Chapitre 9

La Nouvelle Orléans. Edana avait toujours rêvé d'y aller mais elle n'aurait jamais imaginé qu'elle y voyagerait pour retrouver sa mère… 

- À votre avis, que doit-on faire ici ?

Le trio discutait, assis à une table de Café Beignets sur Decatur Street. Aucun signe d'Hestia ne leur était parvenu. 

- Combattre des monstres ?

Edana fit la grimace. 

- Je n'espère pas. 

Phileas redressa la tête de son assiette. 

- Manger tranquillement ces bons beignets à cette belle table ?

Chloé et Edana levèrent les yeux au ciel mais ne dirent rien. Quand Edana eut vidé son assiette, elle observa les gens autour d'elle. Aucun n'avait l'air suspect ou menaçant. Elle soupira en pianotant sur la table. 

- Pourquoi nous faire venir ici si c'est pour nous faire poireauter ?

Phileas chercha lui aussi quelque chose d'anormal. 

- Je ne sais pas. 

Ils sortirent dans la rue, le ventre plein mais la tête vide. Un silence pesait sur leurs épaules. Qu'allaient-ils faire ? Rentrer rejoindre tous les demi-dieux ? Ils marchaient en silence quand soudain une femme accourut dans leur direction en hurlant.

- Au secours !

Elle s’appuya sur Chloé en reprenant son souffle.

- Un… un monstre…

Les adolescents attendirent qu’elle continue mais la jeune femme s’évanouit. Phileas la déposa sur un banc puis se retourna.

- Qu’est-ce qu’elle voulait dire à votre avis ?

Chloé se redressa, les mains sur les hanches.

- Je ne sais pas… Mais ce que je sais, c’est qu’il faut aller trouver ce monstre.

Comme les deux autres ne bougeaient pas, elle continua : 

- Et rapidement ! 

Ils sortirent de leur torpeur et la suivirent en direction de la rue où était arrivée la femme. Il y avait une ambiance inquiétante, presque mystérieuse. Seul le bruit de leurs pas résonnait dans la rue sombre. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’ils n’entendent un hurlement. Ils sursautèrent puis s’élancèrent dans la direction du cri. Ils couraient côte à côte quand ils débouchèrent sur une grande place. Edana n’arrivait pas à distinguer quoique ce soit avec toutes ces personnes courant dans tous les sens.Une silhouette émergea enfin de la foule. La fille ne put retenir un cri. La créature était mi taureau-mi humain. Elle avait un buste de bœuf et des jambes d’homme. Ses cornes et ses crocs étaient recouverts de sang. C’était ce que croyait Edana avant qu’elle ne voit un toit de fast-food défoncé et du ketchup partout. Ouf… La créature n’avait pas mangé d’humain. Pas encore… pensa-t-elle. Phileas fut le premier à réagir. Il sortit son épée et bondit sur le dos de la bête. Edana n'eût pas le temps de se demander comment il avait fait car Chloé s'élança elle aussi vers le Minotaure. La fille d'Hestia courut à ses côtés. 

- Tu as un plan d'attaque ? 

Son amie secoua la tête. 

- À part empêcher le Minotaure d'embrocher Phileas, non. 

Quand elles arrivèrent près de Phileas, elles lui crièrent de descendre mais le jeune homme était trop occupé par sa survie. Il ne cessait de pousser des cris en s'accrochant au pelage de son adversaire. Chloé se démenait pour détourner l'attention du Minotaure, sans grand succès. Edana, elle, fouilla dans son sac, parmi les maigres affaires qu'elle avait emportées. Soudain, une idée lui traversa l'esprit. Le Minotaure bougeait trop pour l'arc de Chloé ou l’épée de Phileas alors ils n'avaient qu'à se servir des gants d'Edana. Elle cria à ses amis d'épuiser le monstre puis se cacha dans les décombres, ses gants enfilés aux mains.  Phileas descendit du dos du Minotaure et la rejoignit. 

- Que comptes-tu faire ?

Il chuchotait, de peur que le Minotaure ne l'entende. Edana chercha Chloé mais ne la trouva pas. Peut-être était-elle allée se cacher ? 

- Rien. 

Phileas soupira. 

- Dis-le moi !

