Chapitre Dix // Partie Deux

Notes de l’auteur : CW : Crise d'angoisse

Ezra, un peu plus tard ce jour là.

Je ne vais pas vous mentir, lorsque ma soeur m'a appelé, j'ai été surpris. Pas dans le mauvais sens, cependant! C'est juste qu'elle ne m'appelle pas si souvent que ça, en fin de compte, c'est souvent moi qui l'appelle. Ma surprise n'a fait qu'augmenter au fur et à mesure qu'elle parlait: il fallait que je vienne chez elle le plus rapidement possible pour une raison obscure qu'elle n'a pas daigné me donner, puis m'a envoyé un message comme quoi Alexandre était chez elle. Sous-entendu: «fais un effort, ne viens pas en pyjama».

Et l'effort, je l'ai fait! J'ai quitté mon pantalon de training et j'ai enfilé un jean. J'ai regardé le t-shirt que je portais, mais... Il était clair que je ne pouvais pas y aller comme ça. Je me suis essayé à la peinture, et ça se voit. Il y a des taches de toutes les couleurs dispersées sur tout le t-shirt, même dans le dos. Et même si ça me donne un certain style, je ne pouvais pas y aller comme ça! Du coup, j'ai enfilé un autre t-shirt, noir, uni, sans taches, et j'ai passé une chemise à carreaux par dessus. C'était moins confortable que ma tenue de départ, mais au moins, je suis présentable!

Ma tête est plongée dans mon écharpe lorsque j'arrive devant la porte. Mes oreilles sont glaciales et rougies par le froid - dans la précipitation, j'avais oublié mon bonnet. Le temps ne s'est définitivement pas amélioré depuis ce matin!

Comme précédemment, je toque à la porte et me permet d'entrer sans attendre. La chaleur de l'intérieur m'envahit instantanément et je laisse échapper un souffle de contentement. Ma veste et mon écharpe trouvent leur place sur le porte-manteau, et mes chaussures sont laissées dans le couloir. J'entends plusieurs éclats de rire provenant du salon, malgré le fait que toutes les portes soient fermées.

J'ouvre la porte doucement, mais elle produit un grincement horrible qui trahit automatiquement ma présence. Les rires s'arrêtent ainsi que les éclats de voix, alors que je passe lentement ma tête dans l'embrasure. Denise me remarque la première et se dirige vers moi, puis me sert dans ses bras comme si elle ne m'avait pas vue depuis des semaines.

— C'est bien, t'as fait un effort!, chuchote-t-elle dans mon oreille.

Elle me fait un clin d'oeil lorsqu'elle me lâche, puis me prend par la main pour me tirer vers le reste du «groupe». Charles est assis dans l'un des fauteuils, et Denise rejoins l'autre. La seule place disponible est donc...

Dans le canapé, juste à côté d'Alexandre. Il me lance un sourire gêné et se décale vers l'une des extrémités, et je m'installe à l'autre. Charles et Denise nous regardent suspicieusement, avec un sourire un peu moqueur sur les lèvres. Bien, maintenant qu'Alex et moi sommes réunis, ils vont pouvoir faire toutes leurs remarques! Ma soeur se penche en avant, plus tournée vers moi que vers mon voisin.

— Ezra, si je t'ai demandé de revenir aussi rapidement, c'est pour une simple et bonne raison. On va piocher les noms pour la cacahuète!

Elle s'applaudit tellement elle est contente.

— Déjà? Ce matin tu me disais que ce n'était pas pour tout de suite!

— Oui, commence Charlie. Mais j'ai téléphoné à André, juste après que tu sois parti, et il s'avère qu'ils vont chez ses parents pendant les fêtes. Donc il ne restait plus qu'à demander à Alex, qui est arrivé sans prévenir. Et il est d'accord! Donc autant tirer les noms maintenant!

— Ah! Bon ben... D'accord, faisons-le, du coup!

