Evelyn, agitée, jeta un regard inquiet à la princesse, elle devait la protéger. Elle lui expliqua de rester ici et de s'enfermer à clef, il ne fallait pas qu'on la voie. La promise d'une future alliance serait la pire chose à perdre aujourd'hui.
Dans un élan de courage, Evelyn s'empressa de se rendre les couloirs principaux pour remarquer l'agitation des gardes. Elle n'apercevait pas Hakan dans le lot, en espérant pour lui qu'il s'en sortira.
Son objectif était de mettre tout le monde à l'abri, même si elle ne se battra pas, elle pouvait au moins assurer leur sécurité. Alors qu'elle aidait d'autres servantes à s'enfuir, un garde du Royaume du Nord lui saisit le bras en la faisant avancer. Quelle idiote, elle n'avait même pas pensé à prendre une arme avec elle, elle ne pouvait que se laisser à la merci du soldat.
– Montre-moi, le Reine et la Roi.
Son terrible accent du Nord, évidemment, il ne parlait pas la même langue qu'elle. Même si son langage laissait à désirer, Evelyn pouvait encore en comprendre le sens. Un moment de doute, un dilemme s'offrait à elle : si elle acceptait de le conduire aux portes du Roi et la Reine, il pourrait se faire tuer par les autres gardes et à son tour Evelyn se ferait décapiter pour trahison. Soit, elle refusait ou lui mentait, mais cela pourrait la conduire à sa propre mort s'il finissait par s'en rendre compte. La question était plutôt de se demander de quelle manière elle préférait mourir. Evelyn pouvait encore se décider au bout du couloir, à gauche : le Roi et la Reine puis à droite : une autre aile. Le couloir se resserrait, bientôt, elle devra faire un choix, elle suivit son instinct et tourna à gauche.
Harker, encore et toujours lui. Évidemment, lorsqu'il croisa le regard d'Evelyn et ce qu'elle était en train de faire, il ne se retint pas d'émettre un sourire. L'occasion idéale pour se montrer en véritable héros et sauver Evelyn de ce malheureux. Il dégaina son épée pour la pointer vers son adversaire en criant :
– En garde, pauvre lâche ! N'as-tu pas honte de t'attaquer à une belle demoiselle ? Prends-toi en plutôt au prince héritier de ce royaume, moi, Harker Von Eler.
Ni une ni deux, le garde dégaina à son tour sa longue épée pour s'entrechoquer avec celle de Harker. Il ne pouvait pas lâcher le bras d'Evelyn ou bien elle tenterait de s'enfuir, toutefois, elle risquait aussi de se prendre un coup d'épée. Avec la plus grande précaution, le prince héritier se déplaçait stratégiquement et minutieusement pour ne toucher que la partie droite du soldat afin de ne pas blesser Evelyn. Un premier coup, où il s'avança pour tenter de lui planter l'épée dans l'épaule, mais le soldat eut le temps de le parer. Le soldat tentait d'utiliser Evelyn comme un bouclier en l'exposant plus, elle se dégourdit et réfléchit à un moyen de fuir : elle attrapa la main du garde pendant qu'il paraît un coup de Harker pour croquer à pleines dents ce qui le fit crier de douleur. Encore plus, lorsque Harker lui enfonça l'épée dans sa poitrine.
Elle n'eut pas le temps de prendre la poudre d'escampette que Harker lui saisit le bras, cette fois-ci, aucune pitié, elle se débattu.
– Lâchez-moi !
– Comment oses-tu me dire cela alors que je viens de te sauver la vie ? Grinçait-il des dents en resserrant sa poigne. Je t'ai vu avancé vers l'aile de mes parents. Tu croyais que je n'allais pas me douter de ton petit plan, hein ? Suis-moi, si tu ne veux pas que je te dénonce.
Il avait trouvé un moyen de pression sur elle, elle n'avait d'autres choix que de le suivre. Alors que la pagaille semait encore, Harker s'enfonçait dans une partie inhabitée de l'aile du Roi et la Reine. Une pièce dont elle ignorait l'existence, à l'intérieur, évidemment le Roi et la Reine. En revanche, un détail attira son attention, un nourrisson demeurait reposé dans les bras de sa mère. N'étaient-ils pas seulement deux enfants ? Cette scène semblait trop irréaliste, d'abord, elle ne comprenait pas l'intérêt de Harker de l'emmener ici, n'avait-il pas le sens des priorités ? Ensuite, pourquoi la famille Royale ne paraissait pas étonnée par sa présence ? Hormis le Roi qui n'hésitait pas à la menacer :
– Osez ouvrir la bouche, balancez ma fille à ce bâtard et vous ne reviendrez jamais ici.
