Chapitre 99 : Un gardien de son monde

Par Kieren

Et voilà qu'elle m'envoyait faire une quête dans une vieille église à 30 bornes du village. Évidemment il n'y avait plus vraiment de route depuis le temps, je m'orientais au compas et à la carte. Ce n'était pas plus mal, je pensais réaliser un jeu de piste pour les Gamins, les miens et ceux du village. Une petite fête pour les inclure dans une bande... J'espérais juste que la Gamine n'en tue aucun...

Ma chienne me manquait, je n'aimais pas parcourir des kilomètres de campagne et de forêt tout seul, ça avait tendance à m'ennuyer. Mais je n'avais pas envie de laisser les gosses tous seuls pour surveiller les moutons, ils seraient capables de les bouffer.

Bon, j'exagère, mais ma confiance s'arrête là où commence mon imagination. C'est de la paranoïa évidente mais si je suis encore vivant aujourd'hui c'est grâce à ma faculté de ne pas laisser grand chose au hasard. Surtout lorsque j'ai quelque chose à perdre.

En quittant la carte des yeux je m'aperçus que je sortais de la clairière pour une grande plaine d'herbes hautes, ça m'arrivait au nombril. Les papillons me survolaient alors que les mouches me passaient devant les yeux.

Le Soleil était haut et le pollen se collait à mon visage ruisselant de sueur. Il y avait quelque chose au loin qui dépassait de la végétation, et avec mes jumelle je vis qu'il s'agissait d'une cabane en bois, assez rudimentaire. L'entrée était dégagée, j'en conclus qu'elle était habitée. Encore un ermite venu se perdre dans un coin paumé, mais pas trop loin du village non plus.

Peut être que je le connaissais ? Je fis le détour, un peu d'exploration et de reconnaissance pour le village n'était pas inenvisageable.

En cherchant un signe de vie je butai sur quelque chose dans les herbes et faillis me rétamer. En pestant comme un putois je m'aperçus qu'il s'agissait d'un épouvantail laissé à l'abandon. Un peu grand tout de même, il devait bien faire plus de deux mètres. Il portait un grand costume noir avec des gants blancs, un chapeau de paille couvrait sa tête. Étrangement il portait dans son dos bons nombres d'instruments : une faucille, une hache, une masse, une pioche, une scie... Qu'est ce qu'il faisait avec tout ce bazar ? Servait-il de réserve pour l'ermite ? Il était aussi inutilement grand, même pour ces hautes herbes.

En tout cas, si je ne le remettais pas sur pied, son propriétaire allait avoir du mal à le retrouver. J'avais du temps, et un peu de gentillesse n'allait tuer personne, d'autant plus que ce pauvre type était bien triste par terre. Je lui retirai ses outils, je n'allai pas m'amuser à me détruire le dos pour rien. Après les avoir posé à côté de moi, je m'accroupis pour soulever et tirer le mannequin par les mains. Mais avant que je ne puisse les attraper, il me les tendit.

… Je ne m'y était pas attendu, l'épouvantail était vivant.

Dan le doute je l'aidai à se remettre sur pied. On peut être surpris, cela ne doit pas nous empêcher d'être courtois.

Une fois debout (il était vraiment grand), il épousseta sa veste et me serra la main avec son énorme paluche gantée. Il prit alors quelques-uns de ses outils et se dirigea à pas lents vers sa maison. Sans doute en avait-il trop pris auparavant et qu'il s'était écroulé sous le poids. Je l'aidais donc à rentrer ses outils. Il ne me parla pas. Je ne lui parlai pas.

Il prit la hache une fois de retour à sa cabane, me salua et partit en direction de la forêt. Je lui rendis son salut et continuai ma route.

Au bout d'un temps, j'entendis un grand craquement provenant de la canopée.

« Un arbre en moins. »

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