Ma soeur se lève, toute heureuse, et part chercher une feuille et un stylo. Elle écrit nos noms lentement, en s'appliquant, presque en faisant de la calligraphie. Puis elle sépare en morceaux, les plies, et les mets dans un bol qu'elle tend vers moi en premier.

Mes questions de ce matin me reviennent en mémoire. Et si je pioche le nom d'Alex, qu'est ce que je pourrais lui prendre? Quelque chose de spécial?

Ma main prend un papier au hasard, et je l'ouvre sous l'oeil attentif de tout le monde. Ils ne peuvent pas savoir qui je pioche, donc je rapproche le papier de mon torse et baisse le regard.

Denise

Je me retiens de pousser un souffle de soulagement. Ma soeur est la personne que je connais le mieux, je sais déjà quoi lui offrir! Cependant, une partie de moi reste un peu déçue... Si j'avais pioché le papier d'Alex, ça aurait été différent. Beaucoup plus dur, certes, et j'aurais probablement passé plusieurs nuits blanches à chercher quoi lui offrir. Mais ça aurait pu être intéressant!

Le bol passe de participant en participant, jusqu'à ce que Denise prenne le dernier papier. Je suis le seul à le remarquer, car les Barbier sont tous les deux concentrés sur le papier, mais son regard s'est directement dirigé vers Charlie, et elle sourit.

— Les gars, pas d'échange de papier! Vous gardez le nom que vous avez pioché, et vous ne pouvez le dire à personne d'autre, d'accord? Et par pitié, que celui qui m'a pioché ne m'achète pas une robe, mon armoire en est pleine!

Je me tourne vers ma soeur, surpris.

— Mais Denise... Tu adores les robes, tu en mets tout le temps! C'est étonnant que tu n'en veuilles plus!

— Ez'. C'est l'hiver. Vous pouvez m'en offrir en été, quand je pourrai la porter directement! Pour le moment il fait bien trop froid pour ça., me répond-t-elle avec un haussement d'épaule.

Je ne comptais pas lui offrir de robe, mais c'est bon à savoir. Son anniversaire est en plein mois de juillet, donc maintenant je sais quoi lui offrir à cette occasion!

Les frères Barbiers ont toujours l'air perturbés par leurs papiers. Si ça se trouve, le nom qu'ils ont pioché ne leur plaît pas! Mais bon, on ne peut plus y faire quoi que soit maintenant.

*

*                    *

Alexandre, au même moment.

Ezra.

Je relis le papier plusieurs fois pour être sûr que je ne me trompe pas de nom. Mais non, les quatre mêmes lettres ne changent pas. L'écriture de Denise est bien trop lisible que pour que je me trompe ou confondre des lettres.

Mais comment je vais faire, moi?

Certes, Ezra et moi avons fait une très grande avancée dans notre... relation. Maintenant, quand je pense à lui, je ne me dis plus «C'est le frère de la femme de mon frère». Non, maintenant c'est plus «Le gars que j'aime bien et qui me perturbe» qu'autre chose. Mais sommes nous à l'étape des cadeaux romantiques, cependant? Parce que je serai incapable de prendre quelque chose de basique. Je ne pourrais pas me contenter de lui offrir le dernier Best-Seller de je-ne-sais quel auteur. Non, je vais vouloir lui offrir quelque chose qui va le toucher, quelque chose qui va prouver que je me suis investi dans ma recherche, pas quelque chose que je vais pouvoir trouver dans tous les magasins qui ont une section livre.

Je veux, et je vais, lui offrir quelque chose de spécial. Mais est-ce une bonne idée, alors qu'on ne sait même pas encore ce qu'on est précisément? Et si il se rendait compte qu'il n'a pas réellement de sentiments pour moi, et que je me serai investi dans ce cadeau pour rien?

