Chapitre d'après

Par Sombie

Qu’est-ce que je fais ? Pourquoi est-ce que j’emmène cet inconnu dans un de mes lieux préférés ? Seuls mes amis proches connaissent cet endroit. Pourquoi je l’amène ici et pas dans une grande chaîne de café au style impersonnel comme n’importe qui ferait ? Est-ce que j’ai envie d’aller me restaurer dans un café d’une grande enseigne ? Non. Donc pas le choix, tu veux aller dans un endroit qui te plaît, vas-y ; quelqu’un t’accompagne, tant mieux cela fait plus de client pour ce commerce que tu apprécies. Voilà comment être en paix avec son cerveau.

Après tout ce café est génial, il gagne à être plus connu, je lui suis reconnaissante de la bonne qualité de service et du refuge de nature qu’il propose en plein Paris, donc c’est juste lui rendre l’appareil d’y faire venir de nouveaux clients. Non ?

Si !

En plus j’ai super faim. Alors pourquoi me priver en sachant que j’étais dans le coin et qu’ici je sais que je vais très bien manger.

Je dirige mon regard vers le fond du café, une cour couverte d’un toit de verre duquel pendent des plantes suspendues, le seul rayon de Soleil de la journée traverse la grande vitre et illumine les plantes. C’est toujours aussi magique et magnifique, j’adore cet endroit.

Je me retourne :

- Ça vous ira ?

L’inconnu, c’est vrai qu’il ne m’a même pas donné son nom, me regarde.

(Donner son nom c’est étrange comme formulation, on ne le donne pas son nom. A part à son enfant quand on est imbu de soi-même mais sinon ça ne se donne pas un nom. Il ne m’a pas dit son nom. C’est bien mieux comme ça ! Ah la complexité de la langue française ! Où en étais-je ? Ah oui l’inconnu me répond.)

- Well…It’s beautiful! Euh… c’est très joli, je veux dire. Cet endroit est très charmant, apaisant même. J’aime beaucoup votre choix.

Elle semble fière. C’est a.d.o.r.a.b.l.e.

- On peut s’asseoir ?

- Oui bien sûr, allons-y.

Se faisant elle se dirige vers une petite table entourée de deux sièges rapiécés mais qui m’ont l’air confortables. Nous sommes sous la verrière et elle commence à ouvrir sa montagne de manteau. Je fais de même tout en la regardant discrètement. Au moment de retirer sa manche gauche elle grimace comme si cette action lui était douloureuse. S’est-elle vraiment blessée en tombant ?

Ouille ouille ouille on m’avait prévenue que les tatouages sur les parties non graisseuses étaient ceux qui faisaient le plus mal ; mais n’ayant que la peau sur les os toute partie du corps est sensée faire autant mal. Pourtant pour celui-là, je ressens comme si mes muscles étaient à vifs. Est-ce que le tatouage s’est aussi imprimé sur mes muscles ? Ma peau ne peut pas être fine à ce point quand même !? Si ça se trouve cela n’est même pas possible. Je délire complètement, je suis vraiment débile quand j’ai faim.

Inconnu (oui cela devient son nom) me regarde, pas aussi discrètement qu’il ne le pense. Il a posé son manteau sur le dossier de sa chaise, ce que je suis en train de faire. Maintenant qu’il a retiré son bonnet et sous la lumière du soleil je dirais que ses cheveux sont châtains plus que bruns et il doit en avoir à peu près la même longueur que moi, même si avec ses boucles et ondulations difformes c’est difficile à évaluer.

Donc sous la doudoune énorme se cache, un sweat à capuche énorme. Suis-je déçu de ne pas voir le moindre centimètre de peau ou de forme dépasser ?

Honnêtement je ne saurais répondre.

Elle retire son bonnet, révélant d’abord de mignons petits sourcils puis une chevelure brune assortie. Ses cheveux sont coupés en un carré très court qui lui sied à merveille, ils sont un peu en bataille et électriques, sûrement à cause du bonnet. Je réalise que les miens ne doivent pas avoir meilleure allure.

- Hum… Donc comment cela fonctionne ici ? Il y a une carte de boissons où les menus sont affichés quelque part ?

Je me tourne sur ma chaise pour vérifier que je n’ai pas raté une pancarte indiquant ce que propose ce café.

- Oh non c’est bien plus simple vous allez voir….

Elle hésite à ajouter quelque chose, se pince la lèvre et…

- On peut se tutoyer je pense, non ?

- Si si bien sûr ! Cela va de soi, on doit avoir à peu près le même âge je pense, de toute façon.

Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! C’est tellement étrange de vouvoyer quelqu’un de son âge, selon moi. Enfin j’espère que nous sommes du même age.

- Super !

Elle a un petit sourire.

- Qu’est-ce que tu aimerais boire alors ? Ou manger ? Ne t’inquiète pas, tout est très bon ici et abordable, même pour un étranger.

Je n’en ai mais alors aucun soupçon d’idée. Mes pensées ne sont pas à choisir quelque chose à manger, du tout ! Vite dit quelque chose, elle va s’impatienter. Qu’est-ce qu’ils servent dans les cafés français ?? Vite, vite, réfléchis.

- Je prendrais bien un café au lait, tout simple.

What the f*** ! Tu déteste le café Dave, qu’est-ce que tu nous fais là !? Tu te prends pour qui... Pfff au moins j’ai dit « au lait », cela devrait masquer un peu le goût du café. Je l’espère…

- Ok pas de problème, rien à ajouter je peux passer commande ?

- Oui oui c’est bon pour moi.

Oui oui Dave c’est bien, n’aggrave pas ton cas.

