Le regard du professeur Julian Marlowe me fixait à travers la photographie du Daily Telegraph. Toujours aussi élégant dans son costume en tweed et son bureau tapissé de livres anciens, j'étais incapable de retenir mon admiration pour cet homme qui ignorait mon existence.
À défaut, je lus attentivement l'article qui le concernait :
Une nouvelle rentrée universitaire pour l'Ordre des voyageurs.
À la tête de Mag Mor College depuis vingt ans, le professeur Marlowe et son équipe se préparent pour une nouvelle rentrée universitaire qui s'annonce encore plus sélective que les précédentes : « les candidatures sont de plus en plus nombreuses et les places sont toujours limitées, nous confie le doyen, donc nous effectuerons à nouveau un tirage au sort pour sélectionner les dossiers qui pourront passer l'entretien d'admission. »
En effet, depuis que l'existence des portes merveilleuses menant vers d'autres mondes a été révélée, l'Ordre des voyageurs est de plus en plus assailli par de jeunes étudiants issus de toute l'Europe. Si les profils sont divers, leur désir de rejoindre cette prestigieuse formation d'Oxford est motivé par les mêmes rêves : explorer des terres nouvelles, échapper à notre monde, ou bien simplement comprendre comment fonctionnent ces passages vers l'ailleurs.
Mais comme toujours, ce privilège ne sera pas accordé à tous les candidats. Le gouvernement britannique, soutenu par l'Union européenne, a annoncé qu'il n'y aurait encore cette année qu'un seul diplômé à l'issue de cette année universitaire. L'année s'annonce rude pour les futurs admis !
Assise dans la salle à manger de la maison de mes parents à Tréhorenteuc, je bus une gorgée de mon infusion à la verveine tandis que mon père faisait chanter les casseroles dans la cuisine. L'intérieur de la maison de mes parents ressemblait à s'y méprendre à un trou de hobbit, ou bien à une boutique de sorcière. Dans la cuisine, des herbes aromatiques pendaient au plafond et cachaient les casseroles en cuivre accrochées au mur. La pièce où je me trouvais s'ouvrait quant à elle sur le salon dont les murs étaient tapissés d'étagères prêtes à s'effondrer sur le poids des livres. Tout dans ce foyer craquait, du parquet jusqu'aux vieilles poutres. La famille l'aimait ainsi, trop heureuse d'avoir enfin pu réaliser son rêve de vivre en plein cœur de la forêt de Brocéliande.
Mais moi, j'aspirai à un monde plus grand, qui n'était pas sans rapport avec le journal qui se trouvait devant moi.
En reposant ma tasse, je croisais de nouveau le regard de papier du professeur Marlowe qui me ramena à la dure réalité.
Voilà trois ans que je postulais pour entrer dans l'Ordre des voyageurs et jamais je n'avais dépassé l'étape du tirage au sort.
Cela ne m'avait pas empêché de renvoyer mon dossier au début de l'été, bien entendu, mais l'article que je venais de lire me laissait encore entendre qu'il n'y aurait aucun espoir. Peut-être devrais-je renoncer ? Après tout, je viens d'obtenir ma licence de Lettres modernes à Rennes et je me surprenais à aimer cette discipline, surtout quand il s'agissait d'étudier des textes très anciens comme les romans arthuriens. Je pourrais ainsi revenir vivre ici à plein temps, comme avant, et devenir guide culturel sur les chemins de randonnée.
Si ma mère m'entendait, cela la ravirait !
Je ne pus retenir un soupir. Le tirage au sort avait eu lieu au début du mois d'août et je n'avais pas encore reçu de nouvelles, que ce soit le courrier de refus semblables aux années précédentes ou la convocation à l'entretien d'admission. Difficile de savoir si je devais encore y croire.
Je tournai la page du journal et tombai nez à nez avec un autre article :
Le retour de Megan O'Reagan, spécialiste des merveilles.
Voilà maintenant deux semaines que la passeuse de porte est de retour parmi nous après un voyage qui aura duré cinq ans. Comme à chaque fois, elle a ramené un certain nombre d'objets magiques qui lui servira d'échantillon de recherche pour son nouveau projet de thèse qui consiste à s'inspirer des merveilles d'ailleurs pour améliorer notre quotidien. Jusque-là, elle n'avait travaillé que sur des échantillons de plantes pour son ouvrage de référence, Faune et Flore par-delà les portes.
