Chapitre Onze // Partie Une

Ezra, 24 Décembre, réveillon de Noël.

On est déjà au réveillon de Noël. Le temps est passé à une de ces vitesses! Il y a déjà deux semaines que nous avons pioché les noms pour la cacahuète, deux semaines pendant lesquelles j'ai cherché le cadeau parfait pour ma soeur.

Je suis à présent dans le parc où Alex et moi nous étions rejoints il y a bien longtemps, à présent. Le soleil est parti depuis quelques heures, je suis uniquement éclairé par les lampadaires. Mon paquet sous mon bras semble peser des tonnes, alors que le doute m'envahit. Si ça se trouve, Denise l'a déjà, ou ça ne lui plaira pas. De toute façon, il est trop tard, maintenant: les magasins sont fermés, puis je n'aurais pas trouvé un meilleur cadeau de toute façon. Je prend une grande inspiration pour calmer mon cœur palpitant sous le coup du stress et de l'excitation. Je regarde autour de moi, mais le parc est entièrement vide, toujours aucun signe d'Alexandre. Je regarde l'heure à ma montre: il a une dizaine de minutes de retard, ça ne lui ressemble pas. Je m'assied sur un banc et joue sur mon portable en l'attendant.

J'entends des bruits de pas, ou de course, après quelques minutes. C'est lui, enfin, en train de trottiner dans ma direction. Je me lève et le laisse arriver à mon niveau. Il peine à reprendre sa respiration, mais parvient à s'excuser:

— Je suis... Vraiment... Désolé... Retard...

— Ne t'inquiète pas, on a encore de l'avance avant d'arriver là-bas de toute façon. Prend le temps de te remettre sur pied.

Le blond s'avachit sur le banc où j'étais précédemment, et je peux admirer sa tenue sous son manteau ouvert. Il porte une chemise noire, ouverte au col et rentrée dans un pantalon bordeaux. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il porte quelque chose comme ça, je pensais qu'il allait se contenter d'une chemise blanche comme la mienne. Il a sorti le grand jeu, et je dois reconnaître que ça lui va très bien. Je lui tend une main, qu'il attrape pour se relever.

— T'es super bien habillé, j'aime beaucoup ton style!, je lui avoue.

Il rougit, mais je ne sais pas dire si c'est à cause de moi, ou du vent frais qui nous gifle les joue.

— Merci! J'aime beaucoup ton écharpe, elle a l'air très douce!

— Oh, elle l'est!

Je la retire et l'enroule autour de son cou dégagé sans trop y réfléchir.

— Mais, tu vas avoir froid non?, demande-t-il en essayant de la retirer.

Je pose ma main sur la sienne pour l'en empêcher avant d'expliquer:

— Tu as couru jusqu'ici, et on est proche des zéro degrés. Ton cou est entièrement découvert, si tu ne mets rien, tu vas tomber malade. J'ai le col de ma veste, donc tu gardes l'écharpe, tu n'as pas le choix!

Je lui souris, et il me le rend. Son visage s'enfonce dans l'écharpe, comme je le fais souvent aussi. Je lui tend ma main à nouveau:

— Alors, on y va?

Il la prend timidement. Je reprend mon paquet sous mon autre bras, et on prend la route pour aller chez Charles et Denise. Le début du trajet se fait dans le silence, mais je le brise.

— Au fait, pourquoi tu avais du retard? Ça ne te ressemble pas, je dois dire que j'ai commencé à m'inquiéter, à un moment donné!

Sa voix est étouffée par mon écharpe, mais il me répond:

— Je ne trouvais plus mon cadeau, je ne savais plus où je l'avais posé. Il s'avère qu'il était juste sur un meuble dans le salon, juste sous mon nez. J'ai passé plus de vingts minutes à le chercher. Encore désolé pour mon retard, j'aurais dû te prévenir au moins!

Sa main est froide dans la mienne. Nous arrivons dans la rue de Charles et Denise, donc je relâche la pression sur sa main. Je lui laisse le choix, de s'il veut la garder dans la mienne jusqu'au bout ou s'il préfère qu'on se sépare pour les quelques derniers mètres. A ma (très) grande satisfaction, il tient ma main encore plus fort qu'avant. Je me tourne vers lui pour me rendre compte qu'il me regardait déjà. Au pli de ses yeux, je devine qu'il me sourit lui aussi, et mon coeur se réchauffe. Nous arrivons finalement devant la porte en bois de notre destination. Je frappe quelques coups, puis je patiente.