- Tu ne vas pas aimer mon idée. 

- On verra bien.

Qu'est-ce qu'Edana n'aurait pas donné pour ne plus voir l'air satisfait de son ami ! 

- Vous l'épuisez pour que je m'avance vers lui et que je le brûle avec mes gants. 

Quand elle tourna la tête vers lui, il la regarda avec dépit. 

- Et tu comptes faire ça toute seule ?

- Non ! Vous allez m'aider à le distraire !

Phileas désapprouva :

- Ça ne fonctionne pas comme ça ! Tout ne va pas se résoudre en un claquement de doigts ! Tu espères quoi ? Que le célèbre Minotaure meurt d'une petite brûlure ?

Edana se recroquevilla, inquiète.

- Tu ne penses pas ce que tu dis…

- De toute façon, Keraunós n'aurait jamais dû te choisir pour diriger cette quête !

Les larmes lui montèrent aux yeux. Mais avant que la jeune fille n'ait pu lui répondre, le Minotaure tourna son énorme tête vers eux, alerté par le bruit. Ses énormes cornes de la taille de deux voitures se dirigèrent sur Edana et Phileas. L'adolescente écarquilla les yeux, tendit les mains, dans un geste de défense et ferma les yeux. Un bruit métallique résonna à ses oreilles puis les grognements du Minotaure et la chaleur de son souffle disparurent brusquement. Edana entrouvrit un œil puis l'autre. La tête du molosse était à quelques millimètres de ses mains tendues devant elle. La jeune fille se releva avec précaution en évitant les cornes qui lui barraient le passage. Quand Edana releva la tête, elle vit Phileas atterrir sur le sol, repliant de magnifiques ailes blanches dans son dos, son épée ensanglantée à la main. Choquée, elle remarqua à peine son amie courir vers eux. Phileas s'avança vers elles, comme si les immenses ailes qui pendaient dans son dos étaient parfaitement normales. 

- Tu peux voler ?!

Phileas soupira. 

- Vous êtes odieuses. Je m'attendais à un truc du genre, sa voix monta dans les aiguës, "Phileas ! Mon héros ! Tu nous as sauvées de ce vilain monstre !". 

Edana et Chloé ne réagirent pas, choquées. 

- Allez, les filles ! Ce n'est pas comme si deux cornes m'étaient poussées sur la tête !

Chloé referma la mâchoire. 

- Presque. 

Edana, elle, était indignée. 

- Tu n'as pas pensé à nous le dire ?! Ce n'est pas comme si tu en avais eu l'occasion quand je t'ai avoué que j'avais un "pouvoir" ! Pourquoi nous l'as-tu caché ?!

Phileas tendit les mains pour l'apaiser. 

- Calme-toi Edana. 

Celle-ci inhala une grande goulée d'air. 

- Voilà… Maintenant, on va trouver un coin pour s'asseoir où je vous expliquerai tout. 

Chloé leva les yeux au ciel. 

- On n'est pas des demoiselles en détresse, Phileas. Tu peux tout nous expliquer ici et maintenant !

Ils allaient s'asseoir par terre quand un scintillement attira l'attention d'Edana. Elle s'approcha du Minotaure et découvrit que l'éclat venait de sa poche de pantalon. Elle tendit la main, comme attirée par une force supérieure et referma sa main sur un petit cube. Edana le sortit et l'examina. Phileas se leva. 

- Edana ? Ça va ?

L'adolescente rangea vite sa trouvaille dans sa sacoche. 

- Oui, j'arrive. 

Ses amis la regardèrent bizarrement mais s'abstinrent de lui poser des questions. Phileas se détourna. 

- Comme vous l'avez vu, je peux voler. J'ai des ailes dans le dos que je peux faire apparaître ou disparaître quand je veux.  

Edana se pencha pour regarder dans son dos. Deux trous dans son tee-shirt laissaient entrevoir de petits cercles blancs sur ses omoplates. C'était sans doute là où "poussaient" ses ailes. 

- J'ai ça depuis que je suis tout petit. C'était une des raisons pour lesquelles ma mère me détestait et pour lesquelles Keraunós me choisit à chaque fois pour les quêtes… 

Il baissa la tête. Edana chercha s'il avait déjà parlé de sa mère mais elle ne trouva pas. Peut-être était-ce un sujet sensible… Elle regretta de s'être énervée et le poussa gentiment du coude. 

