Chapitre 9 : Obsessions interdites

La nuit enveloppait l'appartement dans un silence feutré lorsque Alec rentra. Le froid piquant de l'air extérieur s'estompait à peine tandis qu'il fermait la porte derrière lui. D'un pas lent, il traversa le petit hall. Rien dans cette fête qu'il avait rejoint quelques heures plus tôt ne l'avait captivé, pas assez en tout cas pour s'y attarder. Harry, lui, s'était laissé charmer par une petite brune aux courbes généreuses et ne rentrerait probablement pas avant l'aube. « Veinard, » songea Alec avec un sourire amusé tandis qu'il se déchaussait pour rejoindre le salon. A peine arrivé dans la pièce, il fut surpris par la lumière tamisée. Un désordre studieux avait envahit la pièce. Des manuels ouverts et des notes étaient éparpillés un peu partout. Elena, absorbée dans ses révisions trônait au milieu de ce bazar. Elle ne le remarqua pas tout de suite. Alec l'observa à son insu un long moment. Elle portait la même tenue que la fois passée, dégageant un charme auquel Alec avait de plus en plus de mal à résister. Ses cheveux détachés encadraient son visage et lui donnaient un air de petit chat sauvage. Alec hésita à lui indiquer sa présence avant de l’interpeller,« Et bien, sympa ton vendredi soir. Il n’y a pas à dire, tu sais t’amuser toi. »

Elena releva les yeux, d'abord surprise puis elle afficha un sourire narquois. Ses traits, bien que marqués par la fatigue, semblaient s'éveiller à nouveau de façon espiègle. « Alec McDowell, le roi de la drague et te voilà rentré avant le petit matin ? Comme c’est surprenant. Harry n'est pas avec toi à ce que je vois. Il s'est trouvé une fille, j'imagine ? »

Alec repoussa les affaire qu'Elena avait laissé négligemment traîner sur le canapé pour s'y installer confortablement.  « Harry ? Ouais, il est parti jouer les Don Juan chez une nana. Quant à moi... disons qu'il n'y avait aucune fille particulièrement intéressante ce soir. »

« Personne d'intéressant ? Alec, depuis quand tu deviens aussi difficile ? » le taquina-t-elle. Elle s’approcha un peu plus, sa poitrine frôlant le bras d’Alec, le faisant frissonner, « Ou alors... tu perds la main ? Parce que si c'est ça, je peux toujours te donner des cours. »

Alec était à la fois amusé par son insolence et piqué dans son ego. Il se redressa légèrement, bombant le torse afin de se donner contenance et surtout cacher à travers l’humour le trouble qui s’emparait de lui, « Moi, perdre la main ? Tu rigoles, chaton. C'est juste qu'aucune fille ce soir ne valait la peine que je me fatigue. Je laisse les miettes à Harry. »

Elena éclata de rire, « Harry serait ravi de t’entendre ainsi le dénigrer. »

« Heureusement que tu ne lui dira pas alors. »

« Harry a pourtant trouvé son bonheur, alors j'imagine qu'il y avait tout de même du potentiel... » Elle fit mine de réfléchir, ses doigts jouant distraitement avec une mèche de ses cheveux. « D'ailleurs, ça fait déjà trois semaines que tu joues les moines, à ce qu'il paraît. Venant de toi, c'est surprenant. Tu souffres peut être d'impuissance... Tu devrais consulter, on ne sait jamais... » lâcha-t-elle.

