Les hautes herbes dansaient poussées par le vent s'étendant au-delà de l'horizon. Thomas allongé là, observait le ciel en silence. Tout semblait si vide perdu dans l'immensité d'un bleu éclatant. Le ciel l'avait toujours fasciné. Alors que les autres marchaient le regard vers le bas, soucieux de ne pas trébucher, Thomas gardait le regard braqué vers le haut et s'imaginait voler. Le monde vu du ciel pensa Thomas était rond et harmonieux, pas de frontière ni de murailles, rien, rien que le monde comme il a toujours été.
— Hé Thomas ! Fini de rêvasser on reprend du service.
— Oui, j'arrive. En se redressant il contempla le ciel une dernière fois et aperçut, à travers les rayons du soleil, une main qui lui était tendue. Cmme si le ciel l'invitait à la rejoindre, Thomas tendit la main en retour.
— Hé Thomas, mais qu'est-ce que tu fous ? Hans l'observa la tête penchée.
— Là regarde, une main j'essaie de la saisir.
— Mais de quoi tu parles ? Il n'y a aucune main tendue hormis la tienne, abruti !
— Tends ta main Hans et tu la verras aussi ! Thomas ne bougea pas et après un moment Hans l'imita et tendit la main.
— Et maintenant ? demanda Hans
— Et maintenant, répondit Thomas, je ne suis plus le seul à avoir l'air d'un abruti. Hans confus fronça les sourcils, son bras toujours tendu ce qui fit rire Thomas.
— Allons- y, les autres doivent sûrement nous attendre, il ramassa son arme et s'approcha de Thomas.
— Tu as réellement vu une main tendue au milieu du ciel ? Thomas sourit mais ne répondit pas et ils se mirent en route en silence.
Ils rejoignirent paisiblement la ville minière d'Arame bordée par la dense forêt d'Opale aux arbres majestueusement gigantesques recouverts de la dorure de leur feuillage à l’approche de l’automne. Le soleil déclinait doucement et les rues bondées s'animaient au rythme des passants et des vendeurs ambulants. La poussière formait un voile qui donnait à la ville une teinte rosée. Dan les attendait près de l'entrée du QG d'Aragon au croisement des avenues principales qui séparaient les hauts quartiers des faubourgs peu fréquentables. Ses boucles blondes dessinaient son visage fin et harmonieux. Thomas, Hans et lui étaient amis depuis toujours, le hasard les a conduit jusqu’à Aragon, croisant leur chemin pour ne jamais plus les défaire.
— Thomas ! Hans ! Dépêche-vous ! La capitaine vous cherche et elle est de mauvaise humeur.
— Désolé Dan, mais Thomas nous a encore fait perdre du temps avec ses conneries. Où est la capitaine ? Thomas sourit innocemment et salua Dan.
— Elle a été convoquée par le comité syndical, répondit ce dernier
— Ne perdons pas plus de temps.
— Et c’est toi qui parles de perdre du temps, Thomas.
Les trois amis se faufilèrent dans les rues étroites en direction du centre de la ville où se dressait un imposant bâtiment abritant le comité syndical des mineurs. De la fenêtre, la capitaine Baily observait sans grand intérêt la place principale noire de monde et la foule impatiente qui déambulait vers les ruelles dans un mélange de couleurs et de langues inconnues. Elle était entourée de mineurs et de représentants du comité seigneurial de la cité d’Arame. La tension était palpable et les deux camps se dévisageaient avec mépris lorsque la capitaine regagna sa place au centre de la salle. Des voix s'élevèrent brisant le lourd silence au moment où Dan, Hans et Thomas pénétrèrent dans l’enceinte de l’édifice.
— C'est inacceptable ! On ne peut pas continuer comme ça ! Si les demandes doublent les mines risquent de s'enflammer, les mineurs hochèrent la tête et certains frappèrent du poing sur la table en signe d’approbation.
— Les ordres sont les ordres si les demandes doublent alors il en va de votre devoir de tenir la cadence, répondit un représentant du comité seigneurial d’une voix calme et placide propre aux technocrates.
