Chapitre 9 Dehors

9/ Dehors

Dehors ? Non ce n’est pas le dehors, je reconnais les carreaux d’une serre. Je vois parfaitement les étoiles. Le sol est froid et ... mou ?

Comment ça mou ? De la terre ! Je touche de la terre ! Je me relève à la hâte, écœurée. Mes gants sont restés dans ma cellule évidement. Je cherche la porte à tâtons. Elle a été verrouillée. J’essaie de l’ouvrir en forçant, en tambourinant, en vain. Encore enfermé. Ça va devenir une manie ! L’adrénaline de la course fait place petit à petit à une sueur froide qui coule le long de mon dos : la peur se déverse sur moi. Je sens la panique me gagner le cœur. J’ai envie de vomir, je ne bouge plus. Au secours.

Je tente de respirer, de me raisonner. On va venir me chercher, je ne risque rien ici après tout. C’est juste une serre. Une serre avec... de la terre !  Je reste droite, les bras le long du corps essayant de ne pas penser à ce qui m’entoure. Respire Agnès, respire. Tout va bien se passer. J’ai le corps tétanisé à force de rester rigide comme une statue. La fatigue commence à avoir raison de moi… Je me sens basculer et voici que je tombe par terre. Le réveil est brutal encore une fois avec le contact froid de la terre. Ah !!!! J’en ai dans la bouche !!! Je craque, je pleure. Au secours…

La nuit elle, poursuit sa ronde sans pitié, sans répit. Je guette le soleil comme mon salut : on viendra me chercher ! Debout sans rien toucher je regarde les étoiles.

 

Un groupe d’étoile en cercle, un cercle de femme. Les étoiles tourbillonnent, la tempête de neige me brouille la vue. J’arrive dans la clairière et entre dans la cabane. A l’intérieur il y a un grand feu et plein de femmes autour. C’est le conseil des gardiennes. Je plonge mon regard dans une coupe d’eau que l’on me tend mais j’ai peur de ce que je vais y voir. Mon reflet m’attend de l’autre côté de l’eau. J’ai de la peine à le voir, l’eau se trouble constamment. Mon guide me dit de ne pas avoir peur. J’ai peur de ne trouver personne en moi. Je dois plonger, plonger dans le froid et le noir…

 

Je me réveille en sursaut. Je suis allongée sur le sol. Que s’est-il passé ? Je me relève et enlève précipitamment la terre. C’est le matin j’ai dû finalement m’endormir. Mais j’étais partis ailleurs comment est-ce possible ? Je croyais que je ne pouvais pas dormir sans gélule de nuit ! Je suis étourdie comme encore dans l’eau trouble dont le souvenir commence à s’effacer. La sensation reste un instant et je me frotte les joues en respirant abondement pour me convaincre que je suis bien ici, sèche et dans la réalité. Je regarde autour de moi cet endroit qui m’a emprisonné. Il s’agit d’une grande serre dont le sol est bien de la terre. Tout autour, de grands arbres fruitiers et au sol une sorte de mousse verte. Un sentier mène vers le centre de la serre. Je m’approche, il y a une vasque de pierre immense et surélevée surmontée d’un kiosque de pierre. Le plafond est veiné de métal formant une étrange toile d’araignée. Elle se reflète dans l’eau de la vasque formant milles entrelacs de lumière. Je plonge mon regard dans le reflet. Mon visage est couronné de filaments cuivrés. Une douce lueur apparait progressivement dans mon regard. Je suis fascinée.

- Agnès !

Je sursaute. C’est Tadi, il se tient sur le seuil.

- Que fais-tu ici Agnès ?

J’ouvre la bouche pour parler, sans succès. Derrière lui je vois Kotori et sa bande.

- Je me suis perdue, désolé.

Tadi ne dit rien mais me regarde. Il sait.

Il me raccompagne dans ma cellule. Le chemin du retour me semble très court. Me suis-je perdue si vite ? Tadi me demande de me reposer un peu. J’ai ma journée de libre. Ses yeux verts sondent longtemps les miens. Je ne dis rien et il finit par me laisser seule.

J’en profite pour me désinfecter entièrement et remet mes gants avec soulagement. Je me repasse le film des évènements. Cette fois c’est sûr il se passe de drôles de choses chez les Nourrisseurs et c’est au-delà des rumeurs débiles que l’on nous sert habituellement. J’ai vu quelque chose. J’en suis sûr mais j’avoue que je ne sais pas ce que c’était. Tadi et Kotori sont-ils impliqués ? Et quel rapport avec mon Grand-père et ses technologies d’il y a 30 ans ? Je me trouve devant une énigme insoluble. Je ne sais même pas si tout cela est lié d’une manière pou d’une autre. Je dois faire attention de ne pas partir dans mes délires comme à chaque fois. Tu as trop d’imagination Agnès ! Combien de fois ais je entendu ce reproche ! Trop d’imagination, trop de questions, trop de tout. Incapable de rester à sa place, d’accepter son rang. Et aujourd’hui encore après mon affectation je ne suis pas guéri de cette maladie du doute et du secret qui s’enflamme dans mon cerveau.

 

Quelques instants plus tard on tape à ma porte. C’est Hateya. Elle fait partie de l’équipe de Kotori. Je l’accueille froidement. Elle s’excuse pour la farce d’hier et me remercie de n’avoir rien dit. Ainsi Kotori s’est bien joué de moi. Il m’a attiré pour pouvoir me jouer ce mauvais tour.

- Que me veut-il à la fin ?

Hateya ne répond pas et hausse les épaules.

- Tu sais moi aussi je trouve Kotori un peu trop extrême avec toi et je lui ai dit ce que j’en pensais. Je suis vraiment désolé…

- Merci.

Mon regard glacial la dissuade de continuer et elle repart. Ouf un peu de calme et de sécurité.

Je me sens mieux maintenant et l’étrangeté de la nuit revient à ma mémoire. Je tente de dessiner ce que j’ai vu mais mes souvenirs se dérobent. Je dessine alors la salle de la vasque avec la lumière des étoiles qui se reflètent dans l’eau, les plantes qui lui font un cercle cérémonieux. Puis je rajoute une jeune fille endormie, la tête au fond de l’eau. Je regarde mon œuvre troublée et fascinée. Il me semble qu’un souvenir essai de remonter à la surface. Je devrais être terrorisée et pourtant… Je me rappelle une lumière, une lueur dans la nuit.

Je reste enfermée dans ma cellule toute la journée. Une théorie s’élabore doucement dans mon esprit. Peut-on allez ailleurs la nuit quand on ne prend pas de pilules de nuit ? Se passe-t-il quelque chose de particulier dans cette serre ? C’est décidé, il faut que j’y retourne. 

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