Le regard d’Elena s’assombrit, elle humecta ses lèvres sensuellement. Alec, déglutit, ne sachant comment interpréter tous ces signes. Son regard dériva alors, presque inconsciemment, vers le débardeur noir moulant d'Elena. Sa poitrine se relevait au rythme de ses respirations de plus en plus erratique. Il se mordit la lèvre, hésitant, combattant une vague soudaine de désir. Mais il perdit la bataille et lâchât doucement, « Tu veux que je te montre si je suis impuissant ? »

Elle répondit sur un ton lascif, « Tu ne fais que parler, Alec... »

Il sentit un frisson lui parcourir l'échine, sa respiration se fit plus profonde. Sans plus attendre, il se redressa et la bascula lentement sur le canapé, se penchant au-dessus d'elle, son corps collé au sien, son visage à quelques centimètres de ses lèvres. Elle posa les mains sur son torse, comme pour s'ancrer dans le moment puis plongea son regard dans le sien. Alec sentit son cœur battre à tout rompre. Il se pencha un peu plus, ses lèvres effleurant les siennes sans pour autant s’en emparer. Il voulait s’assurer de son consentement, de fait qu’ils ne jouaient plus ni l’un ni l’autre. « Qu'est-ce que t'attends ? » murmura-t-elle. Alec se jeta sur ses lèvres avec ardeur, jusqu’à ce qu’elle entrouvre suffisamment sa bouche pour laisser sa langue caresser la sienne. Leur baiser se fit plus langoureux, leur corps se pressant l’un contre l’autre dans une danse instinctive.

Il quitta ses lèvres un instant pour embrasser sa mâchoire avec avidité et mordiller le lobe de son oreille. Elle exulta de plaisir enfonçant ses ongles dans le dos d'Alec. Il  lui chuchota d'une voix rauque, « Tu me rends dingue, je meurs d’envie de te prendre là tout de suite... »

Elena lui adressa un regard brûlant, « Alors vas-y... Je suis toute à toi Alec. »

Emporté par un élan irrépressible, Alec déposa une série de baisers le long du cou d'Elena, descendant lentement jusqu'à la naissance de sa poitrine. Il se releva pour ôter son t-shirt avant de retrouver ses lèvres. Ses mains explorèrent chaque centimètre de peau d’Elena, chaque contacte attisant un peu plus le désir qui les consumait.

Alors que l'intimité atteignait son apogée, un bruit soudain résonna, brisant la bulle de leur moment volé. Les coups se répétèrent, insistants. Alec ouvrit les yeux d'un coup, désorienté. Il n'était plus sur le canapé. En fait, il n'avait jamais été sur le canapé. Il se trouvait dans son lit, seul, la sueur perlant sur son front, son corps toujours sous le choc du rêve si intense qu'il venait de faire.

« Alec ! Bouge-toi ! On va être en retard pour l'entraînement ! » La voix d'Harry résonnait de l'autre côté de la porte, insistant encore en frappant à nouveau furibond.

« C'est bon, j'arrive, » grogna Alec, frustré et le souffle court. Il ferma les yeux, prit une profonde inspiration, tentant de calmer la chaleur qui l'embrasait, avant de se lever avec une exaspération mêlée de gêne. Cela faisait maintenant trois semaines qu'il faisait ce genre de rêves érotiques avec Elena. Trois semaines depuis cette nuit où il l'avait surprise dans les bras d'un autre. Depuis, il ne pouvait s'empêcher de repenser à elle, à cette silhouette qu'il n'aurait jamais dû voir dans une telle intimité et qui depuis l'obsédait.

En sortant de sa chambre, il croisa justement Elena, fraîchement sortie de la douche, une serviette enroulée autour d'elle. Ses cheveux mouillés formaient des gouttelettes sur ses épaules, et un sourire narquois illuminait son visage.

« Tu fais des petits bruits très expressifs ces derniers temps, » le taquina-t-elle. « Tu devrais peut-être pratiquer plus souvent... ça a l'air de te peser. »

Alec fronça les sourcils, il n’était pas d’humeur. « Très drôle, Elena, » marmonna-t-il. Tout cela échappait à son contrôle, ce qui ne lui plaisait pas. C’était de pire en pire et il craignait qu’Elena ou Harry ne finisse par découvrir ses pensés. « Si elle savait que toutes les nuits je rêve de coucher avec elle... Elle rigolerait sûrement pas autant, » pensa-t-il. Son regard descendit sur le sourire d'Elena. « Ce sourire putain... Merde ! Faut que je file sous la douche et vite. » Il la bouscula légèrement malgré lui en se précipitant vers la salle de bain.