Megan O'Reagan a retrouvé aujourd'hui ses collègues de l'Ordre des voyageurs à Mag Mor College et remplacera le professeur Fitz, lui-même parti en mission, pour former la nouvelle promotion d'apprentis passeurs de porte à la rentrée.
L'article était illustré par une photographie représentant une femme d'une quarantaine d'années avec de longs cheveux ébouriffés, une veste et un pantalon en tartan écossais orné d'une trousse à outil fixé à sa ceinture.
Je soufflai, exaspérée. À chaque fois que je lisais quelque chose en rapport avec des passeurs de portes, j'avais l'impression de rendre cet avenir rêvé encore plus inatteignable.
« Vivianne ! »
Mon père apparut soudain dans l'embrasure de la porte qui connectait la salle à manger à la cuisine. De petite taille, il s'essuyait les mains avec un torchon propre et capta mon regard avec ses prunelles semblables aux miennes. Avec lui, une douce odeur de lasagne aux légumes vient me chatouiller les narines.
« Pourrais-tu aller chercher ta mère et ton frère pour le dîner, s'il te plaît ?
— Bien sûr, où sont-ils ?
— Ils sont partis se promener au Val. »
Je pâlis brusquement, comme s'il venait de me demander d'aller chercher le reste de notre famille en enfer.
« Non... tu sais bien que je ne peux pas y aller, protestai-je.
— Oh, je t'en prie, ne fais pas l'enfant ! Tu es grande, maintenant, il ne va rien t'arriver de grave là-bas. »
Puis il se détourna pour aller au fourneau, signe que sa demande n'était pas négociable.
Mes pieds s'enracinèrent dans le vieux parquet, incapables de bouger. Je ne voulais pas lui désobéir, mais la peur me pétrifiait. Pour moi, aller au Val sans retour revenait à risquer ma vie comme Lancelot du Lac l'avait fait pour sauver les faux amants prisonniers de la fée Morgane1.
Je pris cependant mon courage à deux mains et me levai. Dehors, le soleil de fin d'été commençait à se cacher derrière les arbres. J'enfilai donc une veste et me chaussai suffisamment bien pour supporter le sentier peu praticable qui m'attendait.
Je tirai la chevillette de la porte d'entrée pour choir la bobinette et les premières fraîcheurs annonciatrices de l'automne caressèrent mon visage. Alors que je franchissais le seuil, mon père m'interpella une dernière fois :
« Ne t'inquiète pas, Vivianne, quand tu reviendras avec maman et Obéron, une délicieuse lasagne aux légumes vous attendra. »
*
Une fois dans le bourg du village de pierre pourpre, je passai devant l'église du Graal et suivis le panneau indiquant le Val sans retour. Sur la route, je croisai de nombreux touristes venus profiter des chemins de randonnée qui pouvaient mener dans les landes, au jardin aux moines, au château de Trécesson ou encore à la fontaine de Barenton. Tous se dirigeaient vers leurs voitures, sur le départ. Et moi, à contre-courant de la foule de visiteurs, je suivis la route jusqu'à ce que les champs deviennent forêt, jusqu'à ce que l'asphalte devienne chemin de terre.
Il n'y avait rien d'étonnant à ce que cette partie de la forêt de Brocéliande soit la plus visitée. Tréhorenteuc se situait en effet au croisement de nombreux circuits pédestres qui permettaient de voir un certain nombre de lieux emblématique des légendes bretonnes. Mais la véritable raison de son succès, à mon sens, c'était les arbres aux troncs biscornus qui composaient les bois alentour. Les souches, les cavités et les racines contribuaient à voir dans les chênes et les hêtres des créatures endormies.
Pour ma part, il y avait bien longtemps que je ne parvenais plus à les percevoir. Cela ne m'empêchait pas de craindre ces lieux hantés par les histoires et les souvenirs.
À mesure que le bois s'assombrissait, je frissonnais davantage et m'obstinais à fixer mes pieds pour ne pas céder à mes démons qui me sommaient de faire demi-tour. Cela faisait un moment que je ne croisais plus personne, ce qui ne faisait qu'accroître mon inquiétude.
Finalement, j'atteignis le lieu que je redoutais.