Il avait dû s'écarter en une fraction de seconde, ce qui lui sauva la vie. Harlow ne sentit pas sa lame s'enfoncer dans sa chaire jusqu'à transpercer son cœur. Il l'avait peut-être égratiné, mais sûrement pas arrêté. Ce démon allait continuer à rire, aussi longtemps que sa pitié, aussi amère et acide que le pire des poisons continuait à vouloir lui faire écouter ses maigres paroles.
– Il ne faut pas être autant sur les nerfs, tu perds du temps et tu le regretteras. Qui sait, peut-être qu'un des soldats du Nord a déjà réussi à lui mettre la main dessus.
Un soldat du Nord ? Ah oui, cette minable contrée de roche. Bon sang, cela ne l'aurait pas autant embêté, si Evelyn n'était pas retournée au château.
À en juger par la voix de la Bête, elle ne se trouvait plus sur son chemin. Parfait, il n'avait pas plus de temps à perdre, maintenant qu'il savait que le château, sa famille du moins Evelyn, et toutes ses affaires, étaient entre les mains de ses sauvages. Enfermé entre les hauts murs de la petite ruelle, il se mit à marcher en direction du vent, un vent qui venait de sa gauche. Il était, sans aucun doute, venu par là, et y repartait de pieds ferme. Sans se soucier du gigolo qui paraissait s'amuser de la situation, mais qui le dépassa quelques instants plus tard, sous une forme qui remplit l'air d'une lourde tension. Allait-il pour secourir Evelyn ? Tellement de questions restaient sans réponse, toutefois, il ne se permit plus de douter lorsqu'il se mit à courir, la première fois depuis qu'il était réduit à cet état pathétique. Peu importe les obstacles qu'il rencontrait, les personnes qu'il percutait, il ne pouvait pas le laisser arriver en premier au château. Le vent qui soufflait plus fort que jamais, transformait son corps en un véritable bloc de glace. Chaque mètre qu'il parcourait, lui donnait l'impression de rencontrer un millier de piques qui le transperçaient. C'était donc ça, que de s'inquiéter ? À moins que la folie n'ait fini par l'atteindre. Jamais il n'avait ressenti un tel sentiment. Il ne pouvait pas se défiler, ou même ralentir ou il ne se le pardonnerait pas. C'était incroyablement beau et il aurait presque souri, alors que le sang coulait, il avait l'impression de voler.
Même sans distinguer le moindre rayon de lumière, il n'en restait pas moins un combattant redoutable. Sa méthode était simple, agir plus vite que son ennemi, tel un esprit vengeur, il transperçait les soldats à une vitesse vertigineuse. Il n'y avait plus que leurs visages effrayés, le suppliant d'épargner leurs pauvres et pathétiques vies, il n'y avait que le sang qui se mêlait au tissu de son vêtement, trempé par l'eau. Il était dans un tout autre univers, où il coupait, tranchait, délivrait les âmes plus vite que n'importe quelle faucheuse. Il n'y avait pas de dernière volonté, il devait aller le plus loin possible avant que les coups qu'il recevait, ne se fassent trop importants.
Guidé par les cris rageurs des soldats qui s'élançaient dans un élan de colère vers lui. Il remonta le couloir, où il s'était endormi près d'Evelyn. Décidément, il ne pourrait laisser aucun de ses sauvages en vie, il ne pourrait plus jamais s'endormir en pensant au fait qu'il eût laissé des hommes, prêts à enlever la vie d'innocents. Si leurs esprits, noircis par la stupidité, étaient encore un tant soit peu conscient pour être dit "en vie", il fallait être véritablement stupide pour croire qu'ils avaient la moindre chance contre lui.
Dans un tourbillon de métal et de sang, il sentit une odeur bien plus délicieuse et rare. Lucie, il avait remarqué, qu'elle aimait se parfumer avec un parfum qu'il lui avait offert pour leurs fiançailles alors qu'elle était allergique à un de ses composants. Elle était vraiment folle pour aller jusqu'à se faire de mal pour qu'il la remarque, sa bonne humeur, et son espoir, résonnaient pourtant dans les couloirs obscurs de son palais, comme un feu dans la nuit.
