Chapitre 9

Par Ohana

La petite troupe pourfendait la nuit, aidée seulement de la lune ronde et claire au-dessus de leurs têtes. Ils avaient abandonné leur vitesse de croisière quelques instants plus tôt. Pourtant, la journée s’était passée sans incident, bien que tout le monde fût à cran, les sens en alerte.

  • Il n’est pas rare que des groupes indépendants, des bandits essentiellement, sillonnent les frontières pour essayer d’attraper quelques voyageurs imprudents, leur avait dit Gadriel.

Ils n’en avaient pas croisé, jusqu’à présent. Alors que la nuit tombait rapidement, Loric les avait avertis de la présence d’individus sur la route, après être parti en reconnaissance. Jugeant plus prudent de les contourner à toute vitesse et de profiter de l’obscurité, ils gardaient le rythme depuis tout ce temps.

À tout moment, ils s’attendaient à être découverts. Talia et Alaric tentaient de rester près de leurs guides, malgré la cadence imposée, peu expérimentés qu’ils étaient. Ils avaient l’impression que leurs montures allaient faire un faux pas et les envoyer dans le décor, ce qui ne les aidait pas à rester concentrés. Le faible éclairage semblait pourtant être suffisant pour les deux guerriers. Tout ce que les jeunes mages pouvaient faire, c’était s’accrocher désespérément comme ils le pouvaient.

Gadriel, en tête, finit par ralentir et le reste des montures adoptèrent instantanément le même pas. Loric fermait la marche, mais restait plusieurs mètres en arrière, pour s’assurer qu’un éclaireur n’était pas dans les parages.

  • Nous nous sommes assez éloignés, fit le guerrier à l’intention des deux Voyageurs. On va continuer encore une heure ou deux malgré l’obscurité, par sécurité, et on établira le camp. Pas de feu ce soir, malheureusement.

Il leur fit un clin d’œil taquin pour tenter de les rassurer, mais leurs visages restaient blêmes. Ils continuèrent donc leur route, comme l’avait planifié le guerrier, avant de mettre pied à terre pour établir leur campement.

  • On va tous faire des tours de garde, pour nous permettre de nous reposer un peu plus.

Les adolescents ne protestèrent pas. Ils devaient bien faire leur part et ils en avaient conscience. De toute manière, ils n’étaient pas certains de pouvoir dormir tranquillement toute la nuit, accablés par la peur et les cauchemars.

Après s’être restaurés avec des morceaux de viande séchés, ne pouvant allumer de feu pour manger quelque chose d’un peu plus chaud et appétissant, Gadriel demanda à Alaric de prendre le premier tour et d’ici deux heures, de réveiller Loric, qui allait en faire de même avec Talia, pour finalement prendre le dernier tour.

La nuit passa en un clin d’œil.

  • Réveille-toi, marmotte !

Alaric grogna avant d’ouvrir les yeux, pour voir le sourire malicieux de sa sœur, qui s’adaptait beaucoup mieux que lui au rythme différent des journées et des nuits. Il lui fit une grimace pour rigoler, puis s’étira. La douleur et les courbatures étaient en train de s’estomper. Mais ce n’était pas pour autant qu’il appréciait autant que sa sœur leurs petites balades effrénées à dos de ces gros bestiaux qui lui étaient totalement antipathiques.

Ils déjeunèrent sommairement. Talia allait demander à Gadriel quand est-ce qu’ils allaient partir, mais ce dernier ne semblait pas être pressé de défaire le camp.

  • On va rester un peu ici, fit le guerrier, tout sourire. Le groupe d’hier s’est dirigé plus au nord.
  • Pourquoi nous avoir réveillés, dans ce cas ? râla l’adolescent, qui aurait bien pris quelques heures de sommeil en plus.

Le sourire de Gadriel se fit encore plus grand et le jeune homme se crispa. L’homme avait eu le même quand il avait voulu lui montrer comment lancer sa monture au galop – et le plus jeune avait failli se retrouver au sol tête première.

  • J’ai cru comprendre que mon cher compagnon vous a fait un petit cadeau! Autant vous montrer comment vous en servir, non ?

Talia eut un sourire en coin et elle n’eut pas besoin d’attendre trop longtemps pour entendre le grognement irrité de son frère. Elle le connaissait par cœur.

  • Je vous laisse jouer, les garçons, fit-elle, pour taquiner encore plus Alaric, qui lui jeta un regard noir.

