L’ATOME C’EST LA PLUS PETITE PIERRE QUI CONSTITUE
TOUT CE QUI SE TROUVE EN NOUS ET AUTOUR DE NOUS.
L’ATOME C’EST LE TISSUS DE l’UNIVERS.
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Diane se redressa brusquement dans son lit, des échos de la voix sans visage se mélangeant à ses derniers échanges empressés avec Garance et Dimitri, tard dans la nuit. Grimaçant au contact du sol froid sous ses pieds, elle se leva et revêtit une tunique sobre, son huipil en lin doux et confortable et un long poncho de voyage à capuche.
Des valets attendaient les malles remplies précipitamment par Maria pendant qu’elle dégustait distraitement son cacao et grignotait fébrilement une galette de maïs. Elle se passa la main sur le front, confirmant que les frissons qui la parcouraient n’avaient rien à voir avec une réelle fièvre. Garance lui avait transmis ses angoisses. Et jamais encore elle n’avait fêté l’équinoxe ailleurs qu’à Chantelli.
Son rêve de ne pas avoir à défiler au milieu des prêtres et des llamas s'était réalisé, et elle n’en tirait pourtant aucun réconfort. Elle se leva en s’appuyant sans grâce sur les accoudoirs de son fauteuil, s’étira, saisit la pochette contenant son carnet de croquis et la viande pour Iseult, soigneusement emballée dans une feuille de bananier, et descendit vers l’entrée principale à la suite de ses malles, Maria sur les talons.
Dans le hall, Garance et Gabriel l’attendaient déjà. Dans les bras de sa mère, Augustin dormait, noyé dans un poncho rouge trop grand pour lui. Diane tenta un sourire encourageant, avant d’apercevoir un homme tout fin en armure adossé à un mur près de la porte, probablement le mercenaire recruté par Dimitri. Il ne manquait donc plus que le secrétaire lui-même, certainement en train de surveiller le chargement de la voiture à l’extérieur.
Diane croisa le regard de Garance et ignora ses reniflements, l’eau qui luisait sur ses joues, et le nœud qui se formait dans sa propre gorge, pour poser une main réconfortante sur le bras de la jeune mère.
— Il est temps, dit-elle en voyant Dimitri rentrer.
Elle échangea un regard avec un Gabriel muré dans le silence, qui pour une fois le lui rendit, puis prit délicatement Augustin des bras de Garance qui se mordait la lèvre pour garder un semblant de composition.
— À bientôt, souffla-t-elle.
Garance se ressaisit et hocha la tête.
Diane s’autorisa à poser le front sur la vitre de la voiture pour regarder le soleil se lever à travers l’épaisse canopée humide qui projetait des nappes de brume jusqu’aux maisons mortuaires.
Iseult pépia, ramenant brièvement son attention sur la cage recouverte de tissu, Augustin endormi dans les bras de Maria face à elle, et Dimitri à sa gauche, mais Diane se tourna à nouveau vers la nécropole pour regarder passer la maison de l’urne de son père.
Bercée par le mouvement du véhicule, elle laissa ses yeux se fermer.
— Noon ! Pas !
Diane se redressa en étouffant un gémissement, rajusta sa cape sur ses épaules, et tendit les bras vers Augustin qui se tortillait dans les bras de Maria comme un crocodile en chasse pour s’éloigner du mouchoir avec lequel celle-ci tentait de lui essuyer le nez.
— Venez me voir, Augustin. Dit-elle doucement en se tapotant les genoux d’un geste encourageant.
Le petit prince se laissa câliner quelques minutes sans bouger, puis se passionna pour la broche qui fermait le col de son huipil.
— Avez-vous souvenir du jeu de votre mère lors des dîners ? Le jeu du prince courageux ?
— Ui, répondit Augustin.
— Alors nous allons y jouer tous les deux, annonça Diane avec un sourire. Prenez le mouchoir de Maria, je vous cède le premier tour.
Elle laissa Augustin lui arracher consciencieusement le nez avec le mouchoir, parée de son plus beau masque d’impassibilité, avant de le remercier et de lui essuyer le visage à son tour.
— Avez-vous envie de saluer mon faucon ?
Augustin opina avidement.
Diane souleva doucement le tissu recouvrant la cage, révélant une Iseult qui tourna vers eux deux grands yeux curieux.
— Elle se nomme Iseult.
— Bonjou Iseu, salua poliment Augustin avec une adorable courbette.
— Iseult a faim, nous allons lui donner à manger. Prenez bien garde à vos doigts.
Augustin tendit avec d’infinies précautions une lanière de viande à Iseult qui piailla de plus belle en anticipation.
— Aussin veut manger aussi ! annonça le petit prince en s’essuyant maladroitement les mains sur son poncho.