Dans un moment de silence, où il percevait plus aucun souffle, il se rapprocha de l'odeur. Que faisait-elle ici alors que des soldats assiégeaient le château ? C'était du pur suicide, il allait l'emmener en sécurité. Mais quel poids elle était...
– Lucy, suivez-moi, je vais vous emmener...
À la seconde près, un soldat ennemi pénétra dans la pièce, un couteau usé à la main, il les avait suivis. Harker trop bête pour le remarquer et Evelyn pas assez expérimentée pour le voir. Figée, comme si elle attendait que son destin s'abatte sur elle, personne ne daignait réagir. Evelyn prit les choses en main en arrachant l'épée des mains de Harker, en ne manquant pas de lui écraser le pied pour le dépasser.
Evelyn n'avait jamais fait un combat si inégal, même face à Phollen, ils avaient toujours été à armes égales. L'homme pouvait être plus rapide et précis avec un couteau tandis qu'elle serait bien plus lente. Il s'avança en premier pour tenter de lui planter sa lame, elle fut plus rapide que lui pour cette fois-ci. Lorsqu'elle tenta à son tour de le planter, son dernier coup était d'enfoncer son couteau en plein dans ses côtés. Evelyn poussa cri de douleur, relâchant l'épée qui s'enfonçait un peu plus dans son cœur, elle resserra une main autour du couteau. Si elle gardait ce couteau usé, elle risquait de mourir d'infection et non pas d'une hémorragie. Elle souffla un bon coup avant de le retirer, elle devait rapidement couvrir sa plaie, elle arracha des morceaux de tissus de ses vêtements pour les serrer autour de sa taille et espérer que le sang ne coule pas à flots. Elle ne resterait pas une seconde de plus, enfermée ici, n'écoutant pas les remarques, elle prit la fuite vers les couloirs principaux.
Alors que son rythme cardiaque s'accélérait, elle perdait en souffle, chaque respiration lui coûtait une terrible souffrance à sa plaie ce qui avait pour cause de la ralentir. Elle avait gardé le couteau en main, au cas où un autre soldat surgit. Était-ce une hallucination qui lui jouait des tours ou croyait-elle vraiment observer la Bête ? Il marchait, l'air de rien, comme une promenade dans un jardin, il se fichait de tous...
Animée par la colère, Evelyn, oublia un instant ses maux pour courir et la surprendre par-derrière. Elle le plaqua contre le mur, remontant son couteau à sa gorge.
– Qui es-tu ? Et qu'est-ce que tu es ? Pourquoi tu traînes dans nos pattes ? Réponds ! Ou je vais te planter...
– Ah, Evelyn. Tu commençais à peine à me manquer, je ne suis pas certain que tu aies le temps pour mes réponses. Enfin, seulement si tu souhaites revoir, un jour, vivant ton précieux Harlow.
Elle détestait le ton qu'il employait avec elle, mais c'était terriblement frustrant de l'entendre dire que Harlow se retrouvait en danger. Elle le tenait ! Elle pouvait l'assommer, essayer du moins, et elle le rapporterai à Harlow, et il serait fier d'elle. Mais cela avait-il un intérêt s'il mourait ? Jetant un regard noir à la Bête, elle se résigna pour courir et hurler le nom du Second Prince.
Elle est morte. Oui ou non, il ne savait plus. N'était-ce pas plutôt une délivrance pour un être tel que Lucy ? Enfermée entre les murs du palais, comme ceux de son esprit. Elle n'aurait jamais trouvé la volonté d'en sortir, elle se serait simplement blessée au fil du temps, encaissant déception sur déception. Jusqu'au plus profond de son être, elle serait morte, noircie jusqu'au plus profond de son âme. Elle aurait fini par le détester à mort, il en était certain. En réalité, celui qui l'avait assassiné, l'avait empêché de commettre l'impardonnable plus tard. Sa vie aurait été éteinte dans une pluie de sang, si elle ne s'était pas suicidée avant. Et, il n'en aurait été que détruit, encore un peu plus. Si les guerres qu'il avait menées, ne l'avaient pas tué avant, physiquement et mentalement, c'est parce qu'il cherchait par tous les moyens possibles, à éviter de se retrouver enfermé avec elle. Lui qui était déjà prisonnier d'un labyrinthe insondable...