Un chêne recouvert de feuilles d'or trônait à quelques pas de moi, tout comme l'étang, connu sous le nom de miroir aux fées. À sa vue, je frissonnais, incapable de m'empêcher de me souvenir.
Je me rappelle, enfant, d'être tombée dans ses eaux froides. Je me rappelle ma crainte de ne jamais remonter à la surface.
Mais la mémoire des événements qui ont eu lieu ici n'était pas tout à fait la cause de mon effroi. Non, ce qui m'effrayait vraiment, c'était ce trou béant qui se creusait dans ma poitrine, ce vide abyssal qui envahissait mon être quand je me trouvais dans un lieu aussi féerique que celui-ci.
Je repensais alors aux touristes, randonneurs et visiteurs que je venais de croiser auparavant. Tous avaient le sourire aux lèvres et une étincelle dans les yeux qui traduisaient leur émerveillement face à la découverte du Val sans retour. Mais moi, depuis le jour où je suis tombée dans le miroir aux fées à l'âge de quatre ans, plus rien ne me semblait extraordinaire, comme si ma capacité à imaginer et à m'émerveiller avait totalement disparu.
Soudain, une branche craqua et me fit sursauter. Je fis volte-face et découvris que je n'étais pas seule.
Là, assis sur l'unique banc en bois de toute la vallée, se trouvait un homme qui lisait tranquillement son journal, le même exemplaire du Daily Telegraph que j'avais sous les yeux à la maison. Dissimulé derrière les pages, je ne pus voir son visage. Cependant, je perçus sur son bras droit un tatouage en forme de clé qui me semblait familier. L'homme portait un pantalon en lin beige, ainsi qu'une chemise et un gilet du même tissu qui mettait en valeur son élégant maintien. Il ne faisait aucun doute que j'avais affaire à un notable anglais en vacances dans notre chère Bretagne.
Pourtant, il y avait quelque chose d'irréel dans sa présence. Il fredonnait un air singulier qui me rappela les formulettes des contes de Perrault, comme s'il était sorti tout droit des pages d'un livre.
Pendant un court instant, je crus que j'étais passé de nouveau de l'autre côté.
Quand il baissa son journal et me vit, il sursauta.
« Miséricorde ! » s'exclama-t-il en Anglais, avant de reprendre dans un Français dénaturé par son accent « pardonnez-moi, je ne vous ai pas entendu arriver. »
J'ignorais pourquoi, mais son visage me fit penser à un satyre. Sa peau d'ébène faisait ressortir ses grands yeux noisette sertis de sourcils broussailleux, mais dessinés. Ses cheveux crépus étaient coupés très court et se dissimulaient sous une casquette molle assortie à son costume. De la même manière, il portait la barbe courte pour faire saillir sa mâchoire et son menton.
« Il n'y a pas de mal, lui répondis-je dans sa langue, lui signifiant que l'on pouvait discuter ainsi si cela lui était plus facile. Vous lisez le Daily Telegraph ?
— Oh, yes. J'ai eu bien du mal à le trouver. Quand je suis arrivé ce matin à la gare de Rennes, il n'y en avait plus. J'ai dû me rendre chez un marchand de journaux avant de venir ici. C'est un bel endroit pour lire, vous ne trouvez pas ?
— Si l'on veut... je préfère la fontaine de Barenton.
— La fameuse fontaine mentionnée dans Yvain et le Chevalier au lion, la source qui bouillonne ?
— Tout à fait, même si je préfère sa mention chez Wace : Fol y alai, fol m'en revint, folie qui por fol me tins2.
— Je vois que vous vous y connaissez.
— J'aime la Littérature et l'histoire de ma région. »
Nous demeurâmes tous les deux silencieux un court instant. L'anglais reprit la lecture de son journal et je m'assis à côté de lui, intriguée. Je savais que je devais poursuivre mon chemin à la recherche de ma mère et de mon petit frère, mais la crainte de m'enfoncer davantage dans le Val périlleux me somma de rester ici et d'attendre qu'ils reviennent.
En regardant par-dessus l'épaule de mon étrange compagnon, je vis qu'il lisait l'article sur Julian Marlowe.
« Vous connaissez l'Ordre des voyageurs ? demandai-je pour relancer la conversation.
— Bien entendu, toute l'Angleterre ne parle que de ça ces derniers jours.