Je suis curieux de voir comment on passe commande ici.

- CAFEEEEEE !!!!

 

WHAT ?

Eheheheh ! Sa tête est mémorable, il a été tellement surpris ! Ses yeux se sont ouverts d’un seul coup ! J’ai cru qu’ils allaient sortir de leur orbite !

Il est encore figé sur son siège et me regarde l’air ahuri.

Désolée mais je ne peux pas me retenir je dois éclater de rire !

- Ahahahahaha !

Elle se marre ! J.…je…je n’ai pas vu cela venir. Elle a vraiment hurlé ? Je regarde autour de moi, oui elle a bien hurlé, les autres clients ont l’air tout autant surpris. Je ne pense pas que cela soit la bonne façon de commander. Est-elle folle ? Et surtout va-elle arrêter de rire ?!

En fait non qu’elle ne s’arrête pas.

- Very funny, vous, euh, tu m’as bien eue.

- Je sais je sais, j’ai vu ta tête. Et celle des autres clients d’ailleurs. Ahahah.

-Vic ! Comment vas-tu aujourd’hui !?

Un jeune homme à la peau brune vêtu d’un tee-shirt vert, un jean et tablier marron avec un logo représentant la planète Terre, s’approche de notre table. Il est grand, brun aux yeux bleus et visiblement assez musclé. En somme c’est un ‘tombeur’, comme on dirait en français…

Je dis cela d’un point de vue de constatation, je suis juste observateur et ce sont les faits. That’s all. Je ne suis absolument pas jaloux, je ne le suis jamais.

Pourquoi ai-je besoin de me justifier envers moi-même ?

-Oh tu n’es pas seule ! D’où le cri. Alors comment il a réagi ?

C’était donc planifié et je ne suis pas le premier à me faire avoir…

- Il a fait une tête très drôle ! Il n’a pas manqué de s’évanouir comme Hippolyte mais ce n’était pas mal non plus !

- Monsieur, soyez le bienvenu au Jardin du café ! Je suis Tom le gérant, désolé pour la frayeur. C’est un moyen que Vic a choisi pour m’annoncer qu’elle m’apporte un nouveau client. La première fois c’était aussi une surprise pour moi, j’ai cru qu’un type bourré était rentré dans mon café ! Mais on a tellement ri que c’est resté. Depuis c’est une habitude. Mais ne t’inquiète pas il y a eu pire comme réaction, Hippolyte, lui, est tombé de sa chaise. Il faut dire que c’est rare de voir Vic hurler sans raison quand on la connaît.

Je suppose que Vic est le diminutif de quelque chose, mais n’ayant pas une grande connaissance des prénoms français je ne pense pas pouvoir deviner. Victoria ? Victoire ?

-Mais revenons à mes devoirs de serveur : Aujourd’hui je propose : des muffins à la cannelle, pancakes, fondants au chocolat, brioches sucrées et des fruits de saison. Pour les boissons je peux vous faire à peu près tout ce qui se trouve dans les grandes chaînes mais en meilleur et en plus écologique ! Je vous laisse réfléchir et reviens dans quelques minutes, ça vous ira ?

Je lui fais oui de la tête et il repart aussi vite qu’il est venu vers ce que je pense être la cuisine, dont l’entrée est cachée par un rideau de lianes. Je me tourne vers Vic, dont je connais enfin le prénom. Du moins le demi-prénom. Elle a les lèvres pincées et les yeux rieurs. Je rêve ou elle va encore rire !?

- Tu vas encore te moquer de moi ?

- Hahaha, désolé c’est plus fort que moi. En plus je revois Hippolyte tomber de sa chaise. Promis j’arrête, c’est bon voilà.

Elle se recompose une expression très sérieuse en un éclair. Quelle actrice !

Mais on voit quand même qu’elle a du mal à se contenir.

- Donc tu connais le gérant, et cet endroit semble te tenir à cœur, ces informations me révèlent que ne tu ne m’as pas emmené n’importe où. Je suis très flatté.

- Ohoh ne va pas trop vite ! Je sais que Tom te mettra à la porte sans aucun effort au moindre geste de travers, c’est pour ça que je t’ai amené ici. Pour ça et pour les muffins également.

Aucun doute que ce type est bien plus fort que moi et sûrement plus adroit avec ses bras.

Mais je ne vois pas pourquoi j’aurais à avoir peur, je n’ai aucune mauvaise intention. Tout va bien se passer et avec un peu de chance je saurais la convaincre de m’accompagner.

- Vas-y l’inconnu je t’écoute, pourquoi as-tu besoin que je t’accompagne quelque part ?

Oups, je viens vraiment de l’appeler l’inconnu ?

Après tout je ne connais toujours pas son prénom c’est donc approprié.

Concentre-toi, garde ton air sûr de toi et écoute ce qu’il a à te dire.

Il semble stressé tout d’un coup, ou est-ce que je viens seulement de le remarquer ? Ce doit vraiment être quelque chose d’important pour lui s’il en est à demander de l’aide aux gens qu’il croise dans la rue.

- Oh attendez, je suis désolée vous voulez toujours un café ? J’ai complètement oublié avec ma farce.

Yes, je peux me débarrasser de cette erreur de commande !

- Oh non, à vrai dire je n’en avais pas vraiment envie, je... c’était de la pure politesse.

- Parfait, dans ce cas je vous écoute, et promis je ne vais pas vous interrompre !

Elle se recule dans son siège, se cale, croise les jambes et me regarde, elle attend. Elle m’attend.

- Je ne sais pas ce à quoi vous vous attendez mais je vous assure qu’en fait c’est une affaire banale et on ne peut plus légale.