Alors, pourquoi était-il énervé ? Pourquoi bouillonnait-il de haine contre celui qui l'avait tué ? Ses sens, son instinct, sa conscience toute entière voulait plonger dans cet abysse noir où il s'était déjà perdu tant de fois. Dans la violence, la haine et la rancœur, et lui-même, ne pouvaient pas rivaliser avec l'humain qu'il était, et qu'il serait toujours. Il était toujours trahi, noyé à cause de ses fichus sentiments. Ils étaient la cause de sa chute infinie. Si seulement il ne pouvait plus rien ressentir ! Il rêvait de pouvoir affronter sa tristesse, son désespoir, sa lâcheté, sa peur qui étaient pourtant partout, autour de lui ; imprégnés sur les visages de ses adversaires ou juste de ses proches, ils le narguaient. Depuis trop longtemps déjà, à se promener sous son nez, de façon à lui rappeler, qu'ils seraient toujours là, peu importe combien de fois, il les éliminerait.
Avec pour seule et éternelle arme, sa volonté, maintenant qu'il se retrouvait de nouveau devant cet abysse. Tout serait infiniment plus simple s'il abandonnait tout, s'il laissait les idiots parler, s'il restait enfermé dans son bureau, s'il ne pensait plus. Il s'ennuierait peut-être, mais, à ce moment-là, il n'aurait qu'à en finir. Le regard vide, sa volonté tenait en équilibre sur la dernière phalange de son index, s'il ne faisait rien, elle allait définitivement être avalée, engloutie, et il pourrait enfin accéder à cette mer où il ne serait plus personne.
« – Harlow, que faites vous ? »
Il connaissait cette voix, celle d'Evelyn. Mais pourquoi venait-elle de derrière lui ? Il était pourtant face à la mer ! Elle l'avait normalement rejoint depuis longtemps, alors pourquoi avait-elle l'air si blessée ?
« – Vous aussi, vous allez me faire très mal ? »
Peu importe, s'il lui faisait mal aujourd'hui ou demain, elle aurait toujours des personnes pour la consoler, pour l'aimer. Ce n'était qu'une douleur éphémère. Cinq fois, il s'était approché de la mer, aujourd'hui, elle coulait jusqu'à ses pieds. Cela ne tenait qu'à un pas, il n'y avait plus qu'un "adieu" à prononcer. Pourtant, il ne pouvait pas le formuler en la regardant. La faute était à ses pensées égoïstes : qui la protégerait ? Qui la sauverait des boissons trafiquées ? De son frère ? Ou même du monde tout simplement.
« – Vous savez Evelyn, je ne suis pas différent des autres, je suis juste encore plus sale. Il n'y a rien à gagner à me garder. »
Il n'entendit jamais sa réponse. Il ferma seulement les yeux et se fut le noir complet. Elle avait sans doute perdu l'équilibre.
Il n'entendait plus rien, ne pouvait plus réfléchir, ce fut une main rouge marquée par ma haine qui menaçait de jaillir de ses veines. Sans adresser un regard à Evelyn, il se précipita une fois de plus dans le hall de réception, inarrêtable. Le sang se répandait autour de lui, ce n'était rien d'autre que des gouttes de pluie à ses yeux. Il avait déjà vu assez de sang pour toute une vie, ce n'était pas ce qu'il avait envie de voir, mais c'était la seule chose dans laquelle il excellait naturellement. Faire couler le sang, c'était sa seconde nature, défectueuse clairement maudite. Il avait envie de rire en y repensant. Il avait vraiment pris le pire des deux côtés : la pitié des humains pour leurs congénères, leur faiblesse naturelle et puis la cruauté des vampires, leur imbécillité. Son ouïe ne lui était d'aucune utilité, en réalité, elle lui avait juste fait entendre des mots qui ne devraient jamais être entendus. Ses oreilles en avaient saigné, comme son cœur, et son esprit. Ses talents eux, avaient été incapables de sauver sa fiancée. Ce n'était que des beaux mots, couchés sur un beau papier. Il était toujours Harlow Von Eler, une bête sanguinaire.