Elena surprise par sa réaction se tourna vers Harry, le regardant avec perplexité, « Qu'est-ce qu'il a ce matin ? Il a perdu son sens de l'humour ? »

« J'crois qu'il est frustré. Mais t'inquiètes, j’vais le sortir ce soir. »

« On dirait que tu sors ton chien à parler comme ça ! » Harry la fusilla du regard. Il n’aimait pas qu’on parle ainsi de son ami. Il s’inquiétait de l’humeur maussade d’Alec, le suspectant d’être rongé par son passé. Ça lui arrivait à certaines période de l’année. Dans ces moments-là, il avait besoin de se changer les idées et rien de mieux qu’une fête universitaire pour cela.

Elena leva une main en signe de paix, « Ok, j’ai saisi, on se moque pas de ton frère de cœur. T’as vraiment pas d’humour parfois. »

« C’est pas ça Sparky, tu sais pas tout, c’est tout. » essaya de s’expliquer Harry. « J’essaie juste de veiller sur vous mais, faut dire que vous me faciliter pas la tâche ».

Elle n’insista pas. « Je voulais pas être blessante ou quoi que ce soit. J’espère que vous profiterez bien de la soirée. Prends soin d’Alec, il a clairement pas l’air dans son assiette ces derniers temps. »

Il la prit dans ses bras en signe de réconciliation. « Tu peux compter sur moi sœurette. » Bien qu’elle ne lui rendit pas son étreinte, il ne la senti pas se crisper entre ses bras, ce qui était une nette évolution.

***

Alec n’était guère de meilleure humeur au fil de la journée mais, la suggestion faite par Harry l’enthousiasmait. Il avait hâte de se changer les idées, espérant qu’une soirée dans les bras d’une jolie étudiante lui permettrait enfin de se remettre les idées en place. En entrant dans l'appartement où avait lieu la fête, il se laissa porté par l’ambiance. Les verres tournaient déjà et Alec en saisit un au passage. Il s’installa avec Harry sur un canapé confortable, regardant autour de lui sur quelle étudiante il pourrait jeter son dévolu.

« Fais pas cette tête Alec, tu vas faire fuir toutes les nanas avec ta mauvaise humeur. » tenta de le déridé Harry.

Alec essaya de lui adresser un sourire mais il avait du mal à feindre la normalité, toute cette situation le troublait. Cela ne lui était jamais arrivé, en même temps cela ne lui était jamais arrivé de craquer pour une fille qui lui était interdite. Si seulement il avait pu se laisser aller à ses désirs, peut-être aurait-il pu la sortir de sa tête mais, il s’agissait d’Elena, la sœur d’Harry. Il était hors de question qu’il risque son amitié avec Harry juste pour une histoire de sexe. En plus, il tenait trop à Elena pour mettre en péril leur relation. Certes, elle était comme lui mais ni l’un ni l’autre ne gardait contacte avec leur plan d’un soir, car l’un comme l’autre savait qu’il s’agissait d’une mauvaise idée. Il lui fallait trouver une solution et vite avant qu’Harry ne commence à soupçonner quelque chose. Sa réflexion silencieuse fût interrompu par l’arrivée d’un groupe de filles. L’une d’elle s’assit à coté d’Harry tandis que l’autre prit place à côté de lui.

« On a vu des places, j’espère que ça vous dérange pas si on s’assoit avec vous ? »

Harry adressa un sourire complice à Alec, « bien sûr que non. Moi c’est Harry, et lui c’est Alec »

« On sait qui vous êtes », l’interrompit la brune qui dévorait Alec de ses yeux. « On s’est déjà croisé à quelques fêtes mais, on a jamais eu l’occasion d’échanger ensemble. »

« Quel dommage. Il est temps de remédier à ça alors. » répondit Harry sur un ton séducteur.

