La première date importante de ma vie, c’est celle de ma naissance.
Je suis née un mois de juin 1996 dans la grande couronne parisienne. J’étais une prématurée, mais je m’en suis bien sortie niveau santé, même si je n’ai jamais assez grandi.
La deuxième, c’est celle de ma rencontre avec le piano.
Quand j’ai eu quatre ans, mes parents ont voulu que je fasse de la musique. Je voulais faire de la harpe, mais devant leur résistance je me suis finalement orientée vers le piano. Je me rappelle, au magasin d’instruments, je venais de torturer les oreilles des clients en essayant un violon. Mes parents m’ont mise dans un coin en me demandant de ne pas bouger pendant qu’ils discutaient avec le vendeur. Mais j’avais quatre ans. Alors, quand j’ai vu ce beau clavier, je suis montée sur le siège comme on gravit une montagne. J’ai commencé à taper sur les touches, testant les notes. Au bout d’un moment, j’ai réussi à en enchaîner trois, formant un embryon de mélodie. Pour moi, c’était extraordinaire. J’ai ressenti une chose : toutes les possibilités qu’offrait cet instrument immense. Le piano est devenu une passion au-delà des espérances de mes parents, et à l’âge de onze ans, je suis entrée au Conservatoire.
La troisième, et non des moindres, c’est celle de ma rencontre avec Amélie.
C’était ma première année de concours. J’y passais tout mon temps libre, je n’invitais jamais personne. C’était la sixième et pour pouvoir être plus près du Conservatoire, j’étais allée dans un collège loin de chez moi où je ne connaissais personne. Je me rappelle, le jour de la rentrée, je l’avais remarquée. Ses cheveux de feu la faisait briller comme un phare dans l’obscurité. On s’est rapprochées doucement, pas à pas. Au bout de six mois, on était les meilleures amies du monde, on nous appelait « Tic et Tac ». Au lycée, malgré nos efforts, on a été séparées. Tant pis, on a continué à se voir. Il y a eu le bac, les garçons. Puis l’évidence : on était plus que des amies, plus que des meilleures amies. On a commencé à « expérimenter ». Nos parents ont été un peu chamboulés au début, mais ils se sont habitués.
Amélie a toujours aimé m’entendre jouer du piano, elle m’a toujours soutenue dans cette voie. Elle a même essayé d’apprendre, mais s’est désespérée devant la difficulté. Elle était là lors de mes premières fois sur scène, mais aussi en coulisses, à m’encourager. Pour les quarts de finale du concours international de Saint Exupéry, elle avait promis de prendre une place au premier rang et de m’encourager tellement fort qu’on entendrait pas les applaudissements de toute la salle.
Ce concours, ç’aurait la quatrième date importante de ma vie. S’il n’y avait pas eu l’accident.
La veille de la représentation, j’ai joué la Fantaisie Impromptue pendant six heures d’affilé. Amélie m’a trouvée nerveuse et épuisée sur mon piano. Elle m’a proposée de me changer les idées, clamant que je ne pourrais pas faire mieux que la perfection de ce que je jouais déjà. On est sorties dans les rues marchandes, on a acheté des vêtements et des marrons chauds. Mes parents que j’avais mis au courant par SMS ont proposé un restaurant. On en est sorti à dix heures et demi. Je devais prendre le train le lendemain dans la matinée, alors on avait essayé d’être raisonnables.
Je me rappelle de cette instant avec beaucoup de précision.
Il faisait froid en cette fin octobre, je me frictionnais les mains. Amélie était à mes côtés et parlait de tout et de rien. Mes parents étaient juste devant, ils discutaient calmement. On est arrivés à un passage piétons dans une petite rue, il n’y avait pas de feu et pas de voiture. Alors on a traversé. À ce moment, Amélie s’est arrêtée pour refaire ses lacets, le nez dans mes doigts frigorifiés, je ne l’ai pas vue.
Je ne sais pas si c’est le rugissement du moteur ou son cri que j’ai entendu en premier. J’ai cherché des yeux l’origine du bruit dans la grande rue adjacente. Je crois que j’ai clairement entendu mon nom. Finalement je me suis tournée vers la voiture qui était accompagnée d’une musique rythmique. Elle n’avait pas ses phares, c’était comme un monstre indistinct qui me fonçait dessus. J’ai voulu m’écarter, mais je n’ai pas été assez rapide. Le chauffeur de la voiture nous a vus au dernier moment, il a tenté de freiner.
Mais c’était trop tard.
Le choc m’a coupée le souffle, j’ai du voler parce que j’ai eu l’impression d’être en apesanteur. Quand je suis retombée sur le béton, je ne sentais déjà plus grand chose. Il y a avait une douleur vague, un peu partout dans mon corps. Mais surtout un vertige violent qui m’a mastiqué le cerveau jusqu’à ce que je perde connaissance. Juste avant que mes yeux ne s’éteignent, je me rappelle avoir vu ma mère allongée à quelques mètres. Je n’ai pas réalisé sur le moment ce que cela signifiait.