Elle comptait bien prendre ce temps pour elle pour aller se débarbouiller un peu. La crasse, ils en avaient l’habitude. Enfin, un peu. Ils étaient déjà tombés dans des familles douteuses qui ne subvenaient pas à leurs besoins élémentaires. Mais il fallait dire que ce voyage était d’un tout autre niveau.

Gadriel leur ayant dit qu’il y avait une rivière non loin de leur camp, l’adolescente s’y rendit avec son sac, profitant de la solitude pour laver un peu ses vêtements, enlever le plus de saleté possible de sa peau et soigner les contusions et courbatures plus récentes, grâce au produit de Rei, qu’elle gardait précieusement.

X

  • Bon allez, tu es prêt ? ricana Gadriel.

Il remarqua que le jeune homme face à lui semblait plutôt à l’aise avec l’arme tranchante entre ses mains. C’était un bon point de départ, il n’aurait pas voulu avoir à faire avec quelqu’un qui risquait de se couper à chaque mouvement. Du peu qu’il avait pu voir, sa sœur semblait être dans le même cas. Tant mieux.

  • Pourquoi j’ai l’impression que je vais finir avec de nouveaux bleus avant la fin de la journée ? râla Alaric.

Dans un ricanement, le guerrier passa à l’action. Le Voyageur ne le vit même pas venir que son poignard se retrouva au sol et une douleur au poignet se fit sentir.

  • Tu peux faire mieux que ça, j’espère ! le piqua Gadriel. Défends-toi comme si j’étais un vrai ennemi.

Le jeune homme le regarda d’un air dubitatif. Son adversaire n’était pas armé, et il voulait qu’il le frappe comme s’il cherchait à le tuer ? La scène de sa crise magique lui revint en mémoire et il dut serrer le poing sur le manche du couteau pour éviter que ses tremblements ne le fassent tomber.

Il prit une grande inspiration pour se calmer. Au moins, il ne ressentait plus les piques glacées. Il ne risquait pas d’avoir réellement la chance de tuer ses compagnons de voyage. Cette pensée le rassura un tout petit peu et ses tremblements cessèrent.

Se positionnant à nouveau, son regard ne quittait plus le guerrier, qui semblait satisfait. Cette fois, Alaric le vit approcher. Il recula d’un pas par réflexe, balayant devant lui pour le tenir à distance. Peine perdue. L’homme s’était à nouveau saisi de son poignet, le tordant à la limite du supportable pour le faire tomber. L’empoignant par le devant de ses vêtements, le guerrier le fit brutalement passer par-dessus son épaule et l’adolescent tomba au sol, sonné.

  • Tu es trop lent, fanfaronna Gadriel.

Alaric ne se démonta pas, sentant la chaleur de sa fierté piquée envahir ses joues et en profita pour donner un coup de pied sous le genou de l’homme, lui faisant momentanément perdre l’équilibre dans un jappement de douleur.

Le Voyageur se releva rapidement, saisissant son arme au passage et se remettant en garde. Son cœur battait la chamade. Il n’était pas sûr si c’était par excitation du combat ou par crainte. Peut-être un mélange des deux, ce qui le surprit. Il n’était pas d’un naturel combattif. Il avait toujours usé de violence qu’en dernier recours, quand la situation l’exigeait, ou lorsqu’il n’était plus maître de ses actes durant ses crises d’angoisse.

  • Bon, d’accord, pas mal, admit en grimaçant le guerrier.

Il allait cependant en falloir plus si jamais ils tombaient sur des brigands armés jusqu’aux dents. Pour l’instant, Gadriel ne pouvait que compter sur le fait que les adolescents fuiraient au moindre problème. C’était mieux pour eux de les laisser gérer. Mais il préférait qu’ils sachent un minimum se défendre.

Le guerrier entreprit donc de montrer au jeune homme quelques bottes secrètes, réfléchissant déjà à leur entraînement durant les prochains jours, du moins quand ils le pourraient. Ça les occuperait, pensait-il en premier lieu.

X

Talia, inconsciente du calvaire qui l’attendait en revenant, en profita pour souffler. Ayant étendu ses vêtements au soleil pour les faire sécher rapidement, restée en sous-vêtements, elle se frotta le visage. Un soupir de soulagement siffla d’entre ses lèvres lorsqu’elle appliqua la mixture sur un bleu particulièrement sensible.