La fille à ses côtés se mit à glousser, sensible semble-t-il à l’humour et au sourire ravageur de Harry. Il n’avait certes pas autant de succès qu’Alec mais, il n’en demeurait pas moins un très bel homme. Son teint de peau mate, ses cheveux ébènes et son corps athlétique laissaient rarement les femmes indifférentes. Toutefois, lorsqu’il était en présence d’Elena, il adoptait la posture du grand-frère modèle et ne s’autorisait pas vraiment à laisser tomber le masque. Alors ce soir, loin de sa sœur et de l’image parfaite qu’il tentait de maintenir pour elle, il était décidé à se présenter sous son meilleur jour et faire chavirer quelques cœurs. Concentré sur Lysie, la fille qui venait de s’asseoir à ses côtés, il ne prêta pas attention à Alec qui semblait distrait. Il n’écoutait pas vraiment ce qu’ils se disaient. Il laissa la brune plantureuse se rapprocher de lui. Elle était clairement intéressée. Ce n’était pas son type de fille habituellement mais, elle ressemblait vaguement à Elena. Il enchaînait les verres, faisant grimper son taux d’alcoolémie dangereusement. Alors qu’il feintait de suivre la conversation, il se mit à penser qu’il avait peut être trouver une solution. Il ne pouvait pas avoir Elena mais, il pouvait très bien coucher avec une fille qui lui ressemblait. Après-tout, elle était réceptive malgré sa mauvaise humeur et personne ne le saurait. Avec un peu de chance, cela suffirait à sortir Elena de sa tête. Ce n’était pas dans ses habitudes d’agir ainsi. Il avait toujours montré beaucoup de respect pour chacune de ses conquêtes, peu importe que leur étreinte ne dure qu’une nuit. Cependant, il était de plus en plus perdu et ne malgré le temps qui passait, il ne trouvait pas solution à son dilemme. Il lui fallait absolument trouver un moyen pour arrêter de penser à celle qui lui était interdite.

Avec peu de discrétion, il proposa à sa voisine de trouver un coin plus tranquille. Avec un grand sourire, elle lui saisit la main et l’entraîna au loin. Harry les observa partir amusé. Alec était de retour et il espérait que cette soirée parviennent à chasser ses problèmes.

La jeune femme, dont il n'avait même pas prit la peine de retenir le prénom, ferma la porte, et ils se laissèrent tomber sur le lit. Alec pressé se déshabilla à la hâte. Il cherchait dans ce moment de volupté l’oubli, un répit dans le tumulte de ses pensées. Fermant les yeux, il imaginait étreindre Elena. Les sensations étaient telles qu’ils pouvaient sentir son parfum mais, dans ce d'égarement il laissa échapper le prénom d'Elena.

Il sentit la jeune femme se raidir soudainement sous lui, et lorsque elle se retira pour lui faire face, son regard affichait une profonde colère. Avec un air à la fois dégoûté et furieux, elle cracha « C'est qui, Elena ? »

Désorienté, il la fixa un instant sans comprendre, son esprit embrouillé par l'alcool et la honte. La réalisation le frappa de plein fouet. Merde, j'ai dit ça tout haut ?! Il passa la main dans ses cheveux, cherchant une excuse valable. Il reprit difficilement contenance, ses pensées tourbillonnant dans une confusion totale. Il se força à esquisser un sourire désolé.

« Euh... Elena, c'est... une ex. Elle m'a brisé le cœur, et je... je m'en remets doucement, tu vois ? Je suis désolé... » Il hésita, conscient du mensonge grossier qui sortait de sa bouche. « Je sais à quoi ça doit ressembler mais, je te jure que c’est pas ce que tu crois. T’es une fille super cool et... » Il se maudissait intérieurement pour les mensonges qu’il était en train de déblatérer, cela ne lui ressemblait pas mais, la vérité était beaucoup plus brutale et il ne souhaitait pas la blesser plus qu’il ne venait de la faire.

Elle le fixa en silence, visiblement sceptique. « Une fille super cool hein ?! c'est quoi, mon prénom ? »

Alec resta muet, incapable de répondre. Dans sa hâte à oublier ses obsessions, il ne s'était même pas soucié de le retenir et il n'avait à vrai dire pas pris la peine d'écouter le moindre mot qu'elle avait pu formuler tout au long de la soirée. La gifle partit presque instantanément, le laissant surpris et honteux. je l'ai pas volé celle là, pensa-t-il.

