
Lors de leur retour à Lille, Richy n’aida même pas à défaire les bagages. Il alla se coucher directement, en regrettant sa jolie petite-amie. Le jour qui suivait fut celui de sa rentrée à l’Université de sciences qui se trouvait à Villeneuve-d’Ascq. La braderie de Lille battait son plein et Richy y resta quelque temps après les cours. Pour une fois, sa mère ne le harcela pas de messages pour qu’il rentre tôt. Lorsqu’il fut enfin à l’appartement, Albane demanda à Richy de s’asseoir.
— J’ai bien réfléchi, Richy. Je pense que cet échec, dont Christophe nous rend responsables, ce n’est ni ta faute, ni la mienne.
Elle vint passer son bras au-dessus de ses épaules avant de poursuivre,
— L’abandon de Christophe n’est peut-être pas un mal, on va reprendre un nouveau départ, différent, avec Elizabeth Brown comme référente. Tu verras elle est très gentille. Et performante. On aura enfin les résultats dont tu es capable et on prouvera à Christophe que c'était lui le problème.
Richy n’osa pas demander s’il pourrait jouer au basket en compétition officielle, cette année. L’état fragile de sa mère lui faisait penser qu’il était encore trop tôt. Samedi après-midi, le garçon sortit quand même au parc Vauban boire des bières avec des copains du basket rencontrés au collège. Il ne pouvait rien promettre pour le moment, mais il espérait bien que cette femme qui reprenait son programme éducatif soit plus laxiste.
Quand il rejoignit sa mère, à l’heure du dîner, elle aussi avait déjà enchainée plusieurs bières, seule. Elle lui annonça, la bouche pâteuse :
— J’ai eu Elisabeth au téléphone, mon chéri, tu as un rendez-vous médical dans deux semaines. Elle préconise une intervention chirurgicale qui peut être fatigante. Je voudrais que tu te reposes d’ici là et que tu ne prennes pas d’engagement concernant le sport ou les sorties.
Richy ne savait pas si c’était l’odeur de la tarte au maroilles qui dorait au four, ou cette mauvaise nouvelle, mais il fut pris de nausées.
— On va lui montrer qu’on peut y arriver sans lui, même beaucoup mieux, répéta-t-elle.
— Je ne me sens pas très bien, mange sans moi
Sans attendre son reste, Richy sortit de l'appartement où l'atmosphère chaude et humide l’étouffait.
Il avait besoin de marcher, de ne plus penser. Il erra sans but.
Et nooon, pas la solution Brown, c'est une mauvaise idée ça, Albane, tu vas le regretter ! Et Valentina qui cherche à faire son papier haha