Elle aurait aimé revoir Rei. Sa douceur lui manquait, même si elle ne l’avait côtoyée que durant deux jours. Elle était le premier visage sympathique qu’elle avait pu voir. Évidemment, Talia était reconnaissante envers Oza-Fynn, mais leur rencontre avait été plutôt tumultueuse. Rei lui avait permis de reprendre ses esprits.

Laissant l’huile agir, assise sur un rocher, elle entoura ses jambes de ses bras et posa son front contre ses genoux. Elle préférait être seule en ce moment, pour laisser libre court à ses émotions, ne voulant pas que son frère ou les autres la voient ainsi.

Jugeant qu’elle avait assez traîné, elle se rhabilla, comptant sur la chaleur ambiante et le soleil éclatant pour finir de sécher ses vêtements encore un peu humides et elle reprit la route du campement provisoire.

Un gloussement sortit de ses lèvres sans qu’elle ne puisse le retenir, voyant son frère en mauvaise posture. Sa tête valait tout l’or du monde. Elle réprima le commentaire moqueur, pour éviter qu’il ne boude trop longtemps.

  • Je prends la relève, fit-elle d’une voix forte pour attirer leur attention.

Le soupir de soulagement qu’émit son frère la fit éclater de rire mais l’air moqueur de Gadriel la fit aussitôt regretter. Il ne semblait pas être du genre à la ménager car elle était une femme. Elle préférait ça, d’ailleurs, mais ses courbatures actuelles étaient suffisantes pour la faire hésiter quelques secondes.

  • Va te laver, tu pues ! s’exclama-t-elle lorsque son frère passa à côté d’elle pour lui passer la main.

Celui-ci émit un bruit qui ressemblait à la fois à un grognement et un gémissement de douleur. Reportant son attention sur Gadriel, elle attrapa son élastique encore miraculeusement vivant pour ramener ses cheveux en queue de cheval, préférant ne pas être gênée par ses mèches rebelles, et attendit.

  • J’espère que tu te débrouilles mieux que ton frère ! la taquina le guerrier.

L’air concentré de la jeune femme lui fit comprendre qu’elle allait être plus coriace qu’Alaric. Et en effet, elle parvint à éviter sa première charge, jouant de vitesse plutôt que cherchant à l’atteindre.

Il lui épargna donc ses conseils sur le fait qu’elle devait effectivement plus parier sur sa réactivité plutôt que sur sa force, étant plus petite que son frère. Elle savait ce qu’elle faisait. Il eut une pensée sur le fait qu’elle avait déjà dû avoir à se défendre dans des situations où ses agresseurs étaient plus grands et forts qu’elle, ce qui lui pinça le cœur.

L’adolescente se retrouva néanmoins au sol quelques secondes plus tard, grimaçante. Elle comprenait l’air penaud d’Alaric qu’elle avait vu plus tôt. Elle se releva et se remit en position, cette fois sortant sa nouvelle arme, un air malicieux sur son visage. Gadriel réadapta aussitôt son style de combat, ravi d’avoir une élève combattive à ce point.

Il eut un peu plus de mal à la désarmer, mais elle finit par s’avouer vaincue, se frottant le poignet, une grimace sur le visage.

  • Tu te débrouilles mieux que ton frère, conclut-il.
  • Ça a toujours été le cas, répondit Alaric, qui avait profité de leur concentration pour les observer, après être revenu de la rivière.

Il arborait un petit air de fierté envers Talia, qu’il s’empressa de faire disparaître. Sa sœur avait toujours été très douée dans tout ce qu’elle entreprenait. Souvent, il essayait de prendre exemple sur elle, et son optimisme, et sa soif d’apprendre.

Gadriel profita de sa présence pour lui enseigner de loin quelques trucs supplémentaires, continuant à se concentrer sur Talia. Loric revint de sa ronde et d’un mouvement de tête, indiqua à son coéquipier qu’il était temps de partir. Les deux jeunes gens n’eurent pas besoin d’attendre une confirmation verbale pour se mettre à lever ce qui restait du camp, et ils se remirent en route.

Les jours suivant furent consacrés à leur entraînement, quand ils le pouvaient et que la voie était dégagée. Ils durent à plusieurs reprises contourner des camps de factions hostiles et barbares, mais ils ne furent pas embêtés. Les jumeaux finirent par se détendre un peu, l’esprit occupé à ce que leur enseignait Gadriel.

