Chapitre 9 : Le passé de Medgardt : La découverte d'un cadeau inattendu

        Le bout du jour à peine levé, une petite malle avait été déposée sans un bruit sur sa couche. A l’intérieur – un intérieur bien plus profond qu’elle ne le laissait imaginer – toute une nouvelle garde-robe attendait Medgardt. Il y avait deux paires de bottines de cuir épais et blanc cassé. Chemises, pantalons, gilets, vestes et vestons étaient de même couleur. Ils étaient tissés avec de la flanelle, du coton et du lin frais, jamais portés encore, à peine assouplis. Il y avait même les sous-vêtements. Sur le dessus, deux petits coffrets de forme oblongue patientaient.


       Le premier contenait une paire de gants de cuir blême et soigneusement couturés. Medgardt les enfila en les fixant, les yeux grand ouvert, comblé d'enthousiasme. Il ne peinait pas à s’expliquer sa joie car sa famille était pauvre et il n'avait jamais eu l'habitude d'un tel luxe. Bien plus encore que tout autre, la perspective de posséder ces beaux gants le ravissait. Il n'en avait jamais eu de vrais, comme les gens du Haut-Monde qu'il entrevoyait parfois. Sortant d'une calèche, ils passaient à la hâte dans la boutique de filtres d’Émotions de son père. Située dans la rue des Boutillots, une des voies du Bas-Monde. Il s'était toujours dit qu'il aimerait en avoir si, un jour, il pouvait. Pour lui, c'était la touche finale d'une tenue qui n'était qu'à soi-même car les gants s'adaptaient à une taille de mains uniquement et ne se donnaient pas facilement. Enfin, quelque chose qui lui appartenait vraiment et le protégerait du monde. Et maintenant, il possédait cette paire de gants.


        Une fois, il avait demandé à sa mère s'ils pouvaient en avoir et son père avait tout de suite répliqué que seuls les gens qui avaient une bonne place ou qui n'étaient pas obligé de travailler pouvaient s'en acheter. Son paternel avait grommelé quelque chose sur une histoire de mains de Messieurs Gantés. Sa mère l’avait puni en lui tapant sur les doigts avec la cuillère qui remuait le gruau. Ensuite, elle avait regardé Medgardt de ses yeux de noisette douce.
– Le monde est fait comme ça, mon p'tit cœur. Certaines personnes ont des mains bien robustes comme les nôtres. Des mains de travailleurs qui se tuent à la tâche, juste pour une bouchée de pain. Des gants, pour nous, c'est un rêve inatteignable contrairement aux mains délicates des Gantés.

Elle avait à nouveau jeté un œil furieux à son père qui avait eu le bon sens de se taire.
– Il faut jamais en vouloir aux mains des gens. C’est ce qu’ils ont dans la tête qui compte.
Puis, elle était revenue à son ouvrage avec entrain, ses mains à elle tournant le mélange fumant.
– Si un jour la vie te donne la chance d’avoir de vrais gants, sois content. Ça voudra certainement dire que t’as réussi.

       

        A présent, Medgardt se demandait en regardant ses gants ce qu’il avait bien pu réussir pour les avoir. L'admission au culte était-il un exploit ? Oui, ce devait l'être.
– Tu n’ouvres pas l'autre ?
Il n’avait pas entendu son camarade de chambre Antioch arriver, tout près de lui. L'espace du Dormitorium, le lieu où couchaient les adeptes du culte, était divisé en chambres pour deux personnes appelées Cassatz. Troublé, il regarda le second coffret, à côté de la pile de vêtements sur son lit, hésitant à le toucher. Ce coffret-ci était d'un bois précieux et sombre. De l'ébène ? se questionna-t-il pour penser moins à sa gêne. De toute façon, il fut si tourneboulé par la boîte qu’il l'oublia.
Après un instant, il osa finalement déplier le ruban bleu roi encerclant la boîte et l'ouvrit. Sa bouche fit un grand O de stupéfaction et ses grands yeux brillèrent. Ses doigts crépitaient de gaieté jusqu’aux tréfonds de son âme. Quel honneur lui était fait !

       Medgardt sortit l'objet de son contenant. Il s’en empara presque solennellement, un peu intimidé par le moment et le rapprocha à sa taille, malhabile. La ceinture ivoirine à la boucle argentée à l'effigie d'Ogra lui allait comme un gant. Il ne voyait pas ce qu’il pouvait bien manquer à tout ce qui lui avait déjà été offert. Il ne savait même pas qui remercier et bénit la déesse Ogra.

        Quand, enfin, il se remit de ses émotions, sa paupière droite trébuchait encore de contentement. C'était un tic nerveux et habituel quand il était heureux. Cela s'était un peu accentué sous l'emballement de ses émotions.
– Ils sont pour moi ?! C'est incroyable !! Je n'ai jamais eu d'aussi beaux vêtements.
Un large sourire aux lèvres, Antioch avait l'expression des gens qui sont difficilement impressionnés par toute chose. Medgardt fixa son visage sous toutes les coutures, jusqu’au long nez évasé et, aux fines lèvres et arcades sourcilières. Il tenta de comprendre ce qui faisait sa beauté. Sa peau d'ambre éclairait des yeux lumineux couleur café, faisant le contraste avec sa chevelure d'un noir de jais. Il déglutit avec la désagréable sensation d'être emporté par une vague et calma son ardeur. Medgardt se contenta de faire un mur noir de ses paupières et de regarder à l’intérieur de soi. Longtemps.
Quand la voix gracile de son vis-à-vis l’y arracha, il vit que Antioch était déjà hors de la Cassatz.

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Le Diable
Posté le 13/09/2024
J'adore les cadeaux, de préférence dans un coffret de bois d'ébène, et c'est donc avec grand plaisir que je me suis mis à la place du héros pour le déballer!
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