— Je ne laisserai pas mes hommes mourir de fatigue et de faim, il se détourna du représentant et se dirigea vers la capitaine, capitaine Baily les mineurs sont au bord de l’épuisement, il se tut un instant et jeta un bref regard sur ses camarades qui l’encouragèrent d’un mouvement de tête, nous demandons, tous ici présent, le soutien d’Aragon. Tous les yeux se posèrent sur la capitaine, ceux des représentants étaient froids et intransigeants alors que ceux des mineurs étaient remplis d’un espoir brûlant. La capitaine souffla longuement, remit ses lunettes sur ses yeux et dit d’une voix calme mais affirmée.
— La responsabilité d'Aragon est d'assurer la sécurité à l'extérieur des murs. Le nord est en flammes et Aragon ne peut pas se permettre de perdre un autre secteur, les mineurs acquiescèrent et le visage des représentants s’assombrit.
—Seriez-vous entrain de discuter les ordres dictés par son excellence l’Ambassadeur, capitaine ?
— Me croyez-vous folle, monseigneur ? répondit-elle alors qu’un sourire qui n’avait rien de bienveillant se dessina sur son visage. Le représentant intimidé recula de quelques pas. Les ordres sont les ordres, s’adressa-t-elle aux mineurs, maintenez la cadence ou perdez la vie, elle tapota l’épaule du mineur qui la repoussa et lui saisit violemment le col. Trois canons furent aussitôt pointés vers lui mais elle leur ordonna de baisser leurs armes et attrapa les mains du mineur qu'elle réussit à desserrer. Je ne peux assurer votre sécurité si vous décidez d’aller à l’encontre des ordres. Il vous faut survivre, encore un peu. Le mineur la toisa puis disparut avec ses hommes. Baily salua les représentants du comité et quitta le bâtiment. Une fois éloignée, la capitaine écrasa son poing contre le mur d'une ruelle. Des passants se retournèrent pour la dévisager.
— Capitaine ! Thomas lui saisit l'autre poing au vol.
— Tout va bien, Thomas ! Tout va bien ! Elle sourit de nouveau. J'avais simplement besoin de me défouler. Dans les allées ou les lanternes commençaient à s’allumer, les mineurs se préparaient à prendre la relever de leurs camarades. Les yeux mis clos et le dos courbés, ils prenaient place dans les voitures cabossées et recouvertes de suie en direction des mines. Quelquefois, on pouvait apercevoir des enfants, qui flottaient dans des combinaisons trop grandes pour eux, courir et se faufiler entre les sièges des voitures. Dan les observait sans réellement les regarder. Ils faisaient partie de son quotidien tout comme l’horreur qui façonnait leur monde.
— Vous pensez que les mineurs vont se rebeller ? demanda-t-il alors qu'ils regagnèrent leur QG et que le soleil parsemait le ciel de ses dernières couleurs. La capitaine hocha les épaules et ne répondit pas. Ils atteignirent le haut de la pente bordée des deux côtés par d'imposants arcs sous lesquels étaient établis des commerces aux étalages posés à même le sol, recouverts d'objets du quotidien ou atypiques. De leurs mains usées, les commerçants essayaient d’attirer les visiteurs, déballant sous leurs yeux leur meilleurs produits. Il fallait avoir l'œil aiguisé et un véritable flair de chasseur pour ne pas se faire avoir. Sous leurs vieilles étoffes, ils savaient repérer le bon gibier et ne se frottaient jamais aux initiés. Sur la place des quatre fontaines asséchées depuis des années, on pouvait apercevoir les immenses remparts de la cité de Mitrâtes. Les représentants du comité seigneurial devaient avoir rejoint leur résidence bien à l’abri à l’intérieur des murs. Thomas s’arrêta un instant, obnubilé par la vue et se demanda ce ils pouvaient bien voir du haut de leurs remparts.
Lorsqu’ils pénétrèrent enfin dans la salle d’armes du QG d'Aragon, Hans se précipita vers la seule armoire qui portait un cadenas, l’armoire à provision, l’avait-on surnommé. Mais il ne s’agissait pas de provisions ordinaires, bien au contraire les portes de l’armoire renfermaient de précieuses liqueurs qui seraient sans doute la priorité à sauver en cas d'incendie ou de catastrophe naturelle. Il proposa un verre au capitaine dont les traites se décontractèrent à la vue du verre rempli du liquide incolore.
— Si l’Est tombe je suis foutue, Centrale voudra sûrement me rétrograder et retour à la case départ, Baily se laissa tomber sur l’une des chaises, ôta ses lunettes et se frappa nerveusement la tête.