Il faut quelques dizaines de secondes, mais Denise vient nous ouvrir. Elle nous fait entrer, puis nous enlace l'un après l'autre.

— Denise, tu es...Resplendissante!

— Merci, Ez'! Tu es très élégant aussi, je suis époustouflée! Et Alex!

Elle se tourne vivement vers le jeune homme, qui est toujours en train d'enlever son manteau.

— J'aime vraiment comment tu es habillé, ça te va incroyablement bien.

— Je suis d'accord.

Leurs regards se tournent sur moi.

— Je... J'ai dit ça à voix haute, c'est ça?

Ma soeur hoche doucement de la tête, un sourire moqueur aux lèvres. Je deviens rouge instantanément, Alex rougit lui aussi. Cependant, il m'offre un sourire discret qui me rassure sur un point: il ne se sent pas humilié du tout, il le prend bien.

Ma soeur nous laisse, après nous avoir signalé qu'elle devait retourner en cuisine, mais que Charlie est dans le salon entrain de préparer certaines choses. Alexandre attend qu'elle ferme la porte avant de me tendre mon écharpe.

— Merci. Elle était aussi douce que ce qu'elle en a l'air!

Je refuse de la prendre, et la repousse vers lui.

— Tu peux la garder! J'en ai une autre dans le même style chez moi, tu peux avoir celle-ci. Au moins tu ne tomberas pas malade, puis elle te va bien mieux qu'à moi. Considère ça comme un cadeau de Noël imprévu!

Il a réellement l'air content de pouvoir garder l'écharpe. Il regarde derrière moi, comme pour être sûr que Denise n'est pas revenue et ne reviendra pas, puis il se penche pour poser un baiser sur ma joue. Jusqu'à présent, je n'avais pas vraiment remarqué à quel point il est grand... Il doit faire une dizaine de centimètres de plus que moi, et je n'avais même pas fait attention à ce détail, après plusieurs mois.

— Merci. J'aime beaucoup!

Il dépose son manteau sur le porte manteau, avec sa maintenant nouvelle écharpe.

— Tu viens? On ne va pas rester ici pour toujours!

Sa main frôle volontairement la mienne lorsqu'il passe près de moi. Avec un dernier sourire, il ouvre la porte du salon et s'y faufile.

Et bien, la soirée promet d'être intéressante!

Je passe la porte à mon tour. Le salon entier a changé, depuis la dernière fois que je suis venu, il y a deux semaines. Charles et Denise ont déplacé les fauteuils et le canapé contre les murs, dégageant un large espace au centre de la pièce. Dans la partie salle-à-manger, la table a été allongée et dressée comme pour nourrir un régiment composé d'une famille royale. Charlie est en train de saluer Alexandre lorsque j'arrive, mais je pense que c'est lui qui s'est occupé du dressage de la table jusqu'à maintenant. Je le salue à mon tour, et complimente son travail. Il a l'air ravi de voir que quelqu'un aie remarqué ce qu'il avait, notamment avec les serviettes qu'il a plié pour faire des lutins. Il s'est vraiment surpassé, la table est juste magnifique!

Charles finit de dresser la table en quelques minutes, puis il nous accompagne dans le salon. Bien que les meubles aient été reculés, ils restent assez proches les uns des autres pour qu'on ne soit pas éloignés au point de devoir parler plus fort. Alexandre s'installe à côté de moi, dans le canapé, tandis que son frère s'occupe de préparer et servir des boissons. Denise vient finalement nous rejoindre, et s'installe dans le fauteuil en face de nous.

— Alors, quoi de neuf les gars?

Je répond en premier, après avoir jeté un coup d'oeil à Alex.

— Pas grand chose, de mon côté. J'ai fais un maximum de services au bar, comme ça je peux me permettre de ne pas travailler pendant les jours qui arrivent. J'ai su négocier mes congés!

— Mais c'est génial! Je suis contente que tu ne doives pas travailler la nuit du nouvel an, les gens deviennent vraiment dingue à cette période...