Voyez-vous je ne suis pas français mais comme je vais signer un contrat de travail en France avec une entreprise française j’ai besoin, lors de la signature, de venir accompagné d’une personne française.

Je dois admettre que je ne sais pas trop pour quelles raisons cela doit se faire de la sorte, peut-être ont-ils peur que je ne parle pas français ou que je sois un escroc ou je ne sais quoi. Ils m’ont quand même eu au téléphone et ont pu constater que je parle couramment le français. Enfin bon je pourrais toujours leur demander quand je les verrais, si j’en ai l’occasion.

Là, il fait une pause dans son récit pour me regarder droit dans les yeux, il est clair qu’il espère vraiment que je vais accepter. La tenue de cet entretien semble reposer sur ma décision, alors que je ne connaissais pas encore cet individu il y a une heure de cela.

- Je suis auteur de roman, enfin j’essaye de le devenir en faisant publier un de mes premiers récits. Il se trouve que c’est très compliqué de faire publier un premier roman quand on est un inconnu comme moi qui n’a aucune relation dans le monde de l’édition et qui ne sort pas d’une prestigieuse université. La seule maison d’édition qui n’a pas refusé mon ouvrage est ici à Paris. Pour avoir plus de chance de trouver un contrat j’ai traduit mon livre en français et je l’ai envoyé à beaucoup d’agences françaises, en plus des anglaises et même américaines en fait.

- C’est malin…

- Oui mais si j’avais dû aller aux États-Unis, ça aurait été un peu plus compliqué financièrement, que de simplement payer un billet pour prendre l’Eurostar, qui au passage est déjà assez excessif…

J’ai donc reçu une réponse d’une petite maison d’édition française, ais pris rendez-vous avec eux, ils m’ont exposé leurs conditions et me voilà.

- Donc votre livre va être publié en France et en français c’est bien ça ?

- Oui exactement, sauf si je ne trouve personne pour m’accompagner, condition sine qua non de la signature.

- Quand-est ce qu’est posé le rendez-vous ?

Elle va accepter ? Je rêve ou on dirait qu’elle y pense sérieusement ! Oh merci merci le destin d’avoir placé cette peau de banane au sol ! Euh non la personne qui l’a jeté est très sale et irrespectueuse, mais quand même la chance serait-elle en train de tourner en ma faveur ?

- On est jeudi douze si je ne me trompe pas... Donc le rendez-vous est le quatorze janvier, soit le samedi qui arrive, dans deux jours. Vous envisagez sérieusement de m’accompagner ? Alors que nous ne nous connaissons pas ?

Son visage se remplit d’espoir. Il a vraiment l’air honnête. J’ai envie de le croire. Ce serait vraiment cruel de refuser, d’autant plus que ce samedi je suis en repos et ne suis même pas de garde. Ce serait facile de l’accompagner. Et si c’est une arnaque, je ne ferai définitivement plus confiance en l’espèce humaine et puis c’est tout. C’est peut-être une décision prise à la va vite mais bon, je suis intriguée, j’ai bien envie de l’aider.

- De toute façon vous ne connaissez personne sur Paris, or vous avez besoin de connaître une personne qui vit en France. Je suis-là, je vis en France, proche de Paris même et je suis libre ce samedi, alors pourquoi pas.

Je ne sais même pas décrire ce que je ressens. Alors qu’en tant qu’écrivain je décris souvent les sentiments de mes personnages. De la profonde gratitude, un soulagement immense, c’est ce que je ressens ça c’est certain. Mais il y a également autre chose, que je n’ai pas le temps d’analyser sur le moment car je dois concentrer mon énergie pour contenir ma joie. Enfin ! Mon rêve a une chance de se réaliser !

Quand je vais dire ça à grandma !

- Merci ! Merci mille fois ! Vous ne savez pas à quel point vous me sauvez la vie !

Elle me stoppe dans mon élan pour la prendre dans mes bras d’un geste de la main. Je me rassois un peu gêné.

- Attendez deux minutes, j’ai quand même quelques conditions.

- Bien sur je vous écoute, tout ce que vous voudrez ! Enfin si c’est de l’argent je vais être un peu coincé mais je trouverais, je m’arrangerais.

- Mais enfin, non ! Je ne vais pas vous demander quelque chose en échange, ce serait mauvais de ma part et complètement égoïste de profiter de la situation !

Il s’imagine vraiment que je vais lui demander à mon tour quelque chose ?!

Après tout, je connais bien des gens qui en seraient capable… On ne sait jamais à quoi s’attendre chez les humains, ils peuvent être si nombrilistes par moment.

- Ah bon, mais qu’est-ce que vous attendez de moi dans ce cas ?

 

Le pauvre est déconcerté, il a vraiment beaucoup trop d’imagination. Enfin c’est un atout pour un écrivain.

Donc comme ça il veut être écrivain. Je ne m’y attendais pas. Il faut dire que j’ai également beaucoup d’imagination, je suis peut-être partie un peu loin dans mes suppositions… Comme d’habitude.

- Je souhaiterais seulement en savoir plus sur vous, enfin sur toi. Pourquoi est-ce que nous sommes revenu au vouvoiement d’ailleurs ? Donc pour commencer j’aimerais connaître ton nom, tu connais le mien grâce à Tom mais tu ne m’as pas dit le tien. Ou alors j’ai loupé quelque chose.

Il sourit, et semble se décontracter. Je souris à mon tour, contente de l’avoir mis un peu plus à l’aise.

- Ah oui ! Pardon ! Je m’en excuse, j’étais tellement pris par mon rendez-vous et la possibilité que vous accepteriez de m’y accompagner que j’en ai oublié toute ma politesse !