— Allons capitaine l'Est tiendra comme toujours, Hans s'assit comme à son habitude à sa gauche laissant le côté droit libre pour Dan qui les rejoignit.
— Le capitaine qui était en charge de la septième faction, elle s’interrompit et but une gorgée qui la fit grimacer, bien avant que je ne sois promue moi-même capitaine disait toujours que lorsque la situation se dégrade alors il faut encore plus la dégrader et encore la dégrader jusqu'à arriver à la pire situation possible là au moins on était sûrs qu'elle ne pouvait que s'améliorer.
— C'est complètement stupide, marmonna Thomas en prenant place sur le siège qui leur faisait face.
— Je n’ai jamais dit le contraire, répondit Baily en remplissant leur verre.
Sur la façade avant du QG d’Aragon, vieillie par le temps et l’usure, deux jeunes recrues fumaient le dos adossait au mur, un air innocent et insouciant flottait sur leur visage alors qu’ils observaient la lune disparaitre derrière les nuages de cette douce nuit d’automne. L’un d’eux répondant au nom de Marlo, saisit une pierre qui trainait à ses pieds, visa en fermant un œil des restes de bouteille de verre posés sur le muret et lança. La pierre dépassa le muret et disparut derrière un arbuste.
— Raté, lui répondit sa camarade, Marlo afficha une moue déconfite.
— J’ai encore le droit à deux essais, Safia. Il répéta l’opération, avec une concentration digne des meilleurs archès, mais rien à y faire, les bouts de verre trônaient encore sur le muret. Exaspéré par ses échecs et les rires sournois de sa camarade, Marlo ramassa une pierre volumineuse qu’il balança avec force en poussant un hurlement de résignation. Un « Aïe » suivi d’injures que des personnes respectables se garderaient bien de prononcer émanèrent du buisson. Les deux soldats se regardèrent perplexes alors qu’une silhouette habillée d’une cape rouge et des armoiries de la marine d’Aragon sortit de l’ombre
— Garde à vous ! Paniquées les deux jeunes recrues, en voulant dégainer leurs sabres et saluer leur supérieur, se heurtèrent la tête l’un contre l’autre et firent tomber leur béret.
— Mes respects capitaine Sony ! le capitaine à la chevelure flamboyante et à la peau brunie par le soleil, les regarda à un à un avant de lever les yeux au ciel et de désigner une trace rouge sur le haut de son front.
— Manquer à son devoir est une infraction grave, blesser un supérieur en est une plus grave, Marlo et Sofia se mirent à transpirer à grosses gouttes.
— Mais vous serez faire preuve de clémence, n’est-ce pas capitaine ? Le visage frêle à qui appartenait la voix fluette, s’avança vers les deux soldats qui n’avaient jusqu’alors pas remarqué sa présence. Sony approcha son visage à quelques centimètres de celui de Marlo qui déglutit, et fit mine de réfléchir en se frottant le menton et en plissant des yeux. Il finit par sourire et assena une petite tape sur l’épaule de Marlo qui faillit perdre l’équilibre
- Reprenez vos positions soldats ! Le capitaine suivi de son second a qui on avait attribué le singulier nom de Moineau disparurent dans les couloirs du QG qu’ils longèrent jusqu’atteindre l’escalier principal qui conduisait à la salle d’armes où étaient réunis, Baily, Dan, Thomas et Hans.
— Vous ne pouvez pas vous en empêcher, n’est-ce pas capitaine ? demanda ironiquement Moineau qui peinait à gravir les hautes marches du vieil escalier.
— À quoi bon avoir des subordonnés si ce n’est pour les terroriser mon cher moineau ?
Les deux soldats se replacèrent dos au mur et n’osèrent plus bouger après s’être assurés que le capitaine était bien parti. Marlo se pencha légèrement vers Safia,
—Qu’est-ce que le capitaine Sony des factions du sud fait ici ?
—J’en sais rien, tais-toi.
Le feu de la cheminée encastrée dans le mur de pierre de la salle d’armes crépitait doucement et reflétait sa lumière sur le visage rougi et pensif du capitaine Baily. Elle saisit une bûche et la plaça dans le feu qui la consuma lentement. Elle effleura la bague qui ornait son annuaire puis se retourna vers Dan, Hans et Thomas qu’elle regarda avec détermination.