Mon dernier sens éveillé, c’était l’ouïe. Je n’entendais qu’une seule chose, Amélie qui hurlait : « ERI ! ».
Je me suis réveillée à l’hôpital, cet antre du démon. Enfin, « réveillée » est un bien grand mot pour qualifier l’état de semi-conscience dans lequel j’étais. Mes souvenirs de ces instants-là sont vagues. Par contre, je me rappelle clairement avoir vu mon père dans un brancard à côté du miens. À part ça, il y avait une sensation très précise, celle de la main d’Amélie qui serrait la mienne.
Mon état nécessitait une opération, apparemment. Je me suis retrouvée seule, en face du bloc, à attendre qu’on veuille bien venir me chercher. Ça n’a probablement duré que quelques minutes, mais ça m’a paru s’étirer sur mille ans. C’est là que j’ai vu Malek. Il m’a beaucoup rassurée et je suis entrée dans la salle d’opération avec un vague sourire sur les lèvres. Tout ce que j’arrivais à penser c’était que on allait me guérir, que j’irais mieux.
Je me rappelle du visage de l’anesthésiste, mais Scipio est invisible dans mes souvenirs. Il était là, pourtant. Je l’imagine derrière moi, à me fixer en se disant que je ferais une très bonne invitée, cachant son sourire derrière masque de chirurgien. C’est lui, le démon. Le vrai, pas ce monstre ridicule qui peuple les croyances. Le vrai démon, il est en l’Homme. Et cet homme-là est le diable incarné.
Mais ça, je ne le savais pas. Je me suis endormie, angoissée mais confiante en l’avenir. Me disant que j’allais retrouver mes parents, Amélie, mes amis. Avant de sombrer, j’ai eu une pensée pour le concours de piano. Je me suis dit que j’aurais peut-être une chance de pouvoir quand même y participer.
Quelle naïveté.
Mes espoirs ont volé en éclats quand je me suis réveillée dans la salle au damier du docteur Scipio.
Il m’a faite endurer toutes les souffrances du monde, à un degré que je n’aurais pas cru imaginable. Il se marrait comme une baleine pendant que je hurlais et appelais à l’aide.
Il m’inspirait une terreur indicible. À côté de lui, la Faucheuse ressemblait à un bisounours. À vrai dire, je voulais qu’elle vienne, qu’elle m’emporte loin de lui. J’ai eu ce genre de pensées, mais à chaque fois je me disais que je devais tenir, que j’allais rejoindre ma famille, qu’on allait me sauver. J’ai commencé à haïr le monstre qui me torturait. Je n’avais jamais imaginé que je puisse ressentir une haine si dense, si profonde. Un sentiment immense et tentaculaire qui teintait mon regard d’un noir absolu.
Je ne sais pas pourquoi il ne m’a pas tuée.
Il a commencé à changer de méthode. Il m’a endormie plusieurs fois, je me suis réveillée avec les cheveux rasés. J’ai eu peur, alors que je me suis accrochée à ma haine, je l’ai abattue sur lui comme un coup de massue. Mais il n’a même pas vacillé. Il a continué, et j’ai perdu pieds.
Ma notion du temps s’est effilochée, les visages de mes proches se sont éloignés. Il n’y avait que lui, il prenait toute la place. Dans ce sous-sol, c’était la seule présence humaine. Et quelle présence.
Il est devenu mon monde. La salle n’était qu’un décor, lui, il était tout. Je l’ai haï d’autant plus. Mais une partie de moi s’est mise à l’admirer. Sa beauté, son élégance, ses yeux foudroyants. Il était gentil, parfois. Toujours propre sur lui, il rayonnait d’intelligence et de maîtrise. J’ai détesté cette part de moi-même qui s’est laissée convaincre. Cette naïveté fatiguée qui a vu dans le démon un créateur, un dieu. Qui a accueilli sa torture comme une jouissance et son rire comme un cadeau.
Alors, ce sentiment à pris forme et conscience, et m’a affrontée. Je n’étais plus seule avec le Maître, il y avait elle. Cet être aux allures d’enfants, né de la souffrance. Nous étions deux, nous nous sommes haïes. On s’est arraché le contrôle de ce corps. Je ne me suis jamais sentie aussi seule que lorsque j’ai réalisé que j’étais devenue mon propre ennemi. Un ennemi qui pouvait s’appuyer sur le Maître, alors que je n’avais que des souvenirs de plus en plus lointains. Le front a reculé en ma défaveur. J’ai perdu mon corps, puis mon esprit. J’ai été vaincue et enterrée au plus profond de ma propre conscience. Je ne m’appartenais plus, j’étais un fantôme prisonnier de mon âme.