Quel gentleman je fais ! J’ai manqué à tous mes devoirs ! Idiot !

- Dave Watson, pour vous servir ! Ravi de vous, pardon de te rencontrer officiellement.

- Watson ? Comme John Watson ?

- Écrit pareil oui.

- Wow ! C’est trop cool comme nom tu as de la chance !

Ah ! Une fan de Sir Arthur Conan Doyle également ? Cette Vic est pleine de surprise. En général avoir des références de lectures communes est un bon départ lors d’une rencontre. Et avec cette référence là c’est également un gage de qualité en ce qui concerne les intérêts de la personne.

- J’avoue que j’en suis plutôt fier !

- Parle-moi un peu de toi et de ton livre. J’avoue être intriguée. Enfin si tu n’es pas pressé ?

J’avais prévu de passer ma journée à trouver quelqu’un pour m’aider. Mais maintenant que j’ai trouvé et que je suis dans un super café je ne vois pas pourquoi je ne resterais pas avec cette demoiselle, jusqu’à samedi à l’heure de mon entretien !

- Je suis totalement libre ! Mais avant tout il semble que nous avons quelques problèmes à régler.

Son visage exprime son interrogation, elle ne voit donc pas où je veux en venir.

- Je crois je ton estomac est toujours vide. Il faut y remédier de ce pas !

Ah oui ! J’avais oublié ce détail, qui n’en est pas un ! J’ai faim !!!

- En revanche je ne me rappelle pas ce que ton ami a dit qu’il proposait…

- Aucun problème, j’ai tout retenu. Il y a des muffins à la cannelle, des pancakes, son super fondant au chocolat, de la brioche et des fruits de saison. Avec supplément chantilly gratuit sur ce que tu veux. Et une grande gamme de boisson donc tu peux techniquement avoir tout ce que tu veux, car Tom trouve toujours un moyen de s’arranger.

(Il me semble que je n’ai rien oublié… réfléchissons… oui je crois que le compte est bon.)

- Incroyable, tu as tout retenu ! Eh, attend, il n’a pas parlé de chantilly et ça j’en suis sûr ! Je m’en serais souvenu car j’adore ça !

- C’est de la nourriture, je suis obligée de m’en souvenir, parce que c’est vital ! Et oui, j’ai rajouté la chantilly, parce qu’il ne l’a pas dit, mais il le fait quand même ne t’inquiète pas. Surtout avec les nouveaux pour les amadouer.

Nous rions tous les deux en cœur.

Tom passe près de notre table à ce moment. Il est sûrement déjà passé plusieurs fois, pour aller servir d’autres clients mais je ne m’en suis absolument pas rendu compte avant ce moment.

Vic lui fait signe de venir nous voir. Un signe de la main bien plus discret et conventionnel que son cri de tout à l’heure.

Il s’approche de notre emplacement.

- Je me demandais si vous alliez passer commande un jour ! Vous sembliez si absorbés dans votre conversation. Que puis-je vous servir ?

Vic me fait poliment signe de passer le premier.

- J’ai cru comprendre que vos muffins étaient très bons, j’en goûterais bien un s’il-vous-plaît. Avec un thé vert si vous avez.

- J’en ai en stock en effet. Supplément chantilly gratuit pour le muffin ?

- Je n’ai pas le choix, je crois, le mot chantilly m’appelle.

Il prend un air grave en disant cela. Ce qui fait rire Tom et me fait sourire.

- Bonne réponse mon cher, (il se tourne vers moi) et pour toi Vic qu’est-ce que je te sers ?

- Un thé aux agrumes s’il en reste, et une part du fondant avec de la chantilly s’il te plaît.

-Nickel je vous amène ça tout de suite.

Il se retourne en direction de la cuisine, mais s’arrête en chemin pour parler avec un client qui le félicite.

- Monsieur Dave à vous la parole. Je t’écoute, que dois-je savoir sur toi ?

Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je ne suis pas timide en général mais je n’ai pas l’habitude de parler de moi ni de raconter ma vie à quelqu’un.

- Hum, je suis très ponctuel !

- C’est une bonne nouvelle, surtout si tu as galéré à obtenir ton rendez-vous ce serait dommage qu’il soit gâché à cause d’un retard.

- Je ne pourrais pas être plus d’accord !

- Où a-t-il lieu au fait ?

Je cherche mon carnet dans ma poche. J’y inscrit toutes mes idées et les choses importantes comme lieux et heures de mes rendez-vous, par exemple.

- C’est à côté du Panthéon dans le cinquième arrondissement, à quatorze heures.

- D’accord je vois, je veux bien que tu m’envoie l’adresse exacte par SMS, si tu veux bien. Autant échanger nos numéros de téléphone, avant d’oublier.

- Yes good idea.

C’est donc ce que nous faisons.

- Merci encore de faire ça pour moi Vic.

- Ah attends une autre condition ! J’aimerais lire ton livre si c’est possible ?

Lire mon livre ? Pourquoi l’idée me parait gênante alors qu’il va peut-être être publié et lu par des dizaines d’inconnus ? Justement, le fait est qu’elle n’est plus une inconnue. Et si elle me dit qu’elle ne l’aime pas, qu’il ne devrait pas être publié en l’état ?

Calme toi Dave, tu ne vas pas changer tes plans après des années d’attente pour une presque pas inconnue ! Forcément ton livre ne va pas plaire à tout le monde ! Il en faut pour tous les goûts.

Tom apporte notre commande, je le remercie d’un mouvement de tête.

- Dave ? Tout va bien, tu ne veux pas que je le lise ? Si cela te dérange ce n’est pas grave, j’attendrais la publication.