— L’état-major a demandé une réunion d'urgence. Les capitaines doivent impérativement se rendre à Centrale. Je vais donc devoir m'absenter pendant un moment. Thomas et Hans vous serez en charge du secteur en mon absence, Hans incrédule reposa son verre et le visage de Thomas afficha un immense sourire d’excitation. Quant à toi Dan tu m'accompagneras, tes neurones me seront utiles.
— A vos ordres capitaine !
— Levons nos verres une dernière fois, avant que les réserves ne sont complètement épuisés, aux tyrans des murs et aux héros qui les protègent, proposa la capitaine qui troqua son verre pour la bouteille.
— Aux tyrans des murs et aux héros qui les protègent !
Des tambourinements sur la porte attirèrent l’attention de Dan, qui se détourna un instant de ses camarades et se dirigea vers l’entrée de la salle. Il lui semblait entendre des coups de pied ou de poings frapper contre le bois. Il posa instinctivement une main sur son sabre et l’autre sur la poignée de la porte qui s’ouvrit brusquement de tout son long et le propulsa contre le mur.
— Bordel de porte ! Sony déboula accompagné de Moineau et la confusion s’empara de Thomas et Hans qui se hâtèrent de saluer le capitaine en posant la lame de leur sabre sur leur poitrine. Moineau fit de même à l’attention de Baily, et brandit son sabre qui paraissait deux fois plus grand entre ses fines mains semblables à celles d’un enfant
— Mes respects capitaine !
— Oy Sony ! Tu arrives juste à temps pour les festivités ! Baily accueillit chaleureusement son camarade en lui tendant un verre rempli à ras bord qu’il but d’une seule traite.
— Tu ferrais mieux de faire réparer tes portes !
— Tu as essayé de tourner la poignée ?
— Hein ? Quelle poignée ? Sony se retourna furtivement vers la porte, Baily se mit à rire imiter par Thomas et Dan qui perdirent subitement l’envie de rire en croissant le regard noir du capitaine Sony.
Dan les rejoignit légèrement secoué par le coup qu’il venait de se prendre. La capitaine lui lança un regard interrogateur mais il lui sourit et secoua faiblement la tête.
— Ah Dan ! Content de te revoir mon gars.
— Mes respects capitaine, Sony lui adressa un clin d’œil avant de s’affaler sur le canapé recouvert de poussière, prêt à prendre la mer ?
Demain, il rejoindra Centrale pour la première fois depuis 6 ans. La capitaine lui faisait confiance et le juger digne de se tenir à ses côtés face à l’état-major d’Aragon. Il ne se sentait pas de taille à porter un tel fardeau, mais la capitaine ne se trompait jamais, elle possédait un 6ième sens infaillible qui ne l’avait jusqu’alors jamais déçu. Dan sentit son estomac se contracter mais toute peur l’avait abandonné, il se rappela les dortoirs et les camps d’entrainement où tant d’amitiés s’étaient forgées et il sourit. Il n’est plus le jeune soldat qui avait quitté Centrale il y a 6 ans, effrayé de découvrir le monde. Demain, Centrale le retrouvera entant que second du capitaine Baily des factions de l’est. Baily s’approcha de lui et posa sa main sur son épaule, ce contact auquel il n’était pas habitué le fit tressaillir.
— Tu devrais te reposer maintenant, une journée importante nous attend. Nous partirons à l’aube. Le navire de Sony a amarré près de la Crête rouge. Ne soit pas en retard, Dan hocha de la tête et rejoignit Thomas et Hans qui l’attendaient sur le pas de la porte.
— A vos ordres capitaine.
Baily les regarda s’éloigner avec une certaine nostalgie. Elle les avait accueillis à l’est parmi ses hommes et sans même s’en rendre compte ils avaient pris une place importante de sa vie. Elle se souvint de leurs premiers jours, de leur visage encore enfantin et de leurs mains bien trop petites pour tenir une arme. Ils n’étaient que des enfants qu’on avait jetés dans une guerre sans nom. Même si leur sabre avait connu le sang, à ses yeux, ils resteraient à tout jamais des enfants, des enfants devenus un peu trop grands.
L’air frais de la nuit les libéra de la chaleur de la pièce alors qu’ils s’éloignaient du QG et que les premiers effets de l’alcool commençaient à se faire ressentir. Thomas inspira longuement et s’étira les bras au point de les faire craquer.
— Un détour par la Taverne s’impose !
