Alara resta à l'écart. Elle n'avait pas la moindre envie qu'on lui parle, ni qu'on la remarque. Déjà qu'elle avait attiré l'attention de Marco dans la cour de la Maison des Mères ! Il ne fallait pas que l'on découvre qu'elle en était partie. Elle espérait qu'Elvire réussirait à duper les Mères. En attendant, elle devait faire profil bas. Elle chevauchait parmi sa propre garde sans que personne, à part sa capitaine, ne soit au courant. Elle s'était sentie obligée de le dire à Lara Harken. Cette femme la servait depuis son arrivée chez les Mères. Elle ne se voyait pas lui mentir. Sans parler d'Elvire qui flippait assez de la savoir seule au beau milieu d'une petite armée prête pour le combat.
Elle mit pied à terre lorsqu'Enric ordonna de monter le camp à la nuit venue. Il lui semblait qu'ils n'étaient pas si loin que ça de la Maison des Mères. A cette allure, la frontière ne serait atteinte que le lendemain. Malgré son impatience, elle n’y pouvait rien. Enric de Lordet avait bien plus l'habitude qu'elle de ce genre de manœuvre. Elle comptait bien l'observer faire.
Un jour, ce serait elle qui mènerait son armée.
Mais avant que cela n’arrive, elle devait monter sa tente.
Elle ne s'en sortait pas si mal. Construire un campement ne lui paraissait pas compliqué. Son ancienne vie à la ferme l'aidait beaucoup. Elle se félicitait de ne pas être, comme la plupart des Mères, née dans un environnement moins hostile. Si ses manières de paysanne énervaient souvent Anneke, elles lui étaient bien pratique à l'instant. Elle finit de monter sa petite tente bien avant que Lara ne vienne voir si tout allait bien. Ce fut avec une certaine fierté qu'elle montra à sa capitaine ce qu'elle savait faire.
— Vous vous débrouillez bien mieux que ce que je ne pensais, ma dame, la félicita la capitaine.
— Ne m'appelez pas comme ça. Je ne suis pas votre dame ici, juste Alara Solen. Il ne faut pas que de Lordet apprenne d'une façon ou d'une autre qui je suis.
— Comme vous voulez, soupira l’autre. Mais dans ce cas, ne vous comportez pas comme si vous portiez le masque. Vous avez tendance à oublier qu'ici, vous n'êtes que votre messagère.
Alara ravala une remarque désagréable. Ce n'était pas le moment de se mettre la capitaine Harken à dos. Et puis, elle avait peut-être raison. La jeune femme n'avait plus l'habitude de passer aussi inaperçue.
— Je suppose que vous n'êtes pas venue que pour me dire seulement ça, capitaine.
— Effectivement. Nous risquons de combattre dès demain. Vous êtes trop importante pour vous mettre en première ligne. Le seigneur de Lordet est d'accord avec moi sur ce point. Je souhaiterais que vous restiez avec l'archiviste le plus souvent possible. Il sera protégé par les hommes du jeune comte. Mes femmes ne pourront pas en faire autant pour vous.
— Vous voulez que je reste en arrière ? Je n'ai pas pris autant de risque pour ça, vous le savez très bien.
— Dans ce cas, retournez à la Maison des Mères. Je reste la capitaine de votre garde, ma dame. Je suis la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour vous ou non. Vous resterez auprès de l'archiviste.
Alara serra les poings. Ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes. La douleur lui évita de s'emporter contre Lara. Même ici, loin des Mères, elle trouvait quelqu'un pour l'empêcher de faire ce qu'elle pensait juste. A croire que la capitaine était en liaison directe avec Anneke ou Mairenn.
— Ne le prenez pas mal. Nous avons plus besoin de vous vivante que morte.
Alara grimaça. Ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait cette remarque. Elle la savait vraie. Cela ne l'empêchait pas de détester l'entendre. C'était à cause de ça qu'elle était enfermée dans la Maison des Mères depuis qu'elle portait le masque. Elle qui pensait que suivre Enric de Lordet dans sa campagne changerait quelque chose. Elle s'était bien trompée. Elle restait la Kharmesi, l'espoir de tout un peuple. Foutaise que tout ça ! Elle était surtout le jouet du destin et de la Déesse rouge. Une situation à laquelle elle n'arriverait ni à s’habituer ni à y remédier.
— Bien, finit-elle par répondre. Je suppose que je ne perds pas grand-chose à vous écouter.
— Tout ce que je vous demande, Alara, c'est de rester en arrière. Ne prenez aucun risque.
— Et si on se demande pourquoi je ne me joins pas à vous ? tenta-t-elle.
— Vous êtes la messagère de la Kharmesi. Pourquoi poseraient-ils la moindre question ? Au pire, vous êtes aussi une bonne archère. On laisse les archers en arrière dans ce genre de campagne. Ils ne vont jamais au contact.
Alara tiqua. Sa capitaine avait parlé de ça avec Enric sans qu'elle ne soit au courant ? Pour qui se prenait-elle ?