Elle a commencé à manger son gâteau.

- Non non cela ne me dérange pas. Cela semble presque normal puisque tu vas m’accompagner pour la signature de mon contrat. Je n’y avais pas pensé avant mais les membres de la maison d’édition te demanderont peut-être ton avis. Le timing me parait juste un peu court pour que tu le lises. Il ne reste que deux jours avant le rendez-vous.

- C’est largement assez ! Je lis très vite ! Si je suis captivée par un livre je peux le lire d’une traite en quelques heures. En revanche vu que visiblement tu ne l’as pas sur toi, il faudrait que je le récupère avant samedi…

Shit ! Je n’avais pas pensé à ça. Le fichier numérique est bien trop lourd pour être envoyé par mail et je n’ai pas ma clé USB sur moi. De toute façon je n’aime pas lire la version numérique sur ordinateur, et je ne conseille cela à personne tenant un tant soit peu à ses yeux.

Elle aussi réfléchit à une solution, elle a arrêté de manger et se gratte le menton comme un inspecteur de vieille série policière.

- Well… J’ai peut-être idée… Je loge dans un appartement pas loin d’ici. On pourrait y passer pour récupérer ma version papier après, si tu veux bien ?

-Tu me laisserais prendre ta version papier ?

- Yes of course ! Enfin ce sont juste des feuilles volantes que j’ai reliées moi-même pour faciliter la lecture, ça n’est pas du tout la version physique finalisée du livre. Cela te dérange ?

- Pas du tout, en tant que mordue de livres, c’est un honneur pour moi que tu me laisse lire les épreuves non reliées de ton livre ! Je te promets que j’en prendrais grand soin.

- Je ne m’inquiète pas, et puis j’en ai d’autres chez moi et j’ai la version numérique sur mon ordinateur portable.

- Super, merci !

- C’est moi qui te remercie.

Nous nous sourions.

- Bon alors, de quoi parle ton livre ? Comment il se nomme ?

- Wait ! N’allons pas trop vite ! Tu connais tout juste mon nom et tu veux déjà connaître le nom de mon enfant !

Elle rigole.

- Très bien, c’est une histoire d’amour. Cela se passe pendant la seconde guerre mondiale. Tout le livre est du point de vue d’un homme, fou amoureux d’une femme. Au fil des pages on voit son amour grandir pour cette femme. Ils se rencontrent, tombent amoureux avant la déclaration de guerre. Et le roman est comme une immense déclaration d’amour de cinq cents pages. Cela commence en Angleterre dans la ville de Londres, l’homme est vendeur de vélo et la femme est une des premières femmes chirurgiennes d’Angleterre, elle exerce donc dans l’un des plus grand hôpital de la capitale, à l’époque. Mais je ne peux pas en dire plus pour éviter de te spoiler !

J’entreprends l’attaque de mon muffin en attendant une éventuelle réaction.

- Je n’ai pas lu beaucoup de livre sur les guerres mondiales, ça a l’air super intéressant ! En plus avec une des premières femmes chirurgiennes tu vas attirer les féministes. C’est donc une fiction historique, c’est bien ça ?

- Oui tout à fait, le contexte est réel comme les différentes attaques, les grandes dates et les noms des villes ; mais tout le reste est fictif, les noms des généraux où les différentes missions sont inventées. J’ai aussi essayé de coller au mieux avec les avancées médicales de l’époque et ait adoré faire des recherches sur les premières femmes médecins et chirurgiennes, c’était très instructif. J’avoue avoir pensé au côté féministe que cela donne à mon livre et je l’en aime encore plus.

J’avale une nouvelle gorgée de muffin en guise de pause.

- Attends ! Une minute…. Ce muffin est délicieux ! Et la chantilly est exquise ! Merci pour tout mais surtout pour ça !

Par ça il désigne son muffin, qu’il tend comme un trophée. Je ne peux retenir un sourire.

Son livre à l’air intéressant et le fait de voir comment il en est fier me donne encore plus envie de le lire.

Nous parlons de guerres mondiales et de féminismes pendant que nous dégustons notre commande. Je découvre que Dave est un féru d’histoire et qu’il est quelqu’un avec qui on peut parler de tout et bien discuter. J’arrive à ne pas trop étaler mes convictions féministes comme j’ai l’habitude de le faire, mais il se trouve qu’il est un grand connaisseur du sujet, notamment grâce à sa passion pour l’histoire qui je cite « lui dévoile tous les jours de nouvelles preuves de la place capitale des femmes et des injustices qu’elles subissent depuis toujours ». Je crois que je pourrais parler avec lui pendant des journées entières !

Quand nos assiettes et tasses sont vides et que nous sommes enfin d’accord pour partager la note Tom vient nous voir.

- Alors ? Tout s’est bien passé ?

- C’était excellent mais j’ai une petite question.

- Allez-y je vous écoute.

- Est-ce que vous comptez vous implanter en Angleterre ?

- Peut-être un jour si je gagne au loto, mais merci je le prends comme un compliment. Vous êtes donc anglais, je me disais bien que votre accent français était un poil étrange.

- Oui je suis un Anglais pur-sang, et je me nome Dave, enchanté de faire votre connaissance !

- Moi de même Dave. Qu’est-ce qui vous amène en France et surtout qu’est-ce qui vous amène avec Vic ?

Ohoh Tom le curieux… Je te vois venir.

- Je suis ici pour le travail et Vic, que je viens de rencontrer va me sauver la vie.

- Cela ne m’étonne pas d’elle, je la vois souvent le faire ! Je vous apporte l’addition de suite.

Qu’est-ce qu’il entend par souvent ?