- En tout cas, moi, je trouve ça super classe !

Phileas retrouva son fameux sourire et se leva en époussetant ses jambes. 

- Merci, je suis tout à fait d'accord avec toi !

Chloé se leva à son tour et se glissa entre ses amis. Edana regarda malicieusement Phileas.

- J'ai toujours eu un faible pour les poulets !

Elle se mit à courir quand Phileas la mitrailla de taquineries. Lorsqu'ils se mirent en route pour l'hélicoptère, Phileas et Chloé marchèrent devant. Edana, elle, regardait son petit cube. Qu'est-ce que c'était ? Avait-elle bien fait de le cacher aux autres ? Phileas interrompit ses pensées quand il se tourna vers elle. 

- Tu viens ?

Edana rangea rapidement son objet et les rejoignit. 




 

L'hélicoptère faisait un léger bruit et Edana avait du mal à dormir. Ils avaient étendu trois sacs de couchage. Edana était couchée entre Phileas et Chloé. Elle entendait les ronflements de Chloé tandis que Phileas n'avait pas l'air de dormir. Elle chuchota :

- Tu dors ?

Phileas se tourna et Edana put distinguer ses traits dans l'obscurité. 

- Je n'y arrive pas. Et toi, pourquoi tu ne dors pas ?

À dire vrai, Edana ne trouvait pas le sommeil à cause du petit cube qui reposait dans sa poche. Elle ramena le sac de couchage sous son menton. 

- Il y a trop de bruit. 

- Qu'est-ce que tu as trouvé, tout à l'heure, sur le Minotaure ?

Edana aurait voulu lui dire la vérité mais elle ne savait pas si c'était sa mère qui lui avait envoyé cet objet. Si c'était le cas, elle voulait garder le seul lien avec sa mère pour elle seule. Face à son silence, Phileas reprit :

- Ne t'inquiète pas. On a tous quelques secrets.

Edana soupira de soulagement. 

- Merci. 

- C'est moi qui te remercie pour tout à l'heure ; tu ne m'as pas posé de question sur ma mère. 

Heureusement que l'obscurité cachait sa rougeur ! Elle n'était pas habituée à des remerciements de sa part. 

- C'est normal.

Phileas ne s'aperçut pas du léger tremblement dans sa voix. 

- C'est juste que je n'aime pas parler d'elle… Je n'ai jamais parlé de ma mère à qui que ce soit à part Keraunós. 

Edana hocha la tête, tentant de reculer au maximum pour ne pas être trop proche de lui. 

- Comme je te l'ai dit, c'est normal. Moi-même j'ai du mal à parler de moi aux autres. J'ai passé tant d'années avec des orphelins qui ne parlaient presque jamais !

Phileas, lui, se rapprocha, intéressé. 

- Qu'est-ce que tu connais sur ta naissance ?

Edana essaya de se remémorer ce que lui avait dit Ethan.

- Ethan m'a raconté qu'un orphelin m'avait trouvé dans une maison en ruine. Le bâtiment avait brûlé mais je n'avais aucune brûlure ni blessure. L'orphelin lui avait dit que je me trouvais à l'intérieur de flammes quand il est venu mais ça me paraît bizarre. Je devais avoir deux ans quand ils m'ont recueillie…

Edana inspira avec difficulté. Se remémorer son passé était une chose qu'elle détestait puisqu'elle avait toujours cru être orpheline… Phileas tendit la main et lui caressa l'épaule. 

- Je suis désolé… Ça a dû être un supplice pour toi d'être entourée de gens qui ne sont pas comme toi. 

La jeune fille s'essuya les yeux. 

- Ça aurait pû être pire. 

Phileas enleva sa main et son silence inquiéta Edana. Au bout d'un moment, quand la jeune fille crut qu'il s'était endormi, il rompit le silence :

- Je suis désolé pour tout à l'heure. Je ne pensais pas ce que j'ai dit… 

Edana devait l'avouer, elle lui en voulait de lui avoir dit que son plan était minable. 

- Ce n'est rien.

- Si, c'était méchant.

Il roula sur le dos, avalant sa salive. 