— Hein ?! Sûrement pas ! Vous avez entendu la capitaine ! objecta Dan
— Et en avant ! Hans saisit leur bras et les tira avec lui, Dan résista puis céda et se laissa trainer par ses amis.
Comme à son habitude, la vieille taverne de maître Rieux, où ils avaient pour habitude de se retrouver à la nuit tombée, tremblait sous les pas de la foule. Mineurs, et autres vagabonds noyaient leur insupportable quotidien dans la chaleur de l’alcool et celle d’une douce compagnie. Les jupes de ces dames s’envolaient, emportées par les danses et la fureur de la musique. Attirés par la joie et les cris, les soldats d’Aragon se laissaient eux aussi entrainer dans cette folle nuit. Verres à la main, Dan se frayait un chemin dans la foule à la recherche de Thomas et Hans, attablés à la table du fond qui leur était réservée. Près d’eux, Kosta et Baris, alias l’ours brun, trinquaient et riaient.
— T’en as mis du temps ! lui dit Hans à l’oreille. Dan sourit et salua Kosta de la main. Thomas but son verre et grimaça de dégout.
— C’est infect !
— L’alcool n’a jamais eu vocation à avoir bon goût, lui hurla Hans qui reposa son verre avec force sur la table. Un autre ! Ce soir je défierais l’ours brun à la noyade !
— Tu finiras mort avant même le début du jeu.
— Ne me sous-estime pas, Thomas !
Hans monta sur la table renversant assiettes et verres, ignorant les insultes et les protestations, il se dirigea vers la table de Kosta et s’arrêta à quelques pas de Baris.
— Silence ! beugla-t-il. Tous les visages se fixèrent sur lui et la musique cessa de résonner.
— Baris l’ours brun ! Je te défie aujourd’hui et maintenant à la noyade que le ciel et ces pauvres âmes en soient témoins. Baris vida son verre d’une traite sous les applaudissements, se hissa sur la table aux côtés d'Hans et hurla à son tour
— Qu’on apporte les tonneaux !
Les deux hommes furent allongés sous les robinets des tonneaux, le vainqueur sera celui qui réussira à boire le plus d’alcool sans se noyer. La noyade était un jeu mortel qui avait coûté la vie à plus d’un inconscient mais Hans n’en avait que faire ce soir le titre d’ours brun serait sien. Bientôt un cercle se forma autour des tonneaux et les premiers paris furent lancés.
— Approchez, approchez, les paris sont ouverts !
— Je parie toute ma paye sur l’ours brun, ce gamin ne tiendra pas le premier litre.
— Ne sous-estimez pas la fougue de la jeunesse, répondit Kosta. Je parie tout mon salaire sur Hans !
Le premier litre fut rapidement atteint, Hans tenait toujours la cadence, il arrêta même de respirer pendant un instant et Thomas le pensait mort mais il se remit à boire aussitôt sous les applaudissements et les cris d’encouragements.
— Hans, Hans, Hans ! La foule scandait son nom ce qui l’emplit d’un étrange sentiment, le temps d’une soirée il était devenu un héro. Hans sentit Baris s’agiter et bientôt il ne parvenait plus à suivre le débit d’alcool qui lui brulait affreusement la gorge. Il n’arrivait plus à respirer et eut l’impression de réellement se noyer.
— Accroche-toi Hans ! lui hurla Thomas penchait à moitié sur son corps, j’ai parié toutes mes économies sur toi ! Il ferma ses yeux et avala difficilement la liqueur qui n’avait plus aucun goût. L’alcool dégoulina de la bouche restait ouverte de Baris qui perdit connaissance. Kosta le poussa et le liquide se déversa sur le sol annonçant la victoire tant attendue d’un Hans aux portes de la mort mais le sourire toujours aux lèvres. Thomas le porta sur ses épaules face à la foule en délire
— Acclamez Hans, l’ours brun ! Hans ne pouvant plus tenir sur ses jambes s’effondra une coupe à la main.
Ils quittèrent la Taverne en fanfare, escorté par un groupe de mineurs célébrant le nouveau titre d’Hans. Le sol s'enfonçait à chacun de leurs pas et la lune vacillait étrangement, lentement le brouhaha des mineurs s’effaça pour complétement disparaitre étouffé par les silencieuses vibrations de la nuit. Lorsqu’ils se retournèrent ils n’étaient plus que 3 face à la pleine lune. Dan tenait fermement Hans par les épaules tandis que Thomas trébuchait en les suivant encore engourdi par l'alcool.