— Et qu'est-ce qu'on en dit, de l'autre côté de la Manche ?
— Pourquoi cela vous intéresse-t-il ?
— Eh bien... Disons que ça fait plusieurs années que je leur envoie mon dossier sans que ça n'aboutisse sur quoi que ce soit. Alors je me demandais si vous aviez des informations supplémentaires.
— J'ai bien peur de vous décevoir. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'une rumeur circule en ce moment dans les lycées d'Angleterre concernant ce fameux tirage au sort. Certains pensent qu'il n'y en aurait pas, car la plupart des étudiants admis sont pour la plupart issus d'établissements privés et parfois même déjà étudiant à Oxford. On reproche donc au professeur Marlowe de faire ce que tous les collèges d'Oxbridge font déjà, c'est-à-dire un tri social, alors qu'il avait promis que ce ne serait jamais le cas.
— Et vous ? Croyez-vous à cette rumeur ? demandai-je, la gorge nouée à l'idée que cela soit vrai.
— Ah ! Bien sûr que non ! Vous savez, j'enseigne la Littérature dans un lycée à Londres et il nous est très facile de savoir si le tirage au sort a eu lieu ou s'il est truqué. Cela vous rassure-t-il, mademoiselle.... euh... Pardonnez-moi, je ne vous ai pas demandé votre nom ?
— Vivianne Kerleroux.
— Enchanté. Vous pouvez m'appeler Prospero. D'ailleurs, j'ai une théorie plus intéressante à vous proposer concernant les entretiens d'admission : pour moi, les étudiants sélectionnés doivent tous avoir une aptitude en commun.
— Laquelle ?
— Je pense qu'ils ont tous dû franchir une porte merveilleuse au moins une fois par hasard. Après tout, ce serait logique : cela prouve qu'ils présentent des dispositions pour voyager à travers les mondes.
— Je ne pense pas que ce soit un critère, répondis-je vivement
— Ah oui ? Pourquoi ? »
Je serrais les lèvres, incertaine. Même si ce professeur de Londres me semblait sympathique, ce n'était pas pour autant que j'étais prête à lui déballer ma vie. Seulement, le regard interrogateur de Prospero me perturbait, comme s'il dégageait un certain pouvoir de persuasion. Je finis donc par me pencher vers lui :
« Eh bien... Probablement parce que ça fait trois fois que je ne suis pas admise alors que j'ai déjà franchi l'une de ces portes.
— Vraiment ? s'écria le londonien, surpris. Mais comment diable vous y êtes-vous prise ? »
Je me renfermai comme une huître, regrettant déjà d'en avoir trop dit.
Confronté à mon silence, le professeur usa d'une autre stratégie pour me tirer les verres du nez :
« Je comprends, vous ne voulez peut-être pas partager avec un inconnu de ce genre d'information. Mais tout de même, je m'interroge : qu'est-ce qu'il y avait de l'autre côté de cette porte ?
Je marquai une pause, mal à l'aise.
« Je ne sais pas, » avouai-je.
Prospero fronça les sourcils, perplexe. Il s'enfonça dans le dossier du banc, le regard rempli d'incompréhension.
« Comment cela, vous ne savez pas ?
— En fait, je ne m'en souviens pas. Je me rappelle juste l'expression effrayée de mes parents quand je suis revenue. Pour eux, je n'avais disparu que quelques minutes. C'est comme si... Comme si quelqu'un m'avait effacé la mémoire. Comme si quelqu'un ne voulait pas que je me souvienne. »
Prospero me fixa, songeur. Difficile de savoir ce qu'il pensait.
« Et la porte ? Où se trouvait-elle ? »
Je ne répondis pas, résolue à ne pas révéler ce secret. Mais je ne pus m'empêcher de regarder le miroir aux fées, si bien que mon regard me trahit.
Prospero se leva et fit quelques pas en direction de l'eau. Il se retourna pour m'interroger du regard, mais je baissai la tête, incapable d'assumer ce qu'il venait de découvrir sans que je dise le moindre mot.
Il s'agenouilla sur la berge et posa sa main sur la surface du miroir. Des ondes brouillèrent son reflet, mais rien ne se passa quand il plongea ses doigts. Le professeur tira une moue dubitative, peu convaincu. Au fond, c'était mieux ainsi.
