Chapitre Huit // Partie Une

Notes de l’auteur : CW: Alcool (consommation)

Alexandre, 1er Décembre

Je sors de ma torpeur lorsque j'entends une voiture klaxonner devant chez moi. Au même moment, je reçois un message sur mon portable:

Tom, 18:14

Je suis devant chez toi, bouge tes fesses!

Pendant une seconde, je me demande pourquoi il est là. Puis je réalise: on est vendredi, et j'avais promis à Tom que je viendrais avec lui en soirée. En fait, j'avais été obligé d'accepter: pour la première fois depuis des années, la femme de Tom partait avec leurs filles, et le père de famille ne voulait pas se retrouver seul pour les prochains jours. De plus, Sacha, sa femme, m'avait demandé de l'accompagner à cette soirée il y a plusieurs semaines. Non pas qu'elle ait peur qu'il la trompe, mais elle sait qu'il peut vite s'attirer des problèmes après quelques verres d'alcool. Autrement dit, j'y vais en temps que baby-sitter non payé. Mais Tom est mon meilleur ami, alors ça en vaut la peine!

Je me dirige vers ma porte et attrape ma veste au passage. Je tâte les poches pour vérifier que j'ai le nécessaire: clés, portefeuille, portable, puis je quitte mon appartement, ferme à clé, et quitte l'immeuble. La voiture de Tom est garée devant l'entrée, donc je n'ai que quelques pas à faire pour pouvoir rejoindre la portière.

— Laisse-moi deviner, t'avais oublié que c'était aujourd'hui, pas vrai?

Je n'essaie même pas de mentir, ça ne servirait à rien.

— Étonnamment, oui. Pourtant tu n'as pas arrêté de m'en parler de la semaine. Oups?

Mon ami rigole, puis démarre la voiture.

— Ça ne m'étonne même pas, venant de toi!

La route jusqu'au bar est assez courte, en voiture. En une vingtaine de minutes nous y sommes. La devanture est assez sobre, discrète: il n'y a que l'enseigne au dessus de la porte qui clignote, le reste n'est éclairé que par les lampadaires de la rue. Il y a pas mal de voitures garées dans la rue, donc nous devons aller nous garer beaucoup plus loin que prévu.

En sortant de la voiture, je m'exclame:

— Tu réalises qu'il y avait probablement un parking derrière le bar, et qu'on s'est garé aussi loin pour rien, hein?

Tom me regarde, indigné.

— Nope, j'avais regardé en passant, il n'y avait rien! Je te le jure!

On continue notre marche, et on rejoint enfin la rue où se trouve le bar. Il y a plusieurs groupes de personnes qui doivent avoir notre âge qui se dirigent vers le bar aussi, et il sortent tous d'une rue perpendiculaire à celle-ci. Lorsqu'on s'en rapproche, j'y jette un coup d'oeil, et je me tourne vers Tom avec un regard victorieux.

— Tu vois? J'avais raison. Le parking était juste là. Tu me dois un verre, maintenant!

Mon bras passe au dessus de ses épaules alors que, penaud, il me dit:

— Ouais, ça va... Je pouvais pas savoir que c'était là, aussi, c'est complètement caché!

— Là c'est de la mauvaise foi, mon vieux. Le panneau était juste là, tu l'as juste pas vu!

— Oui, mais chut! T'as rien vu non plus, donc bon, arrête de juger!

Nous arrivons enfin devant le bar, où une file a commencé à se former. Visiblement, pas mal de monde avait entendu parlé de cette soirée et avait décidé d'y participer! C'est cool, parce que si on n'avait été qu'une dizaine il n'y aurait pas eu d'ambiance. Là, au moins, il y aura toujours de l'animation!

Tom se colle au mur du bâtiment en attendant que la queue avance. Il attire mon attention en me tapant l'épaule et je me tourne vers lui.

— Dis, t'as réfléchi à quelle chanson tu allais chanter, toi?

Pendant quelques secondes, je vois flou.

— Attend, je dois chanter? Mais pourquoi? J'étais pas au courant de ça, moi.

— Alex, c'est une soirée karaoké. Tu t'attendais à quoi, franchement? Puis ça serait cool que tu chantes, ça fait longtemps que je t'ai pas entendu.

Je secoue frénétiquement la tête.

— Nope. Non. J'irai pas sur cette scène, ne compte pas sur moi. Par contre, je peux te filmer pendant que toi, tu chantes! Sacha sera ravie de voir que tu t'amuses. Mais moi, je n'irai pas.

Il a l'air déçu, et pendant un instant, je pense qu'il va continuer d'insister.