Je me sens rougir… Il ne manquait plus que ça !

Nous payons chacun notre tour, puis nous nous rhabillons. Tom nous remercie de notre visite et nous quittons le café. Nous sortons de l’impasse qui abrite le café pour déboucher sur la grande rue.

Le ciel est sombre, la nuit ne va pas tarder à tomber. Il doit être entre dix-sept heures et dix-huit heures je pense.

Dave me fait comprendre que son logement se situe vers la droite. Je réalise que ma voiture est garée sur la gauche. Est-ce que cela ne serait pas plus rapide de la prendre ? Je ne sais pas vraiment à quelle distance est son logement mais s’il faut prendre les transports, ce serait bête de prendre le métro. Surtout si je dois ensuite revenir ici en métro après juste pour récupérer ma voiture.

- Euh Dave ? Excuse-moi mais est-ce que ton logement est loin ? Parce que ma voiture est garée juste dans cette rue donc si on a besoin de prendre les transports autant en profiter.

Il se retourne et regarde dans la rue comme s’il pouvait voir mon automobile, avant de me répondre.

- C’est à environ vingt minutes de marche je pense. Donc oui cela te ferait quarante minutes aller-retour, c’est un peu du temps de perdu pour toi. Allons-y prenons ta voiture comme ça tu peux rentrer chez toi directement après.

- Oh de toute façon je vais me retrouver dans les bouchons pour sortir de Paris alors je ne suis pas à quelques minutes près…

Elle se dirige vers la rue à gauche, j’essaye de deviner quelle voiture est la sienne.

La grosse voiture familiale grise ? Non trop grand pour une personne si jeune.

Ce vieux tacot bleu ? C’est quoi ? Une Peugeot 405 ! Ce type de voiture est encore autorisé à circuler ? Ce ne doit pas être ça, elle ressemble trop à une voiture volée. Nous passons devant, voilà qu’est-ce que je disais ! La vitre côté conducteur est cassée, c’est une voiture volée ou un propriétaire peu soigneux.

Celle-ci peut-être ? Une Audi toute neuve…. Non je ne pense pas, cela ne correspond pas trop à l’image écolo que je me fais de Vic. En fait je ne la connais que depuis quelques heures donc comment pourrais-je savoir.

Ah, elle s’arrête au niveau de l’Audi. Ah non, je n’avais pas vu ! Il y a une petite Zoe caché derrière la grosse Audi. Voilà qui correspond mieux à l’image écolo que je m’étais faite. Une voiture électrique !

- Es-tu en train de juger ma voiture ?

Oups elle me fixe.

- Non pas du tout ! I swear ! Je m’interrogeais sur ce que les voitures révèlent de leur propriétaire.

- Ne t’interroge pas trop alors, ce n’est pas vraiment ma voiture, c’est celle de mes parents.

Ce disant elle contourne la voiture pour ouvrir la porte côté conducteur et s’installer dans le véhicule.

J’ouvre la porte et me glisse sur le siège passager. L’intérieur est très propre, rien ne traîne.

Nos regards se croisent lorsque qu’elle se tourne vers l’arrière pour manœuvrer. Je l’observe discrètement (plus que la première fois) pendant toute la durée de la manœuvre.

Lorsque nous sommes sortis de la place de parking j’indique la route à suivre. Puis un silence assez gênant s’installe.

- Quel âge as-tu ?

Pas vraiment le moyen le plus charmant pour rompre le silence Dave… Ma phrase est sortie comme ça, de façon si abrupte.

- Je sais que j’ai l’air d’une gamine mais je t’assure que j’ai mon permis de conduire et j’ai vingt-deux ans, largement l’âge de conduire.

Oups, aurais-je touché une corde sensible ?

- Tu n’as pas du tout l’air d’une gamine ! Je me permets de te dire que tu es un peu trop grande pour passer pour une gamine ! Je mesure un mètre soixante-dix-neuf et tu es à peine plus petite que moi.

- Argh tu dois être déçu d’être passé si près du mètre quatre-vingts ! Je mesure un mètre soixante-treize.

Elle rit doucement. Ouf, toute trace de tension semble avoir disparue.

- En fait rien ne dit que je ne peux pas encore les atteindre ! Contrairement à la majorité des garçons j’ai grandi très lentement, je n’ai atteint ma taille actuelle qu’à l’âge de vingt-deux ans.

Il est donc plus âgé que moi.

- Et quel âge à tu aujourd’hui ?

- J’ai vingt-trois ans.

- Après tout si tu te tiens bien droit tout le temps tu peux gagner quelques centimètres, alors pourquoi pas.

- Je devrais me mettre au yoga, il parait que cela fait grandir !

- C’est vrai cela peut aider, tu devrais essayer, personnellement le pratiquer m’a appris à me tenir plus droite.

- Tu fais du yoga ?!

- Bip ! Fin des questions ! J’arrive au bout de tes indications j’ai besoin de connaître la route à suivre.

Mince déjà ! J’espérais en apprendre plus… Enfin je sais qu’elle fait du yoga, une petite victoire…

- Tu peux te garer à droite… Tiens là, il y a une place. On est juste à côté.

Elle s’exécute très habilement, et en quelques secondes nous voilà à l’arrêt et le silence gênant revient.

- Je vais le chercher j’en ai pour deux minutes.

Je sors et me précipite vers l’immeuble au style haussmannien dans lequel se situe mon studio, sans lui laisser le temps de répondre.

Oui, je n’ai pas spécialement envie qu’elle voit cet appartement, ou juste qu’elle y rentre. Je ne sais pas ce qu’ils ont pu faire ou y stocker avant que j’en récupère les droits, donc je ne préfère pas qu’elle y mette les pieds juste au cas où.