Il se releva puis revint dans ma direction. Mais à mi-chemin, il se figea et ses yeux s'écarquillèrent, surpris. Doucement, il fit volte-face pour observer l'étang. Je fronçai les sourcils.
« Un problème, monsieur ? »
Prospero ne répondit pas. Il refit quelques pas en direction du miroir aquatique, puis s'arrêta, alerte. Il ressemblait à un chat qui venait d'entendre le couinement d'une souris.
« Vous n'entendez rien ? me demanda-t-il soudain en cherchant mon regard.
— Je suis censée entendre quelque chose ? »
En trois grands pas, il me rejoignit et se mit à ma hauteur. Ses mains d'ébène saisirent mes épaules.
« Vivianne, si vous entendez quelque chose, il faut me le dire, c'est très important.
— Non, je vous assure, je n'entends rien de particulier, seulement le chant des derniers oiseaux de la journée. »
Je ne sais pas exactement pourquoi, mais son expression m'effraya. Ses prunelles devenaient de plus en plus sombres et le Prospero qui se tenait si près de moi ne ressemblait plus au professeur chaleureux qui fredonnait des formulettes. Je voulus me libérer de son emprise, mais n'y parvins pas.
Il serra mes épaules de plus en plus fort.
« Il faut que vous l'entendiez, Vivianne, faites un effort !
-Lâchez-moi! »
Alors que je me débattais, un rire surgit derrière le dos de Prospero, ce qui l'obligea à relâcher son étreinte.
« Vivianne ! »
C'était la voix fluette d'Obéron, mon petit frère.
Le professeur me libéra et se releva pour me laisser passer. Je me précipitai vers mon cadet, à peine âgé de cinq ans, et le serrai dans mes bras. Au bout du chemin qui menait plus haut dans la vallée, ma mère apparut dans sa longue robe verte qui la faisait ressembler à un personnage de Jane Austen.
« Oh, ma chérie, tu es venu nous chercher ! s'exclama-t-elle, surprise de me voir ici.
— Oui, papa m'a demandé de venir vous trouver. Je voulais vous rejoindre plus vite, mais j'ai rencontré ce monsieur et...
— Quel monsieur, chérie ? »
Je me retournai pour désigner Prospero quand je découvris qu'il avait disparu. Seul son journal était resté sur le banc, signe que je ne l'avais pas rêvé. Comment pouvait-on se volatiliser aussi vite ?
« De plus en plus curieux... », murmurai-je, songeuse.
Obéron me tira par la manche, désireux de rentrer le plus vite possible pour déguster une bonne part de lasagne aux légumes. Je pris le journal et rejoignis le reste de ma famille sur le chemin du retour.
Je ne pus m'empêcher de me retourner vers le miroir aux fées.
Qu'est-ce que Prospero aurait voulu que j'entende ?
*
Le dîner terminé, j'allai me réfugier dans ma chambre en prétextant que j'avais encore beaucoup de livres à lire avant la rentrée universitaire. Bientôt, je retrouverai ma chambre étudiante et mes amis littéraires pour une nouvelle année. Il fallait que je me fasse à cette idée, maintenant. Peut-être que la lettre de refus de Mag Mor College s'était tout simplement perdue cette fois.
Du moins, c'est ce que je croyais avant de poser les yeux sur le journal de Prospero, posé juste à côté du mien.
Quand je le saisis, une lettre glissa de ses pages pour tomber sur mon lit. Tiens ! Je n'avais pas cela dans mon exemplaire. Scellé par de la cire bleue, aucune adresse n'y était inscrite. Mais quand je la saisis, je reconnus avec stupéfaction le sceau qui y apparaissait.
« Impossible ! »
Et pourtant, il s'agissait bien de ce que je pensais. Je rompis le sceau de l'enveloppe et lu son contenu avec avidité.
Je ne pus retenir mes larmes de couler.
Cher candidat,
Félicitation, vous venez d'être admis à Mag Mor College pour devenir un apprenti de l'Ordre des voyageurs. Merci de vous présenter à Oxford muni de cette lettre d'admission le cinq septembre prochain vers dix-sept heures. Avant de venir, pensez à acheter l'uniforme correspondant chez Sheperd & Woodward, notre boutique partenaire, et à vous munir d'encre et de papier. Vous trouverez ci-joint un billet de train Londres-Oxford. Si vous venez d'un autre pays, merci de nous contacter pour que l'on puisse vous rembourser tout autre trajet supplémentaire.