— Dépêchez-vous avant que quelqu'un ne nous voie !
— Regarde la lune Thomas ! Elle nous sourit ! cria Hans
— Ce soir c'est le monde qui nous sourit Hans ! répondit Thomas.
— Non, s’indigna Dan en voyant Thomas s’agripper à un muret et grimper dessus. Il atteignit le toit d'une petite maison et se mit à frapper du pied.
— Descends de là, Thomas !
— Votre attention s’il vous plaît ! Aujourd’hui chers amis et camarades nous rentrons dans l’Histoire ! Longue vie à Hans, l’ours brun !
Hans porta son sabre à son cœur et s’agenouilla théâtralement sous les seuls applaudissements de Thomas mais perdit l’équilibre et emporta Dan dans sa chute. Le poids de Hans écrasait la poitrine de Dan qui peinait à respirer, il fit pivoter Hans à coups de pied et se redressa, dégouté par l’odeur d’alcool qui se dégageait de son ami inconscient
— Thomas, descends de là pauvre abruti ! Tu fais honte à ton uniforme. Dan grimpa à son tour et saisit le bras de Thomas qui se tortilla pour s’en échapper, courut au bord opposé sous le regard vaincu de Dan et déboutonna le haut de son uniforme qu’il jeta à terre avant de s’attaquer à son pantalon.
— Qu’est-ce.. que tu fais ?
— Tu as raison je fais honte à cet uniforme, je l’enlève donc, Dan se massa nerveusement les tempes.
— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire et puis tu vas finir par attraper froid comme ça…
— Peu importe. Regarde le ciel, les étoiles essayent de nous dire quelque chose.
— Thomas tu es ivre.
— Non .. enfin oui je suis ivre mais les étoiles là, elles essayent de communiquer, Thomas pointa une constellation du doigt.
— C'est une constellation Thomas, formée par des étoiles si éloignées les unes des autres qu'il faudrait des centaines d'années-lumière pour les atteindre, Dan soupira et saisit le bras de Thomas.
— Rentrons maintenant.
— Et puis ce que je te dis qu'elles essayent de communiquer ! Elles veulent me dire quelque chose mais… mais …
— Mais quoi ! Dan se releva exaspéré.
— Mais j'y comprends rien moi à leur langage d'étoiles !
— « la vie est une triste comédie, tu finiras les os blanchis alors rien ne sert de pleurer mon ami » chantonna Hans en se hissant à son tour sur le toit. Ils le rattrapèrent in extremis alors que son pied glissa sur la façade. Ils le portèrent jusqu’à eux et il posa sa tête alourdie par l’alcool et la fatigue sur l’épaule de Dan. Les yeux mi-clos, murmurant des mots incompréhensibles, il brandit subitement son sabre et manqua de décapiter Thomas.
— Hans mais qu'est-ce qui te prend ?!
— Présentez vos sabres ! Thomas et Dan se regardèrent en osant les sourcils d’incompréhension, présentez vos sabres ! Ils dégainèrent à leur tour leur sabre sans grande conviction et attendirent qu’Hans, qui avait pris ses grands airs, ne leur explique ce qu’il attendait d’eux. Les frères d’Aragon n’étaient pas réellement frères de sang, commença-t-il, ils n’étaient pas reliés par les liens du sang pourtant ils étaient bien frères. Un soir ils décidèrent de sceller à jamais leur fraternité par un pacte en marquant tour à tour leur lame de leur sang. Par ce geste symbolique ils partagèrent leur sang à travers leur épée et devinrent frères de sang. Et c’est ainsi qu’est née la tradition des lames de sang.
— Ca fait beaucoup de sang tu ne trouves pas ? l’interrompit Thomas peu convaincu, Et puis cette légende est si vieille, que personne ne sait si elle a réellement existé.
— La ferme et laisse-moi finir ! Posez vos lames sur la mienne ! Thomas capitula et mit son sabre sur celui d’Hans. Dan, que la situation commençait à amuser, fit de même. Une fois les sabres entreposés les uns un sur les autres, Hans s’entailla la paume avec un poignard et marqua les trois lames de son sang, à vous dit-il à Dan et Thomas qui se regardèrent une nouvelle fois mais finirent par poser leur main tachée de sang sur les lames, notre pacte de fraternité est maintenant scellé, comme les frères d’Aragon de jadis.