« Dégage de là ! T'es vraiment qu'un gros connard ! Et prends tes potes avec toi. Je veux plus vous voir chez moi ! »

Alec se redressa, la joue en feu, un goût amer dans la bouche. Il se rhabilla rapidement, il prit une seconde pour lui dire, avec sincérité, « Que tu le croies ou non, je suis sincèrement désolé. Tu méritais pas ça. »

Il laissa la porte se refermer derrière lui, pris d'un malaise grandissant. La soirée avait viré au désastre. Il retourna au salon, où Harry était toujours en pleine discussion avec Cassie, l'ambiance encore légère et détendue.

« Viens, on se casse, » lança Alec d'un ton sec, sans même regarder son ami.

Harry cligna des yeux, surpris. « Quoi ? Mais la soirée fait que commencer ! Et puis Cassie est sympa, tu devrais te poser avec nous boire un verre. »

« J'ai dit on se casse, Harry, et je plaisante pas. »

La fermeté dans sa voix ne laissait pas de place à la discussion. Harry, déconcerté, marmonna un « Ok, ok… sympa la soirée » avant de faire un signe d'excuse à Cassie. Celle-ci bien que déçue n’ajouta aucun commentaire. L’attitude froide d’Alec avait suffit à casser l’ambiance. Harry se résigna à suivre Alec, légèrement irrité par son comportement. Malgré l’agacement, il s’inquiétait pour ce dernier dont le comportement paraissait de plus en plus instable.

***

Alec n’avait même pas prit la peine d’appeler un uber. Il marchait d’un pas rapide et déterminé sans décroché un mot. Harry jetait de temps en temps des regards perplexes à son ami, mais Alec, le visage fermé, fixait la route sans un mot, visiblement en proie à un tourment qu'il refusait de partager.

Arrivés dans le hall de l'immeuble, Harry ne put se retenir plus longtemps. « Qu'est-ce qui s'est passé avec la p'tite brune ? Vous vous êtes pris la tête ? »

Alec serra les dents. « J'ai pas envie d'en parler, ok ? ». Il ressentait de la culpabilité pour la façon méprisable dont il s'était comporté et il craignait aussi qu'Harry ne découvre la vérité. Il ferait sans nul doute le rapprochement avec sa sœur s’il apprenait ce qui avait mis en colère cette fille et alors, il ne pourrait plus lui mentir.

Harry secoua la tête, lassé par le comportement d’Alec « Comme tu veux, après tout c'est pas comme si on était potes toi et moi n’est-ce pas ?! Pourquoi tu me parlerais de ce qui ne va pas ?! »

Alec regarda son ami, la douleur se lisant dans ses yeux, mais il ne parvenait pas à trouver les mots pour arranger la situation. Il se sentait coincé. Un silence lourd de tension s'installa.

« T’as rien à me dire ? Personne ne peut t’aider si tu te décides pas à dire ce qui ne va pas Alec et je vois bien que ça va pas. Je t’aime mais, je commence à en avoir marre moi aussi de toutes ces conneries... » Harry lui passa devant pour pénétrer dans l’appartement.

Tout allait de travers. Ce qu’il tentait de préserver à tout prix semblait voler en éclat et il ne savait pas quoi faire pour remédier à cela. Il savait qu’Harry s’inquiétait pour lui et ce n’était pas la première fois qu’il semblait agacé par ses silences mais, il ne lui avait jamais parlé ainsi. Lorsqu’il franchit la porte de l'appartement à son tour, il n'accorda même pas un regard à Elena, sortit pour voir ce qu’il se passait. Avant qu'elle ne puisse dire un mot, il disparut dans sa chambre en claquant la porte derrière lui.

