« Le feu, le feu, le feu ; toujours le feu !
Qu'est ce que vous avez avec le feu, vous les humains ? Vous vous en servez pour vous chauffer, cuisiner, incendier, détruire... Vous savez que c'est dangereux pourtant, et vous savez comment le tuer : la pluie. L'eau, le torrent, l'averse, la tornade...la bruine.
Et pour cela, vous avez emprisonné les nuages.
Ne le niez pas ! Vous êtes monstrueux. Vos capsules rouges accrochées aux murs de vos bâtiments, longues comme ma jambe, avec leur poignée bizarre, ce ne sont rien d'autre que des prisons à nuage.
On les a vus à l’œuvre, moi et mon frère, rattraper leur bourde qui avait à moitié détruit une maison par le feu. Ils ont utilisé les capsules rouges et ils ont libéré une masse blanche et duveteuse, qui a recouvert le feu avec tendresse, pour qu'il s'endorme dans ses bras.
C'était un nuage, il n'y a pas de doute là dessus. Vous le faites souvent ça ? Rendre leur liberté aux prisonniers uniquement lorsqu'ils vous ont rendu service ? À la seule condition de les avoir utiliser à votre propre compte ?
Vous êtes bien faibles.
Alors on s'est regardé, moi et mon frère, et on s'est promi de libérer tous les nuages que vous avez emprisonné.
Dans tous les villages abandonnés que l'on a visité, il y avait toujours des capsules rouges, encore et encore. Pour plus de sécurité ? Non, par souci de collection et d'accumulation. Parce que pour les humains, « trop » c'est jamais assez.
Nous leur rendions à tous leur liberté. Une éternité coincés dans une boite, je ne sais pas quel crime ils ont pu commettre pour mériter ça, ni même s'ils en ont commis un, mais vous auriez dû penser à eux avant de partir, avant de les abandonner, avant de les oublier. Vous en aviez la responsabilité.
Et quel spectacle ils nous offraient ! Quelle douceur et quelle morsure ils pouvaient avoir ! Le froid, le glacial, aussi vif que le blizzard. Ils nous en voulaient, car nous avions la forme de leurs ravisseurs. Je peux les comprendre...
Je peux les comprendre.
Malgré tout, c'est pas la fin de l'histoire. Je ne sais pas si je devrais être honteuse ou fière de moi, puisque j'ai joué le jeu des humains. Nous avons croisé la route d'un groupe des vôtres, lorsqu'ils étaient autour d'un feu de camps, transportant un chat géant, orange avec des rayures noirs, imposant, fier, magnifique ; emprisonné dans une vulgaire cage en bois.
Ils riaient, parlaient trop fort, le pointaient du doigt, un peu trop prêt. Le chat alors a mordu et a arraché la main du vantard. La panique avait geler la scène, avant de les envahir. Ils sont partis en courant, mais pas avant d'avoir mis le feu à la cage.
Les cris de désespoir et de douleur de la bête nous transperçaient le cœur, mon frère a alors repéré une capsule rouge dans le reste du campement des monstres. Je l'ai prise et j'ai sauvé le chat, et une partie de sa fourrure. Il nous a alors regardé en grognant, puis il s'est calmé quand nous lui avons proposé de partager notre repas de lapins.
Il a accepté, et nous a offerts la main de l'autre abruti, en guise de dîner.
De la viande humaine, il devait vraiment être affamé : on ne mange pas d'humain, personne ne doit le faire, ça pervertit l'âme, pourrit le cœur, détruit la morale.
Après tout, nous sommes ce que nous mangeons.
J'ai jeté la main dans le reste du feu. Le chat a compris à la lueur de mes yeux, enfin je l'espère, que seul le feu, création de l'homme, a le devoir de manger ce qui vient de l'homme.
J'espère qu'il n'a jamais plus manger d'humain après ça. Il nous a tout de même léché la joue avant de disparaître dans les ténèbres. »