— Oui, je confirme. C'est pour ça que j'ai fais autant d'heures, il fallait amadouer le patron pour qu'il me laisse mon congé. Cependant ça ne m'étonnerait pas qu'il essaie de me faire venir quand même, mais je n'irai pas.

— C'est pour le mieux, me dit Charlie. Et toi, Alex?

Le blond réfléchit quelques instants, puis répond:

— Et bien cette année, j'ai décidé de fermer la boîte pendant les fêtes. Tous les gars de l'équipe sont en congé, moi aussi. Alors on a dû carburer ces deux dernières semaines pour préparer totalement les évènements qui nous attendent début janvier, parce qu'on n'aurait pas eu le temps de le faire après notre congé. Ça a été dur, et ça nous a demandé quelques heures supplémentaires, mais nous sommes à jour pour tous nos événements à venir!

— C'est top! Et toute l'équipe doit être contente de ne pas avoir à travailler pendant cette période-ci, je suppose...

— Ils n'ont jamais été aussi heureux! Surtout que c'était un peu une surprise, je ne le leur ai dit il y a un mois seulement. Cette année a été plus que rentable économiquement parlant, alors on peut se permettre la fin du mois sans travailler. Après tout, ils ont presque tous une famille à présent, ça aurait été dommage de les priver de ces moments. Du coup, ouais... C'était la meilleure chose à faire, pour tout le monde.

La discussion continue pendant de longues minutes, puis est interrompue par la sonnerie stridente d'une minuterie, dans la cuisine. Charles se lève et nous laisse pour aller voir, avant que quelque chose ne se mette à brûler. Il revient quelques instants plus tard avec des petites terrines fumantes.

*

*                       *

Alexandre, 24 décembre, réveillon de Noël.

— Alors... Pour l'apéritif, voilà des terrines de saumon avec une mousse d'épinards! J'espère que vous aimerez, c'est la première fois que j'en fais....

Il tend un petit pot à chacun, ainsi que de minuscules cuillères. Je plonge la mienne dans la mousse verdâtre sans grande conviction. Je ne doute pas du tout des talents culinaires de mon frère, mais disons que... Je n'ai jamais été un grand fan de poisson. Même pas le poisson pané, qui n'est pas si poissonneux que ça. Je regarde ma cuillère, pleine de mousse et de quelques morceaux roses. Je la porte à mes lèvres, et étonnement, je n'ai pas envie de recracher tout d'un coup. C'est même plutôt bon, en fait. Le goût de l'épinard recouvre beaucoup celui du saumon, ce qui m'arrange beaucoup!

— Alors Alex? Tu en penses quoi?, me demande Charlie.

— C'est super bon! Je sens plus l'épinard que le poisson, j'aime beaucoup!

— Merci! J'ai fait attention à ne pas te mettre trop de poisson, tu en as beaucoup moins que nous. Mais je trouvais la mousse d'épinard fade, toute seule, donc j'ai préféré prendre le risque de te mettre du saumon quand même.

Je le remercie chaleureusement. Je prend une cuillère avec uniquement la mousse verte, et effectivement, elle est meilleure avec les morceaux de poisson.

Les autres donnent eux aussi leurs compliments au chef, qui rougit légèrement. Il n'est pas habitué à recevoir autant de compliments d'un coup. Les terrines sont rapidement vidées, presque propres. C'était vraiment bon, et je suis réellement heureux que mon frère ait pensé à moi, par rapport au saumon.

Les terrines retournent dans la cuisine, et nous recommençons à discuter dans le salon. Il y a un léger silence, à un moment donné, qu'Ezra interrompt de lui-même:

— Alors, vous avez eu du mal à trouver vos cadeaux, vous?

Je n'ose pas le regarder, de peur qu'il comprenne que c'est moi qui l'ai pioché. La petite boîte contenant mon cadeau semble brûler au travers de mon pantalon, et je me retiens d'y toucher.

— Nope!, déclare Denise. En fait, je n'ai eu aucun problème, j'ai trouvé quoi prendre après quelques jours de recherche. Et toi, Alexandre?

Mais bien évidemment! L'attention de tout le monde se tourne sur moi,et je sens mon cou chauffer. Je bégaye ma réponse:

— En fait, j'ai eu du mal... J'avais une vague idée de ce que je voulais prendre, mais je voulais quelque chose de parfait donc ça m'a compliqué les choses...

