Chapitre 9

Par Eldir

Le nain et le minotaure s’attelèrent aussi vite que possible à démonter leur campement, et se mirent en route. Deux jours plus tard, ils atteignaient Treflatre, un village frontalier à proximité du massif de Sorroch. Après avoir questionné les villageois, ils découvrirent qu’Hujir était arrivé ici depuis l’est, épuisé et blessé, quelques semaines auparavant. Suite au décret royal qui avait proclamé les minotaures membres honoraires de la maison des Guérisseurs, les habitants avaient accueilli et soigné le fugitif. Il avait ensuite demandé qu’on le guide jusqu’aux montagnes. Le guide n’étant pas rentré après deux jours, les villageois inquiets étaient partis faire une battue. Ils avaient retrouvé le corps sans vie d’Aldon, le guide, à une journée de marche au nord du village et immédiatement fait prévenir la garnison la plus proche.

  • Mais si Hujir a annoncé vouloir partir vers le nord, pourquoi les cavaliers ne l’ont-ils pas suivi plutôt que de partir vers le sud ? demanda le nain à l’homme qui les avait renseignés.
  • Hé bien ils sont en garnison ici, leurs ordres leur interdisent de passer la frontière. Du coup ils ont préféré aller au sud au cas où il aurait changé d’avis. En plus il n’y plus aucun sujet de la reine Jianna à protéger au nord.

Les deux vagabonds remercièrent leur interlocuteur et partirent sur la piste qui menait vers le nord après avoir acheté quelques provisions séchées.

  • Ces gens sont très à cheval sur les lois ! déclara le nain avec un soupçon d’agacement.

Le minotaure stoppa sa marche, fixa son compagnon et éclatât d’un rire qui sonnait comme un mugissement.

  • À cheval ! s’écria le monstre toujours riant.

Jorka le considéra avec incompréhension.

  • Mais quoi ? demanda le nain qui sentait sa patience faiblir.
  • C’est amusant, car cette expression « à cheval sur la loi », hé bien ici ceux qui font la loi sont vraiment tous à cheval, expliqua-t-il.

Le nain finit par comprendre et rit à son tour, puis tous deux poursuivirent leur route. Le froid était plus piquant que dans les montagnes et malgré le printemps déjà bien amorcé, il restait des endroits enneigés. Les nuages presque toujours présents donnaient une teinte grisâtre à tout le paysage.

  • Est-ce qu’il y a une forteresse de ton peuple dans les Sorroch ?
  • Non, les sols y sont pauvres, on y trouve ni métal ni pierres précieuses. En plus, pour ce que j’en sais, c’est plein d’orcs et de gobelins.

Magnamon resta pensif quelques instants puis questionna à voix haute :

  • Mais pourquoi les Faujir ne gardent pas la frontière plus étroitement s’il y a des gobelins ?
  • Ho mais ils la gardent. Il n’y a pas de troupes stationnées à chaque route comme dans l’empire, mais des patrouilles à cheval qui couvrent un secteur délimité par de petits postes d’observation. Ça ne retiendrait pas une vraie armée, mais ils peuvent repérer et stopper des incursions de maraudeurs.

Le nain conduisit son compagnon vers les hauteurs afin d’avoir un point de vue surélevé. En milieu d’après-midi, il s’arrêta et commença à monter le camp. Du coucher du soleil jusqu’à tard dans la soirée, le nain scruta à la recherche d’une lumière quelconque ou d’une odeur de brûlé. Pour ne pas risquer de rater un indice ou être repérés les deux compagnons s’interdirent eux-mêmes de faire du feu, même enterré. Le lendemain ils étaient bredouilles, gelés et fatigués car le froid les avait empêchés de dormir. Ils ne se mirent pas moins en route, tantôt marchant, tantôt escaladant pour trouver un nouveau point d’observation et recommencer. C’est après cinq jours de cette routine, que fatigués, les jambes et les dos douloureux, les deux compagnons découvrirent finalement ce qu’ils cherchaient. Un point rouge en contrebas ; la lumière tremblotante d’un feu ! Le camp qu’ils avaient repéré se trouvait au sommet d’une petite colline boisée juste au dessus du point d’observation choisi la veille par le nain. Afin de ne pas perdre la trace, ils avancèrent vers le point lumineux avec les dernières lueurs du jour. Au moment où le noir fut total, ils avaient atteint la base du monticule de terre, cachée par les arbres clairsemés ; ils pouvaient néanmoins sentir l’odeur du bois en train de brûler. Jorka avançait avec prudence, mais la fatigue rendait tout plus difficile. Les brindilles, gorgées d’humidité, produisaient un son spongieux en s’écrasant sous leurs bottes. Tout à coup, le nain se figea. Son compagnon l’imita.

