Chapitre 9

Par MissTic

 

2019

 

La pièce sent la peinture fraîche. Le bâtiment est ancien, mais j’ai repeint les murs de la salle en blanc pour lui redonner un peu de fraîcheur. Je viens de m’installer dans mon premier local, où je vais commencer mes soins énergétiques. Il est simple, sobre ; ça me convient très bien. J’ai terminé ma formation de Reiki, désormais je n’ai plus une vision d’ensemble de la lumière : je discerne les mouvements énergétiques, je les ressens.

Je suis soulagé d’être de retour à Fukuoka. Je retrouve mes repères. Pour le moment, je n’ai pas de clientèle, mais j’ai la chance d’être dans une rue passante, j’ai bon espoir pour que ça fonctionne. Déjà, j’espère au moins couvrir les frais de mes deux loyers. J’ai dû quitter la résidence universitaire, et trouver un studio. J’habite dans un neuf mètres carrés, je déménagerai quand j’en aurai les moyens.

Déjà deux ans que je n’ai plus de nouvelles de Takeo. Il doit être débordé par ses études. Je me demande où il en est aujourd’hui. Est-ce qu’il est bien là où il est ? J’aimerais bien le savoir. Je pourrais lui écrire à nouveau. Mais s’il avait lui aussi changé d’adresse depuis l’an dernier ?

Le premier jour, je n’ai personne. Je ne croise que le facteur qui vient me déposer le courrier. Le lendemain, je décide de prendre mon courage à deux mains et d’aller à la rencontre des gens. Je me contente d’essayer de discuter, mais la plupart ne s’arrêtent pas plus de quelques secondes. J’aurais été un très mauvais commercial. Un homme âgé au dos voûté, qui a bien vingt centimètres de moins que moi, s’intéresse à mon travail. Je lui explique que je viens d’ouvrir et il accepte d’être mon premier client.

Il traverse la salle d’attente et je l’invite à entrer dans une petite pièce à gauche. J’ai allumé quelques bougies pour dissimuler l’odeur de peinture, elles rendent l’ambiance un peu plus chaleureuse. L’homme s’assoit et je lui pose des questions sur son état de santé. Hormis quelques tracas dus à son âge, il se porte plutôt bien. Pourtant, je sais ce que je dois faire pour lui apporter ce dont il a besoin. Je me lève, me concentre en prenant quelques profondes inspirations. Je m’approche de lui pour poser mes mains sur son crâne. Je déplace mes mains progressivement, là où son corps les appelle, du sommet de sa tête jusqu’à ses épaules, de ses bras jusqu’à son bassin, de ses hanches jusqu’à ses pieds.

Il me remercie, me règle la séance et s’en va. Je ne sais pas trop ce qu’il en a pensé et je suis étonné de le voir revenir quelques jours plus tard. À l’écoute, je recommence le même processus. Lorsque j’ai terminé, je m’éloigne pour le laisser revenir à lui. Il reste silencieux un long moment. Je patiente dans la salle d’attente, sans inquiétude. Je l’entends renifler. Quand il se lève pour sortir, il se racle la gorge, je lève les yeux vers lui. Une tristesse profondément enfouie avait besoin de sortir. Il s’installe face à moi et me raconte. Il a perdu sa fille d’un cancer du poumon, il y a bien des années. Il n’avait jamais réussi à la pleurer, à l’accepter. Il avait le cœur lourd, depuis tout ce temps. Et à l’instant, il avait senti quelque chose en lui se libérer.

Je le sais. Je l’ai senti.

Le jour suivant, dès le matin, je vois arriver une personne, deux personnes. D’autres sont intrigués par la lumière des gens qui sortent de mon local, mais ils ne le savent pas vraiment. Ça y est, ça commence. Je sais que j’ai trouvé la voie qui est la mienne.

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DSWritter
Posté le 14/05/2025
Oh, je ne m'attendais pas à cette profession de sa part ! Mais ça me parait logique maintenant que tu l'écris. Il a réussi à mettre son don aux services des autres, c'est beau.
MissTic
Posté le 15/05/2025
Oui !! ^_^ C'est un beau métier pour une belle personne !
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