— D'accord, je ne te forcerai pas, ça ne sert à rien. Par contre je te dédierai ma chanson, parce qu'aussi non, c'est pas drôle. Ça, c'est pas négociable!

Je ris légèrement. Si ça peut lui faire plaisir, je le laisserai me dédier sa chanson. De toute façon les chances que je sois le seul Alex dans la salle sont très minces, et personne ne saura qui je suis.

— Si tu veux, Tom. Du coup, tu chanteras quoi?

— Tu verras, mais j'ai choisi exprès pour toi!

La file avance, et c'est finalement notre tour de faire face au videur à l'entrée. Ça fait très sécurisé, pour une soirée karaoké, mais au moins je suis sûr qu'il n'y aura pas trop de monde, et puis ça évitera tout soucis.

Je laisse l'homme vérifier que je n'ai rien de potentiellement dangereux et que j'ai bien l'âge légal pour entrer, puis je passe de l'autre côté. Tom me rejoint après quelques instants, et ensemble, nous passons la porte du bar.

La première chose que je remarque, c'est l'ambiance du lieu. C'est un bar des plus normal, où il y a un comptoir et des tables dispersées dans la salle. L'endroit est assez grand pour tenir un événement d'une centaine de personnes, d'après mon estimation. Il y a une estrade au fond de la pièce, à quelques mètres du comptoir. Quelqu'un est déjà entrain de chanter une chanson que j'ai déjà entendue plusieurs fois à la radio, mais dont je suis incapable de retenir le nom. Niveau décoration, c'est assez basique, dans les tons sombres pour coller à l'ambiance chaleureuse.

Ce qui m'impressionne aussi, c'est le genre de personnes qui sont déjà là. Je m'attendais à me retrouver entouré de gens bien plus jeunes que moi, dans un environnement qui toucherait plus de la discothèque que du bar. Mais en fait, les gens que je vois en face de moi doivent avoir mon âge, peut-être celui de mon frère, pour certains. Je me sens beaucoup plus à l'aise que lorsque j'étais dehors: ce n'est pas aussi stressant que je ne le pensais. Je m'attendais à de la musique forte au point de me détruire les oreilles et des gens qui sauteraient partout en me bousculant, mais au final, c'est tout le contraire: le son est assez fort pour pouvoir entendre la personne chanter, mais assez faible que pour pouvoir tenir une conversation avec quelqu'un sans devoir s'arracher la gorge en criant. Et grâce aux hommes à l'entrée, le nombre de personnes qui entre est contrôlé, donc je peux respirer sans être dans l'espace personnel de quelqu'un. Je suis agréablement surpris, peut-être que cette soirée se passera mieux que ce que je pensais après tout.

Tom m'entraîne vers une table proche de la scène. Sur ma gauche, accroché au mur, il y a un écran qui fait défiler les paroles des chansons, mais la personne qui chante en ce moment ne lui jette même pas un coup d'oeil. Iel connaît visiblement les paroles par coeur, et donne une performance impressionnante. Lorsque les dernières notes de la chanson sortent des baffles, iel salue le public, qui est en folie. Même si la salle n'est pas encore pleine, le bruit des applaudissements est assourdissant, et moi-même j'applaudis à en avoir mal aux mains. A côté de moi, Tom se lève et s'approche de la scène. Pendant un instant, je pense qu'il va déjà chanter, mais en fait il aide simplement la personne à descendre de la scène. Ils reviennent vers moi après s'être fait la bise, et Tom dit:

— Alex, je te présente Alix. C'est mon ami depuis des années, et c'est iel qui m'a parlé de cette soirée!

Je tend ma main vers iel, et iel la sert en me souriant.

— Je suis content de te rencontrer, je déclare. Tom m'a pas mal parlé de toi, en bien, je te rassure.

Puis, avec un peu d'hésitation, je continue:

— J'ai peur de faire une bêtise en voulant en éviter une autre, mais... Je peux te demander comment tu te genres? Enfin, je sais que tu utilises 'iel' comme pronom, mais pour les accords, tout ça tout ça? J'ai peur de faire une gaffe...

Au fur et à mesure que je parle, je me sens devenir rouge et je bégaie. Le fait qu'Alix commence à rire ne m'aide pas du tout, bien au contraire. Iel me fait une petite tape su l'épaule, puis me répond:

— Ne t'inquiète pas, Alex. En fait, c'est cool que tu poses la question! Tu peux me genrer au masculin, c'est plus simple pendant une discussion. Moi aussi, je suis heureux de te rencontrer!