- C'est juste que tu es si… gentille ? Même un peu trop. Ça me donne envie de hurler quand je vois que tu restes toujours positive ! Et les remarques gentilles que tu fais alors que tu as toutes les raisons de t'énerver !

Edana rigola. 

- C'est faux ! C'est toi qui allège l'atmosphère avec tes blagues !

Sans doute avait-elle trop haussé la voix car Chloé demanda, d'une voix endormie :

- Qu'est-ce qui est faux ? Et depuis quand vous parlez à deux en pleine nuit ?

Phileas ne laissa pas Edana répondre. 

- Rien, on allait dormir, de toute façon… Rendors-toi. 

Il se blottit sous son sac de couchage. 

- Bonne nuit, les filles. 

Il enfonça des boules Quiès dans ses oreilles et se mit à ronfler. Edana se tourna du côté de Chloé et sursauta quand elle vit que cette dernière la fixait. 

- Tu crois qu'il est fâché ?

- Non. Il est juste un peu frustré de notre discussion. 

Edana distingua les sourcils haussés de Chloé. 

- Votre discussion ? Je croyais que tu n'étais pas intéressée par lui. 

- Oh non ! Il disait qu'il me trouvait trop gentille et positive. 

Chloé ricana. 

- Il a un don pour complimenter les filles. 

- C'est exactement ça !

Elles baillèrent en même temps. 

- Bonne nuit. Surtout, tu n'hésites pas à me dire si tu le trouves mignon ! Que je te raisonne avant que tu ne commettes une faute. 

Edana sentait ses yeux se fermer. 

- C'est promis, ça n'arrivera pas. 

Elle ramena la couverture sur son menton. 

- Bonne nuit. 

Puis elle tomba entre les bras de Morphée. 




 

Edana courait mais ses jambes refusaient de bouger. Elle était essoufflée et regardait dans toutes les directions. Elle n’aurait pu dire si elle était là depuis des heures ou des jours. Une voix forte résonna dans sa tête. “Tu te demandes sans doute ce que c’est.” Edana sursauta et essaya de chercher qui lui parlait. C’était une voix de femme, chaleureuse mais tranchante. “Qui êtes-vous ? De quoi parlez-vous ?” La voix reprit, moins fort : “Je parle du Souvenir que tu as trouvé dans la poche du Minotaure.” Edana commençait à avoir mal à la tête. “Oui, je sais que tu es étourdie, c’est pour ça que je vais être brève.” Les jambes de l’adolescente la lâchèrent et elle tomba sur le sol éclatant. Tout était blanc et Edana devait fermer les yeux pour reprendre ses esprits. Pourtant, même ainsi, elle entendait distinctement la voix. “Reste avec moi, Edana. Il faut que tu saches pourquoi je t’ai donné ce Souvenir.” La jeune fille manqua d’air. “Maman ? C’est vous ?” Un souffle d’air chaud caressa son visage. “Oui. Je t’ai caché quelques Souvenirs sur ton chemin. Tu en as déjà trouvé un que tu pourras regarder quand tu seras seule.” Une larme roula sur la joue d’Edana. “Hestia, je vous en supplie ! Revenez sur l'Olympe pour que tout revienne dans l'ordre !" La voix d'Hestia rit légèrement. Ce n'était pas le rire qu'elle avait l'habitude d'adopter et qui réchauffait le feu, non, c'était un rire amer et sec. "Ça ne fonctionne pas comme ça, Edana chérie. Maintenant que j'ai dit la vérité, Zeus ne voudra plus m'accepter sur l'Olympe et, de toute façon, ce n'est pas mon objectif." Edana était secouée de spasmes. "Je vois que le rêve te prend trop d'énergie… C'est dommage, j'aurais aimé discuter plus longuement avec toi… Je vais te laisser à tes rêves habituels. Je t'aime, Edana, ne l'oublie jamais." Une drôle de sensation envahit le corps d'Edana. C'était comme si un trou noir l'aspirait et elle n'aimait pas du tout ça. Sa tête lui faisait mal, ses mains étaient couvertes de plaques rouges puis ce fut le néant. Un vide immense qui ne dura pas longtemps.

 

Quel suspense... 😏 Je vais bientôt poster le prochain chapitre !

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