Deux ans ont passé dans le monde extérieure. Ici, ça a été toute une vie.
J’ai résisté comme j’ai pu, j’ai lutté jusqu’au bout. Je me suis accrochée à la rage comme à un espoir fou. Jamais, jamais je ne tolérerais que cette gamine sinistre soit « moi ». J’allais réussi à la dominer, reprendre le contrôle de mon corps, ma vie, retrouver mes proches. Je me le répétais sans cesse au fond du néant où l’on m’a enfouie. Plus je me le répétais, moins j’y croyais. Et pourtant, je continuais.
Ce n’était pas de l’espoir, c’était autre chose. Il n’y a pas de mots pour qualifier ce qui m’animait. Mais c’était puissant et terriblement sombre. C’était désespéré.
Alors maintenant, la lumière du jour me parait éblouissante. J’ai l’impression qu’elle va me consumer. Mais je n’ai jamais été aussi heureuse de voir le soleil.
Donc, on sait: accident de voiture, hôpital, enlèvement et torture et perte de l'esprit par Erika C'est vulgairement résumé mais ça m'aide à y voir plus clair!
D'ailleurs, vu qu'il s'agit d'une narration d'Erika, ce chapitre ne devrait-il pas être en italique?
Enfin, les cheveux roux que je croyais être ceux d'Erika au début de l'histoire sont en fait ceux d'Amélie, sa petite amie Il est vrai que cela aurait été un peu gros que Scipio teinde les cheveux d'Erika pour lui faire un peu plus son identité!^^
J'attends toujours le dénouement: Il y aura sûrement une nouvelle rencontre avec Scipio (à mon avis), Erika veut-elle le revoir pour le tuer de ses propres mains...? Prendrait-elle ce risque alors qu'elle retrouve ses proches? Ou veut-elle le sauver pour partir ensemble façon Joker et Harley Quinn?
Joker et Harley Quinn ah je n'y avais pas pensé mais il y a de ça dans Scipio et Eri ^^
Au début, j'étais étonnée d'apprendre qu'Eri était une jeune adulte. J'imaginais plutôt qu'elle était adolescente. Mais j'ai l'impression, grâce aux derniers paragraphes, que ces 2 ans chez le tueur (je crois que j'arriverai pas/plus à l'appeler "Maître") l'ont fait régresser, d'où la sensation que j'ai eue qu'elle était plus jeune. Je me trompe ?
Sinon, cette plongée dans les souvenirs a quelque chose de très concret, en léger décalage avec l'ambiance plus nébuleuse, presque irréaliste, des premiers chapitres. Je trouve ça très fort parce que je sens que la narration suit l'évolution psychologique de l'héroïne : elle sort peu à peu du carcan d'auto-défense qu'elle s'est construire pour survivre.
Je pensais aussi qu'Amélie était la sœur d'Eri, mais c'était un biais de ma part : après tout, quand on présente deux personnages féminins de la même génération, il y a 36000 liens qui pourraient les unir. Et puis c'est d'autant moins un problème qu'Amélie est arrivée au chapitre précédent, donc j'ai pas eu le temps de me faire une fausse idée sur le long terme.
Dans le détail :
« Elle m’a proposée » -> proposé
« On en est sorti » -> petite répétition du verbe « sortir » dans le paragraphe, et d’ailleurs tu ne l’accordes pas de la même manière
« Je me rappelle de cette instant » -> cet
« Le choc m’a coupée le souffle » -> coupé
« à côté du miens » -> mien
Bonne journée ! :-)
Oui c'est ça, l'âge mental de la première Eri n'est pas le même que celui de la deuxième ni de son corps. Et oui la deuxième Eri est beaucoup plus terre à terre^^
Je n'avais pas explicité leur relation avant, alors c'est normal que tu aies pu te faire une fausse idée
Merci beaucoup pour ton avis et ton relevage de coquilles <3
- de m’encourager tellement fort qu’on (n’) entendrait pas les applaudissements de toute (du reste plutôt) la salle.
- Ce concours, ç’aurait (aurait ? Ça aurait ?) la quatrième date importante de ma vie
- dans un brancard à côté du miens. (Sans « s »)
- cachant son sourire derrière (son ?) masque de chirurgien.
- J’allais réussi (réussir) à la dominer
Remarque
Comment Erika savait elle que Amelie s’était arrêtée pour faire ses lacets si elle ne l’avait pas vue.
Merci^^ pour l'histoire de la harpe et du piano, c'est exactement ce qu'il s'est passé pour moi XD
Enfin on en apprend enfin un peu plus ici sur ce qui c'est passé.
Et après des chapitre dans la tête d'Eri, pas mécontente de lire dans ce qui se passe dans celle d'Erika.