Je me sens rougir encore plus intensément. Iel est... Perturbant, de part sa beauté. Son visage pourrait être celui d'une statue de la Grèce antique, probablement une représentant le dieu Apollon. Son nez est droit, ses lèvres sont pulpeuses, et ses yeux... Sont d'une couleur magnifique. Ses cheveux sont cool aussi: dressés sur sa tête, ils sont blancs ,en dehors d'une mèche rose partant de son front. Son style est particulier, mais vraiment sympathique: iel porte un pantalon en simili-cuir avec des bottines foncées, dont je ne parviens pas à déterminer la couleur exacte avec la lumière tamisée du bar. Avec ça, iel porte un haut simple blanc, mais dans lequel il y a une multitude de petits trous. Je dirais que c'est un style un peu punk-rock, qui lui sied à merveille.

C'est Tom qui me sort de mon analyse physique de cet inconnu.

— Bon, ben... Maintenant que les présentations sont faîtes, je propose qu'on s'assoie! Je vous laisse seuls deux minutes, je vais nous chercher à boire. Je reviens!

Il se dirige vers le bar, nous laissant seuls. Alix se tourne vers moi, avec un grand sourire, et iel déclare:

— Alors, qu'est-ce que Tom t'as raconté sur moi?

Je cherche un court instant dans ma mémoire avant de répondre:

— Si je me souviens bien, vous vous êtes rencontrés quand vous étiez jeunes, donc ça fait vraiment longtemps que vous vous connaissez. Il m'a dit qu'il t'apprécie énormément, et que tu es vraiment important pour lui. Puis quand tu es parti aux Royaumes-Unis, il n'a pas été bien pendant très longtemps. On était trois à s'occuper de lui: sa psy, Sacha, et moi. Mais même si on a réussi à arranger les choses, il n'est redevenu complètement lui-même que lorsque tu es revenu. C'est clair qu'il t'aime, tu es de sa famille. Par extension, du coup, je t'aime bien aussi!

Sa tête s'était baissée pendant que je parlais, et iel ne la relève pas. Au dessus du bruit, j'arrive cependant à l'entendre dire quelque chose:

— Ah. D'accord.

Iel se redresse, puis déclare avec un sourire que je devine faux:

— Je suis désolé. Si je n'étais pas parti, vous n'auriez pas eu à gérer la dépression de Tom. C'était égoïste, et c'est vous qui avez dû réparer les pots cassés.

— Non. Tu n'as pas à t'excuser pour avoir vécu ta vie. Je ne me souviens plus des circonstances de ton départ, et j'ai le sentiment que ça ne me regarde pas, donc je ne veux même pas le savoir. Pour Sacha et moi, ce n'était pas une tâche. Nous prenions simplement soin de quelqu'un qu'on aime. Bien sûr, les premiers jours, on a rejeté la faute sur toi. Mais c'était inutile. En plus, on savait que Tom était dépressif bien avant que tu ne partes, donc ce n'était pas entièrement de ta faute, puis t'insulter ne t'aurait pas fait revenir. Mais tu n'as absolument pas besoin de te sentir coupable de ça, surtout que Tom va beaucoup mieux maintenant.

Sans que je ne m'en rende compte, ma main avait quitté ma jambe pour se poser sur le bras d'Alix, qui était posé sur la table. Les yeux du blonds sont embués, et je crains qu'iel ne commence à pleurer. Mais iel se reprend, pile au moment où Tom revient avec un plateau dans les mains. Ma main quitte le bras d'Alix et revient se poser sur ma jambe.

— Alors, vous avez parlé de quoi, les petits potes?

Je regarde Alix, en espérant qu'iel répondra à ma place. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de lui avouer qu'on parlait de lui.

— Oh, euh... On a parlé de l'ambiance du bar, rien de particulier. Hein, Alex?

— Ouais! J'allais justement lui demander comment iel l'avait découvert, cet endroit!

Iel m'adresse un clin d'oeil discret, auquel je répond par un hochement de tête. Cette discussion restera donc entre nous, nous sommes d'accord sur ce point. Tom s'assoit en face de nous et distribue les boissons: deux bières pour lui et Alix, et un simple soda pour moi. Après tout, c'est moi qui conduirai pour nous ramener, je dois rester sobre!

Nous prenons tous une gorgée de nos boissons respectives, puis Alix prend la parole.

— En fait, ce bar, je l'ai découvert en me baladant, rien de spectaculaire. Ça fait plusieurs années, d'ailleurs. Mais ils ne font des soirées à thèmes que depuis l'année dernière! Et comme je sais que Tom aime les karaoké, je me disais que ça serait cool qu'il vienne à celle-ci, quand je l'ai appris!

