Chapitre deux : Révélations

Le défi consistait à aller dans le monde Vivant et à capturer une Animus. Les Animus étaient d’anciennes Ames, qui s’étaient échappées durant une bataille. Jusqu’à aujourd’hui, le Maitre pensait les avoir toutes capturées, hélas certaines se cachent visiblement encore, survivant grâce à des Ames faibles. Celles-ci, à bout de force, finissent par se jeter du haut d’un pont ou se pendent ; les Animus sont à l’origine du suicide.

C’était bien sûr une tâche difficile qui nous attendait puisque cette mangeuse d’Ames sévit depuis bientôt, six cents ans, et comme Thana nous l’a appris : plus elles sont vieilles, plus elles sont rapides et puissantes.

J’aurais forcément un rôle à jouer dans cette mission, puisque j’étais le dernier à avoir quitté ce monde, j’étais donc celui qui le connaissait le mieux.

Notre défi aurait lieu en Europe centrale, puisque c’est là que l’Animus se cachait.

Une fois que Thana eu fini de tout nous expliquer, entre autres certaines mesures à prendre afin que les Vivants ne nous détectent pas. Il nous laissa à nos préparatifs. Et c’est ce que nous fîmes. Nous nous donnâmes rendez-vous une heure plus tard à la salle des plans.

Comme je m’y attendais, May me raccompagna à nos quartiers. Sur le chemin, elle ne parla pas, ce qui ne ressemblait guère à sa personnalité d’habitude si gaie et détendue. Quelque chose clochait et je m’attendais au pire. La seule fois que son silence fut à ce point la pesant, ce fut quand je désobéis à May, qui en plus d’être ma tante adoptive était aussi ma garante.

Tous les arrivants, futurs Mercenaires ont un garant ; la personne qui leur faisait découvrir la Royaume du Trépas et qui doit lui enseigner les notions de base de ce nouveau monde comme le fonctionnement des défis, c’est aussi eux qui nous aident à découvrir nos Talents. Les Vivants appelleraient cela des « pouvoirs » mais c’est un peu différent puisqu’ils ont un lien avec notre passé. Les garants sont nos responsables pendant les quatre années de notre préparation.

Une fois arrivé devant la caserne où les hommes logeaient, elle insista pour me raccompagner à ma chambre, me disant que l’on devait absolument discuter et que cela ne pouvait attendre plus longtemps.

En traversant la salle principale, j’entendis les autres Mercenaires qui chuchotaient et nous dévisageaient. Et comme d’habitude, je les ignorais, May leur lança un regard noir. J’entrai dans ma chambre et refermai la porte derrière nous.

May s’assit sur mon lit, me scruta l’espace d’une courte minute, puis se lança d’une voix posée ;

• « Bon, je sais très bien que tu n’es pas venu te présenter au défi simplement par « curiosité » et que tu as forcément une raison valable, si tu ne veux pas me le dire, je l’accepte, mais évite de mentir à l’avenir que ce soit à moi ou aux autres. Ce n’est pas la première fois que ceci arrive et je sais que tu aimes garder certaines choses pour toi mais ce n’est pas une excuse. Cette fois ce n’est pas grave ou même important, mais imagine que ce soit quelque chose qui puisse faire rater le défi ou autre chose d’ailleurs. Il faudrait que tu commences à aller vers les autres plutôt que de t’en éloigner car je ne te protègerais pas ou du moins plus. Tu dois trouver par toi-même tes frères d’armes, tes amis mais aussi alliés, j’en fais certes partie car j’étais ta garante mais je ne suis pas la seule à pouvoir t’aider. Tu dois faire ton propre chemin. »

May avait la réputation d’être directe. Elle avala sa salive et continua,

« Arrête de te laisser marcher dessus, tu es assez intelligent pour te faire respecter, tu es plus jeune oui, mais ce n’est pas une raison, tu as quitté notre monde à l’âge de douze ans, et heureusement pour toi, tu n’as plus l’apparence du petit garçon qui est arrivé ici. Dans le monde Vivant, tu serais un homme, un adulte alors arrête de te comporter comme un enfant. Je t’aime Félix, je t’aime comme un petit frère, comme une neveu, et c’est pour ton bien que je te dis tout ça, ne m’en veux pas » finit-elle par dire.

Ce discours, je m’y attendais un peu, mais quoi qu’il fût réaliste, il me fit l’effet d’un coup de couteau dans le dos. Trahi par ma seule famille, je sentis malgré moi les larmes couler sur mes joues. J’étais incapable de dire quoi que ce soit, et May partit sans un mot, me laissant seul à ruminer mes pensées. J’avais toujours été un solitaire, mais se voir quasi laisser tomber par une personne en qui on avait confiance, fera tout le temps mal peu importe l’âge ou la mentalité.

Roulé en boule dans mon lit, je n’avais plus envie de bouger. Je ne voulais plus voir personne. May venait de confirmer ce pour quoi j’allais participer au défi, le regard des autres. Il fallait que je m’en détache, que je choisisse moi-même mon destin. Et j’allais participer au défi, pour prouver à May que je pouvais m’affirmer et participer à la vie de groupe.

J’allais participer au défi, pour les autres Mercenaires, mes congénères, ceux qui me voyaient comme un intellectuel coincé, comme un solitaire, insociable, ceux qui m’en croyait incapable. Mais surtout, et ça je venais de m’en rendre compte, pour me prouver à moi-même que j’en étais capable. Je n’avais jamais rien réalisé de fantastique durant mon Vivant comparé aux autres Mercenaires, et encore moins en tant que tel.

Jusqu’ à maintenant.