D'habitude je suis toujours impressionnée par la manière dont tu amènes tes flashback, je trouve que tu fais ça vraiment bien et même que peu de gens le font aussi bien que toi ! Mais là... aie je me sens méchante T.T j'ai trouvé que c'était "normal", je sais pas comment dire, c'est absolument pas gênant ou mauvais, c'est juste que j'ai pris des goûts de luxe en lisant tes autres histoires aux flashbacks bien mélangés à la narration ! peut-être que tu pourrais mentionner Amélie un peu plus tot sans dire qui c'est, quand Erika émerge un peu dans les premiers chapitres... Bon ça reste complètement correct hein !
J'ai eu un peu de mal avec cette phrase :
"C’était ma première année de concours. J’y passais tout mon temps libre, je n’invitais jamais personne. C’était la sixième et pour pouvoir être plus près du Conservatoire, j’étais allée dans un collège loin de chez moi" -> en la relisant elle est claire mais la première fois j'ai bugué, je pense que c'est la répétition c'était la première/c'était la sixième, plus le fait qu'on s'attend à ce que tu parles d'une personne... je te conseille de clarifier, genre "c'était lors de ma première année", "j'entrais en 6eme" et aussi "j'y passais tout mon temps libre" (j'ai cru qu'elle parlait d'un lieu) -> je passais tout mon temps libre a m'entrainer ?
"Avant de sombrer, j’ai eu une pensée pour le concours de piano. Je me suis dit que j’aurais peut-être une chance de pouvoir quand même y participer." -> OUINNNNNNNNNNNNNN T______T PUTAIN C'EST TROP TRISTE T__________T c'est pas fini Eri/Erika, tu vas le passer ce putain de concours, et tu vas gagner, j'y crois ! (bon tu seras en prison, mais tu auras droit à une dérogation journalière exprès pour le concours ! et aussi tu auras un accès piano depuis ta cellule, je m'en fous je réécris l'histoire xD)
Alors la personne présente avec le papa (le papa T_____T) c'est Amélie, et la mère est morte dans l'accident T.T
Je reviens a cette histoire de flashback (désolée je suis lourde) : Ce que j'aimais dans les flashback notamment clockgirl et whitelucy, c'est qu'ils apparaissent toujours a un moment ou c'est cohérent que l'héroïne est un genre de flash du passé, et aussi il racontent une petite scenette, un petit dialogue touchant... ya pas eu ça avec Amélie, le flashback est plutôt informatif... voila maintenant je te laisse tranquille avec ça, fais-en ce que tu veux xD comme je t'ai dit, ce flashback était pas du tout chiant ni mauvais, c'est juste que je le trouve un peu moins touchants que tes flashbacks habituels
Effectivement ces deux phrases ne sont pas très belles, je vais modifier pour enlever cette vilaine répétition, merci !
XD (oui ça me fait marrer tes smiley qui pleurent, qu'est-ce que tu veux c'est mon petit plaisir sadique de la semaine XDD)
Oui alors, le flashback (t'inquiète pas t'es pas du tout lourde !). Je te comprends et honnêtement je trouve pas ce chapitre flashback ultra bien, il fait un peu lourd et "là voilà mon histoire, de A à Z". Informatif, comme tu dis.
Pour WL, j'avais aussi mis tous les flashbacks de son ancienne vie en même temps, mais je l'avais fait sous forme de "fragments", de petites scènes, et du coup c'est ça qui te plaît ?
J'ai un problème à ce niveau avec La barrette rouge parce que plusieurs esprits cohabitent (mdr elles cohabitent pas du tout elles se font la guerre) dans un même corps. Et faut que je rende tout ça clair, tout en montrant que y en a qui se prennent pour telle... Bon tu verras dans les prochains chapitres XD mais j'ai l'impression de m'être embrouillée sur la fin, ce qui rend l'insertion de flashbacks d'autant plus compliqué
En tout cas je vais y réfléchir, merci beaucoup ! Moi aussi j'aime les petites scènette qui apportent tellement plus que de simples informations
PS : je peux pas accéder à discord sur mon ordi, heeeeeeeelp T_T jpp
j'ai pensé à un truc, peut-être que ce flash back "informatif" tu pourrais le faire raconté par un autre perso pour qu'elle se rappelle ("rappelle toi, tu as découvert le piano a 4 ans, avec ta mère on était entrés dans ce magasin", par le papa, la psy, Amélie ou un peu des trois, ça permettrait au lecteur d'avoir les infos tout en retant neutre sur la prédominance Eri/Erika... je dis ça mais je suis pas sure d'avoir bien cerné le problème, je verrai dans les prochains chapitres ce que tu cherches à faire !
Je suis pas sur le discord non plus j'ose pas xD j'attend le retour du forum !