Interloquée, Elena se tourna vers son frère qui s’était rendu dans la cuisine chercher de l’eau. « Y'a eu un problème ? »

Harry haussa les épaules, l'air désabusé. « Aucune idée, il ne m'a rien dit et il est d'une humeur de chien. Je vais prendre une douche et je vais me coucher. Merci pour cette soirée passionnante... » ajouta-t-il sarcastique en se dirigeant vers la salle de bains, encore agacé par la situation qu'il ne comprenait pas.

Restée seule, Elena sentit une pointe d'inquiétude la gagner. Elle avait appris à connaître Alec, elle savait qu’il cachait sa souffrance derrière un masque jovial mais, s’il ne parvenait plus à porter ce masque, ce n’était pas bon signe. Elle espérait que leur complicité l’aide à se confier à elle. Lorsque l'eau commença à couler dans la douche, elle s'approcha de la porte d'Alec et frappa doucement.

« Alec ? Je m'inquiète, » dit-elle d'une voix douce. « Il s'est passé quoi là-bas ? »

Un silence tendu lui répondit. Puis, finalement, une voix sourde et sèche s'éleva de l'autre côté. « Rien ! »

Elle soupira, se mordant les lèvres pour contenir sa frustration. « Bon, écoute, si tu veux pas en parler, je respecte. Mais t'es pas obligé de rester tout seul là-dedans... » Elle hésita, choisissant ses mots. « On pourrait jouer à la console, ou mater un film, ce que tu veux. Je te prépare même un chocolat avec des guimauves, hein ? »

Derrière la porte, Alec se mordit les lèvres, sentant une nouvelle vague de culpabilité l'envahir, plus forte que la précédente. Il avait tout raté ce soir, et plus que tout, il se sentait perdu, déchiré entre son attirance irrépressible et la peur de briser tout ce qu'il avait. Si Elena savait ce qu'il ressentait vraiment, elle ne serait sûrement pas là, de l'autre côté de cette porte, à lui proposer du chocolat et des guimauves. « Merde, » pensa-t-il. « J'ai tellement foiré. »

Elena, toujours derrière la porte, attendit un instant, mais aucun son ne lui parvint. Elle soupira, s'apprêtant à partir. « Alec ? » appela-t-elle une dernière fois, d’une voix douce.

Mais cette fois, la réponse fut brutale. « Lâche-moi putain ! »

Elena s'immobilisa, choquée. L'agacement remplaçant rapidement la sidération. « Eh, ça va, hein ! On s'inquiète juste pour toi ! Si tu veux qu'on te fiche la paix, pas de souci, mais la moindre des choses, c'est de nous le demander correctement. Bordel! »

Elle fixa la porte une seconde, attendant une réponse qui ne vint jamais, puis, frustrée, tourna les talons et se dirigea vers sa propre chambre. À peine eut-elle franchi le seuil qu'elle claqua la porte avec une véhémence qu'elle ne regrettait pas le moins du monde.

Alec, toujours allongé sur son lit, leva brièvement la tête en entendant la porte claquer. Il se laissa ensuite retomber sur son oreiller, le visage enfoui dans le tissu, un gémissement exaspéré lui échappant. « Putain... quand est-ce que cette foutue journée de merde va s'arrêter ! »

***

Lorsque les premiers rayons du soleil apparurent, Alec avait les yeux grand ouvert. Il fixait le plafond, ses pensées ne cessant de le harceler. La nuit avait été une longue rumination de tous les problèmes qui s’accumulaient ces derniers temps. Prit dans une tempête émotionnelle, il n’avait presque pas fermé l’œil de la nuit. Le sommeil ne lui avait accordé qu'un répit fugace. À son réveil, la honte de la veille se rappelait à lui avec force. Martelant son esprit au point de lui donner la migraine. Tout ça ne lui ressemblait pas, il était perdu. Il se redressa lentement sur le lit, sa main passant machinalement sur son visage fatigué. Il le savait, il devait agir. S'éloigner, couper court à cette spirale qui menaçait de le broyer de l'intérieur et surtout qui risquait de briser ce qu'il restait de son amitié avec Harry et Elena.