— Bien!, reprend ma belle-soeur. Ça veut dire que c'est un cadeau qui veut dire quelque chose, ce n'est pas quelque chose que tu as trouvé dans le premier magasin venu. Ez', tu as eu du mal, toi?

L'interrogé gigote à mes côtés.

— Ben... En fait, j'ai directement trouvé quoi prendre, dès que j'ai pioché le papier. C'était très facile.

— C'est bien aussi!, l'encourage Denise. Ça veut dire que tu connais assez les goûts de la personne pour savoir quoi lui prendre d'instinct. Il nous reste donc... Charlie!

Mon frère sort sa tête par la porte de la cuisine, à la mention de son nom.

— Oui?

— On parle des difficultés qu'on a eu pour trouver nos cadeaux, mais je peux répondre à ta place si tu veux!

— Je veux bien, j'ai quelque chose à surveiller par ici!

Sa tête disparaît aussi vite qu'elle était apparue, et Denise se retourne vers nous.

— En fait, Charles avait vraiment beaucoup de mal, donc j'ai fini par l'aider un peu. Mais au final c'est lui qui a trouvé l'idée, je n'ai fait qu'explorer quelques pistes avec lui! Je ne sais même pas ce qu'il a acheté, son paquet était emballé avant que je ne puisse y jeter une oeil.

Elle hoche des épaules, et affiche une mine déçue.

— T'es du genre à vouloir connaître les cadeaux des autres avant qu'on les ouvre, hein?, je déclare.

Denise rit aux éclats, Ezra aussi. Leurs rires sont tellement similaires, je ne comprends pas comment j'ai fait pour ne pas le remarquer auparavant. Le brun est le premier à se calmer, et il m'explique, alors que sa soeur est toujours entrain de rire:

— Quand on était petits, vers douze ou treize ans, Denise est descendue pendant la nuit du réveillon. Tout le monde dormait, même nos parents. Elle a trouvé tous les cadeaux au pied du sapin, et les a tous ouverts. Quand on s'est réveillés, le lendemain matin, on l'a retrouvée endormie entourée de papiers cadeaux et des cadeaux déballés. Après cette année là, on a commencé à les descendre le matin même pour éviter qu'elle recommence. Aussi, elle harcèle toutes les personnes qui lui offrent quelque chose pour savoir ce que c'est. Quand c'est son anniversaire, elle devient ingérable, c'est affreux. L'année dernière, par exemple, elle m'a envoyé une centaine de messages quand elle a découvert que j'avais trouvé quoi lui offrir. Un vrai démon, cette femme!

Denise semble se calmer, peu à peu. Ezra est toujours secoué de léger soubresauts causés par son rire contenu. Je laisse mon rire éclater à cette histoire.

— Honnêtement, j'aurais plus eu tendance à penser que c'est toi, qui aurait fait ça. Pas Denise!

— Hey!

Il me frappe à l'épaule, mais pas assez fort pour que je puisse réellement avoir mal. Nos rires combinés résonnent un peu dans la grande pièce. Je ne m'y attendais pas, mais le fait de repousser les meubles contre les murs change réellement la pièce! Auparavant, jamais nos voix auraient pu résonner ainsi.

Charles ressort de la cuisine, avec des assiettes dans ses mains et sur ses bras, tel un serveur dans un restaurant. Il pose les assiettes sur la table, puis nous interpelle:

— C'est servi! Vous pouvez venir vous mettre à table, j'arrive dans quelques instants.

Il retourne dans la cuisine, et nous nous dirigeons vers la table. Il y a des petits morceaux de carton sur les assiettes, avec nos noms calligraphiés dessus. Je reconnais l'écriture appliquée de mon frère, il s'est surpassé! Je trouve mon papier, qui est juste à côté de celui d'Ezra. Je ne sais pas ce que je dois penser: je me dis que, peut-être, il l'a fait exprès pour essayer de nous rapprocher. Mais d'un autre côté, si ça se trouve, il voulait juste rester près de Denise? Enfin, je m'assied devant mon assiette, et Ezra me rejoint quelques instants après.

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Saamodeus
Posté le 14/10/2021
J'aime beaucoup cette ambiance, on retrouve le côté chaleureux des fêtes de Noel, c'est d'une incroyable douceur. Ça donne envie de taper l'incruste à cette soirée
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