J’ai récupéré mon livre et je redescends les escaliers aussi vite que je les ais montés. Je me laisse deux secondes avant d’ouvrir la porte afin de reprendre mon souffle puis je sors du bâtiment.

J’aperçois la petite voiture qui n’a pas bougé, tout comme sa conductrice.

Une partie de moi est soulagée de la retrouver à la même place qu’il y a deux minutes, constatant qu’elle n’est pas partie.

Une autre partie se demande si je ne m’attache pas un peu trop déjà. Je n’ai pas l’habitude de rencontrer de nouvelles personnes et mon cercle privé est très réduit, mais quand même. On ne tombe pas amoureux d’une personne croisée dans la rue ! Oh oh calm down dude ! Tu n’as juste pas l’habitude de rencontrer des gens ou du moins des gens gentils et bienveillants.

Je reprends ma place dans la voiture et lui tend le manuscrit.

- Voilà, je te confie la garde de mon bébé !

Il vraiment fier de son roman, cela se lit sur son visage. Je prends ce qu’il me tend avec précaution et le cale sur la banquette arrière derrière mon sac de rechange.

- J’en prendrais le plus grand soin ! Mon frère ne pourra pas l’approcher, il sera en sécurité dans ma chambre !

Elle est très sérieuse.

Dix mille questions me viennent en tête.

- Donc tu vis chez tes parents avec ton frère. (Je fais ma tête d’inspecteur sûr de sa déduction) Mmmh, c’est un frère plus jeune que toi ?

- Plus jeune de quelques minutes.

- Oh c’est un frère jumeau !

Il est étonné. C’est vrai que les gens ont tendance à être surpris. Mais en réalité les faux jumeaux comme Hippolyte et moi ne sont pas si rares que ça.

- Alors là je ne m’y attendais pas. Il vit aussi encore dans la demeure familiale, je suppose ?

- Tu n’es pas Sherlock mais tu supposes bien. Et comme il est très peu soigneux il vaut mieux éviter de laisser traîner ses affaires quand il est dans le coin. Surtout quand il a de la nourriture dans les mains. Et demeure, le terme est un peu trop flatteur pour désigner notre maison de banlieue.

-Ahahah.

- Et toi Dave, tu as des frères et ou sœurs ?

- Non je suis seul, fils unique.

Son expression faciale est neutre aucune émotion ne ressort et il a répondu plutôt sèchement. Je m’imagine peut-être des choses mais le sujet de la famille semble lui être désagréable. Il y a anguille sous roche. Quelque chose dont il ne veut pas parler.

Ce qui en fait est normal, je ne suis pas non plus sa confidente ou sa meilleure amie.

J’ai répondu assez sèchement, plus que je ne le voulais.

Je n’aurais pas dû.

Au moins elle ne me reposera pas de questions de sitôt.

Je peux au moins relancer la conversation pour effacer la gêne qui vole entre nous.

- Donc tu vis encore chez tes parents et tu as un jumeau, la question logique qui vient ensuite serait, qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Sachant que tu sais déjà quelle est ma profession, cela permet de rétablir l’égalité d’information que nous savons l’un sur l’autre.

Je suis fier de ma petite tirade à la logique presque mathématique.

- Eh eh tu oublies, deux trois trucs ! Tu en sais bien plus que moi ! Tu connais déjà un de mes amis, mon refuge parisien et ma voiture.

Elle caresse affectueusement le volant de son bolide comme s’il était son meilleur ami. Pfff… Cela étant elle n’a pas tort…

- Bon d’accord, alors, je n’ai pas d’amis, pas de voiture et aucun refuge parisien. Alors tu étudie ou travailles déjà ?

Il est sérieux ? Il croit vraiment que je vais avaler ça ? Enfin c’est peut-être la vérité mais ce serait très triste. Non il se moque forcément de moi, tout le monde à au moins un ami. Pas de voiture c’est commun et pas de refuge parisien logique puisqu’il n’y vit pas et ne semble ne jamais y avoir mis les pieds avant cette semaine. Mais pas d’amis… C’est forcément faux, il a dit ça pour que ça aille bien dans sa phrase c’est tout.

- Pas de voiture d’accord. Pas de refuge parisien logique. Mais tu dois bien en avoir un ami à Londres non ? Attends, tu vis à Londres au moins ? Tu ne me l’as pas dit, il me semble. Tu vois j’en sais toujours moins que toi.

- Oui je vis à Londres…

C’est quoi cette tête de boudeur… Je ne peux m’empêcher de sourire à sa vue.

- Et…. ? Tu as un refuge ??

Dis-je comme si j’essayais d’apprendre à parler à un bébé.

- Possible…

- Un refuge….avec des amis dedans ??

Il sourit, disparu l’air boudeur.

- Une grand-mère ça compte ?

Dit-il avec un petit sourire en coin, en me regardant. Il apparaît plus jeune qu’il y a quelques secondes.

- Bien sûr que ça compte ! Je suis bien amie avec cette voiture !

Il se retourne carrément sur son siège pour se placer face à moi avant de parler. S’il n’y avait pas le frein à main je suis sure qu’il aurait placé ses jambes entre les deux sièges.

- Bien alors, études, si oui lesquelles ou job, si oui lequel ?

Aurais-je enfin une réponse ou va-elle me laisser poireauter encore longtemps ? Elle n’a quand même pas honte de ce qu’elle fait ? Oh, et si elle était agente de police ? DamnThat would be a problem.

- Je demande un bonus, la question à cette réponse est trop longue et compliquée et si je veux arriver à l’heure du repas je ne devrais pas trop tarder. Trouve en une autre, où la réponse sera plus courte.

