Chapitre 9 - Raphaël (partie 2)

Notes de l’auteur : Bonjour,
Rythme de réécriture très ralenti ces derniers temps, j'en suis désolée, mais je continue à avancer, petit à petit :)
Merci à vous qui me lisez en tout cas, c'est vraiment très motivant !

— Mademoiselle ? souffla Maria. Il vous faut vous lever, ou le soleil ne vous laissera pas le temps de manger.

Diane dégagea avec d’infinies précautions son bras de sous la tête d’Augustin, qui avait changé de couche, sans qu’elle se souvienne précisément, ni de quand, ni de comment, puis se glissa hors des draps. Elle ne se serait pas qualifiée de reposée, mais une fois dans son lit, Augustin ne s’était plus réveillé, lui permettant de récupérer un peu. Maria lui tendit ses sandales qu’elle chaussa dans le couloir pour limiter le tintement des grelots.

À son arrivée dans le salon rouge, encore uniquement éclairé par les chandeliers, le mercenaire et son regard fuyant eurent la décence de prendre congé pour la laisser manger en paix. Les premiers rayons de lumière par la ligne de petites ouvertures en haut du mur est interrompirent sa seconde tasse de cacao, qu’elle reposa avec un soupir de regrets. Diane retourna à ses appartements s’habiller en silence, puis s’empara de son carnet et son crayon avant de redescendre les escaliers quatre à quatre vers la terrasse intérieure.

Un fin sourire aux lèvres, elle en fit le tour, la main courant sur la rambarde, le soleil rougeoyant à travers ses paupières mi-closes, le crissement familier du balai du jardinier montant de la cour, puis revint à son banc favori et s’y installa.

 

Elle leva les yeux de son portrait d’Emma, qu’elle esquissait de mémoire dans la mesure où, cette année, celle-ci n’avait pu les accompagner. Le mercenaire s’approchait dans sa panoplie de cuir dont le bleu renforçait son air malade.

— Puis-je votre attention solliciter ?

La coutume aurait voulu que cette question fût énoncée avant de déranger, et non après, mais soit. Compte tenu de l’expression décidée sur son visage creusé, elle doutait que l’envoyer s’adresser à Dimitri lui permette de se débarrasser de lui.

— Mais certainement, répondit-elle en déposant son carnet.

— J’ai balisé le parc de pièges, annonça-t-il en mélangeant ses mots sans aucun respect pour la langue. Si vous sortez, je dois vous accompagner.

Diane se donna beaucoup de peine pour garder un sourire avenant. Merveilleux. Où Dimitri était-il allé engager ce fou ?

L’homme eut l’air désarçonné. Peut-être s’était-elle trahie ? Elle plia ses doigts pour en chasser le fourmillement. Que pouvait bien cacher cet individu ? Comme tout le monde à part Emma, Dimitri ne croyait pas aux picotements, pour lui demander de renvoyer l’homme, il lui faudrait des faits.

— Avez-vous déjà visité la demeure, monsieur ? s’enquit-elle en se levant.

 

Au sortir des sous-sols, les cris d’Augustin retentissaient à travers la cour intérieure.

— Nous en terminerons ici, annonça-t-elle avant de prendre la direction de la porte du hall.

Elle revint sur ses pas, ses projets d’excursion compromis par la pose des pièges.

— J’emmène le prince Augustin se promener en forêt cet après-midi. Soyez prêt à quinze heures.

Maria et Augustin se trouvaient dans le salon, attablés devant ce qui ressemblait aux restes d’une mangue fort maltraitée. Le garçon passa d’autorité d’une paire de genoux à l’autre, et Maria entreprit de nettoyer le jus du fruit de ses petites mains.

Diane câlina le garçonnet distraitement. Jamais elle n’avait eu autant de difficultés à cerner quelqu’un. Personne ne pouvait humainement manquer à ce point de personnalité. Cet homme la prenait pour une simple d’esprit.

Elle put presque entendre la voix d’Emma lui dire « Pourquoi faut-il toujours que vous vous acharniez à mettre les gens à nu ? ».

— Parce que je suis privée de ma propre vie, soupira-t-elle.

Maria leva de grands yeux surpris vers elle, mais se garda de formuler sa question.

