03.
Une goutte tomba sur son bras, le faisant sursauter, l’obligeant à ouvrir subitement les yeux. Le ciel s’était encore davantage assombri. Désormais, il n’était plus possible de lire les étoiles dans les cieux mais seulement de contempler un gris anthracite dénué de particules blanches ou de cercles lévitants autour de Nébuleuse. Il n’y avait au-dessus de sa tête qu’un plafond oppressant et le début d’une pluie quittant les cumulus. Le monde pleurait. Pleurait-il la perte d’un être cher comme Orion ?
Ezio secoua la tête et se passa une main sur le visage pour chasser les pensées négatives embrouillant sa tête. Il savait qu’il fallait qu’il se réveille, qu’il mange, boive. Il poussa un profond soupir et prit une longue inspiration. Soudainement, plus déterminé que jamais, il se redressa en prenant appui sur le rocher et balaya les environs à la recherche de quoi se mettre sous la dent. Il sentait une sorte d’adrénaline s’infiltrer dans ses veines, lui donnant la force de parcourir encore quelques kilomètres pour s’éloigner du lieu de mort d’Orion. Il était encore difficile pour Ezio de concevoir que son meilleur ami était mort. Il préférait se dire qu’il avait simplement vécu un mauvais rêve et qu’il allait soudainement se réveiller de son terrible cauchemar.
Les sens aux aguets, il examina davantage son environnement comme il aurait dû être supposé le faire à l’instant où il avait posé le pied dans ces taillis. Son regard croisa deux petites billes dissimulées dans des buissons. L’animal inconnu semblait suivre chaque de ses pas comme une proie surveillant son prédateur, prête à se carapater au moment où elle viendrait à se faire repérer. Ezio sentait la faim lui tirailler à nouveau l’estomac et songea à la possibilité de manger cette créature. Près d’un buisson à l’opposé des deux orbes figées, il cueillit quelques baies et décida de s’asseoir contre le tronc d’un arbre. Il déposa les baies près de lui et attendit. Ce ne fut pas long avant que la curiosité ne s’en prenne à cette pauvre bête et la pousse à s’approcher de la nourriture si gentiment offerte.
Le petit animal fit découvrir ses longues oreilles touffues et son petit corps roux particulièrement fourni. Ses pattes possédaient de grandes griffes qui semblaient presque disproportionnées par rapport au reste de son corps. D’une allure timide, il s’approchait à pas lents. Dans ses yeux baignaient à la fois une lueur curieuse et craintive. Son regard passait continuellement de l’homme à la nourriture. Les inames étaient des créatures très mignonnes, apprivoisables mais à l’avis bien tranché : faites lui peur une première fois et vous ne capterez plus jamais sa confiance de votre vie. Obtenez-là et il deviendra presque votre plus fidèle compagnon.
Sa petite tête humait l’air, approchant avec prudence. D’une patience infinie, Ezio gardait son visage fermé, concentré sur le bout de tissu qu’il avait entre les mains. Il n’accordait aucune attention à cet animal, seulement à ce morceau de tee-shirt arraché avec lequel il jouait. Lorsque l’iname termina son repas, le nombre de baies insuffisant le poussa à venir sentir la main de l’homme. Il grimpa sur ses jambes et laissa rentrer ses longues griffes dans le pantalon déchiré d’Ezio qui se retenait de pousser un cri affreux. Sans s’en rendre compte, le rongeur plantait ses pattes crochetées dans la peau du jeune homme qui le maudissait en cet instant. Lorsque l’opportunité se trouva immense, Ezio ne put se retenir davantage. D’un geste vif, il attrapa la bête par le cou et enroula un tissu autour de celui-ci pour l’étrangler. L’iname couinait et tentait de se débattre, mais bientôt, son corps s’éteignit et Ezio savait qu’il aurait de quoi manger.
Occupé à faire griller son repas après l’avoir dépecé gauchement avec ce qu’il avait sous la main, Ezio sentit le sommeil le gagner. Le gamin se sentait complètement perdu, sans aucun repère, sans aucun but avec une vague idée de la façon dont il allait accomplir la promesse effectuée. Il se savait prince mais il sentait aussi qu’il n’avait aucune envie de retourner là-bas. Ce n’était que misère, souffrance et amertume. Tout semblait indiquer le désespoir quand Orion lui demandait d’être le sauveur, l’espoir de la nation. Mais il savait qu’il ne pourrait pas vivre encore très longtemps terré dans la forêt. Il avait besoin de retourner à la civilisation, de remplir son rôle, de porter le poids du monde sur ses épaules.