Je me sens divaguer dans mes pensés. Autour de moi, j'entends les autres parler. Je pense discerner le mots "robe", mais c'est tout ce que je parviens à comprendre dans le brouillard de mon esprit. Je reste ainsi jusqu'à ce qu'une main secoue ma jambe, je sors de ma torpeur pour me tourner vers le propriétaire de cette main, qui n'est autre qu'Ezra. Je vois ses lèvres bouger, mais je suis incapable de me concentrer assez que pour le comprendre. Son visage disparaît un instant, pour être remplacé par celui de mon frère. Lui, il m'attrape le visage et me parle. Ses yeux sont ancrés dans les miens. Au début je ne comprend pas ce qu'il me dit, puis je parviens à comprendre certains mots.

— Alex... Bien... Passer. Réveille-toi !

Mes yeux papillonnent lorsque je reviens, totalement cette fois, à moi. Mon frère écarte ses mains de mon visage après avoir essuyé mes joues, que je constate humide.

— Il s'est passé quoi?

Ma voix n'est qu'un murmure au travers de ma gorge sèche. Mon frère s'assied sur le sol, près de moi, et Denise le rejoint. Ezra est toujours à côté de moi dans le canapé, c'est lui qui me répond.

— On t'as posé une question mais tu ne répondais pas, tu regardais dans le vide. J'ai essayé de te secouer la jambe pour que tu réagisses, mais ça n'a rien changé, on aurait dit que... Tu étais parti trop loin, que tu ne nous entendais plus.

Je laisse échapper un petit "ah", et laisse mon dos rejoindre le dossier du canapé. Un énorme mal de tête me prend soudainement, mais semble partir au fur et à mesure que les secondes passent.

— T'en as eu beaucoup, des moments comme ça, ces derniers temps?, me demande Charlie.

— Hum... J'en ai eu un ce week-end, quand Tom était avec moi. Mais c'est tout, j'en avais plus fait depuis des mois avant ça.

— Okay... On va surveiller ça, du coup.

La main de mon frère se pose sur mon genoux, et je pose la mienne dessus. Ezra commence:

—Je veux pas m'imposer ou me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais... Il s'est passé quoi, en fait?

J'essaie de parler, mais ma voix est complètement enrouée. Denise me donne mon verre d'eau, qui était sur la table, avant même que je ne puisse le demander. Je bois une gorgée du liquide, puis commence à lui répondre:

— Ce que tu as vu, c'est ce qu'il m'arrive lorsque je laisse mes pensées m'envahir. Généralement ce sont des pensées pas très joyeuses. Mon cerveau y réagit en bloquant tout, tout simplement, et je n'arrive plus à réagir. Je ne comprend pas spécialement que je fais ça, je m'en rend compte seulement après, quand je me "réveille". Je n'ai pas mal ni rien, de temps en temps j'ai juste mal à la tête après, mais c'est tout.

Il a l'air un peu rassuré, maintenant qu'il comprend ce qu'il s'est passé. Cependant je vois à sa posture qu'il est toujours inquiet, sa jambe bouge à un rythme effréné et il joue avec ses doigts. Je pose ma main sur sa jambe, et le mouvement s'arrête instantanément.

— Ezra. Je vais bien, relax! C'est passé, c'est fini.

Il peine à m'offrir un sourire, qui reste tremblant malgré ses efforts.

— D'accord. Merci de m'en avoir parlé!

Un silence s'immisce dans la pièce, pendant lequel je tente de rassurer Ezra avec mon regard. Après quelques secondes seulement, Denise l'interrompt:

— Charlie, je crois que la bolognaise est en train de brûler!

Mon frère se lève en quatrième vitesse et se précipite dans la cuisine. Je renifle l'air, et je remarque que, en effet, ça sent vraiment le brûler. Charles ressort de la cuisine après une minute, et déclare:

— Bon ben... Je propose qu'on commande des pizzas, du coup. Je n'ai pas de quoi refaire de la sauce, et le magasin vient juste de fermer!

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Saamodeus
Posté le 14/10/2021
Oh là, pauvre Alex il est vraiment dans tout ses états. Respire un bon coup mon chou, quoique tu offres à Ezra il sera content. Tu peux le faire mon petit, je crois en toi !!!
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