05.
Il marchait d’un pas lourd et fatigué, bercé par la terrible nuit noire qui s’était si subitement abattue sur les terres ténébreuses. L’astre nocturne propageait ses longs rayons à travers les branches tremblantes des arbres de la forêt rendant l'atmosphère particulièrement effrayante. La brume était doucement revenue mais laissait un champ de vision plus large que dans l’après-midi. Ezio sentait son corps au bord de la rupture à mesure qu’il avançait mais l’idée même de rejoindre Avalon lui donnait une bonne dose d’adrénaline. Il allait le faire, il était en train de se persuader désormais : sauver le monde ou rien. Tel était désormais sa mission, envers et contre tout ; il devait tenir la promesse qu’il avait faite à Orion.
Ezio comprit qu’il était arrivé à l’orée de la forêt quand le sentier de la forêt laissa progressivement place à un sol moins tendre. Les odeurs aussi commençaient à changer. Celle de la forêt s’effaçait désormais derrière ceux de la nourriture encore fraîchement préparée. Il avait l’impression de retomber soudainement dans son enfance, lorsqu’on lui servait des plats remplis de mille odeurs différentes qu’il était incapable de distinguer les unes des autres. Il se souvenait du régime stricte qui lui était imposé, l’empêchant de se laisser aller sur des friandises - qu’il suppliait souvent malgré tout à une femme parfois. Elle était merveilleuse dans sa robe pâle. De jolies fleurs formaient les motifs et il se souvenait encore des longues manches lui arrivant jusqu’au poignet qui lui allongeait les bras. De son point de vue, il avait toujours vue cette femme blonde d’une grande élégance. Un souvenir confus malgré tout qui l’empêchait de retrouver le visage associé, rendant le tout flou.
Il se souvenait à quel point il appréciait ce souvenir, lui arrachant un sourire carnassier au beau milieu de la nuit, lui donnant des airs de psychopathe pendant un instant. Un bruissement dans les alentours le fit sursauter. Il s’était pourtant éloigné considérablement des derniers buissons forestiers. Après quelques instants, il se rendit compte que ce qu’il avait pris pour un bruissement était en vérité le chuchotement d’une personne qui l'appelait. Il ne parvenait pas à distinguer un mot parfaitement énoncé. Ainsi, sur ses gardes, Ezio décida de ne pas s’approcher de la source du bruit, faisant quelques pas de côté. Avec un dernier regard en arrière, il poursuivit sa route et n’entendit plus la voix. Guidé simplement par la lumière de la lune, il manqua de trébucher une nouvelle fois sur quelque chose. Loin de ressembler à des ossements, il avait l’impression de découvrir des morceaux de pavés sortis de terre. Il savait qu’il avait déjà esquivé un trou au milieu de la route. De nombreuses questions commençaient à se former dans sa tête, se demandant ce qui pouvait avoir rendu la rue aussi impraticable. Dans la brume, il voyait ça et là des pierres retirées de leurs gonds, près de ses pieds. Il les esquivait soigneusement désormais, mais elles se faisaient de plus en plus nombreuses. Les yeux rivés sur le sol, il en avait même oublié son objectif final qui se dessinait dans le brouillard depuis déjà quelques minutes.
Il éleva enfin le regard. Le monument majeur d’Avalon, immense et grandiose, trônait de son ombre gigantesque au milieu de la nuit avec des airs de lieu hanté. Ezio n’était pas surpris par son apparence titanesque et sinistre. Le décor peint, à vrai dire, le faisait plutôt sourire. Il avait enfin l’impression de retourner chez lui après des jours d’errance. Alors qu’il s’était arrêté pour contempler les lieux, la voix qui l’appelait précédemment se fit entendre une nouvelle fois. Se retournant vivement, il ne distingua pas exactement d’où elle venait. Ce doit être encore un de ces gamins qui cherchent à faire peur aux vagabonds arrivés en pleine nuit. Mais la voix, malgré tout, semblait être plus grave que celle d’un enfant.
— Ezio ! grogna la voix.
Cette fois-ci, l’interpellé se retourna en sursaut, agacé d’avoir l’impression d’être suivi.
— Bon, vous voulez quoi à la fin ? Sortez de votre cach-
— Shhh ! siffla-t-elle. Ferme-là, bon sang, ou tu vas te faire mitrailler ! le prévient-elle.
Le chuchotis de la voix ressemblait grandement à celle d’un homme qui se contenait de toutes ses forces pour ne pas hausser le ton. Malgré tout, il ne put s’empêcher de faire résonner le fond de son coffre en fin de phrase. Ezio crut dénoter dans cette voix une sorte de familiarité ancienne, ténue mais présente pourtant. Ainsi décida-t-il de s’approcher timidement, d’une méfiance extrême.
— Oh, mais Ezio, arrête de faire ton gamin, bordel, viens te foutre derrière le mur avec moi, on pourrait nous repérer !
Une main sortit de nulle part et l’attrapa par le col de sa veste légère pour le tirer derrière le muret de pierre. Pendant un instant, il distingua la moitié d’un visage qu’il crut reconnaître et il se laissa emporter aux côtés de l’homme derrière la voix.
— Týr ?