Elle ne semble pas dérangée par ma question, elle est presque désolée de ne pas pouvoir répondre tout de suite. Ce n’est que partie remise. Je ne veux pas la retarder plus que je ne l’ai déjà fait avec toute mon histoire. Bon vite trouve une question toute bête et rapide, histoire de grappiller une petite information quand même.

- D’accord j’accepte, je crois avoir compris que tout ce qui se rapporte à la nourriture est sacré pour toi.

- Touché, la nourriture c’est sacré. Vas-y question flash !

Il regarde autour de lui, comme pour chercher une idée de question.

- Got it ! C’est quoi ce sac qui cale mon bouquin ?

Elle est déçue on dirait, s’attendait-elle à meilleure question ?

- Ah ça ? C’est juste mon sac de rechange.

- Un sac de rechange avec des affaires ? Comme les bébés ? Aurais-tu des fuites ?

- Ah ah très drôle. Ais-je même besoin de répondre ?

Il me lance un regard appuyé très sérieux. D’accord… j’ai compris. Allons jusqu’au bout.

- Oui, il y a des affaires dedans et non ce n’est pas du rechange parce que je fuis.

- Ahaha tu fuis, funny.

Cela le fait bien rire.

- Dans ce cas c’est du rechange pour quoi ? Non ne répond pas. Je vais deviner comme ça c’est comme si je n’avais pas posé la question !

-Tricheur…

Elle me regarde d’un air rieur faussement indignée.

- Alors…. Peut-être des vêtements de sports, dans ce cas c’est pour faire du sport logique. Mais quel type de sport ? Il n’y a visiblement pas de tapis de yoga donc il s’agirait d’une seconde activité sportive. Mmmmh, je te vois bien faire de l’escalade ou courir. Ou alors c’est tout autre chose. Une tenue pour le travail ! Un tailleur ou une tenue de strip-teaseuse.

(Je la regarde, elle me fixe d’un air faussement exaspéré. Je me retiens de rire.)

- D’accord d’accord, je me concentre, c’est une tenue de médecin, non, tu es trop jeune pour ça, à moins que tu ne sois interne. Une tenue d’aide-soignante ou d’infirmière ! Ou une tenue de barmaid ? No ! I know ! C’est une tenue de soirée ! Bon je vois bien que tu te moque de moi, que tu ne penses pas que je puisse trouver... Alors c’est quoi cette tenue ?

- Ah ah tu dois trouver pour la prochaine fois, c’est ta mission. Moi je lis ton œuvre et toi tu devines quelle tenue j’ai dans mon sac.

- Ça marche, mission acceptée, à samedi ! Et merci encore !

- Bonne soirée…

- Toi de même.

Il me sourit sincèrement puis referme la portière et entre dans son immeuble.

Je souris toute seule puis démarre la voiture et commence à sortir de la place ou je suis garée.

Je garde ce sourire tout le temps que dure mon trajet en voiture.

 

Enfin ! Après des kilomètres de bouchons, me voilà à la maison.

 

Quelle drôle de journée quand même, je vais sur Paris me faire tatouer déjà ça cela n’arrive pas tous les jours, puis je rencontre ce type qui m’entraîne dans son histoire rocambolesque et on atterrit au Jardin du café. Je me tourne vers la banquette arrière. Je récupère le livre (l’ensemble de feuille à ce stade) pour sortir.

J’ai hâte de m’y mettre !

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Banditarken
Posté le 01/10/2024
Je vais me répéter mais tes dialogues sont vraiment excellents et très dynamiques. C'était très plaisant de suivre cet échange entre tes deux personnages. On sent la naissance d'une complicité qui va très certainement donner beaucoup de piquant à ton histoire. J'ai hâte !
Sombie
Posté le 02/10/2024
Je vais surement me répéter aussi (j'enchaine mes réponse à tous tes commentaires ^u^) mais MERCI ! Encore une fois de prendre le temps de lire et donner ton avis, petit bonus étant que cet avis soit positif, cela fait toujours du bien à l'estime !
Nqadiri
Posté le 15/09/2024
Je suis fan de l’exercice. On s’y perd parfois, mais ce qui est apprécié et appréciable est que chaque personnage ait sa propre voix. Les anglicismes sont bien pensés et posés pour permettre justement de « suivre ». Personnellement, je trouve tes personnages attachants, hâte de lire la suite :)
Sombie
Posté le 19/09/2024
Oh mes dieux ! Que d'éloges ! J'espère que ce n'est tout de même pas trop dur de distinguer chaque point de vue.
Marietta
Posté le 11/09/2024
Sympa cet échange entre ces 2 personnages qui se découvrent (même si c'est parfois difficile de savoir lequel des deux s'exprime), l'idée de la double narration est intéressante et de manière général tes dialogues sont très dynamiques, c'est agréable à lire! Mais je reste sur ma faim quant au mystère de Dave et de sa grand-mère exposé dans le prologue. Y aura-t-il une suite?
Sombie
Posté le 15/09/2024
J'avais peur en effet que la double narration ne soit pas assez clair, surtout étant donné que je ne peux pas mettre différentes polices comme je l'ai fait quand j'ai écris ces chapitres... Si cela pose vraiment problème je vais recommencer ma grosse relecture plus tôt que prévu pour essayer de rendre la double narration plus nette. Il y a déjà une suite en effet, je la poste petit à petit en espérant avoir le temps d'écrire entre temps (ce qui n'est pour le moment pas le cas snif). L'idée de poser mon histoire sur Plume d'Argent était que cela me pousse à écrire la suite justement !
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me donner ton avis !
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