Au plaisir de vous rencontrer à la rentrée.
Mr. Marlowe, doyen et professeur de l'Ordre des voyageurs.
1Le Val sans retour est connu dans la forêt de Brocéliande pour cet épisode qui a été transmis oralement depuis le XIIe siècle, puis transcrit dans le cycle du Lancelot-Graal (XIIIe siècle).
2« J'y allais en rêvant, rêveur j'en revins, et ce rêve, rêveur me tient. » : Vivianne cite ici le Roman de Rou, écrit par Wace (1160). Il y parle notamment de sa volonté de trouver la fontaine de Berenton (bher- qui signifie bouillonner en indo-européen et -andon, en celtique, qui signifie la source).
Prospero me fait évidemment penser à "La Tempête" de Shakespeare. J'aime beaucoup au passage le côté groupe universitaire, Ordre des voyageurs avec tout ce que ça génère de questions et de mystères.
L'histoire est un peu en pause actuellement (tu me connais, moi et ma relation ambivalente avec la fantasy... ^^'), mais je pense que je reviendrais sur ce projet plus tard, car il soulève des questions plutôt intéressantes dans son scénario.
Merci d'être passé en tout cas. :)
Finalement, avec le fonctionnement des histoires d'or et les trois chapitres à lire par histoire, je n'aurais vraiment pu découvrir qu'un seul chapitre de ton texte (le prologue étant assez court). Mais j'ai beaucoup aimé ce que j'ai lu. On a dû te le dire, mais ça m'a évidemment fait penser à Narnia. Je pense quand même que la ressemblance va s'arrêter rapidement parce qu'ensuite, j'imagine qu'on va se retrouver à l'université, au cœur d'un apprentissage ?
J'ai trouvé très sympa aussi la minutie avec laquelle tu fais découvrir les lieux. On sent que ce sont des lieux qui te tiennent à cœur et que tu connais sans doute très bien toi-même. Ou alors, ta phase de documentation à dû être très poussée ! Mais du coup, l'immersion est d'autant plus facile.
J'ai quand même remarqué que la lettre d'admission n'était pas directement adressée à Vivianne : pas d'adresse et la mention "Cher candidat" (et non "Chère Vivianne")... De plus, elle se trouvait dans le journal de Prospero. Or, le fait qu'elle se mette à pleurer me laisse penser que ce sont des larmes d'émotions dues à sa joie d'avoir enfin était admise. Mais comment peut-elle être certaine que la lettre est bien pour elle ? Si c'est un non-sujet et que je suis trop suspicieuse, il faudrait peut-être écarter tout doute en citant son nom en tête de la lettre ? Si c'est bien un vrai sujet (si son admission est mise en doute quand elle arrive à Oxford, par exemple), je trouverais plus vraisemblable que Vivianne se pose au moins la question de savoir si c'est vraiment pour elle, non ? A moins qu'elle décide de se servir de la lettre même en pensant que c'est Prospero qui a été admis et non elle. Mais même dans ce cas, comme on est en pdv interne, il faudrait quand même peut-être en faire mention ?
A bientôt ! Merci pour ce moment de lecture !
Avec ce chapitre, l'histoire gagne en profondeur, Julian a grandi on se retrouve de l'autre côté de la Manche avec des personnages qui, avec leurs noms, ont l'air de réincarnations de personnages anciens. J'imagine de Prospero fait parti du corps professoral de l'ordre des voyageurs. Merci pour ce moment de lecture.
A bientôt
Voici un très bon premier chapitre, avec une exposition efficace. Je ne vois pour l'instant qu'un lien avec le prologue, c'est le concept de portail. Mais j'imagine que le garçon du prologue apparaîtra forcément à un moment dans un rôle important. On peut même supposer que c'est l'homme qui a croisé Viviane. Il va me falloir attendre un peu pour en apprendre plus j'imagine. Mdrrr je viens de relire les premières lignes et en fait la réponse est direct écrite. C'est donc lui le professeur admiré par Viviane, intéressant...