Un bruit de raclement résonnait doucement entre les arbres, il trouvait sa source à quelques mètres devant eux. Le feu était maintenant si proche qu’ils pouvaient voir par moment des éclats de lumière entre deux arbres. Le nain hésita debout dans le noir, puis porta ses pas vers le bruit, en s’approchant il réalisa que cela ressemblait plutôt à un grognement. Ses sens brusquement alertés par la peur, il localisa la source du son derrière un arbre, il dégaina un poignard et se dirigea vers la gauche en faisant signe à Magnamon de passer par la droite. Avec une extrême précaution, il franchit le dernier mètre et observa. Un tas informe était appuyé contre l’arbre. Il crut discerner des bras et des jambes, mais l’obscurité était si épaisse qu’il ne pouvait pas en être sûr. Soudain une flamme plus haute que les autres éclaira le corps aux reflets verts. Jorka reconnut alors ce qu’il avait sous les yeux. Un orc ronflant, sa tête était appuyée sur son épaule gauche et il tenait dans ses mains un long bâton muni d’une tête de pierre massive. C’est cette arme incongrue qui avait confondu le nain, maintenant il savait ce qui lui restait à faire. Il avança et planta son poignard dans la gorge du peau-verte. De l’autre main il vint bloquer l’arme en attrapant le manche. Les yeux de l’orc s’ouvrirent pleins de peur et de surprise. Il ouvrit la bouche pour crier, mais seul un misérable gargouillis et un flot de sang se déversèrent de ses lèvres. Le prince ne quitta pas sa victime des yeux avant que la mort ne s’y soit complètement installée.

Il retira son arme, et l’essuya comme il put dans le noir sur les vêtements du cadavre. Sans un mot les deux compagnons s’approchèrent un peu plus du feu. Ce n’était pas vraiment une clairière, mais plutôt un éclaircissement dans le bois suite à la coupe de quelques arbres, dont le foyer occupait la place centrale. Réparties en cercle se trouvait, au milieu des souches mortes et des branches coupées, cinq créatures allongées. L’une d’elle était un minotaure ; ses cornes le trahissaient immédiatement.

Jorka attira l’attention de Magnamon, puis il désigna le dormeur le plus proche de lui et fit glisser un doigt contre sa propre gorge pour faire comprendre son intention, puis il désigna un autre orc à Magnamon pour qu’il se charge de l’expédier avant que les autres ne se réveillent. Les deux compagnons s’avancèrent à pas feutrés vers leurs cibles respectives. Jorka avait sa hache dans la main gauche et son poignard dans la droite. Il enjamba une branche, puis une souche et encore une branche, mais ses muscles fatigués ne lui permirent pas de lever suffisamment le pied. Il s’accrocha dans le morceau de bois mort. Il gesticula pour retrouver son équilibre, mais une crampe le saisi au mollet et il s’effondra dans un craquement de bois.

Magnamon vit sa victime en devenir ouvrir les yeux, au moment où il arrivait sur lui, il laissa tomber le petit couteau dont il s’était muni pour brandir sa hache des deux mains. Son adversaire essayait de se relever, il ne lui en laissa pas le temps et frappa d’un coup précis et violent en pleine poitrine. La hache traversa les côtes du peau-verte, qui poussa un cri de douleur. Magnamon fut saisi de honte en réalisant qu’il avait attaqué un adversaire au sol. Il voulait l’achever au plus vite pour mettre fin à ses souffrances et que cette bassesse disparaisse de sa vie, mais les autres s’étaient réveillés et deux orcs lui fonçaient dessus. Magnamon recula prestement pour avoir le temps d’évaluer ses adversaires, pendant ce temps le peau-verte qu’il avait attaqué si lâchement continuait à hurler de douleur et à perdre son sang dans l’herbe humide.