— Regardez, Maria a tout ce qu’il faut pour vous sustenter, dit Diane en le poussant doucement vers la domestique qui sortait des beignets d’une feuille de bananier. Vous pouvez faire confiance à Maria, votre tante la connaît bien.
Diane appuya discrètement sur son estomac dans l’espoir qu’il ne grogne pas. Sa nervosité l’avait empêchée de se nourrir en quantité suffisante avant le lever du soleil, mais il n’était plus question de se restaurer avant la nuit.
La chambre de son auberge coutumière donnait ce soir sur le temple principal de Kroi et ses longs frontons pourpres.
Assise sans retenue dans un fauteuil, Diane regardait Maria aller et venir en berçant Augustin, pendant qu’elle passait le démêloir dans ses longues mèches que les tresses du voyage avaient laissées ondulées.
Dimitri avait insisté pour convier le grand maigrichon à sa table, arguant d’un vieux point protocolaire assimilant les mercenaires sous l’emploi d’un membre de la branche principale à des officiers, mais le siège à sa droite aurait aussi bien pu demeurer vide qu’elle ne s’en serait pas plus mal portée.
D’une grossièreté sans égale, il avait sur l’ensemble du repas ignoré ses efforts pour être polie et entretenir la conversation, y compris dans sa langue natale. Pire, ses doigts avaient plusieurs fois picoté, un bien mauvais augure.
Délicatement, Maria se baissa vers le petit lit dressé pour Augustin, et l’y déposa. Diane retint son souffle. Cet essai-ci porterait-il ses fruits ?
Maria se massa les bras et s’autorisa un verre d’eau. Elle n’avait pas sitôt reposé le récipient qu’Augustin se remit à pleurer, l’obligeant à le reprendre précipitamment dans ses bras.
— Allez vous coucher, Maria, souffla Diane. Je viendrai vous chercher si je n’en peux plus.
— Merci, Mademoiselle, répondit la jeune domestique en lui amenant Augustin. Je vous souhaite bon courage.
Incapable de trouver le courage de se lever pour marcher, Diane cala Augustin contre elle et tapota des talons pour maintenir un semblant de bercement.
— Veux mère… gémit le petit garçon.
— Vous la retrouverez bientôt, promit Diane en frottant sa joue dans les fins cheveux d’Augustin. En attendant, votre tante est avec vous.
— À part la famille d’Opérions, et la veuve Mixal, s’enquit Dimitri sur le siège en diagonale d’elle, Mademoiselle prévoit-elle d’autres invitations pour la cérémonie de l’équinoxe ?
Diane tenta de tourner la tête vers lui, mais gémit et s’abstint.
— Ce sera tout, Dimitri. Vous savez aussi bien que moi qu’ils sont les seuls susceptibles d’accepter. Ne gaspillons pas encre et papier pour les autres.
Elle se massa la nuque et échangea un regard douloureux avec Maria, qui la trouvant endormie dans une position inhumaine sur la chaise, Augustin dans les bras, avait eu la bonté de la réveiller et de prendre sa place pour qu’elle puisse s’allonger dans son lit.
Recroquevillé entre elle et la domestique, Augustin dormait comme un bienheureux, dans l’enfantine ignorance de l’état dans lequel il avait mis ses deux gardiennes.
Avisant la baisse de luminosité au travers des rideaux, Diane découvrit la fenêtre. Les arbres hauts et denses défilaient lentement. Une petite borne de pierre blanche, gravée du faucon de la famille de sa mère, accrocha une lumière de la diligence.
Diane tendit le cou vers la fenêtre malgré la douleur, essayant de pousser mentalement l’ombre du grand cèdre qui masquait encore la bâtisse. Quelle serait la température de l’eau du cénote ? La fleuraison des dahlias du jardin avait-elle déjà commencé ?
Des silhouettes sombres s’activaient par les fenêtres éclairées des étages. Elle pinça les lèvres. Son départ avait été précipité. Les domestiques avaient certainement vécu un voyage bien éprouvant pour arriver avant eux.
Privilège de l’autorité, Diane s’assit devant son assiette, fit signe au chef de la garnison de prendre place à côté d’elle et se servit sans attendre l’arrivée du mercenaire. Son copieux dîner fut avalé juste assez lentement pour s’éviter un sermon de Dimitri sur le protocole, puis prit congé en prenant soin d’autoriser ses invités à terminer leur repas sans elle.
Elle parvint à retenir un bâillement indécent jusqu’au pied du grand escalier, puis le cacha piteusement d’une main. Les hurlements d’Augustin résonnaient jusque dans le couloir du troisième étage menant à ses appartements.
Diane le prit dans ses bras et s’efforça de le calmer pendant que Maria s’occupait d’arranger ses cheveux pour la nuit.
— Augustin, dit-elle doucement, votre tante et Maria sont épuisées. Il vous faut aller dormir, afin que nous puissions nous reposer nous aussi.