Sa main attrapa son téléphone posé sur la table de nuit, et il scanna rapidement sa liste de contacts. Lucas ? Hors de question. Il commençait à peine à passer à autre chose. Alec scrolla plus bas. Noah. Ça, ça pouvait marcher.

Il appela, et au bout de quelques sonneries, Noah décrocha, « Hey Alec ! Déjà réveillé, toi ? T'as pas dormi, ou quoi ? »

Alec prit une profonde inspiration et répondit d'une voix pesante, « Mec... j'ai besoin d'un service. »

Noah perçut aussitôt le malaise de son ami. Sans la moindre hésitation, il proposa « Pas de soucis mon vieux, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »

Alec était quelqu’un de toujours entouré, son masque solaire attirait beaucoup de monde. Cependant, il n’avait pas beaucoup d’amis. Hormis Harry, il ne pouvait compter que sur Lucas et Noah. « Tu pourrais m'héberger un moment ? J'ai juste besoin... de prendre un peu de distance, tu vois ? »

« Bien sûr, mon pote. Viens quand tu veux. »

Soulagé, Alec raccrocha, rassembla ses affaires dans un sac en quelques minutes et fila. Il croisa Elena dans le salon. Elle non plus n’avait pas dû beaucoup dormir. Cependant, il n’avait pas la force de lui faire face après leur dispute de la veille. Il avait peur d’empirer encore les choses et préféra partir sans un mot.

Elle le regarda s'éclipser avec un air de surprise, sans comprendre ce qui se passait, déçue par le comportement d’Alec. Harry serait blessé et pour ça elle lui en voulait.

***

Lorsque Alec arriva chez Noah, il fut accueilli avec un sourire complice. Noah, vêtu d'un vieux sweat délavé et les cheveux en bataille, l’attendait de pied ferme. « Ah, mon pote, t'as l'air d'avoir vu des jours meilleurs » Il le pris dans ses bras chaleureusement pour lui montrer son soutien avant de s’écarter et le faire entrer chez lui d’une tape amicale dans le dos. « Je t’en prie, met-toi à l’aise, je vais nous faire un café.

Alec, fatigué et anxieux, posa son sac dans l’entrée et éteignit son portable sans prendre la peine de répondre à Harry. Ce dernier s’était rendu compte de son départ mais pour le moment, il ne savait pas quoi lui répondre, préférant fuir, encore. Il s’assit dans le canapé, passa une main sur son visage, cherchant à chasser ses soucis. Noah revint l’instant d’après, deux tasses de café à la main. « Bien noir. Je crois que tu en as besoin. »

Alec prit une longue gorgée, laissant le goût se répandre dans sa gorge. « Merci, Noah. J'te promets que je vais pas te squatter trop longtemps. J'avais juste besoin de... prendre un peu de recule et respirer, tu vois. »

Noah le dévisagea, l'air intrigué. « Pas de souci, tu restes le temps que tu veux. Faut avouer que t'as la tête du type en plein naufrage, je me sentirais coupable de te laisser de démerder seul. » Il scruta Alec et comme ce dernier ne répondit pas, il ajouta, « Tu vas me dire ce qu'il t’arrive à la fin ? » Alec souffla un coup, clairement peu disposé à se lancer dans le récit de ses tourments. Il hésita, cherchant ses mots, mais Noah n’était pas prêt à lâcher l’affaire. « C'est Elena, pas vrai ? »

Alec avala de travers, toussant bruyamment alors que Noah éclatait de rire, amusé de l'avoir pris au dépourvu. « Alors, j'ai vu juste ! »

« Comment... comment t'as deviné ? » demanda-t-il, embarrassé.

Noah haussa un sourcil moqueur. « Sérieux, mec ? Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. T'as ce regard quand elle est dans les parages... Et faut dire que cette fille, elle est pas exactement du genre qu'on oublie facilement. » Il marqua une pause avant d'ajouter avec un sourire entendu, « Et elle est pas du genre à succomber à ton charme, ça t'obsède, non ? »

« Non, c'est... c'est pas ce que tu crois, » se défendit Alec, mais même à lui, sa voix manquait de conviction.