— Lorsque nous rentrerons à la Maison des Mères, attendez-vous à ce que nous ayons une discussion toutes les deux, la menaça-t-elle. Je ne suis peut-être pas la Kharmesi ici mais je n'oublie pas, capitaine.
Le sourire de Lara voulait tout dire. Elle savait aussi bien qu'Alara que le retour à la Maison des Mères seraient compliqués pour tout le monde. La jeune femme ne pourrait pas punir sa capitaine sans que cela ne parviennent aux oreilles de Mairenn. Elle aurait bien du mal à expliquer l'insubordination alors qu'elle n'était pas censée être là. Cela n'empêchait en rien la Kharmesi de chercher de quelle manière elle allait lui faire passer sa désobéissance.
— Vous pouvez disposer. Je n'ai plus besoin de vous, continua Alara.
Lara Harken baissa la tête avant de faire demi-tour. Alara la regarda partir. Elle desserra ses mâchoires petit à petit. Elle ne bougea pas pendant ce qui sembla être une éternité. Un peu plus calme, elle finit par s'asseoir devant sa tente, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir faire. Rester en arrière n'était pas une option. Elle devait pourtant admettre que la capitaine avait raison. Mais à ce compte, elle aurait pû rester bien gentiment à la Maison des Mères.
Elle soupira. Elle qui était si contente d'échapper enfin à l'influence de Mairenn, Anneke et des autres, voilà qu'elle regrettait presque de l'avoir fait.
Elle se trouvait parfaitement ridicule. Elle n'allait tout de même pas abandonner maintenant.
La colère revint. Elle ne la calmait jamais très longtemps. D'après les Mères, c'était un trait de caractère de la Déesse Rouge. Comme si elle avait besoin de ça. Alara n'avait jamais été une enfant calme, l'âge aidant, elle ne s'était pas arrangée. La présence de la divinité en elle n'était peut-être pas pour grand-chose dans ses colères. Disons plutôt qu'elle les exacerbait.
Qu'elle y ajoutait un petit plus assez perturbant pour qui n’était pas au courant.
La chaleur augmenta autour d'elle. Le feu qu'elle avait allumé avant l'arrivée de la capitaine enfla petit à petit. Elle regarda les flammes, attisant un peu plus sa colère. Un sourire étrange aux lèvres, elle n'arrivait pas à se détourner du petit brasier. Les formes dansantes l'appelaient. Elle y voyait la capitaine et elle-même rejouant leur dispute. La colère monta un peu plus, et avec elle la hauteur des flammes.
Elle se détourna soudain, prenant peur de ce qu'elle était en train de faire. Pas parce que les flammes grossissaient de plus en plus sans qu'elle ne fasse rien, mais parce que quelqu'un pourrait remarquer le phénomène. En s'éloignant du feu, elle lui permettait de se calmer.
Elle bouda sa tente et partit marcher en bordure du campement. Peut-être le silence et le calme de la nuit l'aideraient à reprendre le contrôle sur ses émotions.
Franchement j'ai beaucoup aimé ce chapitre donc pas grand chose à en dire.
La colère d'Alara est très bien amenée et son pouvoir avec les flammes est intéressant.
Contrairement à Ella, je ne trouve pas ce chapitre trop long mais mon avis vaut ce qu'il vaut.
Bref, je me lance dans la suite
Tous les avis sont bon à prendre, je trouve, même quand ils divergent. Merci pour ton retour, une fois encore.
je retrouve à nouveau ton écriture fluide et les difficultés d'Alara dans l'affirmation d'elle-même, la tentative de trouver sa place, sa colère et la gestion des nombreux conflits avec son entourage.
Nous sommes aux portes d'une bataille si je comprends bien. Bataille pour laquelle son coeur palpite sans pouvoir y participer.
Ce chapitre me semble surtout transitionnel et, bien qu'il soit agréable à lire, je le trouve trop long. Tu répètes un peu trop les choses et le dialogue me semble également trop long. Ce chapitre pourrait être diminué de moitié et peut-être s'intégrer dans le suivant. Voilà pour ce que j'en pense ;-)
Mes remarques:
« au bout milieu d'une petite armée prête pour le combat », au beau
« Elle se félicitait de ne pas être, comme la plupart des Mères, naît dans un environnement moins hostile », née
« Ils ne vont jamais au contact. Et puis, le Seigneur de Lordet est d'accord avec moi », je trouve qu’il est inutile de répéter que de Lordet est d’accord vu qu’elle vient de le dire un peu plus haut.
« l'insubordination alors qu'elle n'était pas pas censée être là », un « pas » de trop
« Disons plutôt qu'elle les exacerbait.
Et qu'elle y ajoutait un petit plus assez perturbant pour qui n’était pas au courant », il faut relier les deux phrases par le « et » sinon ça ne va pas.
Bien à toi,
Ella
Merci pour ton retour.
Je vais relire un peu le tout pour ce problème de longueur.