CHAPITRE 9

Notes de l’auteur : Ce chapitre est la suite du précédent, ce qui explique qu'il soit court.

— La politesse est décidément le plus grand manque dans votre éducation ! répliqua Anne en bombant la poitrine et faisant claquer son éventail quand elle le poussa pour sortir du débarras.

— Mademoiselle de Meslay, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer, minauda de Val-Griffon avec un sourire narquois.

— Cessez cela, le cingla Anne en le fusillant du regard, le plaisir n'est pas partagé ! Ayez la décence de passer votre chemin, votre présence est indésirable depuis que... susurra-t-elle en suspendant sa phrase dans son envol car le gentilhomme n'avait nul besoin d'explication pour comprendre ce qu'elle sous-entendait.

D'ailleurs, il en rit, amusé.

À son bras, Marie d'Humières soufflait d'impatience et eut un rictus de dédain vis-à-vis d'Anne. Édith trouva cela laid et bas. D'un bond elle sortit du débarras, faisant voir dans la lumière que le bas de sa jupe était pleine de poussière, ce qui n'échappa à personne.

— Vous avez de drôle de fréquentations, mademoiselle de Meslay, recrutez-vous chez les petites gens ? persifla Marie d'Humières en ricanant avec Charles.

— Taisez-vous Marie ! se rebiffa Anne mais Édith lui mit la main sur l'épaule.

Elle allait se charger seule de ses prétentieux !

— Je n'ai pas l'honneur de vous être présentée et je vous avoue que je n'aurais nul plaisir à l'être ! Je m'en sentirais salie !

Charles d'Astérie de Val-Griffon haussa un sourcil, esquissa un sourire railleur et examina Édith de pied en cap avec attention. Mademoiselle de Montgey avait la désagréable sensation qu'il la brûlait de son regard ardent braqué sur sa personne et malgré elle, Édith se laissa capturer par l'intensité de ses yeux sombres. Elle eut l'impression qu'elle était face à un fauve à moitié-endormi, restant sur ses gardes pour bondir à la moindre occasion. Ses doigts gantés pianotant sur la garde de son épée à sa ceinture en témoignaient.

Édith sentait qu'il essayait de l'intimider par son silence et par sa manière de l'observer et bien que cela lui parût fou, elle savait que son cœur avait bondi mais pas de peur... Édith s'arracha à l'empire de Charles de Val-Griffon et prit le bras d'Anne pour partir, inutile de faire une scène ici !

Alors qu'elles s'éloignaient d'eux, Édith entendit Marie d'Humières se moquer d'elle dans un rire cristallin.

— N'est-ce pas la nouvelle demoiselle de compagnie de Son Altesse Royale Mademoiselle ? Celle qui s'est effondrée devant Sa Majesté et a reçu le secours du Dauphin ?

— Si fait, répondit Charles, hélas Monseigneur est trop bon...

Édith écarquilla les yeux, elle ne pouvait consentir à croire que le garçon empâté qui l’avait aidé était le Dauphin, le fils du roi, l’héritier du trône ! Pourtant, elle sentait que les deux mauvais en face d’elle n’avaient pas menti… Le Dauphin était venu à son secours !

Son étonnement fut coupé dans son élan avec ses vertiges lorsqu’elle entendit la voix agaçante de Marie d’Humières, fière de lui jeter son fiel sans remord.

— Elle est un peu fade et son teint est gâté par le soleil... Je peine à croire qu'elle soit noble, elle a l'air d'une paysanne !

— N'ayez crainte ma chère, la pauvrette est mal tournée, grossière dans ses manières et quelconque dans l'apparence, elle sera vite oubliée... comme sa prétendue noblesse !

Ce fut l'insulte de trop pour Édith qui fit volte-face et fondit sur le couple qui riait au milieu du couloir. Sans réfléchir, elle leva son bras et assena une gifle monumentale et sonore à Val-Griffon qui resta pétrifié sur place, ahuri.

— Monsieur, redites une fois encore cela et je vous promets que je vous expédie au Ciel ! rugit-elle avant de se retourner et d'emporter Anne, médusée, avec elle.

Elle entendit loin derrière elle, le cri hystérique et outré de Marie d'Humières qui appelait à témoin pour répondre de l'offense, hélas, Charles et elle étaient seuls. Édith sourit et vit arriver à l'autre bout du couloir la duchesse de Montpensier en conversation avec la Surintendante de la Maison de la Reine, la comtesse de Soissons (1).

La duchesse de Montpensier mit fin à leur entretien et la comtesse de Soissons disparut dans une pièce avant que Son Altesse Royale Mademoiselle n'arrive à la hauteur des demoiselles. Discernant que mademoiselle de Montgey massait sa main qui était étrangement rouge et que mademoiselle de Meslay était livide, elle demanda des explications.

— Ce... C'est... bredouilla Anne.

— C'est ma faute, intervint Édith. Je me suis laissée emporter par ma colère et j'ai mal agi envers monsieur de Val-Griffon ... Je l'ai... je l'ai giflé...

La duchesse de Montpensier écarquilla les yeux et s'exclama :

— Eh bien, vous ne manquez pas d'air jeune fille !

— Je vous demande pardon, Votre Altesse Royale Mademoiselle, murmura-t-elle penaude en baissant les yeux.

— Ce n'est pas à moi que vous devez le faire, mais plutôt à lui, ce soir par exemple.

— Ce soir ?

— Parfaitement, l'on fait jeu chez la reine. Je pense que les de Val-Griffon seront là, du moins le fils, car enfin c'est bien le fils que vous avez corrigé ?

— Oui, Votre Altesse Royale Mademoiselle.

— Bien.

Et elle partit en saluant de la tête Anne qui se retrouva soudainement seule car Édith fut obligée de suivre la duchesse de Montpensier. Elle se retourna néanmoins et lui fit un geste de la main pour lui dire aurevoir et peut-être à bientôt. Anne le lui rendit avec un sourire sincère et Édith se plut à croire qu'elle s'était faite une amie, une véritable amie.

Dans le carrosse de la duchesse de Montpensier, Édith n'osait lever la tête, ni se faire remarquer parce que ce qu'elle avait fait était grave, même si les de Val-Griffon étaient les ennemis de Son Altesse Royale Mademoiselle.

En sortant de la voiture, la duchesse de Montpensier adressa une œillade émerillonnée à Édith et lui dit avec un ton léger :

— Joli coup mademoiselle de Montgey, très joli !

Puis elle partit en riant, alors qu'Édith restait avec un sentiment confus dans l'esprit et l'image du regard brûlant de Charles sur elle.

GLOSSAIRE : 

(1) Olympe Mancini (1638-1708), comtesse de Soissons a été une des favorites de Louis XIV, nommée Surintendante de la Maison de la Reine en 1661.

 

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RosePernot
Posté le 08/07/2025
Chapitre complémentaire du précédent qui m’a bien fait rire. Un peu inquiète pour Edith de s‘attacher bien malgré elle à un personnage aussi méprisant jusqu’à présent. L’aidé du dauphin m’a aussi bien surprise. En tout cas heureuse qu’elle se soit fait une amie et que malgré les excuses qu’elle doit donner le soir même que sa tutrice à la cours ne soit pas trop ennuyée. Belle continuation !
adelys1778
Posté le 08/07/2025
Pour savoir le fin mot de l'affaire, il faut continuer :)
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