 

Diane détendit avec plaisir une jambe sur le fauteuil de la bibliothèque, tourna plusieurs fois ses poignets, un peu engourdis par la longue tenue des guides, puis ouvrit un recueil de poésie pour en faire la lecture au portrait de sa mère le temps de digérer son copieux dîner.

L’espace d’un instant, le mercenaire avait eu l’air sincèrement étonné qu’elle conduise, mais ses espoirs de le déstabiliser n’avaient pas duré. Il avait la singulière manie de porter régulièrement la main à son crâne, surpris de n’y trouver aucun cheveu.

Pour parfaire son agacement, lui aussi rejoignait la liste ; comme si les dieux, après s’être bien amusés à ses dépens en l’affublant d’une tête de plus que tout le monde, avaient décidé que maintenant qu’elle avait su en tirer avantage, il était temps de l’en priver.

— Mademoiselle ? l’interpela Dimitri.

Diane sursauta et adopta une attitude plus adéquate.

— Voici le menu pour l’équinoxe. Celui-ci vous convient-il ?

Elle parcourut distraitement la proposition. Dimitri prenait toujours soin de bannir la volaille, qu’elle ne goûtait pas, et pour le reste, peu lui importait. Cette soirée ne portait aucune ambition.

— Vérifiez si le nombre d’invités requiert l’embauche d’une aide supplémentaire pour le service, demanda-t-elle, purement pour la forme, en lui rendant le menu. Ah, Dimitri, attendez !

— Oui Mademoiselle ? répondit-il en s’arrêtant à la porte.

— Le protecteur que vous avez recruté. Il ne m’inspire aucune confiance, et je me questionne sur son état de santé.

— Ses références sont excellentes, assura-t-il avec un sourire, je les ai vérifiées en personne.

Diane se replongea avec une moue dans les longs vers rythmés qui avaient tant plu à sa mère, moyennement convaincue. Cela n’atténuait pas pour autant les mises en garde de son instinct.

— Contrôlez à nouveau, voulez-vous. N’oubliez pas qu’il doit aussi protéger Augustin.

— Certainement.

 

La respiration endormie d’Augustin lui chatouillait la peau du coude, mais Diane n’osait bouger de peur de le réveiller. Elle-même peinait à trouver le sommeil. Elle tendit lentement l’autre bras pour récupérer le petit puma qui menaçait de tomber du lit, et s’amusa à le faire marcher sur le drap avant de le caler dans le cou du garçon.

Le mercenaire. Toujours en retrait à observer, toujours à sortir de nulle part sans un bruit, tel un félin.

Cette pensée lui tira un large sourire. L’égy s’était confié, alors elle trouverait comment inciter le puma à parler.

 

Diane rit et frotta doucement la tête d’Iseult qui grignotait l’ourlet de son chapeau.

— Mademoiselle m’a fait demander, s’annonça le mercenaire avant de présenter des excuses bienvenues.

Elle pinça les lèvres. Dimitri avait suggéré qu’elle emmène l’homme avec elle lorsqu’elle irait à la chasse, pour éviter les pièges, et même si cela lui coûtait de l’admettre, il avait raison. Peut-être pourrait-elle tirer avantage de la situation.

— Savez-vous chasser ? s’enquit-elle, traversée par une idée. J’ai deux oiseaux que je pourrais vous prêter.

Il se dandina dans son plastron bleu, mal à l’aise, pendant qu’elle lui montrait le petit faucon crécerelle gris foncé sur son perchoir, et l’imposante buse sur une poutre.

— Non, Mademoiselle.

Diane fronça les sourcils et incita Iseult à s’envoler. Cette fois, il ne mentait pas. Mais ainsi, à demi à contre-jour, il lui rappelait quelque chose. Le cavalier près de la bibliothèque ? Elle n’avait croisé personne d’autre qui fut suffisamment grand pour correspondre…

— La mienne s’appelle Iseult, reprit-elle, optant pour poursuivre son improvisation, confortée par l’expression embarrassée que le mercenaire tentait de cacher en baissant la tête. Il s’agit d’une femelle épervier.

Au signal, Iseult plongea vers son poing et lui arracha le morceau de viande qu’elle tenait.

