Assise à leur table, Cléo scrutait chaque recoin de la taverne. Rien ne devait lui échapper : ni les gestes pressés de l’aubergiste derrière son comptoir, ni les éclats de voix étouffés des clients, ni l’odeur de bois brûlé qui se mêlait à celle d’un ragoût trop épicé. Chaque détail pouvait être une clé pour comprendre où ils se trouvaient.
Et pourtant… plus elle observait, plus tout cela lui paraissait irréel. Les habitants, avec leurs vêtements grossiers et leurs airs de village d’antan, semblaient avoir bondi hors des romans de fantasy qu’elle dévorait depuis l’enfance. Mais c’était impossible. La magie n’existait que dans les livres. Elle le savait.
Elle remarqua un mouvement dans l’ombre, près de la porte arrière. Une silhouette fine et élancée, presque trop droite, glissa entre les colonnes de bois, à peine perceptible. Son pas était silencieux, précis, et ses mouvements dégageaient une sorte d’élégance naturelle qui fit froncer Cléo. Elle ne détournait jamais le regard, fascinée par cette figure dont les cheveux semblaient capturer la lumière des bougies.
— Vous n’êtes pas les premiers à apparaître dans ce village de manière… étrange, dit un homme plus âgé en s’approchant de leur table. Sa voix était posée, presque neutre.
Cléo sentit son estomac se nouer. Ses yeux ne quittaient pas la silhouette qui s’était maintenant appuyée contre un pilier, immobile, comme si elle observait chaque détail de la salle. Il y avait quelque chose d’indéfinissable dans sa présence, une aura qui ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait.
Et puis, avant qu’elle puisse s’approcher ou demander quoi que ce soit, la silhouette se fondit de nouveau dans l’ombre, disparaissant aussi silencieusement qu’elle était apparue. Cléo savait qu’elle reviendrait dans ses pensées plus tard. Il y avait quelque chose à découvrir, quelque chose qu’elle devait comprendre.
Pour l’instant, elle décida qu’il était de se remplir l’estomac. Le plat de soupe fumante fut posé devant eux, et Cléo se pencha légèrement pour sentir l’arôme. Un mélange de légumes et d’herbes sauvages qui, étrangement, la calma un peu après la fatigue de la forêt. Elle prit une cuillère, mais son esprit restait ailleurs, oscillant entre la silhouette mystérieuse et les visages tendus de ses cousins.
— Bon… souffla Caleb en soufflant sur sa soupe, ça fait du bien de s’asseoir, non ?
Liam grogna quelque chose d’incompréhensible tout en jetant un regard nerveux vers la porte.
— Je… je sais pas vous, mais moi, je me sens complètement perdue, lâcha Ilana en tremblant légèrement. On est… on est pas chez nous. Pas du tout.
— Perdus, confirma Liam en frappant du poing sur la table. Et ce village… tout est bizarre. Les gens, les maisons… rien n’a de sens. On devrait pas être là.
— Exactement, dit Caleb d’un ton grave. On est tombés ici par ce… ce portail. Et maintenant on sait même pas où il est ni comment revenir.
— Et si on y arrivait jamais ? murmura Lysandra, la voix tremblante. Et si on restait coincés ici pour toujours ?
Jorick posa ses mains sur la table, le visage crispé.
— C’est exactement pour ça que je te reproche quelque chose, Lys. Si tu n’étais pas partie seule après cette lumière… on ne serait pas dans cette situation. Tu t’imagines ce qui aurait pu arriver ?
Lysandra baissa les yeux, rouge de honte et de peur.
— Je… je ne pensais pas que ça me mènerait ici… Je voulais juste comprendre…
— Comprendre ? s’exclama Liam, la voix tremblante. Tu nous as mis tous en danger ! On a failli… On a failli y passer à cause de ça !
— Calmez-vous, intervint Cléo, essayant de garder son calme malgré la tension. Oui, Lys a pris un risque… mais maintenant, ce qui compte, c’est ce qu’on fait. On est tous là, on doit réfléchir, pas s’engueuler.
— Facile à dire pour toi, grogna Liam.
— Et justement, ajouta Ilana, d’une voix tremblante, on doit se concentrer. Si on panique et qu’on se dispute, on va passer à côté de quelque chose.
Lysandra releva timidement la tête.
— Je… je voulais juste savoir ce que cette lumière signifiait. Je ne voulais pas que vous soyez blessés…
— Je sais, soupira Jorick. Mais maintenant, il faut être réalistes. On doit rester ensemble, se protéger, et surtout… trouver comment revenir chez nous.
— Et comment on fait ça ? murmura Liam, le regard perdu. On connaît rien de ce village, personne ne nous explique rien…
— On observe, on pose des questions discrètement, et on reste attentifs à tout, répondit Cléo. C’est notre seule chance. Et on ne se sépare pas.
— Et si le portail n’est pas ici ? demanda Lysandra, la voix presque brisée. Et si on avait raté notre chance ?