Son regard n'était que l'empreinte de la lassitude qui l'envoûtait doucement devant cette scène, trop commune à ses yeux et pourtant, il ne la quitta pas du regard. Alors qu'il entendait des voix, peut-être, celles de ses ancêtres, qui lui disaient de venir. Non pas dans la mer, mais dans un océan bordeaux, quelques mots réanimèrent une minuscule étincelle dans ses yeux verts. Même dans la mort, il trouvait le danger, une ombre, onze mille fois plus grandes que lui, onze mille fois plus effrayantes et terriblement réelles. Un véritable démon, contre qu'il faisait pâle figure. Un être qui paraissait être fait de chaos et d'obscurité qui riait d'une manière si inhumaine qu'il en frissonna réellement.
Non, il y avait encore un combat à mener. Contre cette chose, cette véritable monstruosité, il ne l'avait vu que quelques instants, le temps d'un battement de paupières, mais il était sûr et certain, qu'elle n'était pas morte, qu'elle était dotée d'une conscience, quelque chose qui les dépassait et qui se cachait pour l'instant, plus bas que terre. Pourtant, il avait senti cette aura destructrice, quasiment divine, et il n'avait jamais été aussi effrayé et émerveillé de sa vie.
La mer, elle était de nouveau bleu. Il était revenu à cette scène, crée par son esprit, qui commençait déjà à s'écailler à mesure qu'il reprenait le contrôle de lui-même. Tout cela n'était qu'une illusion, pour le faire sombrer jusqu'à n'être plus rien, et qu'il laissait ses instincts le dominer. Hors de question, maintenant, qu'il avait trouvé un fond de vérité dans cette mascarade, d'autres s'en imposaient aussi. Détruisant ce spectacle aux allures paradisiaque, il ne s'en inquiéta nullement. Lui, cherchait Evelyn. Ils avaient encore tellement de mystères à résoudre, des ennemis à coincer, des moments rares à partager. Il ne lui avait même pas donné sa robe, comme tellement de mots.
S'éloignant à grand pas de ce qui était autrefois une mer, il se dirigea vers l'illusion d'Evelyn. Il la fixa quelques secondes dans les yeux, ceux de cette illusion, ne dégageait rien de cette chaleur que dégageait Evelyn.
« – En réalité Evelyn, je ne veux pas vous faire du mal. J'ai envie que personne ne vous en fasse, jamais. Pour cela, je lutterai mille fois contre ce sentiment de tristesse qui m'habite depuis toujours, car il y a des ennemis qui nous dépassent. Je ne peux pas vous laisser aux mains de ces incompétents, en attendant d'être achevé. Comme je vous l'ai dit, vous ne vous débarrasserez pas de moi si facilement. Maintenant, disparaissez. »
De retour à sa réalité, Evelyn s'était rendue aux côtés de Harlow. Elle avait découvert, le massacre en même temps que Harlow. Ils avaient passé quelques instants sans rien se dire, elle ressortit ne pouvant plus supporter cette scène, elle était épuisée, elle voulait s'éteindre.
– Mes condoléances Evelyn. Dommage que votre petite alliance a échoué, peut-être une prochaine fois.
Encore cette voix, encore ce même personnage, qu'elle ne supportait plus d'entendre et de voir se trimballer. Elle n'accordait plus d'importance à la douleur ni à la fatigue, elle se jeta sur lui, elle allait le tuer si personne ne l'arrêtait. Ce qu'il y avait d'étrange, c'est qu'il ne faisait rien pour y résister, comme s'il appréciait la souffrance. Evelyn planta une première fois, ce même couteau dont on avait usé sur elle, puis une deuxième, troisième fois et...
Le vide, son corps s'était écrasé sur le côté de la Bête, à bout de force, elle perdait une importante quantité de sang.
Il retrouvait son corps, ses sens et ses yeux. Il voyait de nouveau. Sa capacité de régénération, était largement amplifiée dans cet état ce qui aurait dû lui prendre des centaines d'années, avait pris le temps de faire tomber une bonne quarantaine de soldats. Ils étaient tous là, éparpillés par morceaux à travers la salle qui avait été refaite dans un rouge carmin. Il n'eut pas besoin de se regarder dans une glace pour deviner ce qu'il s'était passé. Du moins, c'est ce que pensait Harlow, il ne se doutait pas encore de la vérité.
Clignant plusieurs fois des yeux, le temps de se réhabituer à la lumière, il réfléchit à la suite des événements. Au plan qu'il avait élaboré, la Cour cachait encore bien des secrets et faire l'aveugle était un nouveau moyen pour les percer.