Diane saisit les jets de cuir, incita son oiseau à monter sur son perchoir, et l’y attacha. Puis elle s’approcha de Judith, l’attira sur son gant en se concentrant pour ne rien laisser paraître du poids de l’animal.

— Celle-ci s’appelle Judith. Sa proie préférée, c’est le lièvre.

Toujours mal à l’aise, le mercenaire se redressa et se para d’une expression neutre fâcheusement contrariante, qu’il conserva même lorsqu’il fixa son regard ailleurs pour l’empêcher d’y river le sien.

Bien entraînée, Judith passa sans peine de son poing à l’épaule du mercenaire maigrichon qui se contenta de serrer les mâchoires. Peut-être obtiendrait-elle de meilleurs résultats en optant pour la séduction ?

— Mademoiselle ne devrait pas se conduire ainsi. Je ne suis pas payé pour subir vos caprices.

Diane recula, fronça les sourcils et rappela Judith pour masquer sa honte et sa colère de se trouver percée à jour et sermonnée. L’oiseau avala son morceau de viande et s’envola, mécontent. Sans un regard pour le mercenaire, Diane jeta une autre récompense au rapace, sortit de la volière, ôta ses gants puis s’éloigna.

Elle traversa la cour intérieure d’un pas sec, sans se retourner, une main sur la bordure de son chapeau pour en maintenir l’ombre sur ses yeux. Comment l’un des hommes les plus faux qu’il lui eut été donné de rencontrer - Artur mis à part - se permettait-il ainsi de la juger ?

Son regard s’attarda sur la rambarde en bois qui longeait le bord du cénote, puis vagabonda vers la porte de l’escalier qui descendait vers la seconde grotte. Elle ne lui montrerait pas son jardin secret.

Malgré sa main, le vent rabattit le pourtour du chapeau, et l’ardeur soudaine du soleil sur ses joues la conduit à se rapprocher du cénote, par habitude. Un tel soleil incitait à aller se baigner, pas à promener les étrangers fuyants et discourtois.

Elle jeta un coup d’œil au mercenaire qui l’avait rejointe, puis à l’obscurité du cénote au fond de laquelle luisaient des reflets, puis revinrent à l’homme quelques pas derrière elle. Elle enjamba la balustrade.

— Savez-vous nager ? s’enquit-elle en détachant sa coiffe.

— Bien sûr, répondit-il agacé.

— Parfait, tenez mon chapeau.

Diane enfonça son couvre-chef entre les mains du mercenaire confondu et plongea, profitant de l’élan pour atteindre sans effort le renfoncement sombre qui masquait le passage vers la seconde grotte.

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Vincent Meriel
Posté le 04/03/2023
Bonjour !

Voilà une deuxième partie de chapitre intéressante.

J'ai bien aimé l'explication sur la curiosité de Diane, elle me semble assez logique, et j'ai souri lorsqu'elle a parlé à voix haute ^^

Je suis un peu plus dubitatif sur sa colère contre Moebius le mercenaire. D'accord, il est malpoli et cinglé à mettre des pièges partout (j'ai beaucoup aimé ce passage :P ), mais tout le monde chez elle l'évite et refuse de lui parler (sans compter ses affreux frères), sans que cela la mette en rogne. Je trouve qu'il manque quelque chose pour justifier cette quasi-haine. Elle va jusqu'à lui faire physiquement du mal, ce qui semble assez contre nature pour elle à la base (elle passe son temps à consoler les gens).

La partie sur le menu m'intrigue un peu, elle pourrait être intéressante si on y parlait de politique, mais Diane s'y refuse du coup on apprend juste qu'elle n'aime pas le poulet, je ne sais pas si ça justifie un demi-dialogue. La fin du dialogue (la partie sur le mercenaire) est bien par contre, donc la première partie pourrait être éclipsée en une phrase ou deux peut-être (sauf s'il y a de la politique à y rajouter :P )

La fin est chouette aussi, le fait qu'elle lui en veuille de la sermonner et de ne pas pouvoir aller dans son jardin secret, cela c'est très logique. On comprend très bien son envie de s'enfuir.



Quelques remarques glanées en chemin :

> "Les premiers rayons de lumière par la ligne de petites ouvertures en haut du mur est interrompirent sa seconde tasse de cacao" => je pense qu'il manque un verbe

> "qu’elle reposa avec un soupir de regrets" => les regrets ne semble pas correspondre avec son enthousiasme à descendre les marches pour s'installer sur son banc favori.