Nous continuons de discuter du bar pendant une dizaine de minutes, et plusieurs participants au karaoké sont passés. Soudainement, la voix du barman résonne dans la salle:

— Notre prochain chanteur est Tom Xavier! Tu peux monter sur scène, je cherche ta chanson!

Tom affiche un sourire énorme, et me fait un clin d'oeil avant de se lever de sa chaise d'un bond. Il enjambe la scène grâce à ses grandes jambes, puis s'empare du micro.

— Salut, moi c'est Tom. Je sais pas chanter, mais c'est pas grave. Cette chanson, c'est pour mon pote Alex, qui est juste là!

Il pointe son doigt sur moi, et je sens le regard des personnes avoisinantes dans mon dos. Alix, qui est à mes côtés, se moque de moi et ris aux éclats. Quant à moi... Je suis plus rouge qu'une tomate. En fait, je suis plus rouge que jamais.

Les premières notes sortent des baffles sans que je ne fasse très attention, puis vient la voix de Tom.

— You are...

Non! Comment il peut me faire ça?

— My fire. The one desire...

Sa voix est affreuse, il ne sait pas chanter, en effet. Dans la salle, d'autres personnes ont reconnus la chanson mythique des Backstreet Boys et chantonnent avec Tom, qui continue avec encore plus d'entrain. Lorsque le refrain arrive, tout le monde chante, Alix et moi inclus. On n'entend même plus la musique, mais personne n'en a besoin, nous sommes en rythme. Lorsque la chanson se finit, on rechante tous et toutes le refrain une dernière fois, puis tout le monde applaudit. Tom est emmené au bar par une serveuse et se fait offrir un verre, et un autre homme monte sur la scène lorsqu'il se fait appelé.

— Pourquoi il t'as dédié cette chanson spécifiquement?, me demande Alix, après avoir attiré mon attention.

Iel est beaucoup plus proche de moi qu'avant, je pense qu'iel s'était rapproché pour pouvoir se faire entendre. Je ne m'en plains pas: iel dégage une énergie positive, je me sens bien à ses côtés. Iel est vraiment sympa, je l'aime bien.

— Ah. Je sais pas si tu es au courant, mais je suis aussi son boss, il travaille dans mon équipe. Et une fois, nous avions dû nous occuper d'une soirée pour des étudiants, pour leur dernière année. Il s'avèrent qu'ils étaient fans des Backstreet Boys, et on avait dû rester sur place car on devait tout récupérer à la fin. On a eu I Want It That Way en tête pendant des jours, si pas des semaines, si bien que j'ai banni cette chanson du bureau. Si quelqu'un jouait du Backstreet Boys en ma présence, il était de corvée nettoyage ce jour là. Tom en a, évidemment, abusé et a mis les albums du groupe à la place de la playlist habituelle. Une plaie, je te jure!

Nous rigolons, ensemble. Tom finit par revenir du bar, avec un verre à shot vide dans la main. Vu sa tête, je dirais qu'il en a bu plusieurs avant de revenir ici.

— Les gars, il commence. J'aime trop cet endroit. Y'a au moins cinq personnes qui m'ont offert des shots tellement ils avaient aimé la chanson.

Il s'assied, ou plutôt se laisse tomber, sur sa chaise.

— Je crois... Que je suis torché...

Alix lâche un rire sarcastique, et lui répond:

— Non, tu crois? Il va falloir te calmer jusqu'à la fin de la soirée, plus d'alcool fort! Maintenant, ça sera bières et boissons sans alcools, sinon tu vas devenir ingérable et tu vas provoquer un combat.

— D'accord, papa...

Tom éclate de rire et est incapable de se calmer. Bon sang, il est vraiment loin... Ça va être marrant de le ramener chez lui, tiens. Je vais devoir le ramener chez moi, au train où vont les choses, ça sera plus sûr.

Je me tourne vers mon voisin et lui souffle:

— Je dois aller aux toilettes, tu le garde en vie jusqu'à ce que je revienne?

Il me répond par un clin d'oeil et je m'éclipse. Pour rejoindre les toilettes, je dois passer devant le bar. Mon regard se pose sur un visage que je connais bien...

 

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Saamodeus
Posté le 14/10/2021
Alex, alex, a l e x , te rapproche pas trop de Alix non plus. Certes ile à l'air fort sympathique mais tu as déjà un Ezra qui t'attend, donc ne fait pas de bêtises. Surtout après le ramage que vous avez fait tous les deux pour en arriver à là on vous en êtes. Garde Alix comme pote, mais pas plus é-é
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