Soudainement, un cri de rage perça l'air, un soldat qui s'était dissimulé pour échapper au massacre, fonça sur lui, un minuscule insecte, rien de plus. Épée en main, il le scinda presque en deux, sans bouger. Cet imbécile, lui avait pris quelques secondes de sa vie, il devait conserver les autres pour retrouver Evelyn.
Courant à travers le hall pour retrouver le couloir qui menait à sa chambre, il avait l'impression de courir de nouveau à travers le vent, sous une pluie glacée. Le corps en feu après avoir combattu, recouvert de sang encore chaud. Il ressentait encore cette vive émotion courir dans ses veines bien qu'il n'arrivait pas à mettre un nom dessus. Peut-être qu'elle, arriverait à le définir, s'il arrivait à temps.
Pressant son index contre la gorge d'Evelyn, son pouls était encore régulier, mais à la vitesse où cette horrible flaque de sang s'écoulait, son état allait se dégrader rapidement s'il restait de marbre, ou juste paralysé. Heureusement, les cris de douleur que laissaient échapper un homme un peu plus loin, l'empêchèrent de tomber dans la psychose. Il se releva en une fraction de seconde et se dirigea vers la direction d'où provenaient les cris un homme aux yeux vairons. Un soldat du Nord qui s'était enfui, pensait-il. En vue des blessures qui couvraient son corps, c'était des coups amateur, si cela n'avait tenu qu'à lui, il l'aurait brisé en deux. Evelyn, c'était l'homme qu'elle avait blessé, et qui l'avait sûrement blessé en retour. Sourcils froncés, il se dirigea vers lui, et le prit par le col avant de le soulever pour l'observer plus attentivement, son visage ne lui disait rien, mais son odeur. Ses yeux s'écarquillèrent, la Bête.
– Gardes, emmenez le, immédiatement dans la cellule la plus sécurisée et la plus sale du château. Puis faîtes venir les meilleurs médecins du château.
Sa main tremblait, il craignait de le tuer s'il restait plus longtemps devant ses yeux. Pourtant, il avait besoin de ses informations lui adressant un regard assassin, il s'approcha de son oreille pour lui chuchoter quelques mots, alors que la Bête était trop stupéfaite pour parler. Lui, était une victime de la peur, et il ne l'en délivrerait pas.
– Ou que tu ailles, je te trouverai. Tu as peut-être usé de coups bas. Mais quelqu'un qui a perdu son humanité est mille fois plus dangereux que toi. Ne, t'approche, plus. Jamais. D'elle.
En crachant ses derniers mots, il le lança contre un mur contre lequel il se cogna de plein fouet. Les gardes qui n'avaient pas osé intervenir, ramassèrent à la hâte le corps, et l'emmenèrent. Des médecins surgirent derrière eux, essoufflés, Harlow lui, retourna auprès d'Evelyn pour la prendre délicatement dans ses bras. Ce n'était pas un endroit adéquat pour une courageuse femme comme elle. Son regard assassin et sans pitié, avait pris une teinte beaucoup plus clair, il observait Evelyn avec inquiétude en la portant jusqu'à sa chambre. Elle était terriblement pâle, plus pâle que n'importe quel autre vampire. Dans un murmure, il lui adressa quelques mots sur un ton beaucoup plus doux que jamais auparavant, il se surprit lui-même.
– Vous n'avez pas le droit de mourir, je sourirai s'il faut. Cela vous convient ?
Si elle mourait, il n'osait même pas y penser. Qui lui servirait de volonté ? Qui lui servirait de porte-malheur ? Qui croirait en lui ? C'était la première personne à lui dire ce qu'il avait toujours voulu entendre. Peut-être la dernière, il ne voulait pas la voir disparaître. Ils avaient encore tellement de choses à faire, elle ne l'aurait même pas vu sourire une seule fois. Il ne pouvait pas la laisser partir, même avec un aussi maigre regret.
Il déposa sa femme de chambre sur son lit, ne la quittant pas des yeux. Même lorsque les médecins s'occupèrent d'elle, il la suivit quelques instants des yeux avant de quitter la pièce. Il avait sa victime parfaite à torturer mille et une fois, pour voir disparaître cette douleur qui lui enserrait le cœur. Le regard aussi froid que la glace, aussi insondable que la pierre, il remit son bandeau avant de se diriger vers la prison.