À bientôt pour la suite ! (et bon courage)
Camille Octavie
Posté le 05/03/2023
Bonjour !
Merci pour retour :)
Je tente quelques réponses dans l'ordre ^^
> Diane n'est pas en colère contre Moebius parce qu'il la rejette, mais parce qu'elle sait qu'il cache quelque chose. Et d'ailleurs, c'est aussi de la colère de princesse frustrée qui n'arrive pas à arriver à ses fins... Après ici évidemment elle n'avait pas prévu de lui faire mal, et vu qu'il n'a pas bougé d'un pouce je suis même partie du principe que, occupée à tenter de l'impressionnée, puis à tenter de gérer son humiliation, elle n'a même pas remarqué le problème (elle le remarque bien plus tard dans l'histoire et le vit très mal). Je me mets un "post-it" pour voir si effectivement il faut que je sois plus claire ici ...

> Le menu sert à faire arriver le passage sur le mercenaire, oui, mais aussi à montrer que derrière, le personnel s'active pour tout préparer. Dans une version précédente la cérémonie arrivait "paf", sans qu'elle n'ait absolument rien vu, et ça me donnait l'impression que c'était pas réaliste, que le palais était vide. Mais du coup, j'ai peut-être fait dans l'excès inverse XD

Merci pour les petits retours de forme :D et bonne continuation !
ClementNobrad
Posté le 03/03/2023
Coucou,

Je poursuis ma lecture, lentement mais sûrement :D

Diane n'a pas l'air du tout épanoui par tout ce qui lui arrive, c'est peu dire, entre Augustin, la gestion de l'intendance et ce mercenaire qui ne la lache pas d'une botte, je trouve qu'elle arrive à tenir à peu près en place :) J'ai l'impression qu'elle a pris le partie de "jouer" avec le mercenaire et de lui faire voir de toutes les couleurs. Après tout, ça va un peu l'occuper et égayer ses journées qui ne sont pas des plus drôles :D

Juste pour un confort narratif et de compréhension, je te conseille de marquer visuellement tes ellipses temporelles. De simples sauts de lignes ne sont pas toujours suffisant pour comprendre qu'on passe à une autre scène :)

A très vite !
Camille Octavie
Posté le 03/03/2023
Bonjour :)

Je suis contente que tu trouves ce chapitre moins longuet. Je compte-bien garder en tête le besoin de "condenser" à la prochaine réécriture :)

Ici tu as l'air d'être moins perturbé de revoir les scènes du point de vue de Diane

Effectivement sur PA il y a peu de différence entre l'interligne et le saut de ligne, je vais tenter d'y remédier mais il faut que je repasse sur tous mes chapitres ^^' Ce qui est frustrant c'est que c'est parfaitement lisible sur mon logiciel d'écriture >.<

Elly Rose
Posté le 13/02/2023
Bonsoir ;)
Voilà que j'ai pu finir de lire ce chapitre et j'en suis vraiment très contente!
Après avoir eu un aperçu de Diane qui s'improvise maman de substitution nous la retrouvons un peu plus fidèle à elle-même!
Agaçante, un poil hautaine, mais en soit, pour la bonne cause malgré tout!
Je trouve ça super intéressant qu'elle fasse malgré tout le lien entre la taille de l'Egy et celle du "mercenaire". Lui n'avait peut-être pas pensé à ce détail qui peut faire toute la différence!
En tout cas, j'espère que nous aurons un peu de détail sur la fameuse grotte mystère, qui peut-être vraiment intéressante et nous donner quelques infos supplémentaire sur Diane!
Camille Octavie
Posté le 14/02/2023
Bonjour :)
Oui, elle est casse-pieds et elle tire sur la corde, parfois un (gros) orteil dans la manipulation, mais au fond, c'est quelqu'un qui écoute et qui a beaucoup d'empathie.
Je suis contente que tu ne la déteste pas XD ça veut dire que je suis pas trop mal dans l'équilibre du personnage "attachiant" !
Il y aura effectivement bientôt de nouvelles informations sur lui puis sur elle ;)
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