« Alors explique-moi. »

Alec hésita un instant, puis soupira. « Ok, mais, va me falloir un truc fort à boire si tu veux toute l'histoire. »

Noah gloussa, impatient d’entendre les révélations d’Alec. Il ne l’avait jamais vu perdre le contrôle et dans une certaine mesure, cela l’amusait d’autant plus que la cause était une fille. Il ouvrit le placard, en sortit une bouteille de whisky et versa deux généreux verres. « À ton service, l'ami. » Il s'installa sur le canapé, bien campé dans ses coussins, prêt à déguster cette histoire avec autant d'intérêt que son whisky.

Après avoir terminé son récit, Alec posa son verre vide et s'enfonça lourdement dans le canapé, déprimé. Noah, quant à lui, se pinçait les lèvres, essayant de ne pas éclater de rire, par respect pour la mine abattue d’Alec.

« Quoi ? » demanda Alec, agacé. « J'vois pas ce qu'il y a de drôle. Cette coloc est en train de virer au cauchemar ! »

Secoué de spasmes., Noah éclata de rire pour de bon. « En tout cas, mon pote, t'as fait fort. Lâcher le prénom d'Elena alors que t’es au pieux avec une autre ?! Même moi j’ai jamais fait ça ! » Il leva les mains comme pour ajouter à la solennité de la scène. « Bravo, Alec, vraiment. Du grand art! »

Alec roula des yeux, exaspéré. « Ouais, ouais, ça va. J'sais que c'était... pathétique. Tout ce que j'espère, c'est qu'Harry ne l'apprenne jamais. Parce que si ça lui parvient aux oreilles, il va juste m'exploser. Imaginer que j'ai balancé le prénom de sa sœur en me tapant une fille, ça risque de pas trop lui plaire. »

« J'comprends, Alec. Mais bon, soit c'est juste une passade, soit... » Il le dévisagea, réfléchissant. « Soit t'es en train de tomber raide dingue d'elle. » Il accorda à Alec un moment de réflexion avant d'ajouter, « J’ai tendance à penser qu’il s’agit de la deuxième option. Et, je trouves que tu t’en sors plutôt bien jusqu’à présent. T’es accro à une fille qui se balade en petite tenue sous ton nez chaque jour et toi t'as pas encore craqué... » Il éclata de rire à nouveau. « J'sais pas comment tu fais, moi j'aurais perdu la tête il y a longtemps ! »

« J’suis pas une bête Noah, je sais me tenir ! »

« Je sais, je sais mais bon soyons réalistes, c’était évident qu’à force de te voiler la face tout ça allait t’exploser à la figure. Tout ce qu’on cache sous le tapis finit toujours par refaire surface. »

Alec poussa un profond soupir, visiblement désespéré. « Et le pire, c'est qu'elle me calcule même pas. Rien. Nada. C'est humiliant pour mon ego. »

Noah éclata de rire à nouveau. « Te prends pas la tête, mec. Tu vas finir par trouver une solution. J’te connais, tu trouves toujours une solution. Et si jamais t'as besoin d'oublier tout ça, tu sais que t'es le bienvenu ici. D'ailleurs, on peut toujours sortir, hein. Je connais un petit bar avec des filles qui se feront un plaisir de t'aider à te vider la tête. Et t'inquiète, elles seront moins vexées si tu te trompes de prénom ! »

« T'es pas obligé de me rappeler ce moment, franchement. » Alec laissa sa tête tomber en arrière. « Elle était même pas franchement jolie, cette nana, j'me rappelle même pas de son visage... Juste qu'elle était brune. J’ai vraiment été un salaud sur ce coup là. » Il passa une main dans ses cheveux. « C'était carrément tordu. »

« C’est pas moi qui vais te dire contraire, mais bon, c’est fait, c’est fait. Tu ne peux rien y changer alors ça sert à rien de te faire des nœuds au cerveau avec cette histoire. »