Mal leur en prit.

Ils étaient en train de discuter, côte à côte sur leurs montures, lorsqu’ils virent Gadriel, parti en reconnaissance, revenir en trombe.

  • Ils ont un mage guetteur, ils savent qu’on est là, il les a sentis ! fit-il en direction de Loric, qui changea aussitôt d’attitude.

Le grand guerrier ne prit pas la peine de leur expliquer un peu plus la situation.

  • Allez vers le sud puis bifurquez vers l’est deux heures avant la tombée de la nuit, vous tomberez sur un village abandonné. Attendez-nous là ! leur dit-il, un air sérieux et intransigeant sur le visage.
  • Mais … commença Talia.
  • Allez ! répliqua-t-il sèchement.

Ils ne se firent pas prier et tirèrent sur les rênes pour changer de direction, s’enfonçant entre les arbres, au trot, pour éviter de se faire désarçonner.

Quelques minutes plus tard, voyant Talia ralentir, Alaric en fit de même.

  • On doit continuer !
  • Mais on ne peut pas les laisser … renchérit-elle, hésitante.

Le jeune homme s’approcha d’elle.

  • On ne peut rien faire mise à part ce qu’il nous a dit et les attendre.

Son regard se fit insistant. Ils n’avaient aucune chance de s’en sortir s’ils se jetaient tête baissée vers le danger. Talia, réalisant l’impossibilité de ce qu’elle voulait, hocha la tête et ils repartirent de plus belle.

Ils ne s’arrêtèrent que lorsqu’ils aperçurent le village dont leur avait brièvement parlé le guerrier. La nuit était tombée depuis quelques instants.

  • Tu vois quelque chose ?

L’adolescent secoua la tête, cherchant à distinguer une quelconque présence. Essoufflés et une boule dans l’estomac, ils descendirent de leurs montures et firent le reste du chemin à pied, tirant celles-ci derrière eux.

  • Ils s’en sont sortis, c’est obligé, grommela Alaric, essayant d’empêcher sa voix de trembler sous le coup de l’adrénaline et de la peur.

Talia ne dit rien, son regard se portant constamment derrière eux, espérant vivement apercevoir les silhouettes familières de leurs guides. Entrant dans le village en ruines, ils s’installèrent dans ce qui semblait être une cour, entre deux maisons délabrées, pour se protéger du vent et des regards indiscrets. De l’herbe ayant poussé un peu partout, ils laissèrent leurs montures paitre et reprendre des forces.

Alaric se tenait debout, à moitié caché par la façade encore en place, lui permettant d’avoir une vue plutôt dégagée des lieux sans être vu. Talia prit place où elle put, pour délier la raideur dans ses jambes. Mais rien à faire, elle ne parvenait pas à calmer les battements de son cœur affolé.

La nuit s’étira et ils ne distinguèrent aucun mouvement. Commençant à fatiguer, Alaric finit par venir s’asseoir à côté de sa sœur. Ils auraient aimé faire un feu pour se réchauffer, mais ils craignaient d’attirer l’attention.

Ils bondirent sur leurs pieds en entendant des sabots sur le pavé inégal du village.

  • Ça doit être eux, attend je vais aller voir.

Talia hocha doucement la tête, se frottant les mains pour chasser l’engourdissement provoqué par la fraicheur des lieux. Prudemment, Alaric sortit de leur cachette, rasant les murs pour se diriger vers les bruits de pas. Mais lorsqu’il tourna au coin d’un des bâtiments en ruines, s’attendant à voir les silhouettes de Loric et Gadriel, il ne vit personne.

De plus en plus inquiet, le jeune homme décida de retourner sur ses pas. Ce qui l’attendait le fit se figer d’effroi. Un type immense tenait sa sœur par la gorge, son autre main contre sa bouche pour qu’elle ne fasse pas de bruit.

Il voulut se ruer vers le type pour tenter de la libérer, mais le contact d’une lame froide à travers ses vêtements, sur ses côtes, l’en dissuada.

  • Je vous ai enfin trouvés, lui susurra la voix à son oreille.

Immobile, les yeux écarquillés, il tourna légèrement la tête vers l’homme qui le menaçait. Son visage le terrifia et le révulsa. Sa peau, déchiquetée, était parsemée de tatouages et de morceaux de fer gravés de symboles étranges. Ses yeux injectés de sang ne le quittaient pas. L’aura magique infecte qui s’en dégageait le percuta et Alaric dut se faire violence pour ne pas vomir.