— Aux tyrans des murs,
— Et aux héros qui les protègent !
Sur le sable humide, les vagues laissaient une fine mousse blanche sous un ciel d’un bleu intense. Les chaloupes avaient atteint les quais du port et se préparaient à rejoindre le navire amarré au large. Dan regardait les premières lueurs du soleil déchirer le ciel et se déversaient sur la surface lisse de l’eau. Sa montre indiquait 5h30, ils étaient en retard comme à leur habitude et il sourit légèrement en les imaginant profondément endormis encore assommés de la veille.
— Capitaine Baily, tout est prêt pour votre départ. Le capitaine Sony vous attend à bord, Baily acquiesça et prit place à l’avant de la chaloupe.
— En avant vers de nouvelles aventures ! l’optimisme de la capitaine était inébranlable.
— Aventures oui, nouvelles, pas si sûr, marmonna Dan en prenant place à son tour sur l’étroit siège de l’embarcation qui oscilla légèrement. Les moteurs grondèrent et ils prirent de la vitesse en direction du grand large lorsqu’une silhouette courant vers eux se mit à hurler.
— Dan, capitaine ! Hans essoufflé hurlait à pleins poumons, Dan, capitaine ! Bon voyage et bon vent ! Dan reconnut son ami et se redressa pour le saluer à son tour en agitant ses bras.
— Hans ! Où est Thomas ?
— Toute une infanterie n’aurait pas suffi à le réveiller ! Baily ria de bon cœur et brandit son sabre vers la plage dont la lame reflétait la pâle lumière du matin.
—Prenez soin de l’est pour moi ! Le ciel se voila subitement et une rafle de vent fit s’envoler l’étendard qui ornait l’avant de la chaloupe. Se couvrant le visage, contre l’air devenu étrangement glacial, Baily cru apercevoir le drapeau arraché qui flottait à la surface de l’eau. Elle tendit la main pour le récupérer et découvrit avec effroi que ses contours étaient brûlés. Elle laissa le drapeau rejoindre le fond des eaux et le regarda couler doucement jusqu’à disparaître dans l’obscurité des profondeurs. Un pressentiment envahit son esprit mais lorsqu’elle se retourna vers la plage pour le mettre en garde, Hans ne se trouvait déjà plus là.
j'ai hâte de savoir de quoi l'histoire retourne. Le début me fait fortement penser à l'attaque des titans.
petit bémol, mais c'est peut être parce que je suis con, mais j'ai du mal à comprendre qui parle à qui dans le dialogue de la fin du chapitre.
À bientôt ;)
"— Et maintenant, répondit Thomas, Je ne suis plus le seul à avoir l'air d'un abruti. Hans confus fronça les sourcils, son bras toujours tendu ce qui fit rire Thomas."
Je poursuis sur une faute repérée. Tu trouveras avec un petit ctrl+f le mot "rasta", qui, je pense, devait être un "resta".
Y a-t-il une raison particulière à l'usage d'un accent circonflexe pour ce mot "mûrs" ?
Tu as un style vraiment singulier, j'aime beaucoup ta perception des événements, c'est franchement rafraichissant.
Un autre passage m'a agréablement surprise ce : "Bois, Bois, Bois. Encore un effort. Bois, bois, bois. Plus que quelques gorgées. Bois, bois, bois."
Je l'ai interprété d'une façon très joueuse et je crois que "Hans, l'ours brun" serait d'accord avec ça. ;)
Un bon chapitre que tu as là, des petits soucis de ponctuation, mais c'est vraiment la façon dont les évènements sont mis en scène qui donne un aspect spécial à ton récit.
Conclusion, je m'amuse bien à te lire ! ♥
Je crois que les erreurs que j'ai repéré se corrigeront d'elles-mêmes. Tu vas faire progresser ta plume avec le temps et je suis persuadée que très bientôt ce genre de détails disparaitront sans que tu ne t'en rendes compte. D'ici-là, un peu de vigilance dans la relecture s'impose.
En tout cas, tu as du style !
Encore merci pour ton commentaire, j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce chapitre ! J'avais des doutes sur mon humour. . . mais ton commentaire me rassure x)
Pour la correction je ferais de mon mieux pour rendre la lecture plus agréable.