J'aime beaucoup les nombreuses références littéraires glissées au fil du texte, de manière plus ou moins, j'en ai probablement manqué quelques unes. Trop chouette d'avoir la forêt de Brocéliande en théâtre de ces premiers chapitres. Même si on ne va sûrement pas y rester longtemps...
L'idée d'une première expérience des portails enfant est chouette, même si le lien a été vite fait entre cette étrange expérience et les portails. enfin, je veux dire que la narratrice en semble très sûr alors qu'au final ça a l'air d'avoir été flou, avec peu de souvenirs. Bon, peut-être est-ce dû au fait qu'elle se soit beaucoup renseignée.
Autre truc chouette, c'est le manque d'attrait de ton héroïne pour la magie, ce qui entre en complète contradiction avec tout ce qui l'entoure, jusqu'à son prénom^^ Curieux de voir comment cet enjeu va évoluer.
Mes remarques :
"Dur dur, les début de roman !" tu l'as dit xD on a beau les réécrire 10 fois, dur d'être satisfait...
"de la maison de mes parents à Tréhorenteuc," mdrr d'où vient ce nom ? j'adore xD
"Après tout, je viens d'obtenir ma licence de Lettres modernes à Rennes" -> venais ? je ne comprends pas trop ce que le présent vient faire ici
"de la fée Morgane1." le 1 est volontaire ?
"ne parle que de ça ces derniers jours." couper après ça ? je trouve que ça donne plus une impression de naturel en raccourcissant un peu
"et parfois même déjà étudiant à Oxford." -> étudiants
"Il refit quelques pas en direction du miroir aquatique," jolie tournure !
"Je ne pus retenir mes larmes de couler." couper à larmes ? qu'elles coulent est implicite
Un plaisir,
A bientôt !!
Il est vrai que Vivianne se souvient peu de ce qui lui est arrivé lorsqu'elle a franchi le portail, mais cela est sensé justement s'élucider dans la suite du récit, d'où ce flou.
Je suis contente que tu aies perçu le manque d'attrait du personnage pour la magie, car je ne suis pas certaine de le rendre très bien jusqu'à présent.
Et Tréhorenteux est un village qui existe hein, tu peux taper le nom sur Google map. Dans le même coin, tu as même un patelin qui s'appelle Pleumeleuc (je plaisante pas xD). Bref, le monde selon les bretons.. ^^
Heureuse de retrouver le nom de Julian au début de ce chapitre (j’ai craint qu’il ne se fasse manger ou quelque chose du genre dans le précédent… J’ai beaucoup de mal quand on touche aux enfants ^^’).
En effet, depuis que l'existence des portes merveilleuses menant vers d'autres mondes a été révélée, l'Ordre des voyageurs est de plus en plus assailli par de jeunes étudiants issus de toute l'Europe. Si les profils sont divers, leur désir de rejoindre cette prestigieuse formation d'Oxford est motivé par les mêmes rêves : explorer des terres nouvelles, échapper à notre monde, ou bien simplement comprendre comment fonctionnent ces passages vers l'ailleurs. Tout à fait personnel, la répétition du mot monde a crépité dans mon oreille. 😉 Par ailleurs j’aime beaucoup cette entrée par la lecture d’un article de journal <3
Bête réflexion : j’adore le clin d’œil sur le « trou de hobbit ». Comme c’est une narration en « je », on part donc du principe que la narratrice a lu et connait cette histoire ?
Après tout, je viens d'obtenir ma licence de Lettres modernes à Rennes et je me surprenais à aimer cette discipline, -> je venais (les autres verbes sont au passé)
J’ai visité Brocéliande il y a longtemps. J’ai vu un arbre doré. J’ai un vague souvenir comme quoi c’était un symbole en souvenir de la forêt originelle qui avait brûlé et le guide du Routard expliquait que les sites avaient été déplacés. Vrai ou faux ce qui se loge dans ma mémoire ? ^^
Est-ce que c’est une histoire qui se loge dans notre réalité ? J’ai énormément toutes les références (il y en a à la pelle), mais pour certaines, je suis perdue dans l’espace-temps (comme avec le hobbit). Mais j’aime beaucoup ^^
J’ai été complètement dedans avec la scène de l’homme satyre et de la porte aux fées ^^ C’est très bien écrit, bon rythme, suspense et mystère.
