Chapitre dix-sept

Par Oriane

La garde de la Kharmesi revint deux semaines après le départ précipité d'Aymeric de Lucin de la Maison des Mères. Lara Harken ne vit personne d'autre qu'Alara ce jour-là.

La capitaine n'amenait pas de bonnes nouvelles. Alara s'en doutait. Comment pouvait-il en être autrement après avoir menacé de Lucin ? Les pillards s’étaient retirés des terres de Lordet pour laisser place à bien pire. L’armée de Lucin se massait non loin de la frontière, armes en main, prête à en découdre. Il ne lui manquait plus qu’un ordre pour se déverser sur le comté. Elle écouta attentivement ce que la femme avait à lui dire, prit note de ses recommandations et la laissa aller se reposer.

Seule dans son bureau, Alara se prit la tête entre les mains, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir faire. Elle ne se faisait aucune illusion. Ce qu'il se passait et, pire, ce qu'il se passerait, découlait de ses faits et gestes depuis le début de la crise. L'impression de n'avoir fait qu'empirer les choses la poursuivait depuis un moment. Elle ne savait plus où elle en était.

Demander conseil aux Mères ne lui avait pas permis d'y voir plus clair. Mairenn et Anneke lui gardaient rancune pour la divulgation de ses pouvoirs, les sept autres préféraient garder le silence. Seule Lucia avait finalement bien voulu lui souffler un conseil. Elle avait écouté mais ne l'avait pas encore mis en œuvre. Peut-être était-il enfin temps de le faire.

Elle hésitait toujours.

Ce n'était pas la peur. Pas tout à fait. Alara savait à quoi s'en tenir si elle écoutait Lucia. Non, c'était une appréhension. Celle de n'arriver à rien de bon, une fois encore. Elle avait déjà fait beaucoup de dégâts. Elle avait besoin d'aide, de conseils extérieurs. De quelqu'un qui avait une vision plus globale qu'elle ou les Mères. Mais de là à le voir… Et puis pourquoi pas ? En tant qu’archiviste de Lordet, sa vision était plus complète que la sienne. Marco pourrait l’aider à y voir plus clair, comme le suggérait Lucia. Elle devait passer outre ses sentiments.

Elle ne réfléchit pas plus. Une fois sa décision prise, il valait mieux qu'elle la mette en application le plus rapidement possible. Elle se connaissait bien trop pour savoir qu'à tout moment, elle risquait de faire demi-tour.

Elle rencontrerait donc une nouvelle fois l’archiviste or des murs de la Maison des Mères. Elle ne voulait pas attirer l’attention sur cette rencontre. En sortant d’ici, elle se permettait de ne pas l’écouter si cela ne lui plaisait pas. Et puis, qui sait, elle retrouverait peut-être un peu de ce qu’elle avait laissé en reprenant son masque.

Elle sortit une feuille d’un des tiroirs de son bureau. Elle prit sa plume, la tailla un peu plus. Son message était court, concis. Un peu trop peut-être. Il faudrait s’en contenter. Elle ne voulait pas en dire trop. Que quelqu’un se rende compte que la Kharmesi doutait et plus rien n’irait. Elle cacheta l’enveloppe et la glissa dans les plis de sa robe. Il n’y avait plus qu’à la faire parvenir à son destinataire. Elle se leva et partit à la recherche d’Elvire.

La dame de compagnie avait quartier libre en matinée, lorsqu'Alara s’enfermer dans son bureau. Elle pouvait être n’importe où. Alara fouilla d’abord les endroits les plus logique pour elle, la grande salle, les cuisines, sa chambre et la bibliothèque.

Elle finit par la trouver dans les jardins, profitant du soleil et des plantes. Elvire se leva en voyant approcher la Kharmesi.

— J'ai besoin que tu portes ça à l'archiviste des de Lordet, dit-elle sans le moindre préambule.

Elle sortit enveloppe. Celle-ci resta en suspens entre les deux femmes.

— Tu comptes le revoir...

Alara prit une profonde inspiration. Elle n'avait que faire des reproches d'Elvire à ce sujet. Elles en avaient assez parlé depuis la dernière fois.

— C'est un ordre, Elvire. Pas une demande. J'ordonne, tu obéis, point. Et tu le fais rapidement. Je veux la réponse dans l'heure.

Elle fourra son message dans la main de la jeune femme et s'éloigna, les poings serrés. Elle n'avait plus qu'à espérer qu'Elvire obéirait, passé la surprise.

Elle avait encore beaucoup à faire.

Elle retourna à son bureau. Elle s'empêcha de regarder à chaque fenêtre qu'elle croisait si Elvire prenait bien la direction de la ville. Elle devait faire confiance à sa dame de compagnie. Elle n'oserait pas désobéir.

Alara se plongea dans les affaires courantes. Il y en avait peu. Juste assez pour qu'elle ne pense pas à la missive qu'elle envoyait à Marco. Ni à lui Elle ne l'avait pas revu depuis le jour où elle avait menacé le comte de Lucin. Elle avait évité toute confrontation, que se soit de manière officielle ou non. Elle ne souhaitait pas se trouver seule avec lui. Elle n’avait pas envie d’entendre la moindre question sur ses pouvoirs de sa part.

Le retour d'Enric allait changer la donne. Harken était catégorique sur ce fait. L'intervention de la Kharmesi avait été bénéfique contre les raids. Mais ses espions rapportaient des mouvements de troupe conséquent à la frontière du comté de Lucin. Aymeric se préparait à une guerre contre elle. Elle n'attendrait pas qu'il soit à ses portes pour bouger. Cela annonçait pas mal de discutions entre elle et le jeune comte. Des réunions qui l’obligeraient à voir Marco plus souvent.

