Chapitre 9 : Zark

Sur Tyl Aran pendant le sommeil d’Enora

Zark marche d’un pas vif vers l’observatoire du palais. Il jette à peine un coup d’œil sur l’astre qui luit dans un ciel clair où la lune est encore visible, tache irréelle que cache parfois les nuages vaporeux qui voguent au gré d’une légère brise. C’est pourtant un spectacle dont il ne se lasse jamais ; ni celui du jour avec ce ciel azuréen, ni le couchant dont les teintes orangées comblent ses yeux d’une palette de couleurs chatoyantes qui sombrent peu à peu dans l’encre de la nuit où seul l’astre lunaire baigne la cité de sa lueur fantomatique.

Il est concentré et excité à la fois. Il a vu dans la psyché de Yaël la jeune-fille étendue sur un lit, très agitée et geignant de temps à autre. Il a vertement semoncé sa sentinelle après le rapport tardif de celle-ci sur les derniers événements. Reproches tempérés par la présence de cette très intéressante jeune fille.

Le mage présent sur place lui a confirmé qu’elle était tombée de sa syncope dans un sommeil profond ce qui le conforte dans sa conviction. Le lien ne se connaît pas, c’est pourquoi qu’il en est toujours à naître. Il n’est pas prêt à sortir de sa matrice et à s’envoler.

Je vais l’aider pense le Magister. Il descend dans le Réceptacle, une pièce circulaire aux arches en pierres voutées au centre de laquelle se trouve un pentacle qui renferme le pentagramme dont quatre branches finement ciselées gravées dans le marbre du sol représentent les éléments eau, air, terre, feu et la cinquième l’Esprit. L’ensemble fait appel à l’énergie de la Magie.

Le pentacle qui l’encercle symbolise l’unité de l’Espace-temps ainsi que la Renaissance. L’énergie qui s’en dégage est forte et apaisante.

La magie de la renaissance alliée à l’Espace-temps permet au porteur du lien de « Renaître » sur Tyl Aran.

Des cristaux implantés à égale distances dans la pierre du mur circulaire diffuse une douce lumière.

Assis Zark se connecte au lien rougeoyant pour lequel il s’est pris de tendresse. Il lui fait penser à un enfant qui commence à marcher et dont l’équilibre précaire le fait tomber régulièrement. Il veut lui tendre les bras pour l’accompagner et le rassurer… comme un père.

Zark a cette intuition chevillée au corps que celui-ci n’est pas malfaisant, au contraire.

Il se tend vers lui et lui parle doucement. Le lien s’agite, devient cramoisi, il semble se défendre contre un ennemi invisible. Zark ressent une douleur, de la peur.

Le lien s’élance et, le cœur battant, Zark le voit traversé la toile. Il est près de réussir. Une aura se dessine au centre du pentagramme, floue, nébuleuse qui oscille, comme un voile vaporeux moutonnant sous la brise.

• Viens vers moi… tu ne crains rien ici, ton voyage est presque terminé. Accroche-toi… n’aie pas peur !

Zark répète ces mots comme une litanie tentant d’apaiser l’aura qui fluctue mais l’énergie de Renaissance affole le lien qui se rétracte.

L’aura reflue, à la grande déception de Zark, qui la voit disparaître jusqu’à n’être plus à nouveau que cette tâche palpitante. Puis à son grand étonnement, celle-ci s’élance à nouveau et… s'arrête au milieu de la toile. Etonné, le magister comprend : elle danse au milieu des liens qui s’écartent méfiants. Tu es joueuse, ma petite pense-t-il attendri tandis qu’il admire ce ballet gracieux et enjoué. Elle a une maîtrise incomparable ! D’ordinaire les liens vont d’un endroit à un autre, l’espace est un chemin, ils ne folâtrent pas. Une maîtrise inconsciente mais extraordinaire.

Les liens vibrent de questions et de réponses diffuses et soudain une vague de tendresse déferle sur la toile. Le Magister en reste sidéré !

« Le lien doit arriver à destination » a-t-il le temps d'insuffler dans la toile avant que le lien rouge ne reprenne sa taille initiale et n’en bouge plus… rougeoyant… palpitant.

Zark sort du Réceptacle désarçonné et les Dieux savent qu’il en faut beaucoup pour cela. Un demi-sourire éclaire son visage. Le Maître Enchanteur ne va pas s’en remettre.

Depuis le temps que les Druides et Magiciens le prédisaient, personne sur Tyl Aran n’y croyait plus et lui moins que quiconque. Une Dame… cela fait si longtemps