Cléo posa une main sur l’épaule de sa cousine.
— Alors on continue à chercher. Ensemble. Peu importe ce qui se présente devant nous, on reste unis. On se protège les uns les autres.
Un silence s’installa, seulement troublé par le crépitement du feu dans la cheminée de la taverne et les murmures des habitants. Chacun sentait le poids de la situation : la peur, l’inquiétude, et cette étrange impression que quelque chose, ou quelqu’un, les observait depuis l’ombre.
— Bon, dit finalement Caleb, on fait le point : on reste ensemble, on observe, on interroge discrètement… et surtout, on trouve ce portail.
Lysandra acquiesça lentement, la honte et la peur toujours présentes, mais la détermination commençant à poindre dans ses yeux verts.
— Exactement, conclut Cléo. Et on avance, quoi qu’il arrive.
Ils finirent leur repas en silence, soulagés d’avoir un plan auquel se tenir. Par la petite fenêtre de la taverne, Cléo vit le soleil décliner lentement, teintant les pavés de la place d’un orangé presque irréel. Le vent léger faisait bruisser les feuilles et les volets des maisons, accentuant le silence presque inquiétant du village.
— Et si on profitait de ce soir pour se reposer et qu’on commence nos recherches demain matin ? proposa Cléo, brisant le silence.
Elle capta le regard de sa sœur, visiblement soulagée de ne pas devoir affronter la nuit.
— Très bonne idée Cléo.
— Je suis d’accord, renchérit Caleb, et comme c’est toi qui en a eu l’idée je propose que ce soit toi qui te dévoue pour demander à l’aubergiste si on peut dormir ici.
Cléo leva les yeux au ciel. Evidemment, c’est toujours à moi d’affronter les choses en première. Voyant que personne ne prenait les devants, elle se leva.
— D’accord, répondit-elle, j’espère qu’il va dire oui…
Liam lança un dernier regard nerveux vers la rue, serrant ses poings sur ses genoux.
— J’espère qu’on pourra dormir tranquilles… murmurait-il. Cette atmosphère me donne la chair de poule.
Cléo s’approcha du comptoir, mais son assurance s’effritait au fur et à mesure qu’elle avançait. L’aubergiste, un homme massif au tablier graisseux, essuyait une chope sans lever les yeux.
— Euh… est-ce que… vous auriez une chambre pour nous ? demanda-t-elle d’une voix prudente. Juste pour la nuit.
L’homme releva enfin la tête. Son regard froid, presque soupçonneux, la détailla de haut en bas.
— Et vous payez avec quoi ?
Cléo ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Elle n’avait pas pensé à ça. Derrière elle, elle sentit le poids du regard de ses cousins. Jorick se racla la gorge.
— On… on n’a rien. Pas encore.
Un silence brutal s’abattit. Les clients les plus proches avaient cessé de parler et fixaient maintenant leur table avec une curiosité glaciale. L’aubergiste renifla et secoua la tête.
— Ici, tout se paie. Même l’air qu’on respire. Alors, si vous n’avez rien… pas de chambre.
Cléo sentit sa gorge se serrer.
— S’il vous plaît… juste un endroit où dormir. On vous rendra service, on…
L’aubergiste claqua la chope sur le bois, faisant sursauter tout le monde.
— Pas de monnaie, pas de toit. Trouvez-vous une grange. Ou priez que les loups aient déjà mangé.
Liam blêmit et serra les poings. Caleb posa une main ferme sur son épaule avant qu’il explose. Jorick baissa la tête, une lueur sombre dans les yeux.
— Très bien, dit-il simplement. On ne vous dérangera pas plus.
Ils quittèrent la taverne dans un silence pesant, les chuchotements derrière eux résonnant comme un écho hostile.
Dehors, la nuit s’épaississait déjà. Les rues désertes s’étendaient devant eux, baignées d’ombres mouvantes.
— Génial, grommela Liam. Pas de lit, pas de plan, pas d’espoir. On va finir crevés dans un fossé.
Lysandra frissonna, jetant un coup d’œil nerveux autour d’elle.
— On trouvera bien quelque chose…
— Ouais, c’est ce que t’as dit pour ta foutue lumière, et regarde où ça nous a menés, lâcha Liam, venimeux.
Cette fois, personne ne le reprit.
je les comprends d'en vouloir à Lysandra, même si elle a été comme appelé par cette lumière.
En espérant que les tensions n'explosent pas trop entre eux, surtout dans ce village plus qu'étrange.
Je suppose qu'on va revoir l'homme âgé, alors hâte de voir la suite :)
A plus ! ^^
"elle décida qu’il était de se remplir l’estomac" -- "qu'il était temps de"
Bien vu pour le mot manquant, je vais corriger ça tout de suite ! Et oui ils ont un peu de rancoeur envers elle pour l'instant, ils sont tous un peu chamboulés et perdus :)