Chapitre 9

Notes de l’auteur : °Your cruel device
Your blood, like ice
One look, could kill
My pain, your thrill...°

Alice Coper

- Police, ouvrez !

Sol se réveille en sursaut.  Merde. La police. Il regarde autour de lui, Kali n’est pas là. Le cadavre de Coralie non plus. Son premier réflexe est de chercher un endroit où se cacher. Mais il n’y en a aucun et au 6éme étage de son immeuble, il est fait comme un rat.

Sol soupire et va ouvrir la porte. Aussitôt 3 hommes entrent, le maitrisent et lui passent les menottes aux poignets.

Sol se laisse faire, docile, pendant que les policiers lui expliquent la situation :

- Vous êtes en état d’arrestation, nous vous emmenons au poste.

- Ça vous ennuierait de m’expliquer ce qui m’est reproché au juste ? Demande Sol.

Le policier ricane. « Pourquoi ? Tu ne te souviens plus d’avoir  tellement cogné quelqu’un que tu l’as  envoyé à l’hôpital ? Remarque, avec ta sale gueule de camé, t’étais probablement défoncé… »

Sol sent une boule dans son ventre. Il a envoyé quelqu’un à l’hôpital…serait-ce sa propre mère ?

Quelques heures plus tard, Sol est en cellule. Les témoignages sont accablants, les caméras sans appel. Il a tellement cogné qu’il a failli tuer. Son ex beau-père. Il est soulagé, même s’il n’y comprend rien. Certes l’envie de décalquer cette enflure qui lui a mené la vie dure pendant des années ne lui a jamais manqué, mais il est à peu près certain de ne jamais être passé à l’acte.

Résigné à ne rien comprendre, il croise ses bras sur la table et y enfouit sa tête.

A cet instant entre un petit policier bedonnant. Il regarde Sol d’un air dédaigneux, soupire et s’assoit de l’autre côté de la table.  Il sort alors un ordinateur portable et y affiche des photos prises depuis la vidéo surveillance de l’hôpital où se trouve sa mère.

Sol se voit alors traversant les couloirs d’un pas vif, s’arrêter demander quelque chose à un aide-soignant puis poursuivre son chemin pour entrer dans une chambre. Mais il ne s’agit pas de la chambre dans laquelle il a vu sa mère 2 jours plus tôt. D’ailleurs la date ne correspond pas sur la vidéo. Celle-ci date d’une semaine auparavant.

« J’ai oublié cette visite à ma mère ? » Songe-t-il

L’agent de police annonce d’une voix monocorde.

-Vous vous êtes bien rendu au chevet de votre mère à cette date ?

-Je n’en ai pas souvenir. Avoue Sol.

Imperturbable l’officier poursuit :

-Vous l’avez vue après qu’elle ait été violemment agressée par son ancien compagnon et êtes allé immédiatement le trouver par la suite pour vous venger. Contestez-vous les faits ?

Sol garde le silence.

-Vous sembliez apparemment savoir où le trouver, chose que nous ignorions. D’après le témoignage des gens qui se trouvaient avec lui au moment de l’agression, vous sembliez sous l’emprise de drogue.

- Je ne me drogue pas. Répond Sol agacé.

-Ecoutez, vous avez failli plonger un homme dans le coma à force de le tabasser, les témoins disent que vous étiez comme un animal enragé, avec des yeux complétement noirs. Alors je ne sais pas ce que vous prenez, mais ça me parait un peu costaud.  

Des yeux noirs ? Comme ceux qu’il avait vu dans le miroir cette nuit-là en découvrant ses mains meurtries ? C’était forcément lié. La rage devant l’état de sa mère avait dû lui faire frire le cerveau et il avait pété les plombs.

Sol réfléchit à toute allure. Doit-il demander un avocat ? Va-t-il être arrêté pour de bon ? Enfermé ? Pour combien de temps ?

Il attend la sentence du policier bedonnant, mais celui-ci semble prendre un malin plaisir à le faire mariner.

Est-ce que tout cela aurait-un lien avec Kali ? Et cette histoire de démon ? Sol s’est toujours considéré comme un grand sceptique. Mais les bizarreries s’accumulent et ces derniers jours il a été témoin de phénomènes que sa logique ne peut expliquer.