Elle levait bien trop souvent la tête de ses affaires pour être efficace. A chaque bruit dans le couloir, elle espérait voir sa porte s'ouvrir sur Elvire. Elle mettait ensuite de plus en plus de temps à se replonger dans les affaires courantes de la Maison des Mères. Qu’avait-elle à faire des disputes pour un bout de terrain entre paysan alors que la guerre serait à ses portes d’ici peu ? Elle arrêta de lire les divers rapports et requêtes sur son bureau. Elle se leva, ouvrit la porte, attrapa la première servante qui passait par là et fit mander Harken.

La capitaine arriva quelques minutes plus tard, visiblement essoufflée. Alara lui laissa le temps de s'installer face à elle et de faire un tour rapide du bureau du regard. Elle ne prit la parole qu'après être sûre que rien ne dérangeait Lara et surtout qu'elle aurait toute son attention :

— Nous devons mettre en place un plan d'action contre le comte de Lucin.

— Juste nous deux ? s'étonna Lara. Sans personne de Lordet ?

— Juste nous. Pour l'instant. J'ai besoin d'y voir bien plus clair avant de mettre les de Lordet là-dedans. Ce qu'il se passe en ce moment est mon affaire, pas la leur.

— Mais vous êtes sur leur comté et c'est vers celui-ci que se tourne Lucin. Ils devront faire face à l'armée de Lucin bien avant qu'elle n'arrive à la Maison des Mères.

— Je suppose que c'est inévitable ?

Il n'y avait pas dix mille possibilités pour éviter une guerre entre les deux comtés. Le roi de Nevaeh se fichait pas mal de ce qu'il se passait ici, même si Lucin et Lordet ne se trouvait pas si loin que cela de sa capitale. Il avait juste mieux à faire, comme mater l'insurrection des ducs des Marches Blanches par exemple. Elle ne pourrait pas lui envoyer d'appel à l'aide. De toute manière, il arriverait bien trop tard.

— Vous devriez dès à présent convoquer un conseil, ma dame. Vous ne réussirez pas à convaincre Aymeric de Lucin de ne pas attaquer. Je ne sais pas précisément ce que vous lui avez fait, mais il semble vous en vouloir.

Alara lâcha sa plume et se carra un peu plus dans son fauteuil. Le plus sérieusement du monde, elle déclara :

— Je l'ai menacé de le faire cramer si jamais il ne retirait pas ses troupes.

— De le faire cramer ? répéta la capitaine avant d'éclater de rire.

— Ce n'est pas aussi drôle qu’il n’y paraît.

— Effectivement. Mais j'imagine la tête des Mères lorsque vous avez fait ça.

— Vous pourrez probablement la voir lorsque nous aurons mis en place notre plan d'action et que nous le proposerons.

— Vous savez déjà ce que vous allez faire, devina la capitaine.

Le sourire en coin d'Alara ne présageait rien de bon pour le comte de Lucin. Pourtant, elle mentait à sa capitaine. Elle n'avait pas un début de plan. La seule chose qu'elle envisageait c'était la manière dont, à la fin, elle mettait ses menaces à exécution.

— Nous allons faire en sorte que plus jamais on ne menace la Maison des Mères comme il a pu le faire. Et pour cela, j’ai besoin de votre aide.

Lara Harken hocha la tête. Alara déplia une carte sur son bureau, prête à écouter les conseils que lui fournirait la capitaine. Les deux femmes commencèrent par marquer l’emplacement des troupes ennemies. La militaire exposa les faits de manière claire pour qu’elle puisse comprendre. La Kharmesi écoutait attentivement, posait parfois des questions afin de mieux appréhender la situation. Elle en oublia complètement Marco et le message qu’elle lui transmettait.

Le grincement de la porte leur fit relever la tête de la carte. Elvire entra dans le bureau sans frapper. Alara demanda à sa capitaine de les laisser, remettant leur entrevue pour le lendemain. Une fois Harken hors de la pièce, Alara se jeta sur le papier que lui tendait son amie.

Marco acceptait de la retrouver une nouvelle fois sur les falaises.

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Ella Palace
Posté le 06/01/2022
Un chapitre dans la même lignée que le précédent, avec enfin de la menace, des plans en action. Je me demande juste comment se fait-il que Lucin ne semble pas craindre que la Kharmesi ne brûle facilement toute son armée.

Remarques :

-« lorsqu'Alara s’enfermer dans son bureau, s’enfermait.
-« Alara fouilla d’abord les endroits les plus logique pour elle, la grande salle, les cuisines, sa chambre et la bibliothèque », logiqueS pour elle : la grande salle…..
-« Elle sortit enveloppe », l’.
-« Ni à lui Elle ne l'avait pas revu », je ne comprends pas.
-« Elle n’avait pas envie d’entendre la moindre question sur ses pouvoirs de sa part », j’enlèverais « de sa part », ce n’est pas utile.

Bien à toi
Oriane
Posté le 27/01/2022
Pour Lucin, ça s'explique facilement (enfin pour moi, et peut-être est-ce du coup un problème à revoir), les Mères ont tellement bien caché de quoi les Kharmesi sont capables (certaines le savent, d'autres non, il faut dire)(là aussi, c'est pas très clair dans l'histoire, je m'en rends copte en l'écrivant) qu'il ne croit pas réellement en la menace.
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