A très bientôt ;)
Je commencerai par le positif : l'aspect onirique / rêve est très bien rendu dans ce premier chapitre. Je me sens transporté ailleurs, et j'aime ça.
Le côté rêveur du personnage de Thomas est intéressant, il y a du naturel dans tout ça qui est frais et plaisant.
L'histoire donne envie de connaître la suite, pour sûr !
La fin du chapitre est forte, à la fois sur la caractérisation du personnage et sur l'envie d'en savoir plus.
Côté un peu moins positif, est-ce que la capitaine dirait vraiment à voix haute ses problèmes de carrière ?
Je trouve que ce chapitre manque d'unité, au sens où les personnages changent de lieux, sortent / entrent etc...
Peut-être le découper en plusieurs parties clairement distinctes aiderait à la compréhension.
Enfin, j'ai relevé un ensemble de petites choses qui m'ont fait buter à la lecture :
leur chance de réussite --> leurs chances
Incessament -> aujourd'hui, ça veut plutôt dire "bientôt" (le sens de sans s'arrêter est plutôt vieilli)
Quelques clichés: chaudes larmes / éclater en sanglots / la foule en délire
Image étrange: aussi rayonnants que les premières lueurs du soleil --> les premières lueurs ne sont-elles pas faibles / peu rayonnantes ?
Phrase bizarre : Hans suivit le bras tendu de Thomas du regard.
Attention, "info dump" comme disent les anglais, sur le paragraphe "la ville minière ..." Ce gros paragraphe est intéressant en information, mais indigeste à lire.
Hans reposa son verre incrédule --> le verre est incrédule ? ;)
Pas mal de répétitions (de nouveau x2) et de typo (tyran des mûrs --> des murs)
J'ai écris tout ça dans une démarche constructive, j'espère que ça te servira !
En tous cas, bravo et bon courage !
Merci pour ton commentaire qui me sera très utile. Pour le côté "indigeste" du paragraphe sur la cité, j'essayerai au mieux de le réécrire. Si la capitaine se permet d'exprimer ses pensées c'est parce qu'il existe une certaine proximité entre elle et ses subordonnés.
A bientôt ;)
Merci de partager votre histoire.
Merci pour votre commentaire. J'espère que la suite vous plaira :)
C'est un chapitre divisé en deux parties
On y distingue une organisation du pouvoir et des villes assez intrigantes
Bravo pour les noms Centrale, Salamandre etc. ca met dans une ambiance étrange et inconnue, c'est chouette. On a envie de comprendre
Dans la deuxième partie, je n'ai pas bien compris comment ils se retrouvaient tous à la taverne. Tous les chemins mènent à la taverne, tu me diras, mais bon :)
Sur la forme, j'ai noté quelques répétitions : par exemple "monde" est répété trois fois en deux lignes au début du texte.
Les dialogues sont biens, mais on m'a fait remarqué (et je suis allé vérifié) les incises (dit-il , cria-t-il etc.) ne prennent jamais de majuscules
La mise en page des dialogues, c'est quelque chose d'un peu désagréable, j'en conviens, mais je préfère te le dire maintenant, plutôt que tu te retrouves comme moi avec un document de 300 pages à corriger entièrement :)
Je crois qu'il y a quelques fautes d'orthographe : comme mûr
Si c'est fait exprès, rien à dire. Par contre si c'est un mur comme un mur de brique, ca ne prend pas d'accent circonflexe
Voilà , j'espère que mes retours t'aideront un peu
En tout cas, continue, parce que les débuts sont prometteurs
A plus !
Encore merci pour tes conseils, ils me sont très utiles ! Etant donné que je n'ai aucune expérience dans l'écriture pourrais-tu préciser ce que tu entends par "mise en page des dialogues" ? Est-ce qu'il existe une forme particulière de mise en page ?
Merci pour tes réponses et à bientôt :)
Beh apparemment, oui, ca existe
Déjà, utiliser le tiret cadratin (c'est un caractère spéciale pour les dialogues, un tiret allongé, tu en trouveras plus sur le net)
Les incises ne prennent pas de majuscules. Par exemple :
- Regarde la lune Thomas ! Elle nous sourit. cria Hans
Deviendrait :
— Regarde la lune Thomas ! Elle nous sourit ! cria Hans.
Ce genre de truc.. Mais je ne suis spécialiste non plus :)
A bientôt !