-On fait quoi maintenant ? Lâche Sol en relevant la tête, agacé par le silence de son interlocuteur.

Mais le policier ne répond pas. Il a les yeux dans le vague et semble ne pas remarquer Sol. Ce dernier passe une main devant la figure hébétée. Il risque même une petite pichenette sur la joue. Rien.

Sol se lève doucement. Ouvre la porte de la salle d’interrogatoire et jette un œil dans le couloir. Tout le poste est plongé dans la même léthargie. Une fine fumée grise, presque imperceptible,  semble flotter dans l’air.

Au fond du couloir la porte s’ouvre à la volée et Sol se dirige lentement vers la sortie.

 

*****

54 après JC

A une heure tardive, dans le fond d’une ruelle de Rome, seule une petite lumière vacille dans le noir profond. Une silhouette encapuchonnée s’avance. Encadrée par 2 autres ombres qui semblent vouloir la protéger de cette nuit d’octobre.

A l’intérieur de la pièce éclairée Kali est assise langoureusement dans un divan, ses yeux verts se posent sur son cabinet en bois, rempli de fioles et de philtres. A plus de 400 ans, elle a maintenant l’apparence d’une femme pleine de vie. Ses pensées s'agitent, elle hésite entre deux champignons. Celui qui serait par la suite nommé amanite phalloïde ou bien l'amanite tue-mouche ? Le premier choix est le plus efficace, et le plus rapide mais Kali ne peut s’empêcher d’avoir une préférence pour les couleurs majestueuses du second et de ses effets beaucoup plus spectaculaires impliquant délires, suffocations et convulsions.

Ses pensées sont interrompues par l’arrivée d’un jeune garçon.

- Locuste ! Lance-t-il à l’adresse de la jeune femme, essoufflé.

Le nouvel arrivant ne doit pas avoir plus de 13 ans. C’est encore un enfant, portant sa toge et sa bulla autour du cou.

- Que se passe-t-il Julius ? Demande celle qui va à présent par le nom de Locuste.

- La dame est revenue, je l’ai vue arriver avec ses deux gardes.

- Parfait.

Locuste se lève et se dirige alors vers le cabinet. De là elle sort les fameux champignons. Et décide alors de les combiner. Un résultat fiable et avec panache, qui fera trembler pendant longtemps encore les nobles de Rome.

- As-tu ce que je t’ai demandé Locuste ? Exige une voix dans son dos, quelques minutes plus tard. 

La silhouette encapuchonnée est entrée dans la pièce. Elle dégage à présent son visage. Ses lourds cheveux bruns encadrent son visage fin. Elle est très belle mais d’une beauté glaçante. Froide et déterminée.

- Voici Ô Agrippine, une préparation de champignons à mélanger dans le repas de ton époux.

Agrippine tend alors une bourse à Locuste. Celle-ci la regarde d’un air désintéressé, puis finit par s’en saisir pour la lancer en direction de Julius.

Un air d’étonnement se peint sur le visage de la femme de l’empereur Claude.

- Tu ne souhaites pas être payée pour ton travail ? Demande-t-elle en arquant un sourcil.

- Je trouverai ma récompense dans ta fidélité, noble dame et dans le chaos à venir.  Je crois comprendre que l’avènement d’un nouvel empereur est proche.

Agrippine regarde Locuste.

- Que sais-tu de l’avenir ? Parle !

Locuste a un petit souvenir énigmatique. Elle sait qu’Agrippine a soif de pouvoir. Poster son très jeune fils sur le trône de l’empire romain n’est qu’un début pour elle. Elle est prête à tout pour régner. Locuste sent que ce qui se joue dans sa modeste demeure est un événement majeur dans l’histoire de Rome et de l’occident.

Mais elle se contente de hausser les épaules.

- Je ne suis qu’une modeste marchande de poison ma dame.

Après quelques recommandations sur la façon d’introduire le poison dans la nourriture de l’empereur Claude, Agrippine tourne les talons et remet sa capuche.

- Au plaisir de te revoir noble dame ! Ironise Locuste, et longue vie à ton fils, l’empereur Néron !

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