Le petit garçon s’agita de plus belle. La peluche puma vola dans les airs.
— Mère !
Diane assit le garçonnet sur le fauteuil de la coiffeuse, s’accroupit devant lui, et essuya les larmes qui ruisselaient sur ses joues. Puis elle sourit de son mieux.
— Regardez-moi Augustin. Votre mère viendra bientôt vous chercher. En attendant, votre tante et Maria ne peuvent vous garder dans leurs bras toute la nuit. Comprenez-vous ?
Augustin renifla et la regarda un instant, avant de secouer la tête.
— Voulez-vous que votre lit soit apporté ici près de celui de votre tante ?
Le petit garçon se frotta furieusement les yeux puis opina.
J'étais assez curieux de commencer ce chapitre, et pour le moment il répond à pas mal de mes attentes (elle ne reconnait donc pas Moebius pour le moment !).
Le calvaire de Diane avec Augustin est bien rendu (et effrayant ^^), on constate qu'il prend beaucoup du voyage et de son énergie, ce qui est bien normal. L'aide de Maria semble aussi précieuse, c'est en arrière plan, mais suffisamment bien dosé je trouve.
Le départ en lui-même est plutôt bien aussi, on sent une certaine tension. Gabriel m'énerve à faire comme si elle n'existait pas à chaque fois, mais bon c'est un mec et un noble on ne peut rien attendre de lui :P
Pour le moment la partie politique est très légère, cela me donne l'impression que Diane a lâché l'affaire. Elle n'en parle ni avec son frère (en même temps...) ni avec Dimitri lors des invitations à la fête (ce qui aurait été une bonne occasion de tester des allégeances). Alors ça me semble très logique, Diane n'a aucune raison de changer si le monde ne l'y pousse pas, mais une partie de moi reste frustrée de cette passivité :P (mais pas de la lecture bien entendu !)
Un dernier point, c'est un peu étrange d'avoir Diane qui se réveille au début avec la voix justement au chapitre où elle ne semble pas être là. C'est une drôle de transition, mais je ne sais pas si c'est justement volontaire.
À bientôt !
HORREUR ! J'avais oublié la voix >.< (qui n'est pas dans le même fichier). Heureusement que tu l'as remarqué ! merci merci !
Pour la politique, oui elle a un peu lâché l'affaire, mais je me suis rendue compte au fil des retours PA que j'ai trop coupé à la réécriture, on ne sent plus du tout qu'elle cogite quand même à la situation :(
Mais si Diane ne va pas à la politique, la politique ira à Diane mouhahaha
Ah, je pensais que Diane avait des doutes sur l'identité du mercenaire ! Je me suis complètement trompé, c'est à peine si elle le calcule ! Faut dire que s'occuper du petit Augustin est une plaie.... ça doit lui prendre tout son esprit :)
Les ellipses devraient être marquées par un signe visuel, même si on a déjà lu ces passages avec Moebius, l'enchainement des scènes est un peu brusque. J'ai trouvé globalement le style ici plus direct, plus rapide, comme si finalement tu n'avais pas grand chose à apporter sur l'intrigue dans le point de vue de Diane. Peut-être que si elle se questionnait sur le mercenaire, ça justifierait de revoir ces scènes là. Je ne sais pas si tu te sens obligée à chaque fois de revoir les mêmes scènes dans les deux points de vue, mais pour le coup ici, je n'ai pas saisi ce que ça apportait :)
A très vite !
Et non, je sens que les lecteurs attendent que les personnages découvrent vite l'identité de l'autre, mais ce n'est pas l'impression que je veux donner, parce que pour moi, leur vie ne s'arrête pas parce que soudain ils croisent quelqu'un (surtout elle qui croise des gens tout le temps). Je pense que tout ceci veut dire que je n'ai pas assez dosé la "vie qui continue". On devrait vraiment avoir l'impression qu'ils sont occupés pour juste passer la journée a chercher quelqu'un...
J'ai enfin pu lire ce chapitre et autant dire qu'une part de moi à pitié de Diane. Les nuits courtes dues aux pleurs d'un enfant, c'est un sacré challenge pour une mère mais alors pour une tante qui découvre ces "joies", c'est dur !
En attendant, je ne sais pas si c'est lié mais je la trouve malgré tout bien plus sympathique, à voir si ça continuera sur cette lancée.
C'est un très bon chapitre et j'ai hâte de voir la suite, vu par elle!
J'espère qu'elle te restera sympathique par la suite haha. C'est un personnage très ambigu, que j'aime beaucoup (et qui me donne du fil à retordre haha), et je fais de mon mieux pour qu'elle reste cohérente ^^
J'ai hâte de poster les quelques chapitres suivants mais je n'ai que peu de temps à y consacrer en ce moment (snif)