Jorka, quant à lui, se releva en même temps que la créature dont il avait espéré trancher la gorge en silence. Fort heureusement dans sa chute il n’avait pas laissé tomber ses armes. Il se jeta sur l’orc, espérant une victoire rapide sur un adversaire encore somnolent, mais son ennemi l’attendait de pied ferme, armé d’une massue qu’il avait attrapé en se levant. Il arrêta net le nain et le força à reculer. L’orc était agressif et fort, mais Jorka savait qu’il ne perdrait pas ce duel, il lui suffisait de rester hors de portée, le temps que son adversaire se fatigue. Ce qui arriva assez rapidement. Le prince se rapprocha de l’orc pour lui porter le coup de grâce, mais à ce moment là, un nouvel adversaire entra dans la ronde en mugissant. Le minotaure à la tête blanche tacheté avait essayé d’assommer le nain avec une lourde branche. Ce dernier ne devait son salut qu’au fait d’avoir fait un pas de côté au dernier moment pour attaquer le flanc droit de l’orc plutôt que le gauche. La branche lui érafla l’épaule, il se tourna pour pouvoir faire face à ses deux adversaires.

Jorka déploya tout ce qui lui restait de concentration pour esquiver les coups d’Hujir. Mais mort de fatigue, en reculant dans ce terrain accidenté, il fini par faire un faux pas et le monstre s’empressa pour l’encorner. Jorka vit sa dernière heure arriver, le pied coincé dans le creux d’une racine, il ne pouvait pas bouger. Le minotaure dévia de sa course au dernier moment, poussé par l’orc qui avait aussi voulu profiter de l’ouverture pour tuer le nain. Les deux attaquants s’emmêlèrent les jambes et l’orc s’effondra au pied d’Hujir qui dut reculer. Jorka ne laissa pas passer l’occasion, il abattit sa hache dans la colonne vertébrale de l’orc. Aussitôt la branche fondit sur sa tête, il recula mais son pied toujours coincé lui fit perdre l’équilibre, il tomba sur le dos. Un deuxième coup ne tarda pas. Jorka bloqua l’attaque avec sa hache. D’un coup de pied, le monstre cornu repoussa le bras du nain derrière sa tête, puis lui écrasa le bras sous sa botte. Le prince profita de l’opportunité pour poignarder son adversaire au mollet avec sa main gauche, mais Hujir refusait de lâcher prise. Un nouveau coup de massue tomba sur son bras et il poussa un hurlement de douleur en voyant l’angle improbable que formait maintenant son avant-bras. Le minotaure leva sa branche pour une ultime attaque et frappa le nain en plein visage. Le sang gicla sous l’impact et un craquement sinistre d’os brisé résonna dans le bois. Essoufflé Hujir s’arrêta et recula pour retrouver son calme. C’est à ce moment que Magnamon qui venait d’écraser ses deux adversaires le saisit par derrière avec le manche de sa hache et commença un lent travail d’étranglement. Il tenait l’arrière de la tête du traitre avec son mufle, les cornes tachées de sang d’orc empêchant sa tête de tourner et du manche de son arme il lui comprimait le cou. Hujir essaya bien de se débattre, mais sa branche lui échappa des mains et ses griffures sur les mains de son adversaire ne suffirent pas à le libérer. Magnamon maintint sa prise quelques instants après que son adversaire ait cessé de se débattre, puis il le ligota sommairement à un arbre avec les cordes de la tente. Il se précipita ensuite sur le nain qui ne bougeait plus du tout depuis le dernier coup qu’il avait reçu. Il constata qu’il respirait toujours, mais avec difficulté, le sang de son nez brisé s’écoulant dans sa gorge. Il lui releva la tête et la lumière du feu révéla qu’il avait l’arcade et la pommette gauche cassée, quelques dents tombèrent de sa bouche entre-ouverte ainsi qu’un filet de sang.

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Edouard PArle
Posté le 04/09/2021
Hey !
La scène du combat est bien décrite, j'arrivais bien à me l'imaginer. Après j'avoue que le fait qu'ils attaquent des orcs dans leur sommeil n'est pas le fait d'arme le plus glamour ^^
Quelques remarques :
"les habitants avait accueilli et soigné" -> avaient
"ou d’une odeur de brulé." -> brûlé
"fait un pas de coté au dernier" -> côté
Bien à toi
Eldir
Posté le 07/09/2021
Merci pour ton commentaire et merci pour les fautes. Non en effet les actes de violence sont rarement glamour.

A++
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