  • Vous sentez délicieusement bon … Des Voyageurs ! Ça faisait si longtemps … continua de s’extasier la créature qui n’avait plus rien d’un homme.

Il devait être ce mage guetteur. L’idée qu’un tel monstre puisse les pister grâce à leur magie l’horrifia encore plus. Sentant l’adolescent s’agiter, le mage augmenta la pression contre sa peau et Alaric sentit une vive douleur lorsque la lame transperça sa chair.

  • Je vais vous vider comme des porcs. Toute cette magie, à moi, rien qu’à moi …

Cette fois, le jeune homme ne réussit pas à rester de marbre. N’écoutant que son instinct, il donna un coup de coude à la créature. Cette dernière voulut le transpercer de sa lame mais l’adolescent la retourna contre elle d’un mouvement de poignet enseigné par Gadriel, l’enfonçant dans son ventre jusqu’à la garde.

Le hurlement qui se fit entendre manqua de leur perforer les tympans. Alaric sentit un amas de magie gonfler à proximité mais il ne put réagir à temps. La vague de pouvoir provenant de l’homme défiguré le percuta de plein fouet, l’envoyant à travers le mur de la maison délabrée juste derrière lui.

  • Alaric ! hurla Talia, qui avait réussi à dégager sa bouche de la grande main de l’homme qui la tenait.

Elle gigota mais il serra plus fortement sa gorge. Cherchant son air, elle tenta de défaire sa poigne en lui griffant les mains. Son regard fouillait les décombres, suppliant un dieu qui n’avait jamais cru en eux pour que son frère ne soit pas mort.

Le magicien sortit la lame de son corps et la laissa tomber en poussant un grognement mécontent. Son regard meurtrier farfouilla les décombres, où la silhouette immobile et désarticulée du garçon se trouvait, puis s’en détourna.

  • Je voulais les deux, mais un, c’est déjà bien, finit-il par dire.

Il s’approcha alors de Talia, la vrillant de ses yeux malfaisants, un grand sourire sur les lèvres. Il ne la quitta pas du regard, jusqu’à ce que, manquant d’air, elle sombre dans les ténèbres.

X

Un juron sortit de la bouche de Gadriel, lorsque l’odeur du sang atteignit ses narines. Sautant en bas de sa monture, il dégaina son épée, en même temps que Loric.

Les deux hommes étaient couverts de blessures, mais rien de grave. Ils avaient réussi à se débarrasser d’un petit groupe de brigands, avant de comprendre qu’il ne s’agissait pas de celui dont faisait partie le mage guetteur que le grand guerrier avait aperçu.

Restant à distance suffisante pour garder le contact, ils s’engouffrèrent dans le village abandonné. Ils arrivèrent rapidement à l’endroit où émanait l’odeur du sang. Gadriel détourna un moment le regard.

Dans un renfoncement entre deux habitations, les cadavres des deux montures de leurs protégés avaient commencé à pourrir au soleil. Elles avaient été égorgées.

  • Ils ne sont pas ici.

Il jeta un coup d’œil à Loric, qui s’approcha de lui. Une tache noire au sol attira leur attention et le guerrier normalement silencieux s’accroupit pour la toucher avec ses doigts.

  • Du sang infecté. Le mage que tu as vu.

Cette fois, ce fut une floppée de jurons qui sortit de la bouche de Gadriel. Leurs protégés avaient été enlevés par ces salopards. Ils avaient échoué dans leur mission.

  • Encore du sang, sain cette fois, plus frais.

Loric leva son regard vers le mur fracassé. La trace de sang partait de là. Son coéquipier poussa un soupir.

  • Un des deux a pu s’en sortir.

Mais dans quel état ? Gadriel le talonnait de près alors que le pisteur suivait les traces.

  • Elles s’arrêtent ici. Il y d’autres séries de traces de sabots. Un groupe différent.

Le grand guerrier se passa les mains dans sa tignasse, sujet à une nervosité qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps, pas depuis qu’il s’était assuré que sa famille était protégée. Leurs protégés étaient vivants, il se devait d’y croire. Mais l’un se trouvait entre les mains du guetteur, un mage à la magie maléfique, et l’autre, les dieux seuls savaient avec qui.

Ce voyage était devenu encore plus compliqué que prévu.

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