Je suis curieuse de lire la suite :D Sacrée imagination 😉et richesse culturelle ^^
À bientôt ^^
Je continue, donc, à bientôt pour la suite !
Gab
Premier chapitre intéressant, une lecture fluide et simple qui ne perd pas le lecteur. J'apprécie le récit jusqu'ici, notamment tes références littéraires qui témoignent d'une grande passion pour ce que tu racontes. Ça fait toujours plaisir quand l'auteur puise dans ses propres expertises.
Le rythme est bon, on ne s'ennuie pas, et Vivianne semble être une protagoniste intéressante qui aura beaucoup à nous apprendre, tout en apprenant elle-même.
Quelques éléments m'ont troublé toutefois : d'abord, l'histoire se passe à Brocéliande mais je te trouve drôlement avare en féerie. Tes descriptions profiteraient d'un peu plus de fantaisie, mais c'est peut-être volontaire, étant donné que ta protagoniste semble plutôt blasée de ces légendes arthuriennes.
Ensuite, concernant Prospero : c'est un personnage intrigant et mystérieux, ce qui est une bonne chose, mais son caractère est peut-être un peu plat. En fait, sa seule caractéristique est qu'il est anglais... ce serait intéressant, je pense, qu'il s'exprime ou se comporte de manière excentrique (bien que sa disparition remplit se rôle, mais on se comprend !).
Petites coquilles :
- "Comme à chaque fois, elle a ramené..." phrase un peu tortueuse. Deux propositions subordonnées dans la même phrase, c'est souvent un peu indigeste.
-"de ce genre d'information" : ce genre d'information
-"tu es venu nous chercher" : venue, il me semble que Vivianne s'identifie au féminin
-"scellé par" : scellée par
-Enfin, je te conseille un peu de forme passive dans tes descriptions pour rendre ton récit un peu moins linéaire et plat. "Il fait ceci, elle fait ça, il se lève..." ça fait un peu constat, bien que ça rajoute du rythme.
En tout cas c'est avec joie et curiosité que je lirai la suite ! Bravo pour ce début de texte, et bonne écriture (:
Effectivement, pour l'instant je ne sais pas comment placer le "curseur" entre côté blasé de Vivianne et le fait qu'on se trouve quand même dans l'une des forêt les plus féeriques de France. En plus, c'est une forêt que je connais à présent très bien, donc je suis moi-même un peu démystifiée à son sujet ^^'.
J'ai beaucoup aimé ce démarrage, surtout la rencontre avec Prospero qui est vraiment habillement menée. Je ne sais pas à quoi ressemblait la première version mais celle-ci fonctionne super bien !
Comme Dé, je me demande aussi si la lettre est pour elle ou si elle vole la place de quelqu'un d'autre, c'est super vraiment que le message ne soit pas nominatif, cela créé un flou hyper intéressant !
J'ai été happée par le prologue et me voici bien prise dans l'histoire de Vivianne, trop bien !
J'ai hâte de découvrir la suite ^^
J'avais oublié de dire que j'adorais le titre de l'histoire aussi ! Waouh ! Ca a percuté mon intérêt tout de suite.
Ici, nous faisons connaissance avec Vivianne. J'étais tellement à fond avec Julian dans le prologue que j'ai eu un moment d'arrêt au début. Un vrai débutant...
Ce début est super prometteur. J'ai beaucoup aimé toutes les références littéraires que tu fais. On se fait une place dans la famille de Vivianne. On en découvre davantage sur son passé, notamment son expérience avec la porte. La rencontre avec Prospero était très mystérieuse, comme s'il n'était pas là par hasard... Et la lettre d'admission qui se trouvait dans son journal... Serait-ce pour Vivianne ? Ce journal a-t-il été oublié par hasard ? Vivianne est-elle en train de prendre la place de quelqu'un ou a-t-elle enfin été acceptée ? La lettre n'étant pas nominative apparemment, je me pose beaucoup de questions...
La plus grande des questions, c'est le parcours de Julian qu'on a laissé enfant, réchappant à la guerre, qui est maintenant le doyen et un prof de l'Ordre des Voyageurs, expert en voyage à travers les portes magiques et tout ça.
En lisant, j'ai repéré quelques coquillettes orthographiques, mais rien de bien méchant. Ca ne m'a pas sorti de la lecture.
A très bientôt pour la suite !